Happiness Vol.1 - Actualité manga
Happiness Vol.1 - Manga

Happiness Vol.1 : Critiques

Happiness

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 29 Mai 2018

Critique 2


S'il a fallu un certain temps pour qu'il s'impose, Shûzo Ôshimi est enfin un auteur publié de manière récurrente en France. On ne pourra que remercier les éditions Akata pour avoir pris le risque de publier Dans l'intimité de Marie, ainsi que les éditions Ki-oon pour l'exceptionnel Les Fleurs du Mal du même auteur. Profitant de la présence de l'auteur dans l'écurie Kôdansha sur l'une de ses séries en cours, Pika Edition a aussi mis le grappin sur le mangaka et nous propose de son côté Happiness, titre oscillant entre tranche-de-vie et fantastique et comptant sept tomes au Japon à l'heure où ces lignes sont écrites.


Lycéen assez discret, Makoto est la cible d'un petit groupe d'élèves de sa classe qui voit en lui le parfait larbin. Se contentant d'encaisser, le jeune homme subit son quotidien sans broncher. Un soir, dans la rue, il est attaqué par une mystérieuse fille en haillons qui mord Makoto dans son coup, avant de voir son sang. L'étrange créature lui propose de choisir : mourir ou vivre en devenant comme elle. Makoto préférant la vie, il voit désormais son quotidien chamboulé par le changement qui s'effectue à l'intérieur de lui, et de la soif de sang qui commence à l'habiter...


Shûzo Ôshimi est un auteur apprécié par sa manière de traiter de l'adolescence, période clé de la vie d'un individu qui semble passionner le mangaka et l'a amené à nous proposer des pépites comme Dans l'intimité de Marie et Le Fleurs du Mal. Avec Happiness, l'auteur prend de nouveau le parti d'une tranche-de-vie lycéenne, en y apportant un soupçon de fantastique. Shûzo Ôshimi revisite ainsi le mythe du vampire à sa sauce en faisant de Makoto, un lycéen banal qui subit les brimades de certains camarades, devenir à son tour un buveur de sang. Ce premier tome se concentre ainsi sur tous les changements qui opèrent chez le jeune homme : son envie de boire le sang de ceux qui l'entourent, ses malaises du quotidien dû à ces chamboulements, et des excès de violences qui naissent en lui. Un véritablement changement en lui qui va l'amener à commettre certains actes qui vont grandement faire évoluer son quotidien et amènera Makoto à tirer une croix sur sa situation d'élève harcelé.


Le plus intéressant dans ce premier tome vient donc de la manière du mangaka d'associer fantastique et tranche-de-vie lycéenne. Pour le moment, l'auteur ne veut pas forcément nous parler de vampire, la transformation de Makoto n'étant pour l'heure qu'un prétexte à développer les changements du jeune homme et l'impact que cela aura sur sa vie de lycéen. Un moyen de s'émanciper au sein de sa classe, de s'affirmer auprès de certains, de rencontrer de nouvelles personnes dont la sympathique Yukiko qui sera le premier soutien pour le jeune homme, tout en traitant la relation entre Makoto et le reste de sa famille qui s'inquiètera évidemment pour lui. On le comprend assez vite, Shûzo Ôshimi utilise avec intelligence cette transformation en vampire comme une métaphore pour symboliser l'adolescence qui frappe le protagoniste. La puberté est la période d'une vie qui amène le changement, aussi bien corporel que psychologique et social, tant d'idées qu'on retrouve dans la manière dont la vie nouvelle du héros va occasionner des changements dans son quotidien. Des changements souvent très négatifs aux yeux du protagoniste en constat état de malaise et troublé par sa soif de sang, mais aussi positif par la manière dont le récit nous présente certaines choses. La rencontre avec Yukiko nous apparaît comme un point vraiment optimiste dans la vie du jeune homme, de même pour la séquence finale qui confirmera que l'opinion de son entourage commence à changer, et qu'il ne considère plus le protagoniste comme un faible.


Il sera donc passionnant de suivre cette évolution, voir quels liens Makoto entretiendra avec son entourage, comment il endossera ses mutations intérieures, et voir si le mythe de vampire sera exploité de manière à aller plus loin, par exemple en développant la mystérieuse buveuse de ssang qui attaque notre héros en début d’œuvre. Tout un programme qui nous laisse donc confiants pour la suite du récit.


Enfin, c'est bien par sa mise en scène que ce premier tome de Happiness brille. Shûzo Ôshimi opère une narration particulièrement intelligente quand il s'agit de retranscrire le malaise que subit Makoto, sa manière de montrer la vision du héros ayant de quoi perturber le lecteur au même titre que le protagoniste. A ceci s'ajoute sa patte graphique sur les personnages, toujours aussi reconnaissance, et son travail particulièrement expressif sur les visages. Retrouver le style Ôshimi se fait donc une nouvelle fois avec grand plaisir !


Du côté de l'édition, on saluera le très bon travail de Pika, le papier épais utilisé, le papier mât choisi pour la couverture, et la traduction très convaincante de Thibaud Desbief.


Critique 1


Makoto Okazaki, lycéen en seconde, est le genre d'adolescent plutôt effacé et subissant un peu sa vie. En cours, il est le souffre-douleur de certains camarades de classe emmenés par Yûki, et ne doit ses moments de plaisir qu'à son ami Nunoda et à certains brefs instants fugaces propres à l'adolescence, comme les culottes des filles. Chez lui, il a une famille aimante, mais ses parents ont visiblement tendance à un peu le comparer au grand frère Satoru. En somme, un quotidien d'adolescent plutôt banal, un peu mal dans peau... mais dont la vie va changer du tout au tout quand, un soir, il est agressé dans la rue par une étrange jeune fille qui bondit depuis les hauteurs pour venir lui sucer le sang... A l'heure de finir son "repas", la demoiselle s'apparentant à un vampire lui demande s'il préfère mourir, ou continuer à vivre, mais en devenant l'un de ses semblables. Makoto ne veut pas mourir, et est laissé inanimé. Quand il se réveille dans une chambre d'hôpital, éblouit par la lumière, il commence à ressentir eu à peu des changements qui s'opèrent en lui...


Déjà connu en France pour les excellents Dans l'intimité de Marie (paru aux éditions Akata) et Les Fleurs du Mal (sorti aux éditions Ki-oon), Shûzô Oshimi connaît un troisième éditeur, Pika, pour sa troisième oeuvre publiée dans notre pays. En cours de parution depuis 2015 dans le Shônen Magazine de Kôdansha, Happiness voit le mangaka se réapproprier la figure éculée du vampire, en suivant visiblement un déroulement proche d'un récit comme la Métamorphose de Kafka. Sur le papier, rien de forcément très original, mais c'est bien la manière dont l'auteur va utiliser ce sujet sur la longueur qui va conférer à son manga de profondes qualités autant scénaristiques que visuelles, où la lente transformation de Makoto d'humain vers vampire deviendront surtout une métaphore du délicat et difficile passage de l'adolescence vers l'âge adulte.


L'adolescence, encore, et ses tourments. Le sujet de prédilection d'Oshimi, déjà au coeur de Dans l'intimité de Marie et des Fleurs du Mal, sera à nouveau présent dans Happiness. Dans Dans l'intimité de Marie, l'auteur questionnait beaucoup la question de l'identité, tandis que dans les Fleurs du Mal il est notamment question du spleen adolescent et de la sensation d'être étouffé par la société normalisée. Loin de se répéter, l'auteur évoquera plutôt, cette fois, l'étape allant de l'adolescence vers l'âge de jeune adulte. Mais pour l'instant, avec ce premier volume, nous ne sommes encore que dans une phase d'introduction, de mise en place où, après avoir été rapidement agressé par la mystérieuse fille vampire, Makoto ressentira en lui de lents changements, mettant à mal son regard sur lui-même, et pouvant s'apparenter à une phase de puberté. Tout comme on peut craindre et s'interroger en voyant son corps changer pendant la puberté, Makoto a peut de ce qu'il est en train de devenir petit à petit, avec notamment son désir de sang...


Autour de lui, une petite palette de visages se met bien en place, en restant pour l'instant classique, mais en intriguant efficacement. Il y a notamment Yûki et Nao qui semblent changer de regard et de comportement face à un Makoto qui change, mais il y a surtout Yukiko Gosho, jeune fille pour l'instant un peu étrange, séduisante dans son comportement un peu différent, et qui pourrait devenir à sa manière une aide précieuse.


Pour tout mettre en place, Oshimi installe d'emblée une patte visuelle assez aboutie et plutôt captivante. Les premières pages (sublimes dans leur style) passées, on découvre d'abord Makoto dans une certaine banalité de ton, avant que l'attaque n'arrive et qu'il ne commence à changer. Oshimi représente la lente transformation de son jeune personnage principal en déformant les perspectives et en brisant le cadre strict des cases, pour une forte sensation de perte de repères. Mais il ne s'arrête pas là : les décors, jeux d'ombre et petits jeux de perspectives sont nombreux, et il aime également faire ressentir l'atmosphère avec des gros plans, par exemple sur l'eau du robinet, sur les gouttes de pluie, sur des vues de certains recoins de la salle de classe et du lycée... le sens des détails comme les gouttes d'eau tend aussi à accentuer un autre aspect : une sorte d'"éveil des sens" chez Makoto, qui passe par la captation des odeurs de sang, mais aussi par un léger érotisme dégagé d'emblée par la vampire, puis par l'attirance pour les jambes, puis par Yukiko dans une certaine scène.


Au bout du compte, Happiness s'offre une entrée en matière assez fascinante dans sa tonalité et son style, mais il ne s'agit encore que de l'introduction d'un récit qui ne fera que s'améliorer, en exploitant la thématique vampirique pour étudier à nouveau l'adolescence.


Pour l'édition française, Pika, qui a classifié la série en seinen, a fait le choix de rester très fidèle à la jaquette japonaise, y compris dans l'écriture du titre, pour un résultat très beau. A l'intérieur, on a droit à une qualité d'impression honnête sur un papier alliant souplesse, épaisseur et absence de transparence. L'encre ne bave pas, le travail d'adaptation graphique de Clair Obscur est soigné, les polices sont souvent bien choisies, et l'expérimenté Thibaud Desbief livre une traduction très convaincante.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

15.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs