Liens du sang (les) Vol.1 - Actualité manga
Liens du sang (les) Vol.1 - Manga

Liens du sang (les) Vol.1 : Critiques

Chi no Wadachi

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 12 Avril 2019

Chronique 2
  
En quelques années, Shuzo Oshimi est devenu un mangaka remarqué en France, chose que l'on doit en premier lieu aux éditions Akata avec la publication de Dans l'intimité de Marie à partir de 2015. Janvier 2017 a vu arriver aux éditions Ki-oon son oeuvre la plus célèbre, Les Fleurs du Mal, et janvier 2018 a été le mois du lancement chez Pika Edition de Happiness. Que ce soit par le prisme du fantastique ou non, chacune de ces oeuvres voit l'auteur aborder en profondeur des tourments propres à la jeunesse et à l'adolescence, comme le sentiment de ne pas être soi-même, la difficulté d'entrer dans le monde adulte et de se conformer au moule, le rapport au sexe opposé et à la sexualité... En ce mois d'avril, avec la série Les Liens du Sang qui marque le retour de l'auteur chez Ki-oon, Oshimi semble décidé à poursuivre cette exploration, mais sous un angle encore différent et provoquant peut-être encore plus le malaise que ses récits précédents.

Tout commence par des premières pages en couleur, où un petit garçon d'environ 3 ans se promène avec sa mère, jusqu'à tomber sur un chat allongé au bord de la route. Pensant qu'il dort, l'enfant demande à sa mère s'il peut le caresser, la mère lui dit oui... mais le chat est tout froid. Il est mort, chose que la mère affirmer à son enfant avec un étrange et inquiétant sourire sur le visage... Depuis cet incident dont Seiichi, l'enfant en question, ne se souvient qu'en rêve, environ 10 ans se sont écoulés. Le petit garçon est devenu un adolescent allant désormais au collège, où il vit une scolarité somme toute raisonnable: des 20 partout sauf en sport, des taquineries avec ses camarades de classe, un fort et timide intérêt pour la mignonne Yuiko... Et à la maison, tout semble bien se passer. Son père a beau être rarement là à cause de son travail qui lui prend beaucoup de temps, il peut compter sur es visites régulière de sa tante et de son cousin Shigeru avec qui il s'amuse bien... et, surtout, sur sa ère, Seiko, qui est toujours aux petits soins avec lui... sans doute beaucoup trop. En effet, Seiko colle toujours son enfant, tend à le traiter parfois encore comme un bébé, et même la tante et le cousin le remarquent. Cette mère montre la plus profonde attention et affection pour lui, mais c'est certain, quelque chose cloche. Et quand Seiichi s'en rend pleinement compte, il est déjà trop tard...

La famille est un sujet que Shuzo Oshimi a déjà glissé dans ses précédentes oeuvres, souvent plutôt en second plan, mais en dépeignant souvent des parents pouvant être des obstacle à l'épanouissement et à la "recherche de soi" des héros adolescents. Avec Les Liens du Sang, ce thème de la famille, le mangaka devrait enfin lui offrir le premier rôle, et pour le moment l'auteur promet de dépeindre plus que jamais l'aspect castrateur de cette famille, à travers une mère beaucoup trop protectrice... Ayant toujours grandi surprotégé, le jeune Seiichi ne se rend pas forcément compte que ce n'est pas normal, puisqu'il n'a jamais connu d'autre situation. Et on suit donc avec un sentiment de malaise d'autant plus fort son quotidien auprès de cette mère bien souvent envahissante, tournant absolument toutes ses attentions vers lui, lui réclamant parfois des câlins et lui faisant soudainement des bisous comme s'il avait encore 5 ans, prétextant souvent la venue de la tante et du cousin pour ne pas le laisser sortir avec ses amis... Il y a l'amour maternel, bien sûr, mais en filigranes, on ne cesse de comprendre, avant le jeune Seiichi, qu'il y a autre chose, de plus inquiétant. Oshimi distille à merveille ses indices laissant doucement deviner une folie camouflée: regards profonds où il semble y avoir plus que de l'amour maternel, petites montées de malaise marquées par des pleines pages ou des double-pages en plan très rapproches, sourires étranges de Seiko quand il est question de la mort... Il ne se passe pas forcément grand chose pendant la majeure partie du tome, mais Oshimi installe à merveille son cadre et surtout son ambiance malaisante à souhait où les inquiétants problèmes se laissent subrepticement deviner... jusqu'à l'explosion finale des deux derniers chapitres, qui viennent offrir avec fracas un premier drame insondable, qui semble marque le vrai départ de l'oeuvre.

Son récit, Shuzo Oshimi le prote à la perfection avec des visuels où il renouvelle encore juste ce qu'il faut dans son style. Ici, l'auteur offre un ensemble assez réaliste, que ce soit dans les personnages ou dans les décors, avec un découpage de cases plus académiques que lors des envolées de Happiness par exemple. Cela colle parfaitement à l'atmosphère quotidienne crédible que l'auteur veut instaurer, mais il y a un dernier élément important à rendre ne compte: Oshimi n'utilise pas de trames classiques là où l'on est habitué à en avoir. Tout semble dessiné "à la main". Les ombres, les vêtements, les décors... tout est rempli avec de nombreux traits et hachures, des encrages profonds ou des aplats de noir, et cela fait ressortir dans l'oeuvre une atmosphère supplémentaire, qui colle notamment très bien à la chaleur et à l'étouffement de la saison estivale pendant laquelle se passe ce début d'histoire.

Entrée en matière remarquée, donc, pour la nouvelle série de Shuzo Oshimi, le mangaka installant comme il se doit, par la force de son trait, de ses cadre, de son ambiance, de son pouvoir de suggestion, un récit malaisant où il devrait aborder une relation mère-fils étouffante mais aussi bien d'autres choses...

L'édition française est belle, dès sa jaquette granuleuse offrant un certain cachet au livre. A l'intérieur, on a un papier bien souple, épais et sans transparence, une excellente qualité d'impression, et une traduction très soignée et immersive de Sébastien Ludmann. Petite mention spéciale aux quelques pages bonus de croquis façon "album de famille", qui nous en révèlent un peu plus à partir de la date de naissance du héros: 1981, ce qui signifie non seulement que l'histoire se déroule dans les années 1990, mais aussi qu'il y a peut-être une part de vécu de l'auteur, puisque lui-même est né en 1981...
  
  
Chronique 1
  
Jusqu'à il y a quelques années, Shuzo Oshimi était largement méconnu en France. En 2015, les éditions Akata prirent le risque de faire découvrir l'auteur avec Dans l'Intimité de Marie, récit dont le succès commercial fut timide, avant que Ki-oon rebondisse avec Les Fleurs du Mal en 2017. Après un passage chez Pika Edition avec Happiness, l'auteur est de retour chez Ki-oon avec sa dernière œuvre en date, toujours prépubliée au Japon : Les Liens du Sang. Lancée en 2017 sous le titre Chi no Wadachi, dans les pages du magazine Big Comic Superior des éditions Shôgakukan, le récit compte actuellement cinq tomes à l'heure où ces lignes sont écrites, dans son pays d'origine.

A première vue, Seiichi est un adolescent comme les autres. Il est particulièrement attentif en cours, malgré une petite faiblesse en sport, a sa petite bande de copains, et ressent même des sentiments tous particuliers envers Yuiko, une fille de sa classe. Mais ce qui caractérise le jeune homme, c'est bien sa famille, et plus particulièrement sa mère. Particulièrement attentionnée envers son fils, Seiko semble même le couver un peu trop, accompagnant son amour maternel par des gestes affectifs. Une attitude que l'entourage de Seiichi va remarquer de plus en plus et qui pourrait avoir un impacte dramatique sur sa petite vie paisible...

Shuzo Oshimi est un auteur qui aime parler de l'adolescence dans ses œuvres, et notamment des chamboulement vécus dans cette période si particulière de la vie d'un individu. On retrouve cette volonté de manière explicite dans Les Fleurs du Mal, et d'un point de vue plus métaphorique dans Happiness. Avec Les Liens du Sang, le mangaka s'intéresse à une idée idée, celle de la famille et de son rôle pour un adolescent qui s'épanouit.

Plus précisément, il développe dans ce première tome une vision toxique de la famille, avec le cas du jeune Seiichi et de sa mère particulièrement couveuse. Le mot toxique n'est pas exagéré tant presque chaque apparition de Seiko vient renforcer tout le malaise présent dans ce premier volume. Ici, la famille n'est pas représentée comme un foyer chaleureux mais une source de dérangement. Les attentions trop appuyées de la mère de Seiichi, surtout quand on sait que les gestes tactils sont beaucoup moins courant au Japon qu'en France, créent souvent de l'embarras, de même pour les représentations graphiques de Shuzo Oshimi qui dépend la mère comme un être particulièrement inquiétant. Il y a donc une opposition, assumée, entre l'idée générale d'une mère, aimante et chaleureuse, et le personnage de Seiko qui met le lecteur mal à l'aise à chaque page.

Une démarche assumée, oui, car la toute fin du tome confirme toutes les intentions de Shuzo Oshimi. Cette conclusion s'annonce comme le véritable élément déclencheur du récit, créant une réelle stupeur tout en renforçant notre peur de Seiko qui se confirme comme un personnage de plus en plus complexe, mais aussi particulièrement effrayant. Et, une fois encore, l'auteur prend comme figures principales des personnages ordinaires en apparence, mais meurtris pas des maux profonds qui se dévoileront, sans aucun doute, au fil de l'avancée du récit.

Visuellement, nous l'avons dit, tout est porté sur le malaise général, et sur la violence psychologique de certaines scènes bien précises. On notera alors que sur chacune de ses œuvres, Shuzo Oshimi apporte une dynamique graphique nouvelle qui sert les intentions du récit. Si dans Happiness il part dans différentes métaphores visuelles pour exprimer les changements intérieurs de Makoto, sa narration est plus terre à terre dans Les Liens du Sang, mais appuie efficacement tout le dérangement véhiculé par l'intrigue et ses personnages.

Du côté de l'édition, on saluera le très beau travail des éditions Ki-oon, notamment son papier de qualité et cette couverture granuleuse, un peu comme un album de photo familial, ce qui sied parfaitement au titre, et avec une certaine ironie.
La traduction, elle, a été confiée à Sébastien Ludmann qui propose un très bon travail, et sait notamment appuyer la douceur étrange du titre.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.75 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs