Chronique animation - Okko et les fantômes, édition collector- Actus manga
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Dvd Chronique animation - Okko et les fantômes, édition collector

Vendredi, 08 Mai 2020 à 12h00 - Source :Univers Animation

Tout commence par des premières secondes joyeuses, comme tant de familles normales peuvent en connaître. La petite Seki Oriko, dite Okko, profite d'un festival avec ses parents, et au retour dans la voiture sa rigole. Mais en une fraction de seconde, tout bascule quand un camion ayant perdu le contrôle arrive en face. Puis plus rien, ou presque, et l'on retrouve la fillette obligée de quitter seule sa maison de ville pour partir vivre chez sa grand-mère, dans une campagne entourée de montagne, au sein d'un bourg thermal où elle tient un minshuku, une auberge traditionnelle. Pour Okko, une toute nouvelle vie commence. Une vie au sein de cette auberge conviviale où on l'accueille avec chaleur. Une vie dans une nouvelle école où, tout en se faisant vite des amies grâce à son caractère vif et avenant, elle se frotte aussi à Matsuki, surnommée "Miss Froufrous" par les autres, fillette hautaine qui est l'héritière de l'auberge rivale. Mais une vie sans ses parents, qui ne sont plus. Les premiers pas d'Okko dans l'auberge et en campagne sont toutefois délicats: elle a une peur panique des insectes, etc... mais d'emblée, sa nouvelle vie est aussi marquée par une bien surprenante rencontre: celle d'Uribo, un gamin... qui n'est autre qu'un fantôme ! Mais un fantôme loin d'être mauvais, bien au contraire. Il est certes un peu taquin, mais c'est aussi lui qui a sauvé Okko lors de l'accident... et c'est lui qui va pousser la jeune fille, par la force des choses, à devenir la "directrice junior" de l'auberge, sa grand-mère étant désormais âgée. C'est ainsi que notre petite héroïne va devoir grandir entre de nombreuses choses, tout en devant bientôt composer avec deux esprits supplémentaires: le fantôme d'une fillette nommée Mio, et une sorte de petit démon appelé Suzuki...

  

Interviewé par nos soins en 2014 à Japan Expo (lire l'interview), Kitarô Kôsaka est un vétéran de l'animation, et pourtant Okko et les fantômes, sorti en 2018, est son tout premier long-métrage,même s'il ne faudrait pas oublier qu'il a aussi réalisé le moyen-métrage Nasu, un été andalou en 2003. Mais avant ça, Kôsaka, c'est surtout un collaborateur de longue date du studio Ghibli et de Hayao Miyazaki. Ayant été l'un des principaux collaborateurs du célèbre studio de 1984 à 2013, il a notamment travaillé en tant qu'animateur-clé sur Nausicaä de la vallée du vent (1984), Le Château dans le ciel (1986), Le Tombeau des lucioles (1988) et Pompoko (1994), puis en tant que co-responsable de l'animation sur Princesse Mononoké (1997), Le Voyage de Chihiro (2001), Le Château ambulant (2004), Ponyo sur la falaise (2008), et La Colline aux coquelicots (2011). Il a ensuite été le directeur de l'animation du film Le vent se lève (2013). Avec le long-métrage dont il est question dans cette chronique, il s'attelle à l'adaptation de "Wakaokami wa Shougakusei!", une série de livres jeunesse japonaise conçue par l'écrivaine Hiroko Reijô, vendue à plus de 3 millions d'exemplaires dans son pays d'origine, et ayant aussi été déclinée en mangas et série animée télévisée (cette dernière ayant d'ailleurs été diffusée au Japon en 2018, elle aussi). Kôsaka a aussi signé lui-même le storyboard et le character design du film, et a notamment été épaulé au scénario par Reiko Yoshida (Violet Evergarden, Tokyo Mew Mew, Arte, minuscule...), ainsi qu'aux musiques par Keiichi Suzuki (Tokyo Godfathers). Enfin, à la production, on retrouve le célèbre studio Madhouse.

  

De la tranche de vie, des fantômes plutôt facétieux, un cadre campagnard auquel Okko doit s'habituer et dont elle découvrira la beauté, des sujets plus sérieux comme la mort et le deuil... A première vue, Okko et les fantômes réunit quelques-uns de ces sujets que l'on voit si régulièrement dans les films d'animation nippons, avec sa pointe de fantastique dans un cadre quotidien. Et on ne va pas se mentir, c'est totalement le cas. D'ailleurs, la plupart du temps, les 3 fantômes gravitant autour de notre héroïne ont surtout un rôle un peu comique: Uribo est jovial et aime les taquineries, Mio joue des tours, Suzuki est un petit glouton... le tout amenant régulièrement un certain comique de situation. Qui plus est, les personnages sont tous un peu des stéréotypes déjà largement vus (ne serait que Matsuki, en jeune héritière et fausse pimbêche hautaine qui cache tout de même un bon fond). Mais si elle aurait pu paraître un peu redondante et gamine, cette part du film a surtout une qualité, à savoir permettre d'adapter à son public-cible une histoire capable d'aborder quelque chose d'autrement plus dur.

  

En effet, il faut bien garder à l'esprit que les livres d'origines étant destinés aux enfants, il en est de même pour le film, et il ne fait nul doute que le public enfantin s'amusera beaucoup des différentes petites facéties des trois fantômes certes parfois turbulents, mais surtout tous bienveillants. Ils amènent une part de légèreté qu'Okko accentue encore, tant, très vite, on se plaît à la suivre dans toute son énergie et ses maladresses. Cela donne un ton assez enlevé qui permet alors d'aborder sur un ton moins dramatique le sujet si délicat du deuil et, plus généralement, de la perte de quelqu'un ou de quelque chose de cher. Ainsi a-t-on sans cesse à l'esprit le fait qu'Okko se démène dans sa nouvelle vie avec courage et volonté alors qu'elle a tout récemment perdu, le plus soudainement du monde, ses deux parents, dont elle continue régulièrement de rêver comme s'ils étaient toujours là, comme s'ils lui parlaient, pour autant de brefs instants touchants sans être larmoyants car ils symbolisent les étapes du deuil de la fillette. Un deuil que les trois fantômes, en quelque sorte, permettent à la jeune fille de mieux vivre, comme des accompagnateurs faisant le pont entre la vie et la mort. Et d'ailleurs, le sujet de la perte ne se limite pas à Okko, puisque les fantômes d'Uribo et de Mio sont tous deux rattachés à un autre personnage de l'oeuvre sur qui ils veillent à leur manière, que ce soit quelques années ou plusieurs décennies plus tard, l'occasion d'évoquer aussi le thème du souvenir: quel que soit le temps passé, les êtres disparus que l'on aimait continuent de vivre dans nos coeurs. Enfin, la perte est aussi quelque chose touchant chacun des 3 voyageurs qu'Okko, au fil du film, a l'occasion de servir du mieux qu'elle peut: Un adolescent venu avec son père et vivant mal la perte de sa mère en pensant que personne ne peut le comprendre, une jeune femme voyante aussi belle qu'exubérante qui tâche de se remettre d'une rupture, et un père de famille privé d’un rein et devant suivre un régime culinaire très strict. Ce dernier cas, au bout du film, permettra même de boucler la boucle du deuil, de part son identité et la façon dont il confronte notre jeune héroïne à la réalité.

  

Alors, certes, les gimmicks sont classiques, et le propos autour du deuil l'est tout autant, mais la force du film sur ce point-là est sans aucun doute de savoir s'adapter au jeune public pour en parler d'une manière apte à le toucher, sans lourdeur, sans ambiance pesante, et surtout avec un ton restant finalement souvent très positif, grâce à la part d'humour et à toute l'énergie de cette petite héroïne devenant très facilement attachante. Et puis, si certains adultes pourraient ne pas se laisser séduire par cet aspect, qu'ils se rassurent, car le film a d'autres qualités à faire valoir.

  

Et la principale d'entre elles est assurément une immersion réussie dans l'univers des auberges traditionnelles nippones. Cela passe bien sûr par les phases d'apprentissage d'Okko dans son rôle de "directrice junior" et peut-être future directrice de l'auberge familiale: nettoyage et repas avec les deux employés hauts en couleurs, mais aussi services rendus aux voyageurs et discussions avec eux... Bien que parfois maladroite, Okko fait de son mieux pour satisfaire les clients, voire pour les comprendre, et ceux-ci le lui rendent bien, ainsi de véritables liens d'amitié se créent plus d'une fois, et cela véhicule des notions de partage qui font chaud au coeur, avec même à la clé quelques scènes un peu plus extravagantes, comme celle où la voyante emmène Okko en ville pour passer du bon temps avec elle et lui offrir des vêtements dans une ambiance plus pop. La devise de l'auberge est d'ailleurs "On ne rejette personne", et c'est exactement le sentiment que l'on a, en profitant alors de l'une des vertus de ce type d'hébergement traditionnel. De plus, le film s'applique aussi à dépeindre quelque peu les enjeux, notamment financiers, auxquels les auberges traditionnelles comme les minshuku doivent faire face, avec en toile de fond leur différence avec les ryokan, un autre type d'auberge traditionnelle déjà plus sophistiqué, représenté dans le film par le complexe de la famille de Matsuki. On peut facilement se plaire à observer les différences entre minshuku et ryokan: le minshuku d'Okko est beaucoup plus modeste et authentique et fait plus "maison d'hôtes" que le ryokan qui est déjà plus grand, ressemble un petit peu plus à un hôtel, et a des influences occidentales dans son architecture.

  

Ce qui nous permet, pour finir, d'aborder l'aspect visuel du film. Côté décors, c'est du tout bon: le minshuku d'Okko est détaillé, immersif à souhait, on aurait presque l'impression d'y être, de pouvoir goûter à sa cuisine et toucher ses planches de bois. Et les autres lieux importants, comme le ryokan de Matsuki, l'école, la rue ou le centre où Matsuki accroche ses cerfs-volants festifs, sont tout aussi soignés. Côté design, le staff a fait le choix d'un style assez rond et simple pour les personnages, que certains pourraient qualifier de simpliste, mais qui colle surtout très bien à la volonté de toucher les enfants et d'entretenir une ambiance assez douce et conviviale, d'autant plus que ce style permet de porter comme il se doit les expressions d'Okko et des autres. Techniquement, l'animation est honnête, et passe très bien dans la mesure où Okko et les fantômes n'est pas le genre de film jouant sur une mise en scène folle. C'est assez sobre, bien coloré, attachant... bref, dans le ton qu'il faut pour porter l'histoire. Concernant les musiques, surtout composées de quelques airs réguliers, elles se veulent suffisamment entraînantes, apportant elles aussi une part de couleurs au récit. Enfin, soulignons qu'en plus d'un très bon doublage japonais, le film bénéficie d'un doublage français convaincant, porté par l'interprétation dans le rôle-titre de la jeune Bianca Tomassian, celle-ci parvenant à apporter ce qu'il faut d'énergie et d'émotion à Okko. Tout compte fait, ce qu'on pourrait regretter le plus, c'est de ne pas pouvoir vraiment profiter en détails de certains moments qui défilent somme toute très vite. Mais ce choix est logique: le film souhaitant toucher le jeune public, trop rallonger certains passages aurait pu le lasser. Là, la longueur d'une grosse heure et demi semble plutôt idéale, et chaque étape s'avère bien équilibrée.

  

A bout du compte, Okko et les fantômes est une réussite dans sa catégorie, dans la mesure où le film parvient à aborder un sujet fort sur un ton jamais larmoyant ou dur pour le jeune public, avec chaleur et couleur, de façon positive, subtile et délicate. Et en toile de fond, l'immersion dans l'univers des auberges traditionnelles japonaises a de quoi dépayser ou parler aux adultes (à tout hasard, les parents qui regarderaient le film avec leurs enfants), tandis que des valeurs comme le partage, l'entraide et l'accueil d'autrui sans distinction n'ont pas d'âge. C'est très cliché à dire, mais il s'agit d'un très beau film autant pour les jeunes que pour les moins jeunes.

  

Présenté en avant-première mondiale au Festival International du Film d'animation d'Annecy en juin 2018 où il était en sélection officielle, avant de sortir en septembre 2018 dans les salles nippones mais aussi françaises grâce au distributeur Eurozoom (qui, une fois de plus, a bien joué son coup), Okko et les fantômes est ensuite arrivé sur support physique chez AB Vidéo en avril 2019, en trois éditions différentes: une édition DVD simple, une édition Blu-ray simple, et une édition Blu-ray collector.

  

Vendue au prix public de 39,99€, cette dernière ne propose aucun supplément vidéo type documentaires ou interviews, mais son unique "bonus" n'en reste pas moins très intéressant puis qu'il s'agit tout bonnement de la fameuse série animée diffusée au Japon en 2018, et qui n'a à ce jour connu de sortie française que par le biais de ce coffret ! Diffusée au Japon à partir d'avril 2018, cette série se compose de 24 épisodes de 12 minutes chacun, et a été réalisée par Azuma Tani (Thermae Romae) et Mitsuyuki Masuhara (Chi's Sweet Home, Ace of Diamond...), avec au scénario Michiko Yokote (ReLIFE, Bleach, Prison School...), au character design Akiko Asaki (qui signe là son tout première travail de character designer, mais qui a aussi été animatrice et animatrice-clé sur pas mal de projets), et aux musiques Takeshi Hama (Magical Sempai, Kobato), soit un staff bien différent du film même si le studio Madhouse est toujours à la production. Proposant plutôt des épisodes auto-conclusifs, cette série suit certes les mêmes bases que le long-métrage côté histoire, mais elle se veut globalement plus légère et enfantine, aborde moins en profondeur ses sujets les plus sérieux, mais livre une tranche de vie provinciale tout aussi colorée et pas du tout déplaisante à suivre, même si la qualité technique est un brin en dessous. Elle peut faire office de complément sympathique, notamment pour les enfants qui auraient adoré le film, mais il faut tout de même noter qu'elle n'est proposée qu'en vostf.

A part ça, ce coffret, dans un fourreau en carton simple illustré de façon basique (une jolie illustration reprenant les personnages comme sur l'affiche, mais avec un fond blanc à la place du décor de l'auberge, c'est un peu dommage), propose un digipack lui aussi illustré plutôt sobrement (les personnages sur fond blanc) et contenant les trois disques (1 Blu-ray pour le film, et 2 Blu-ray pour la série).

  
  
  
  

Le très bon point vient de l'excellente qualité d'image (en 16/9) et de son (2.0 ou 5.1 pour le film, et 2.0 pour la série), rien à redire de ce côté-là.

Note de l'anime: 16,5/20
Note de l'édition: 15,5/20

  

L'avis du chroniqueur
Koiwai

Vendredi, 08 Mai 2020
16 20

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