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Voq

De Voq [682 Pts], le 06 Mai 2021 à 17h33

17/20

Vanillaware. Un nom qui évoque Odin Sphere, Dragon's Crown ou encore Muramasa: The Demon Blade, ainsi que quelques autres pour les plus connaisseurs (j'ai essayé une fois de jouer à Princess Crown, mais ne comprenant rien au japonais, je ne suis pas allé bien loin, haha). En somme, de l'action-RPG 2D en vue de côté au style visuel unique, dans des univers typés fantasy.
Avec 13 Sentinels, le studio frappe là où on ne l'attendait pas : gardez la portion « 2D en vue de côté au style visuel unique » (du moins en partie), et virez tout le reste. À la place, visual  novel et combats tactiques dans un univers SF. Un pari risqué... mais payant.


Un jeu à deux visages

13 Sentinels: Aegis Rim nous place dans la peau de treize lycéens d'époques différentes qui, par la force des choses, vont devenir pilotes de sentinelles (des robots géants) et s'unir afin de vaincre les kaijus venus anéantir leur monde. Et oui, le scénario justifie que ce soient encore des lycéens qui doivent sauver le monde, mais en dire plus serait du spoil majeur.

Le jeu alterne entre deux aspects bien distincts : d'une part, on découvre l'histoire de chacun des personnages (le côté visual novel), et d'autre part on prend les commandes des sentinelles pour repousser les hordes de monstres géants (le côté tactique). Au-delà de l'introduction qui nous présente les prologues de sept des protagonistes ainsi que nos premiers combats, on obtient une plus grande liberté avec la possibilité de progresser dans l'ordre de notre choix. On dispose à ce titre d'un menu offrant trois options :
- Bataille : avancer dans les combats ou rejouer ceux qu'on a déjà terminés ;
- Aventure : choisir son personnage et faire le segment suivant de son histoire ;
- Archives : pas une partie du jeu à proprement parler, mais permet d'accéder à la liste de toutes les informations récoltés sur les personnages ou l'univers en général (également accessible à partir du menu pause de l'aventure, bien pratique quand on s'y perd dans les noms), ainsi qu'à celle de tous les événements vécus dans l'ordre chronologique, si l'on a besoin de mieux se repérer temporellement.

Afin de maintenant un certain équilibre et de préserver les révélations scénaristiques, l'accès à certaines portions du jeu nécessite d'avoir assisté à tel événement ou d'être arrivé à tel pourcentage de progression, mais en dehors de cela, libre au joueur de se concentrer sur les personnages un par un ou de voguer de l'un à l'autre, de faire une bataille de temps en temps ou de les enchaîner (on les déverrouille généralement par blocs de cinq).


Tempt not the blade all fear the sentinel

Gardons le meilleur pour la fin et commençons donc par la partie qui apparaît de prime abord comme la moins intéressante : les combats. On parlait plus haut de la distinction entre les modes bataille et aventure, mais cette distinction ne se fait pas qu'au niveau du gameplay : elle est aussi chronologique. Car la partie aventure, c'est toute l'histoire qui mène à cette guerre contre les kaijus, et la partie bataille se déroule donc après tout le reste.
Et si l'alternance entre les deux est parfaitement justifiée, il est en revanche difficile de se sentir impliqué dans les premiers combats dont on ne connaît pas les tenants et les aboutissants et sans être familier des personnages dont on assiste aux dialogues en début et en fin d'affrontement. Ce n'est qu'après avoir suffisamment progressé dans l'histoire pour connaître ces personnages et avoir un aperçu de ce qui les menace qu'on commence véritablement à s'intéresser à ce qui se produit sur le champ de bataille... ce qui représente grosso modo un tiers du jeu, pas catastrophique mais certainement pas négligeable non plus.

Cela étant dit, concrètement, ça se présente comment ? Ici pas de jolis dessins, on voit la ville de dessus, nos combattants sont représentés par de simples icones et les monstres géants par des amas de pixels colorés. Clairement, l'objectif ici n'est pas de nous en mettre plein la vue mais de rendre le champ de bataille clair et lisible, favorisant l'aspect tactique du gameplay.
Avant chaque combat, on choisit jusqu'à six personnages parmi les treize disponibles, classés en quatre générations de sentinelles, chaque génération étant dotée de ses propres spécificités (combat rapproché ou à distance, mobilité, techniques...), de même que chaque personnage parmi elles. À noter que l'écran de sélection indique le type d'ennemis que l'on va affronter afin de nous permettre d'optimiser la sélection, ainsi que des objectifs bonus (tel personnage dans l'équipe, limitation de dégâts à tel pourcentage, tant de membres max dans l'équipe de combat...) qui, s'ils sont remplis, ajoutent des documents aux archives. C'est également là que l'on peut améliorer nos sentinelles à l'aide de « métacrédits » obtenus lors des précédents combats ou en terminant des segments de l'histoire. Parés ? À l'attaque !
Une brève discussion ouvre chaque bataille, après quoi on commence avec nos sentinelles disposées autour d'un « terminal » que l'on doit protéger à tout prix. L'objectif est de détruire tous les kaijus, ou à défaut de résister le temps que le terminal active le système égide (le « aegis » du titre) détruisant les opposants et protégeant la zone de futures attaques. Corps à corps, missiles, fumigènes, attaques anti-aériennes, mise en place de tourelles ou de leurres, toutes les compétences sont bonnes à utiliser pour repousser les vagues d'ennemis dont le nombre n'est pas le seul atout : volants, blindés, explosifs, autoreproducteurs, etc. S'ajoutent à cela positions et mobilités ennemies comme alliées (si certaines sentinelles volent et se déplacent rapidement en ligne droite, la plupart doivent suivre le tracé des rues), autant d'informations qu'il vaut mieux prendre en compte avant de lancer l'assaut.
Notez que si les PV d'une sentinelle tombent à zéro, ce n'est pas fatal à condition que son pilote parvienne à s'échapper le temps de récupérer. Un pilote mort, en revanche, et c'est la fin (mieux vaut ne pas élaborer de stratégie sacrifiant ses unités !), tout comme la destruction du terminal.
Une fois le niveau réussi, nouvelle petite séquence de dialogue entre pilotes, et c'est le tableau des résultats : expérience distribuée en fonction de l'efficacité de chacun et score obtenu. Non que ce score ait une quelconque influence sur la progression, mais tout comme les objectifs bonus, un rang S ajoute un nouveau document aux archives. De quoi éventuellement justifier de recommencer des niveaux déjà terminés, en plus d'engranger expérience et métacrédits.

En bref, bien qu'au premier abord les combats ne soient pas la partie la plus attrayante de 13 Sentinels, on finit par s'y laisser prendre. Cela dit, si cette dimension tactique vous passe au-dessus de la tête mais que le reste vous tente, pas d'inquiétude, le jeu propose trois modes de difficulté que l'on peut changer à volonté : un mode facile vraiment facile pour ceux qui ne s'intéressent qu'à l'histoire, un mode normal plus équilibré, et un mode difficile pour les fins stratèges.


Caught somewhere in time

On en arrive donc au gros morceau, la partie visual novel. La 2D vue de côté avec les jolis dessins, c'est là. Si l'on reconnaît le style Vanillaware, on oublie toutefois les morphologies disproportionnées : pas de montagnes de muscles, (presque) pas de courbes féminines prêtes à déborder, on incarne ici des lycéens chétifs plus adaptés à cet univers, et pour la démesure on a toujours les robots géants.
L'histoire de chaque personnage est divisée en sept ou huit segments tantôt bien distincts, tantôt reprenant d'un même point de départ menant à différents embranchements, la fin de chaque segment apportant une nouvelle pièce au puzzle géant que constitue l'intrigue. Comme précisé plus tôt, au joueur de décider s'il préfère alterner ou se concentrer sur un personnage à la fois, dès qu'un segment est terminé on revient à l'écran de sélection, qui nous indique également le pourcentage de progression de chaque histoire et, si un personnage est verrouillé, la condition pour débloquer la suite.
D'ailleurs, je parle de visual novel, mais étant peu familier du genre, difficile de juger de l'originalité de la structure narrative. Une comparaison avec Danganronpa (VN mâtiné d'enquête / procès) ne serait pas vraiment pertinente, peut-être davantage avec les Zero Escape (VN / escape game) pour le système de progression à embranchements (sans être aussi totalement addictif ni nous retourner autant la cervelle, mais n'en demandons pas trop, les Zero Escape sont vraiment exceptionnels). Ou sans chercher du côté VN, pour rester chez Vanillaware, prenez Odin Sphere et ses histoires croisées de cinq personnages, mais mettez-en treize avec un scénario plus étoffé, ça devrait donner une petite idée.

Quant à l'histoire, difficile de donner une idée en restant simple, le mieux est d'ailleurs de la découvrir par soi-même, mais si vous tenez à savoir, on ratisse très large : des monstres géants, des voyages temporels, de la tranche de vie lycéenne dans les années 80, des rêves de ce qui pourrait bien être le futur, un pistolet pour sceller les sorciers, des robots géants, des pertes de mémoire, un chat qui parle, des médicaments louches, de l'intelligence artificielle, des cassettes vidéo, des extraterrestres, une arme secrète pour la guerre du Pacifique, un chat qui ne parle pas, de la manipulation mentale, des crêpes aux fraises, de la romance, des entreprises peu scrupuleuses, des rescapés d'un futur ravagé, une infirmière scolaire plantureuse, du crime, des androïdes, des sandwiches au yakisoba, des vaisseaux spatiaux, des téléportations, une idol qui parle à un lycéen à travers sa télé, des bananes, des organisations secrètes, des clones... pas forcément dans cet ordre et certains (beaucoup ?) de ces éléments n'étant pas ce qu'ils semblent être.
Le plus fou dans tout ça, c'est encore que le scénario parvienne à rester cohérent. Du moins je crois, entre sa richesse et l'ordre non chronologique dans lequel on vit les événements, j'ai pu passer à côté d'une faille, mais en dehors du parcours de deux personnages secondaires qui me laisse un doute (les quelques séquences les mettant en scène interviennent bien avant qu'on ait les clés pour les comprendre, il va falloir que je rejoue pour bien tout saisir, haha) et à une seule exception près qui concerne l'après-fin du jeu, toutes les questions que j'ai pu me poser ont trouvé réponse (quitte à devoir fouiller dans les archives pour les petits détails !).
Et, presque aussi important que la cohérence, pas besoin d'être un mordu de hard SF pour comprendre, l'histoire parvient à rester claire et abordable, notamment grâce aux multiples références sur lesquelles elle s'appuie (japonaises comme occidentales : les films de kaijus, La guerre des mondes, La traversée du temps, E.T., Terminator... ne sont que quelques exemples parmi de nombreux autres) et au fait que chaque personnage évolue dans sa propre direction (extraterrestres pour Natsuno, thriller futuriste pour Ei...) tout en restant connecté aux autres. Et concernant les personnages, justement, si l'on ressent inévitablement plus d'affinités pour certains que pour d'autres, il n'empêche que chacune de leurs histoires a suffisamment d'attrait pour qu'on meure d'envie d'en savoir plus. Aucun remplissage stérile, pas de passage faiblard, on ne s'ennuie pas une seconde durant la quarantaine d'heures nécessaire pour venir à bout du jeu.


Conclusion

En s'éloignant de l'Action-RPG 2D fantaisiste pour partir dans du visual novel SF agrémenté de combats tactiques, Vanillaware surprend inévitablement. Pourtant, par ses personnages attachants, par son scénario aux multiples facettes qui sait rester accessible, référencé mais en digérant ses références sans se contenter de les imiter, par sa faculté à nous faire élaborer des hypothèses pour les voir soigneusement démantelées à coups de révélations, par sa direction artistique digne des précédents jeux du studio tout en s'adaptant à cet univers radicalement différent, mais aussi par ses affrontements qui nous accrochent de plus en plus à mesure que l'on progresse, 13 Sentinels: Aegis Rim s'impose peut-être comme son jeu le plus marquant. En tout cas, entre Dragon's Crown, Odin Sphere et celui-ci, une fois plongé dedans c'est clairement celui pour lequel j'ai eu le plus mal à lâcher la manette.
En bref : jouez-y.

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