Digimon Adventure (2020) - Actualité anime

Critique de l'anime : Digimon Adventure (2020)

Publiée le Mercredi, 27 Janvier 2021

Chronique - Partie 1 (épisodes 1 à 33 ) :

Pour beaucoup, surtout en France, Digimon est avant tout l'histoire des enfants élus que sont Taichi, Yamato, Sora, Izumi, Mimi, Jô, Takeru et Hikari. A presque juste titre sachant que c'est bien la première série (Digimon Adventure) qui fut la plus populaire chez nous, la seconde (Digimon Adventure 02) n'ayant jamais été diffusée intégralement sur les chaines hertziennes, et la troisième (Digimon Tamers) uniquement destinée aux antennes du câble. Mais au Japon, l'histoire est un peu différent, et rappelons-la rapidement. La licence a connu d'autres séries, jusqu'à très récemment même avec Digimon Universe : Appli Monsters, qui a même profité d'une diffusion française sous le titre Digimon Appmon. Contrairement à nos contrées, d'autres propositions ont été faites pour entretenir la saga des monstres digitaux, même si un facteur commun marque l'évolution de la licence au Japon et en occident : L'attachement envers les premières aventures, celles que le public français a surtout connu.

Toujours très populaire au Japon (là où les dernières séries en date ont sans doute été davantage appréciées par un nouveau public, plus jeune), Digimon Adventure est resté une œuvre chère au cœur des fans, si bien que deux suites ont été mises en chantier lors de la décennie 2010 : Digimon Adventure tri d'une part, saga de 6 films (découpée en une série de 26 épisodes à l'international) qui a connu un bon succès commercial mais un accueil critique plus mitigé, ainsi que le film Digimon Adventure : Last Evolution Kizuna, point final de l'histoire lancée en l'an 2000, véritable œuvre d'auteur poignante traitant du rapport qu'à l'adulte à la nostalgie, et du passage à l'âge adulte tout simplement.

Mais si Last Evolution Kizuna était un cadeau d'adieu aux vieux fans, la marque "Digimon Adventure" restait belle à exploiter. Après tout, maintenant que ces enfants d'autrefois deviennent eux-même des parents, quoi de mieux que repartir de zéro avec l'esthétique Adventure pour pousser ces vieux fans à mettre leurs rejetons devant les nouvelles aventures des digimon ? C'est sans doute après une réflexion similaire qu'est né Digimon Adventure : , troisième véritable série télévisée estampillée Adventure, cinquième œuvre principale de la gamme, mais qui profite de l'intention du reboot, plutôt que d'être une nouvelle suite ou midquel.


Annoncée il y a un peu plus d'un an (le 20 janvier 2020), cette nouvelle série est dirigée par Masato Mitsuka, un artiste à la carrière pas si vieille que ça puisqu'il dirigea une dizaine d'épisodes de Digimon X-ros Wars (ou Digimon Fusion chez nous) avant de passer sur plusieurs titres Precure. Toujours au sein de Toei Animation, il a storyboardé et réalisé deux épisodes de Dragon Ball Super (de facture correcte), passant ensuite sur le film Broly au storyboard. Le scénario comme le script sont du fait d'Atsuhiro Tomioka, très prolifique et enclin à écrire pour des œuvres jeunesse puisqu'il a rédigé les scénarios de plusieurs saisons de Pokémon (parmi les meilleures notamment) mais aussi de One Piece, Fairy Tail, Inazuma Eleven ou encore Dragon Ball Super. En regardant son CV, autant dire qu'écrire des histoire et des dialogues pour un jeune spectateur semble être de son ressort, mais nous nuancerons largement ces éloges par la suite. Enfin, concluons notre analyse du staff principal par le retour au character-design de Katsuyoshi Nakatsuru, artiste dont l’œuvre principale se résume assez rapidement en deux étapes : Le design des personnages de Dragon Ball (et de Dr Slump) post 1993 ainsi que les quatre premières séries Digimon, incluant donc Adventure, avec un retour aussi remarqué que remarquable sur le film Last Evolution Kizuna. La composition musicale, elle, est assurée par un nom loin d'être anodin : Toshihiko Sahashi, musicien à qui nous devons les B.O de Fullmetal Panic, de l'excellente première adaptation animée de Hunter X Hunter, des séries Gundam SEED ou encore de Reborn !. Un artiste qui n'a donc plus rien à prouver quant à la capacité de ses compositions de créer une atmosphère au sein des œuvres concernées.

Enfin, achevons cette longue (mais presque indispensable) étape de présentation du projet par une note sur la diffusion. Lancée le 5 avril 2020, la série a connu une pause de diffusion après son troisième épisode, comme bien d'autres séries, à cause du début de la crise sanitaire du Covid-19. La diffusion a repris le 28 juin 2020 tandis que la série a été annoncée pour un total de 66 épisodes par les canaux officiels, ce qui en fera à terme la série télévisée Digimon la plus longue (si on estime que Digimon Fusion est un cas à part, car pensé en deux saisons distinctes initialement, là où ce nouvel Adventure est une série en un seul bloc). Dans cette première chronique, nous traiterons donc de la première moitié de l’œuvre, soit ses 33 premiers épisodes uniquement. La série étant toujours en cours de diffusion, les épisodes suivants ne sont pas inclus par cet écrit.


Un (re)tour dans le monde digital

Reboot, certes, mais cela n'empêche pas ce Digimon Adventure : de présenter un fonctionnement assez proche de la série d'origine. Dans sa trame globale, la première partie de l'anime narre les aventures des enfants élus, transportés dans un monde digital dont ils ignoraient l'existence, et qui auront la lourde tâche de combattre ses maux aux côtés de leurs compagnons digimon. Et parce que les dysfonctionnement de cet univers parallèle affectent directement les technologies du monde moderne (chose davantage mise en valeur dans cette nouvelle mouture), le combat de ces enfants et de leurs camarades digitaux se fera urgent.

Ainsi, par cette approche, les débuts de la série s'avèrent assez fidèles à ce qu'on a connu autrefois, et le cheminement des événements aussi. Plusieurs antagonistes défilent déjà dans cette aventure, les binômes humains/digimon sont exactement les mêmes qu'auparavant, et on note un respect des évolutions d'antan, à quelques petites variations près. Relancer Adventure, certes, mais en restant un minimum fidèle à l'univers. Après tout, si ce sont les anciens enfants devenus parents qui mettent à leur tour leurs rejetons devant le poste de télévision, autant qu'ils soient eux aussi en terrain connu.

Une nouvelle fois, Digimon Adventure se veut dépaysant. Le voyage dans le monde digital est long, et la série mise d'entrée de jeu sur une sorte d'émerveillement de cet univers pour le spectateur, chose mise en relief par le thème musical clé composé par Toshihiko Takashi, particulièrement majestueux. Ainsi vont défiler les lieux et les ennemis, de telle sorte à ce que le spectateur se confronte à l'univers sans détour. Et pourtant, même si la démarche est louable, la recette globale va vite montrer ses limites.



Un scénario qui a du mal à se tenir

La trame de la version 2020 de Digimon Adventure n'est pas évidente au départ, et ne s'affirmera finalement que dans les tous derniers épisodes de cette première moitié de série. Véritable introduction, les trois premiers flirtent surtout avec l'hommage à la première saga Digimon, lui adressant moult clin d’œil tant dans son déroulement que dans les titres de ses épisodes, et défiant parfois toute cohérence. A ce moment, le spectateur peut espérer que la suite justifie ces excès, mais l'histoire sera un peu plus compliquée que ça.

Sur ces trente-trois premiers épisodes, les adversaires se succèdent au même titre que les évolutions (ou digivolutions, pour celles et ceux attachés aux termes occidentaux d'autrefois), sans que le récit cherche toujours à préciser son intrigue. Oui, une histoire est assez rapidement évoquée : Une guerre qui a ravagé le monde digital autrefois, un digimon sacré qu'il convient de retrouver pour s'opposer à cette menace... Des idées sont là, mais sans doute était-il trop présomptueux de chercher à les exploiter sur plus de 60 épisodes. Cette trame trop étirée amène de nombreux épisodes qui, mis à part des combats et des évolutions vouées à satisfaire le spectateur, n'ont pas grand chose à proposer. Il faudra attendre la trentaine d'épisodes pour voir ce scénario se confirmer un peu plus, soit après la défaite du premier grand antagoniste de la série. Un adversaire qui pourra décevoir, d'ailleurs, du fait de ses actions un peu confuses, comme si son écriture avait été laborieuse et incomplète.

Mais Digimon, du moins le premier du nom, est une œuvre davantage axée sur ses personnages que sur son scénario, et ce qui aurait pu sauver la trame d'Adventure : qui dispose aussi de sept enfants (du moins huit, car l'opening dévoilée d'entrée de jeu la présence de Hikari) et de leurs compagnons pour créer des personnalités intéressantes et des interactions percutantes. Mais il ne faut pas vraiment y compter : Les enfants ne sont que des fonctions qui ne disposent que peu ou pas de background, et ne s'émerveillent que rarement de l'univers qui les entoure. Tout paraît alors artificiel : La relation humain/digimon n'existe que pour amener quelques situations "nekketsuesque" et de nouvelles évolutions sauvées par des séquences superbement animées et une bande-son nerveuse chantée par Takayoshi Tanimoto (le même qui interpréta les openings originaux de Dragon Ball Z Kai). De développement de ces enfants il n'y a pas, n'espérez donc pas cette finesse d'écriture qui explorait certains tourments de l'enfance et de la société avec justesse. A ceci s'ajoute une omniprésence de Taichi, sans cesse favorisé par l'aventure, qui place perpétuellement ses congénères en arrière-plan, Yamato y compris. Certes, la série devait se différencier de la structure de l’œuvre originale, mais on aura aimé y retrouver un autre type de finesse, celle d'un anime ne prenant pas ses jeunes spectateurs pour des idiots. Seulement, sur une œuvre uniquement basée sur les combats et les transformations, et qui ne cherche pas à raconter quoi que ce soit sur ses personnages, impossible d'établir un premier bilan aussi positif que sur Adventure premier du nom.


Digimon Adventure : , à qui s'adresse la série ?

Voilà un débat légitime. Est-ce que Digimon Adventure : est une tentative de séduire un nouveau jeune public, une volonté de flirter avec ses vieux fans, ou plus globalement de concilier les deux générations ? Une question d'autant plus louable que Digimon Adventure : Last Evolution Kizuna a cherché a conclure la première grande histoire de la licence en abordant l'excès de nostalgie et le passage à l'âge adulte. Finalement, Toei Animation ne se moquerait-il pas un peu du monde ?

Oui... et non. Car certains micro éléments de cette nouvelle séries semblent clairement destinés à la génération qui a connu le tout premier anime. On pense aux références aux premières productions, évoquées au début de cette chronique, l'univers finalement très peu expliqué ou encore la présence des symboles qui ne fait office que de figure esthétique, et n'a pas de réelle signification dans cette version. Mais à côté, c'est bien le spectateur novice qui est concerné par l’œuvre, ne serait-ce par son agencement sonore. Les chansons et interprètes qui revenaient dans les titres Adventure n'ont pas été rappelés, et les chansons de Takayoshi Tanimoto résonnent clairement avec les standards actuels, le chanteur étant d'ailleurs sollicité pour les titres jeunes public. Et par la manière très différente de raconter l'histoire, quitte à mettre la finesse d'Adventure premier à la poubelle, on sent que ce reboot cherche à correspondre avec les canons actuels, et peut-être mieux vendre du marchandising.

Pourtant, la patte marketing a aussi le postérieur entre deux chaises. A l'instar de Dragon Ball, les gadgets à bas prix côtoient les figurines de gamme moyenne, destinées à une clientèle qui peut se le permettre. A ce sujet, les fans d'époque semblent autant appelés par Bandai que leurs rejetons. Aussi, la comparaison avec Dragon Ball semble totalement légitime : A l'instar de Dragon Ball Super qui semble vouloir fédérer les vieux fans tout en attirant une nouvelle génération de passionnés, la démarche derrière Digimon Adventure : est peut-être similaire. Mais outre la question de trahir les intentions de Last Evolution Kizuna, on regrette surtout que cette tentative ait lieu par une série d'une grande paresse d'écriture.



Qu'attendre de la suite ?

La série étant annoncée sur 66 épisodes, il reste encore la moitié pour convaincre davantage, affiner le scénario, nourrir les personnages et captiver l'audimat. Car la première moitié de Digimon Adventure : n'est résolument pas un "Adventure" convenable, ne serait-ce pour cette écriture. Reste alors les quelques fulgurances de mise en scène et le plaisir, pour les plus vieux, de retrouver des personnages qui n'ont de Taichi, Yamato et consorts que le nom. On comprendra tout à fait qu'un nouveau spectateur, peu importe son âge, se soit détourné du visionnage s'il n'est pas initialement fédéré à la licence. Pour les autres, on cherchera à rester positifs : Rien n'est perdu, la série peut se rattraper en donnant tout ce qu'elle a sur ses 33 derniers épisodes et ainsi sauver la série du naufrage. Mais quand on connait l’œuvre initiale, difficile de ne pas tomber de haut devant cette moitié de reboot tristement creuse.



Série disponible en VOD sur Anile Digital Network et Crunchyroll.
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato

10 20