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Voq

De Voq [677 Pts], le 11 Mars 2021 à 23h59

13/20

Tout comme pour les livres, entre deux « gros » jeux, j'intercale souvent un titre plus modeste, histoire de souffler un peu. Quand j'y pense, ça revient à dire que je me repose d'avoir trop joué en passant à un jeu moins addictif et chronophage... serais-je en train de me plaindre d'aise ? Quoi qu'il en soit, de ce point de vue, Lost Sphear a parfaitement rempli son rôle : JRPG pas trop long (une petite quarantaine d'heures pour en faire le tour, c'est modeste pour le genre), suffisamment agréable à prendre en main pour qu'on ait envie de poursuivre l'aventure mais pas non plus du genre à ne plus nous laisser lâcher la manette. Bref, de quoi passer un bon moment, mais pas de quoi marquer durablement les esprits ; si de mon côté il y a de fortes chances pour que son souvenir s'estompe au fil de mois, ce n'est pas uniquement parce qu'il s'est retrouvé coincé entre Trails Of Cold Steel IV et Persona 5 Royal (d'accord, ça n'aide pas, c'est pour ça que j'ai dit pas uniquement).

Pour faire simple, Lost Sphear, c'est une volonté de revenir à du JRPG à l'ancienne, tout en lui conférant sa propre patte, et que Square Enix se soit positionné en éditeur a contribué à le populariser un minimum. Certes, si l'on associe Square Enix et retour au JRPG à l'ancienne, Octopath Traveler sur Switch a bien davantage fait parler de lui, mais force est de reconnaître que ce dernier était autrement plus ambitieux (bien que foireux pour à peu près tout ce qui ne concerne pas le système de combat et l'aspect visuel, mais ceci est une autre histoire). Lost Sphear (que j'abrégerai dorénavant en LS), de son côté, au-delà de ses petites originalités, se complaît sans doute un peu trop dans sa dimension rétro.
Ici, par rétro, contrairement à pléthore de jeux qui donnent de manière plus ou moins convaincante dans le 8 ou 16-bits, il faut plutôt entendre l'époque de la PS1, sans oublier (heureusement !) la vingtaine d'années de recul qu'on a désormais sur cette période : LS est sans aucun doute bien plus accessible à un joueur d'aujourd'hui qu'un vrai jeu d'époque, tout en conservant le charme d'alors, quand les mécaniques étaient davantage pensées pour l'efficacité que pour le réalisme.

Rétro, donc, et visuellement, c'est un choix à double tranchant. S'il faut reconnaître que d'une manière générale les décors rendent plutôt bien et que quelques plans sont même très jolis, côté personnages, c'est pas la même soupe. Pour donner une idée : ils sont moins détaillés et moins bien proportionnés que les persos du FF VII original. D'accord, à moins de farfouiller dans les menus, ils n'apparaissent absolument jamais en gros plan, on ne peut donc pas dire que ça choque vraiment, mais ajoutons à ça : pas de cinématiques (ni 3D ni 2D, probablement plus un choix budgétaire qu'artistique), ni de représentation de visages lors des dialogues / saynettes (comme on peut en voir dans les Tales Of ou Persona, entre autres), des dialogues justement qui font le job mais ne brillent pas non plus par leur écriture, l'absence totale de voix en dehors des combats (un choix que je trouve assez étrange : quitte à ne pas avoir les moyens de doubler intégralement le jeu, j'aurais trouvé plus pertinent d'avoir des voix pour les scènes-clé), ou encore des personnalités très peu approfondies, et le constant s'impose : les persos sont là pour leurs compétences au combat d'un côté, pour faire avancer l'histoire de l'autre, et ça ne va pas plus loin.

L'histoire d'ailleurs, parlons-en : elle est là parce qu'il en faut bien une. D'étranges phénomènes surviennent sans prévenir, mais notre jeune héros orphelin va se découvrir un pouvoir tout aussi étrange qui pourrait bien y remédier. Avec ses deux amis d'enfance (la fille violente au premier abord mais au grand coeur et dont la relation avec le héros est exactement le cliché habituel qu'on attendait, et le pitre de service) ainsi qu'un type louche qui passait par là, ils se mettent en route pour la capitale avant de devoir sauver le monde entier, récoltant au passage des compagnons d'aventure divers et variés. On n'oublie pas l'empire qui les embringue afin de sauver son peuple mais dont les intentions cachées ne sont pas si louables, des militaires bêtes et méchants, les ruines d'une civilisation ancienne, un zigoto qui a décidé de devenir dieu et s'avère donc le grand méchant de l'histoire, des explications tarabiscotées pour noyer le poisson, et le tour est joué. Même les scènes qui pourraient susciter l'émotion sont trop banales et impersonnelles pour avoir un impact quelconque.
En somme, à part la fin qui ne finit pas grand chose (Le grand méchant pas beau est vaincu, hourra ! Ah par contre tous les problèmes qu'il causait sont toujours là et vont même en s'empirant. Pas satisfaisant pour deux sous, mais plutôt original si l'on compare au happy end bateau auquel on s'on attendait.), le plus original dans l'histoire, c'est encore les étranges phénomènes qui frappent le monde et qui surtout justifient une partie du gameplay. Parce qu'à ce stade, on ne va pas se le cacher, si on trouve de l'intérêt à Lost Sphear, c'est bien plus du côté de son gameplay et accessoirement de son univers que pour son histoire et ses personnages.

L'idée de base ? Des objets, des gens, voire des villes entières ou des portions de paysage disparaissent, remplacés par une espèce de brume blanche impénétrable. Et toutes ces choses perdues, notre héros va se découvrir le pouvoir de les restaurer, mais seulement s'il dispose des souvenirs adéquats. Ces souvenirs, il va donc les récolter en parlant à des PNJ, en examinant des bouquins ou d'anciennes inscriptions, en les ramassant par terre, et le plus souvent en battant des monstres. Parce que les monstres sont constitués de souvenirs, c'est parfaitement logique. En tout cas ce n'est pas plus idiot que de les ramasser par terre.
Bref, là où les restaurations qui ponctuent l'intrigue servent juste à faire avancer l'histoire, ça devient plus intéressant pour celles que l'on effectue au gré de nos explorations du monde.

Le monde, en gros, c'est des villes, des donjons, et pour relier tout ça on se déplace sur une map, comme dans... à peu près tous les vieux JRPG connus, que ce soit en 2D ou début 3D. Et pour s'y déplacer, on est d'abord à pied, puis on obtient un bateau, pour finir par voler, comme dans... voilà, pareil. Le plus surprenant, c'est que contrairement aux jeux classiques, on ne rencontre pas de monstres sur la map, ceux-ci sont réservés aux donjons (et aux villes quand l'histoire le demande). Mais bref.
Régulièrement en se promenant sur la map, on tombera sur des zones blanches (donc « perdues »), que l'on pourra restaurer tout en créant un artéfact si l'on dispose des souvenirs nécessaires. Et la création de ces artéfacts, dont le choix s'étoffe à mesure qu'on progresse dans le jeu, impacte directement les combats. Ça peut permettre de voir la barre de vie des ennemis, ou d'augmenter le taux d'apparition de tel monstre qui rapporte argent ou expérience (même si celui-ci ne marche pas des masses), mais le plus souvent il s'agit surtout de bonus dont on tiendra compte dans nos stratégies : bonus d'attaque ou de défense selon les déplacements ou la position des persos, bonus de coups critiques (au risque de conférer les mêmes bonus à l'ennemi), augmentation d'une stat au détriment d'une autre, effets d'« exomechs » ou de « points setsuna » (on y viendra)... On ne s'en rend pas forcément compte sur le coup, mais on apprend à se reposer de plus en plus sur tous ces effets, au point de se retrouver quelque peu désemparé quand on arrive dans une phase de jeu où ils ont disparu.

Côté combats, puisqu'on en arrive là, on a droit à du tour par tour dynamisé par un système de jauge ATB tout droit sorti de FFVII. Rassurez-vous, pour le reste, on ne se contente pas de copier les vieilles recettes.
Déjà, détail pas si courant pour du tour par tour (à moins de partir carrément vers du Tactical-RPG), les personnages et adversaires se déplacent dans l'arène de combat (bien que fonctionnant différemment, on pourrait rapprocher ça du système de déplacements des Trails Of Cold Steel). Et sachant que les attaques et compétences amies comme ennemies se caractérisent par leur zone d'effet (cible unique, cercle plus ou moins large, ligne droite...), on réalise vite qu'il est primordial de bien gérer ses positions et déplacements.
Concernant les actions utilisables au combat, on a évidemment les attaques, chaque personnage ayant son arme attitrée (épée, poings, marteau, arc...) avec la zone d'effet associée. Pour rester sur du classique, on peut également opter pour l'utilisation d'objets ou la fuite, ainsi que des compétences elles aussi spécifiques à chaque perso : les soins, ce n'est pas donné à tout le monde, idem pour les sorts élémentaux ou les compétences plus physiques. Elles s'acquièrent en boutique en échange de souvenirs (euh... oui, on va éviter de trop réfléchir au pourquoi du comment). Mais au-delà de ça, le système de combat bénéficie de deux spécificités.
Un, assez tôt dans le jeu, on obtient des « exomechs » que l'on peut équiper/retirer au cours de l'exploration ou directement en combat (les personnages rencontrés plus tard en ont également, même si pour certains on ne sait pas d'où ils les sortent). Ces exomechs confèrent de nouvelles puissantes capacités ou renforcent celles dont on dispose déjà, mais l'énergie s'épuise très vite, donc à utiliser avec parcimonie. (Personnellement, je ne m'en suis servi que contre certains boss.)
Et deux, à utiliser sans modération cette fois-ci : le système « setsuna ». Chaque personnage démarre le combat avec zéro point, et à mesure qu'il inflige et encaisse des dégâts ou qu'il bénéficie d'effets d'artefacts, il peut cumuler jusqu'à trois points. Pour utiliser un point, suffit d'appuyer sur une touche lors de son action. Maintenant, la question essentielle : à quoi ça sert ? Quand on l'utilise au cours d'une attaque, c'est simple : on inflige un deuxième coup. Côté compétences, en revanche, c'est un poil plus complexe. En gros, à l'écran d'équipement des compétences, on peut associer à chacune un « effet setsuna » (que l'on a préalablement acquis en boutique contre quelques souvenirs, cela va de soi). Le choix est vaste : ajouter un bonus élémental ou une altération d'état, obtenir un bonus de stats, infliger un malus de stats, bénéficier d'un effet de soin... Après quelques utilisations, l'effet est appris et reste associé à la compétence, on peut alors le laisser associé pour augmenter son niveau (taux de réussite pour les altérations d'état, par exemple) ou le changer pour multiplier les effets.
Une fois qu'on a compris comment ça marche, on en voit tous les avantages. Le tout, c'est de comprendre, et ça se fait peu à peu, à tâtons, parce que de ce côté-là le jeu n'explique pas grand-chose (un peu comme dans un jeu rétro, en vrai... sauf que dans un jeu rétro, on nous fournissait une notice pour nous expliquer tout ça). Pour ma part, si j'avais bien tout compris plus tôt, j'aurais fait certaines choses différemment (du genre, associer et apprendre un bonus élémental, mauvaise idée, on va forcément tomber plus tard sur des ennemis qui absorbent l'élément en question, rendant la compétence liée inutilisable contre eux).
Mais bon, rien de bien méchant non plus, même sans tout bien maîtriser le jeu reste globalement très abordable. Bon, histoire de pinailler, à l'exception de quelques pics de difficulté absurdes. Et quand je dis absurdes, je ne veux pas dire au point de devoir réessayer des dizaines de fois ou de retourner passer des heures à s'entraîner et améliorer l'équipement, mais plutôt du genre incompréhensible. Un exemple : j'ai battu le boss de fin à ma cinquième tentative. Sur quatre échecs, il n'y en a qu'un seul où j'aurais pu mieux jouer ; les trois autres, mes persos ont été mis KO avant d'avoir pu effectuer une seule action... à quoi ça rime, un combat comme ça ? Enfin, par chance ça reste plutôt l'exception.

À l'inverse de ce gameplay assez riche, le jeu se révèle assez pauvre en contenu annexe. Des quêtes facultatives ? Il y en a très exactement huit, une par personnage, qui deviennent accessibles toutes en même temps une fois qu'on est entré dans le dernier donjon (autant dire qu'il serait facile de passer à côté). Pas non plus de ville ou de donjon caché, tout ce qu'on gagne à explorer le monde c'est d'y dénicher quelques objets et surtout des endroits où ajouter des artefacts.
Des mini-jeux ou autres activités, alors ? Ben... On a bien quelques points de pêche dans certaines villes ou donjons, mais c'est ultra simpliste et ça n'a aucun intérêt (c'est vrai ça, c'est quoi ce délire avec la pêche dans les JRPG ?). On a également un système de cuisine - enfin, techniquement on achète les plats à la taverne, mais vu qu'en plus de payer il faut aussi fournir les ingrédients on finit par se demander pourquoi c'est aussi cher. Et là, comme pour les effets setsuna, le jeu néglige un peu de passer par la case explications, même si la compréhension vient beaucoup plus vite. Parce que bon, au début du jeu, quand on découvre qu'on peut obtenir des plats moyennant finance et ingrédients rares, mais que ces plats sont censés augmenter les PV ou les PM (d'autres bonus apparaissent par la suite), ce serait sympa de préciser que ces effets ne sont pas permanents, au contraire même ils ne durent que le temps d'un seul combat (comme dans un Tales Of, certes... sauf que dans un Tales Of, non seulement on ne paye pas pour cuisiner, mais en plus on ramasse les ingrédients à la pelle). Alors oui, avec chaque auberge qui dispose de son propre menu, la quantité effarante d'ingrédients différents qui existent (ah ça, si on veut s'occuper de la boustifaille, faut pas avoir peur de farmer) et les divers effets que confèrent les plats, on peut dire que le système de cuisine est pas mal développé... inutilement, au final, et ce pour deux raisons toutes simples. La première, ça paraît bien laborieux, surtout pour un jeu aussi peu riche en contenu (sérieusement, si vous trouvez que ça manque de contenu, ajoutez quelques quêtes annexes et/ou zones cachées avant de développer la cuisine) ; à la limite on s'en sert pour aller affronter un boss si on a ce qu'il faut sous la main, mais c'est tout. Et la deuxième, je l'ai déjà dit mais j'insiste, bien qu'il nous faille fournir les ingrédients, il faut aussi payer...

...Sauf que l'argent, dans Lost Sphear, on a autre chose à en faire que de le dépenser dans du bonus à usage unique.
Habituellement dans un JRPG, sachant que j'ai tendance à tout explorer à fond (avec le surcroît de combats que cela implique), si l'argent peut manquer au début, en progressant j'en ai largement assez même en renouvelant régulièrement tout l'équipement, et généralement je termine les jeux avec une fortune à disposition. C'est pourquoi j'ai été assez surpris dans LS : jamais auparavant dans un jeu je ne n'avais été aussi constamment à la dèche. Pour expliquer ça, un mot sur le système d'équipement et surtout d'amélioration de l'équipement.
Avec juste une arme et une armure à gérer, au début, difficile de croire que ce sera aussi problématique. D'autant qu'on en trouve de temps à autre au fil de nos explorations. Enfin, surtout des armures, parce pour les armes, celles qu'on obtient en boutique sont plus efficaces (sans rire, même les armes « ultimes » qu'on peut trouver à la fin du jeu sont moins puissantes que celles qu'on peut acheter). Donc bon, même si l'équipement n'est pas donné, ça reste raisonnable.
Mais ! cet équipement, on peut (et il faut !) l'améliorer en utilisant des « spirites » de différentes couleurs. Le principe est simple, pour chaque pièce d'équipement, on peut utiliser une fois chaque couleur de spirite. Il existe dix couleurs, qui se débloquent au fil du jeu ; concernant les deux dernières, elles sont uniquement trouvables dans le dernier donjon, bien que très rares. Et pour les huit autres... il faut les acheter (on en trouvera quelques unes en explorant, mais vraiment de manière exceptionnelle). Et ça coûte une fortune, c'est aussi simple que ça. Besoin de renouveler l'équipement ? Eh bien il faut aussi racheter les différentes spirites pour le rendre suffisamment performant. Cerise sur le gâteau, l'équipement amélioré ne se revend pas plus cher que l'équipement de base, ce qui veut dire que tout l'argent dépensé pour améliorer une arme ou armure est intégralement perdu quand on en change. Sérieusement, même à la toute fin du jeu, j'ai dû laisser des personnages de côté à défaut de pouvoir optimiser l'équipement de tout le monde. Alors partant de là, non, désolé mais je ne vais pas aller dépenser quoi que ce soit dans la cuisine.

...Et ça m'attriste un peu, parce qu'au final c'est sans doute ça qui m'aura le plus marqué dans Lost Sphear : la gestion compliquée du porte-monnaie. Qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui ? Rien, trop de factures à payer. J'en aurais presque envie de le renommer « Fins de Mois Difficiles Simulator 2018 ». Le pire c'est que je ne plaisante qu'à moitié. Si on me reparle du jeu dans plusieurs mois, je doute d'être capable de présenter les personnages ou l'histoire, ou de réexpliquer le système « setsuna ». En revanche, que l'équipement coûte bien plus que ce qu'on gagne, là y a de bonnes chances pour que je m'en souvienne.

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