Gun Frontier Vol.1 : Critiques

Gun Frontier

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 07 Août 2017

L’éditeur Black Box a à cœur de proposer, en France, l’œuvre d’auteurs phares des années 70 et 80. Leur exemple le plus pertinent est Go Nagai dont les grands titres sont rendus disponibles, mais Leiji Matsumoto a aussi eu droit à ses propres éditions. Si ce dernier est évidemment réputé pour Albator, certaines de ses œuvres sont plus méconnues, l’une d’elles étant Gun Frontier, un western décalé et érotique dessiné entre 1972 et 1975. La série a pourtant séduit, au point de bénéficier de sa propre série d’OAV en 2002, sortie en France aux éditions Kazé. Initialement en trois volumes, c’est dans une édition en deux tomes que Black Box déterre ce récit d’aventure, à travers deux pavés dont le premier propose pas moins de 290 pages.


L’Ouest américain est impitoyable. Au sein de celui-ci, Tochirô et Harlock sont deux vagabonds, arpentant ces contrées dans un but mystérieux. Le premier n’a aucun talent au revolver, mais manie le katana à la perfection tandis que son compère représente tout l’inverse. Leur aventure prend un nouveau tournant lorsqu’ils rencontrent la séduisante et énigmatique Shinunora, une femme qui décide de les accompagner. Et si Tochirô et Harlock poursuivent leur propre but, Shinunora répond aussi à ses propres objectifs…


Avec Gun Frontier, Leiji Matsumoto explore l’Ouest américain de manière loufoque et absurde. Malgré une couverture plutôt sombre et présentant Tochirô en guerrier du Far West, le récit démontre tout le contraire du visuel et constitue plutôt une lecture sans prise de tête, aux courts chapitres indépendants amenant chacun une aventure. Gun Frontier, c’est les péripéties d’un trio dans l’Amérique post guerre de Sécession, et une ode relativement décalée aux westerns. Peu de choses sont à prendre au sérieux dans Gun Frontier qui détourne les codes du genre pour les traiter avec une absurdité assez savoureuse. Chaque chapitre (ou presque) compter l’arrivée des trois héros à une destination précise, tout autant de prétexte pour faire un peu n’importe quoi avec le contexte bien présent de l’œuvre. Dans cet univers sans foi ni loi, la vie a peu d’importance, ce qui aboutit à des séquences d’une grande absurdité, notamment parce que l’ensemble du casting se montre en permanence un peu simplet. Les fameux bars du Far West sont tout autant de lieux improbables où tout peut arriver, tandis que les autorités locales symbolisent parfois une menace si débile qu’il ne faudra pas grand-chose à nos trois compères pour se tirer d’affaire. Ce second degré est très marqué par le design minimaliste, très cartoonesque souvent, de Leiji Matsumoto qui ne cherche jamais à ce que l’on prenne les événements au sérieux. Tout (ou presque), est une manière de rire, y compris les grands bandits de l’Ouest américain qu’on pourra retrouver crevé deux pages plus loin à cause de leur débilité, tandis que le running gag des montures décédées de nos héros servant de grillade de luxe reviendra bien souvent, de manière efficace d’ailleurs.


Oui, on rit dans Gun Frontier, et on se prend au jeu dans cette ambiance assez improbable. Pourtant, un scénario existe et se met progressivement en place avant d’être traité légèrement à chaque chapitre : celui des origines de Tochirô et Harlock. Tous deux sont emplis de mystères, une intrigue qui sera traitée progressivement et accentuera une nouvelle dimension de cet univers sans scrupules où le racisme et la ségrégation sont dominants, au grand damne de nos deux héros. Si ce scénario intrigue, il sert pourtant plus de prétexte pour créer quelques situations nouvelles que d’un récit minutieusement traité. Il en va de même pour Shinunora, rapidement présentée comme une femme fatale faisant double jeu, un autre prétexte qui constitue aussi le gros point faible de ce premier tome : la misogynie de Leiji Matsumoto. Si le contexte historique peut justifier certains points, la présence de bordels et de femmes de joie par exemple, difficile de passer outre l’instrumentalisation de Shinunora qui sert surtout de bétail sexuel. De ses rapports intimes complètement loufoques avec Tochirô et Harlock ou la manière dont celle-ci se fait violée régulièrement sans en être affectée, et sous les yeux de tout le monde, difficile de ne pas ressentir une gêne en lisant Gun Frontier. Et c’est dommage puisque ce gros défaut entache tout notre plaisir en plus de ruiner un peu le rythme des chapitres. Heureusement, l’auteur teinte sa narration d’une ambiance visuelle sombre dans ces moments-là, les notes d’ombre et de noir masquant les détails pour rester dans la suggestion. Un défaut limité donc, mais quand même bien présent.


L’aspect graphique du titre est donc une force, notamment dans l’absurde qu’il génère. Les personnages secondaires sont rendus volontairement grotesques et du côté de Tochirô et Harlock leurs designs servent bien les deux personnages. En particulier Tochirô, ses mimiques et sourires béats rendent l’énergumène aussi stupide qu’attachant, ce qui contribue bien souvent à l’humour dans chaque chapitre. Un trait léger, certes, mais qui sert totalement une ambiance.


Concernant l’édition, Black Box livre une bonne copie. Le papier, fin, est de qualité et permet une bonne prise en main de l’ouvrage pas si épais que ça malgré son grand nombre de pages. La traduction de Guillaume Hesnard est aussi très efficace et sert bien l’absurdité ambiante du récit.


Le bilan de ce premier tome de Gun Frontier dépendra alors des sensibilités du lecteur. Si le récit se montre très amusant dans sa loufoquerie et son humour, bien qu’il soit répétitif dans l’ensemble, le personnage de Shinunora est un point faible indéniable tant la jeune femme ne sert qu’à montrer du sexe et des viols, tout le long le tome. Agaçant et gênant d’une part, voilà qui gâche vraiment le ton de l’œuvre, Leiji Matsumoto ayant confondu ici vulgarité sans morale et érotisme raffiné. Dommage, car en dehors de ça, Gun Frontier demeure un bon divertissement !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
11.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs