Manga Rencontre avec Yami Shin (Green Mechanic)
Comme chaque année, Ki-oon a appuyé sa présence sur Japan Expo 2017 par un stand d'envergure, ainsi que quelques invités. L'éditeur s'étant lancé dans les créations françaises depuis 2016, avec Outlaw Players notamment, il était logique que soit mise en avant le dernier titre francophone en date made in Ki-oon : Green Mechanic. Œuvre de Yami Shin, l'auteure est aussi la gagnante du tremplin Ki-oon de 2015, compétition qu'elle a remporté grâce à son one-shot : Revenge Reborn. Ainsi, la mangaka en herbe nous a fait l'honneur d'une interview, et revient en long et en large sur l'histoire de ses projets, et sa vision de Green Mechanic.
Bonjour Yami Shin, merci de nous accorder cette interview. Tu as gagné le tremplin Ki-oon en 2015 avec Revenge Reborn, comment s'est déroulé la compétition ? Et comment as-tu conçu l’œuvre ?
Yami Shin : Ça a été fait dans l'urgence. (rires)
Je ne sais plus exactement quand le tremplin avait été annoncé, il me semble que c'était début 2015. Je m'étais dit que je n'allais pas participer, parce que je n'avais pas le niveau... Quelque temps après, j'ai été renvoyée de mon boulot. Il restait deux mois avant la fin du concours, que j'avais oublié et qu'un ami m'a rappelé, et j'avais du temps libre. Je me suis dit que, tant qu'à faire, autant profiter de ce temps et participer.
En commençant Revenge Reborn, j'avais juste envie de dessiner une fille avec un mécha. J'ai fait une sorte de mini-apprentissage sur ce one-shot car j'ai pris mon temps pour le réaliser, et ai corrigé pas mal d'erreurs. J'ai envoyé mon histoire et, un mois plus tard, je recevais un mail me disant que je faisais parti des finalistes du tremplin. Puis il y eut les votes, puis le résultat : j'étais première !
Puis, en juin 2017, c'est Green Mechanic qui est publié. Là aussi, tu peux parler de la naissance du projet ?
Yami Shin : J'ai l'impression que je vais répéter les mêmes aventures. (rires)
Je n'avais pas prévu de gagner le tremplin, du coup je n'avais pas de projet. J'ai signé mon contrat d'édition mais je me suis demandé : "je fais quoi ?". Après deux semaines de réflexion intense, je me suis dit que puisque j'ai aimé les personnages de Revenge Reborn, j'allais les réutiliser en les modifiant un peu. J'ai par exemple renommé l'héroïne. J'ai élaboré le projet, des choses ont été enlevées et d'autres rajoutées, mais tout est parti d'une idée de dernière minute.
On peut donc considérer Revenge Reborn comme le one-shot qui a abouti à Green Mechanic, comme ça se fait souvent au Japon ?
Yami Shin : Plutôt l'épisode pilote, une sorte de preview des personnages, même s'ils sont différents. Le contexte aussi n'est pas le même, Revenge Reborn se déroulant dans une forêt, et il n'y en a pas beaucoup dans Green Mechanic...
Green Mechanic est à la croisée des genres, on y trouve du cyberpunk, du post-apocalyptique, et même de la fantasy. Quelles ont été tes inspirations ? Dans quoi as-tu puisé pour avoir eu toutes ces idées ?
Yami Shin : Certains m'ont demandé si la science-fiction était un domaine que je voulais exploiter. Personnellement, j'aime mettre dans l’œuvre tout ce qui me touche. Quand j'ai démarré le scénario, je n'avais pas d'idées, je me suis simplement questionner sur ce que je voulais raconter, ce que je voulais exorciser... Il y a aussi un aspect écologique, je voulais raconter quelque chose dans ce registre. J'ai bidouillé pas mal de choses autour, et ça a donné Green Mechanic. Mais je n'ai pas intentionnellement pensé à faire du steampunk ou de la fantasy. Bon, après, si on me dit steampunk = rouages, je vais avouer que j'aime bien les petits rouages... (rires)
Dans le premier tome de Green Mechanic, tu introduits pas mal d'éléments scénaristiques, notamment des intrigues autour des personnages. As-tu déjà en tête toutes les pistes narratives de la série ? Ou te laisses-tu une certaine marge de manœuvre ?
Yami Shin : Justement, j'ai enlevé beaucoup de choses du premier volume. Parce que si j'introduisais tout d'un seul coup, je n'aurais plus vraiment de marge et la suite se serait montrée compliquée. Mais je sais quoi faire de tout ce que j'ai mis dans le premier opus. Je connais déjà la fin de la série ainsi que quelques uns des éléments clefs. Mais c'est vrai que je fais attention aux pistes que je pose, surtout vu ce qui arrive dans la série, histoire d'éviter d'arriver avec trop de bagages et ne plus savoir quoi en faire.
Justement, concernant la fin de la série, as-tu une idée du nombre total de tomes ?
Yami Shin : Il ne devait pas y avoir beaucoup de volumes au départ. Puis ça a changé au fur et à mesure de l'écriture, le soucis est surtout d'avoir un bon rythme et de développer les personnages et l'univers. Si tout se passe bien, je ferai entre 7 et 10 tomes. C'est déjà un bon nombre !
Les personnages sont très marqués sur ce premier tome, surtout en ce qui concerne le relationnel. Quelle ta vision sur les personnages d'une œuvre ? Quelle importance leur donner ?
Yami Shin : A mon avis, c'est la chose la plus importante dans une histoire. Oui, il faut développer les relations entre les personnages, histoire de les rendre attachants. On peut raconter une intrigue hyper banale, un huis clos par exemple, mais si les personnages ont un background et du relief, ça peut devenir la meilleure histoire du monde. Parce qu'on se projettera en eux, on pourra s'identifier ou identifier des personnes qu'on connait. C'est pareil pour les relations : quand je créé un personnage, je me demande toujours comment je réagirais à sa place. C'est dans cette optique que j'écris les protagonistes de Green Mechanic.
Par rapport aux ersatz, on peut y voir des similitudes avec les goules de Tokyo Ghoul, notamment dans ta manière de traiter leurs rapports aux humains et leur insertion dans la société. Est-ce que cette piste prendra plus d'ampleur dans la série ? Aussi, peut-on y voir un traitement de la notion d'humanité ?
Yami Shin : Pour le coup, cette ressemblance n'est pas anodine oui. (rires)
Dans Green Mechanic, il y a trois catégories d'êtres vivants : les humains, les ersatz, et tous les êtres robotiques. Je voulais travailler plusieurs facettes de l'humain, mais avec des entités différentes. Je n'aime pas vraiment les "méchants" qui soient manichéens, tout noir ou tout blanc, et pareil pour les gentils. Je préfère quand on se questionne quand on voir les personnages.
Ton style visuel est très dense ! Travailles-tu à la main ou par informatique ? Et es-tu seule ou aidée pour la création de certains détails ?
Yami Shin : Je suis toute seule. (rires)
Il m'est arrivé d'avoir un peu d'aide pour un ou deux chapitres mais pour 99,2% du travail, je travaille seule.
Quant à mes inspirations, j'utilisais des trames quand j'étais dans le milieu du fanzinat, car tout le monde me disait que ça "fait manga". Sauf qu'il faut savoir les utiliser, surtout informatiquement. Sinon, on risque de créer des "noirs", c'est à dire de grosses taches partout, ce qui n'est pas très joli... Vu que je ne sais pas utiliser la trame, j'ai vite laissé tomber pour me mettre aux aplats de gris. Je continue de faire ce que je sais faire, et voilà ! Au final, c'est ce qui plait sur Green Mechanic.
Par notre rencontre avec Shonen, nous avons vu que Ki-oon est très présent dans le processus créatif des œuvres françaises. Est-ce que l'éditeur intervient beaucoup ? Comment se déroulent les échanges ?
Yami Shin : Ki-oon me laisse beaucoup de libertés dans mon cas. En ce qui concerne les échanges, c'est surtout pour avoir des confirmations. J'envoie le contenu du volume sachant qu'il y aura toujours des modifications, modifications que j'envoie aussi à l'éditeur. Je donne toutes les informations nécessaires pour que Ki-oon soit au courant de tout. Après le synopsis du volume, je fais le synopsis des chapitres puis procède au storyboard... à chaque étape, le compte rendu est envoyé. Viennent ensuite l'encrage, le tramage et les textes qui sont ensuite communiqués à l'éditeur, afin qu'on me dise si tout va ou non. En général, tout va bien... (rires)
Quand le tome est fini, on reste en contact avec ceux qui s'occupent des textes. Il arrive qu'on me demande si on peut changer une tournure de phrase mais la plupart du temps, c'est pour fluidifier le texte et le rendre plus lisible. Et s'ils ne comprennent pas quelque chose, ils demandes explication. Les échanges entre nous servent surtout à vérifier l'avancement du travail.
Graphiquement, tu n'as donc jamais dû retoucher une page de Green Mechanic suite à un échange avec Ki-oon ?
Yami Shin : Si, sur le chapitre un je crois. J'ai envoyé mon chapitre, et Ahmed (directeur éditorial de Ki-oon, ndt) ma répondu que le résultat était bon, mais manquait cruellement de décors... Là, c'était le drame ! Je voulais aller vite. Je voulais dessiner trente page en un mois car je pensais ce rythme idéal. Je me sentais en concurrence avec tous les auteurs japonais édités par Ki-oon, il fallait que je me dépêche. Pour le coup, le chapitre envoyé n'était pas complet. Je conserve chaque chapitre que j'envoie à l'éditeur et en retombant dessus, en effet, j'ai vu qu'il manquait des décors... (rires)
Suite à cette remarque, j'étais alarmée car je pensais que j'avais déçu mon éditeur ! J'ai donc passé mon temps à rajouter de nombreux décors, et c'est vrai que je pinaille beaucoup plus sur chaque aspect du récit maintenant. J'attends que le chapitre soit bien "complet" pour l'envoyer à Ki-oon et une fois le tome terminé, je repasse sur tout le tome, de la première à la dernière page, pour voir s'il n'y a pas des corrections graphiques à apporter. Si un visage est imparfait, je peux le corriger. Ou quand des personnages présentent des caractéristiques physiques particulières, comme un tatouage ou un grain de beauté, je peux les oublier donc c'est à ce moment que je peux corriger ces oublis.
Justement, concernant le rythme, le second tome paraîtra en octobre. C'est assez rapide sachant que tu travailles seule. Comment gères-tu ce rythme de travail ?
Yami Shin : Le tome un a été fait en dix mois, et le deux en huit mois environ. Dans mon optique, j'aimerais prendre toujours moins de temps, six mois par tome par exemple. Mais il faut s'accrocher pour ça... (rires)
De base, je suis plutôt fragile physiquement, j'ai par exemple tendance à faire des tendinites rapidement si je force trop. Même si je voulais trop travailler, mon corps ne suivrait pas. Et le soucis avec les tendinites, c'est que ça continue sur un ou deux mois si on ne s'arrête pas, et je ne peux pas me permettre de perdre ce temps. Mon rythme dépend donc aussi de mon hygiène de vie, du coup je ne peux pas vraiment dire le temps que me prendra le tome trois au total.
Sans trop en dire, as-tu des idées pour la suite de Green Mechanic ?
Yami-Shin : On risque de découvrir une partie de la ville qu'on n'a pas encore vue. On partira à l'aventure dans le deuxième tome. Ce sera peut-être plus calme dans le sens où certains éléments du tome un ne seront pas dans le second opus, mais c'est pour mieux revenir plus tard. Je n'ai pas mis de côté ces éléments scénaristiques par flemme, mais pour mieux coller au scénario.
Ton personnage préféré dans Green Mechanic ?
Yami-Shin : Je les aime tous... Mais c'est vu qu'il y a un personnage qu'on ne voit pas beaucoup dans le tome un : Isac. C'est un individu de sexe masculin, je le dis ainsi parce qu'on peut difficilement deviner son âge et dire si c'est un homme ou un jeune garçon. Il porte un masque et est très mystérieux. Ce personnage me fait rire surtout. (rires)
Mais je les aime vraiment tous. Par exemple, Misha est le personnage dans lequel je peux mettre le plus de sentiments dans le sens où elle va transmettre le plus sincèrement ses émotions, c'est intéressant à traiter. Pour Reborn, il est vraiment chou et ne sourit jamais, donc c'est rigolo. Neil aussi parce que j'aime les faux chevaliers blancs, c'est à dire ceux qui pensent pouvoir sauver la veuve et l'orphelin mais qui montrent beaucoup de faiblesses. Et Setsuna parce qu'elle est amusante. Je peux donner les qualités et les défauts de chaque personnage, c'est pour ça que je les aime tous un peu.
Avec Shonen, l'auteur d'Outlaw Players, vous êtes les deux auteurs français de Ki-oon et êtes présents sur le salon. Il vous est arrivé d'échanger entre vous ? Sur vos séries, vos méthodes de travail...
Yami Shin : Pas beaucoup, vu qu'on est occupés chacun de notre côté sur le salon. Mais il nous est arrivés de parler un peu, surtout lors des pauses midi. On a échangé sur nos impressions du salon, surtout. Après, je suis quelqu'un d'assez réservé et même si je parle beaucoup, je n'ose pas trop déranger les gens et préfère les laisser tranquilles, surtout ceux qui ont un plus gros bagage que moi. Et vu que Shonen est plutôt réservé lui aussi, ça donne de toutes petites conversations. (rires)
Avant d'être éditée professionnellement, quel fut ton parcours en tant qu'artiste ?
Yami Shin : J'ai fait environ dix ans de fanzinat, en parallèle à mon boulot de vendeuse en prêt à porter. Je continue le fanzinat d'ailleurs, j'ai mon petit stand : Rainbow Toast.
Comment es-tu tombée dans le manga ?
Yami Shin : Comme à peu près tous les gens de mon âge : par le Club Dorothée. Puis il y a eu Pokémon, Digimon, et les séries du genre. Je n'étais pas vraiment la cible, mais il n'y avais rien d'autres en dessins-animés japonais. Surtout Pokémon qui a eu un énorme succès, je me souviens notamment d'une soirée en prime-time qui s'était déroulée en plein nouvel an, à une heure où on verrait plutôt le téléfilm de noël. Mais je me suis vite lassée : j'ai vu la première saison, puis j'ai remarqué que c'était tout le temps la même chose. Cela dit, je suis vite passée de Pokémon à... Evangelion. (rires)
Dans les anime du genre, il y a aussi eu Card Captor Sakura. C'est comme ça que je suis tombée dans cet univers. J'avais aussi des mangas "papier", Sailor Moon par exemple, mais je ne savais pas que c'était des mangas en tant qu'art. Pour moi, c'était des bandes-dessinées à colorier... C'est avec Evangelion que j'ai découvert le manga en tant que tel, et que je me suis rendu compte qu'on pouvait raconter toutes sortes de choses par ce support. J'ai plus lâché cet univers depuis ma grosse période Evangelion, qui a précédé ma période FullMetal Alchemist. Ce sont les deux titres qui m'ont le plus marquée.
Remerciements à Yami Shin, et à Ki-oon pour l'organisation de la rencontre.
Bonjour Yami Shin, merci de nous accorder cette interview. Tu as gagné le tremplin Ki-oon en 2015 avec Revenge Reborn, comment s'est déroulé la compétition ? Et comment as-tu conçu l’œuvre ?
Yami Shin : Ça a été fait dans l'urgence. (rires)
Je ne sais plus exactement quand le tremplin avait été annoncé, il me semble que c'était début 2015. Je m'étais dit que je n'allais pas participer, parce que je n'avais pas le niveau... Quelque temps après, j'ai été renvoyée de mon boulot. Il restait deux mois avant la fin du concours, que j'avais oublié et qu'un ami m'a rappelé, et j'avais du temps libre. Je me suis dit que, tant qu'à faire, autant profiter de ce temps et participer.
En commençant Revenge Reborn, j'avais juste envie de dessiner une fille avec un mécha. J'ai fait une sorte de mini-apprentissage sur ce one-shot car j'ai pris mon temps pour le réaliser, et ai corrigé pas mal d'erreurs. J'ai envoyé mon histoire et, un mois plus tard, je recevais un mail me disant que je faisais parti des finalistes du tremplin. Puis il y eut les votes, puis le résultat : j'étais première !
Puis, en juin 2017, c'est Green Mechanic qui est publié. Là aussi, tu peux parler de la naissance du projet ?
Yami Shin : J'ai l'impression que je vais répéter les mêmes aventures. (rires)
Je n'avais pas prévu de gagner le tremplin, du coup je n'avais pas de projet. J'ai signé mon contrat d'édition mais je me suis demandé : "je fais quoi ?". Après deux semaines de réflexion intense, je me suis dit que puisque j'ai aimé les personnages de Revenge Reborn, j'allais les réutiliser en les modifiant un peu. J'ai par exemple renommé l'héroïne. J'ai élaboré le projet, des choses ont été enlevées et d'autres rajoutées, mais tout est parti d'une idée de dernière minute.
On peut donc considérer Revenge Reborn comme le one-shot qui a abouti à Green Mechanic, comme ça se fait souvent au Japon ?
Yami Shin : Plutôt l'épisode pilote, une sorte de preview des personnages, même s'ils sont différents. Le contexte aussi n'est pas le même, Revenge Reborn se déroulant dans une forêt, et il n'y en a pas beaucoup dans Green Mechanic...
Green Mechanic est à la croisée des genres, on y trouve du cyberpunk, du post-apocalyptique, et même de la fantasy. Quelles ont été tes inspirations ? Dans quoi as-tu puisé pour avoir eu toutes ces idées ?
Yami Shin : Certains m'ont demandé si la science-fiction était un domaine que je voulais exploiter. Personnellement, j'aime mettre dans l’œuvre tout ce qui me touche. Quand j'ai démarré le scénario, je n'avais pas d'idées, je me suis simplement questionner sur ce que je voulais raconter, ce que je voulais exorciser... Il y a aussi un aspect écologique, je voulais raconter quelque chose dans ce registre. J'ai bidouillé pas mal de choses autour, et ça a donné Green Mechanic. Mais je n'ai pas intentionnellement pensé à faire du steampunk ou de la fantasy. Bon, après, si on me dit steampunk = rouages, je vais avouer que j'aime bien les petits rouages... (rires)
Dans le premier tome de Green Mechanic, tu introduits pas mal d'éléments scénaristiques, notamment des intrigues autour des personnages. As-tu déjà en tête toutes les pistes narratives de la série ? Ou te laisses-tu une certaine marge de manœuvre ?
Yami Shin : Justement, j'ai enlevé beaucoup de choses du premier volume. Parce que si j'introduisais tout d'un seul coup, je n'aurais plus vraiment de marge et la suite se serait montrée compliquée. Mais je sais quoi faire de tout ce que j'ai mis dans le premier opus. Je connais déjà la fin de la série ainsi que quelques uns des éléments clefs. Mais c'est vrai que je fais attention aux pistes que je pose, surtout vu ce qui arrive dans la série, histoire d'éviter d'arriver avec trop de bagages et ne plus savoir quoi en faire.
Justement, concernant la fin de la série, as-tu une idée du nombre total de tomes ?
Yami Shin : Il ne devait pas y avoir beaucoup de volumes au départ. Puis ça a changé au fur et à mesure de l'écriture, le soucis est surtout d'avoir un bon rythme et de développer les personnages et l'univers. Si tout se passe bien, je ferai entre 7 et 10 tomes. C'est déjà un bon nombre !
Les personnages sont très marqués sur ce premier tome, surtout en ce qui concerne le relationnel. Quelle ta vision sur les personnages d'une œuvre ? Quelle importance leur donner ?
Yami Shin : A mon avis, c'est la chose la plus importante dans une histoire. Oui, il faut développer les relations entre les personnages, histoire de les rendre attachants. On peut raconter une intrigue hyper banale, un huis clos par exemple, mais si les personnages ont un background et du relief, ça peut devenir la meilleure histoire du monde. Parce qu'on se projettera en eux, on pourra s'identifier ou identifier des personnes qu'on connait. C'est pareil pour les relations : quand je créé un personnage, je me demande toujours comment je réagirais à sa place. C'est dans cette optique que j'écris les protagonistes de Green Mechanic.
Par rapport aux ersatz, on peut y voir des similitudes avec les goules de Tokyo Ghoul, notamment dans ta manière de traiter leurs rapports aux humains et leur insertion dans la société. Est-ce que cette piste prendra plus d'ampleur dans la série ? Aussi, peut-on y voir un traitement de la notion d'humanité ?
Yami Shin : Pour le coup, cette ressemblance n'est pas anodine oui. (rires)
Dans Green Mechanic, il y a trois catégories d'êtres vivants : les humains, les ersatz, et tous les êtres robotiques. Je voulais travailler plusieurs facettes de l'humain, mais avec des entités différentes. Je n'aime pas vraiment les "méchants" qui soient manichéens, tout noir ou tout blanc, et pareil pour les gentils. Je préfère quand on se questionne quand on voir les personnages.
Ton style visuel est très dense ! Travailles-tu à la main ou par informatique ? Et es-tu seule ou aidée pour la création de certains détails ?
Yami Shin : Je suis toute seule. (rires)
Il m'est arrivé d'avoir un peu d'aide pour un ou deux chapitres mais pour 99,2% du travail, je travaille seule.
Quant à mes inspirations, j'utilisais des trames quand j'étais dans le milieu du fanzinat, car tout le monde me disait que ça "fait manga". Sauf qu'il faut savoir les utiliser, surtout informatiquement. Sinon, on risque de créer des "noirs", c'est à dire de grosses taches partout, ce qui n'est pas très joli... Vu que je ne sais pas utiliser la trame, j'ai vite laissé tomber pour me mettre aux aplats de gris. Je continue de faire ce que je sais faire, et voilà ! Au final, c'est ce qui plait sur Green Mechanic.
Par notre rencontre avec Shonen, nous avons vu que Ki-oon est très présent dans le processus créatif des œuvres françaises. Est-ce que l'éditeur intervient beaucoup ? Comment se déroulent les échanges ?
Yami Shin : Ki-oon me laisse beaucoup de libertés dans mon cas. En ce qui concerne les échanges, c'est surtout pour avoir des confirmations. J'envoie le contenu du volume sachant qu'il y aura toujours des modifications, modifications que j'envoie aussi à l'éditeur. Je donne toutes les informations nécessaires pour que Ki-oon soit au courant de tout. Après le synopsis du volume, je fais le synopsis des chapitres puis procède au storyboard... à chaque étape, le compte rendu est envoyé. Viennent ensuite l'encrage, le tramage et les textes qui sont ensuite communiqués à l'éditeur, afin qu'on me dise si tout va ou non. En général, tout va bien... (rires)
Quand le tome est fini, on reste en contact avec ceux qui s'occupent des textes. Il arrive qu'on me demande si on peut changer une tournure de phrase mais la plupart du temps, c'est pour fluidifier le texte et le rendre plus lisible. Et s'ils ne comprennent pas quelque chose, ils demandes explication. Les échanges entre nous servent surtout à vérifier l'avancement du travail.
Graphiquement, tu n'as donc jamais dû retoucher une page de Green Mechanic suite à un échange avec Ki-oon ?
Yami Shin : Si, sur le chapitre un je crois. J'ai envoyé mon chapitre, et Ahmed (directeur éditorial de Ki-oon, ndt) ma répondu que le résultat était bon, mais manquait cruellement de décors... Là, c'était le drame ! Je voulais aller vite. Je voulais dessiner trente page en un mois car je pensais ce rythme idéal. Je me sentais en concurrence avec tous les auteurs japonais édités par Ki-oon, il fallait que je me dépêche. Pour le coup, le chapitre envoyé n'était pas complet. Je conserve chaque chapitre que j'envoie à l'éditeur et en retombant dessus, en effet, j'ai vu qu'il manquait des décors... (rires)
Suite à cette remarque, j'étais alarmée car je pensais que j'avais déçu mon éditeur ! J'ai donc passé mon temps à rajouter de nombreux décors, et c'est vrai que je pinaille beaucoup plus sur chaque aspect du récit maintenant. J'attends que le chapitre soit bien "complet" pour l'envoyer à Ki-oon et une fois le tome terminé, je repasse sur tout le tome, de la première à la dernière page, pour voir s'il n'y a pas des corrections graphiques à apporter. Si un visage est imparfait, je peux le corriger. Ou quand des personnages présentent des caractéristiques physiques particulières, comme un tatouage ou un grain de beauté, je peux les oublier donc c'est à ce moment que je peux corriger ces oublis.
Justement, concernant le rythme, le second tome paraîtra en octobre. C'est assez rapide sachant que tu travailles seule. Comment gères-tu ce rythme de travail ?
Yami Shin : Le tome un a été fait en dix mois, et le deux en huit mois environ. Dans mon optique, j'aimerais prendre toujours moins de temps, six mois par tome par exemple. Mais il faut s'accrocher pour ça... (rires)
De base, je suis plutôt fragile physiquement, j'ai par exemple tendance à faire des tendinites rapidement si je force trop. Même si je voulais trop travailler, mon corps ne suivrait pas. Et le soucis avec les tendinites, c'est que ça continue sur un ou deux mois si on ne s'arrête pas, et je ne peux pas me permettre de perdre ce temps. Mon rythme dépend donc aussi de mon hygiène de vie, du coup je ne peux pas vraiment dire le temps que me prendra le tome trois au total.
Sans trop en dire, as-tu des idées pour la suite de Green Mechanic ?
Yami-Shin : On risque de découvrir une partie de la ville qu'on n'a pas encore vue. On partira à l'aventure dans le deuxième tome. Ce sera peut-être plus calme dans le sens où certains éléments du tome un ne seront pas dans le second opus, mais c'est pour mieux revenir plus tard. Je n'ai pas mis de côté ces éléments scénaristiques par flemme, mais pour mieux coller au scénario.
Ton personnage préféré dans Green Mechanic ?
Yami-Shin : Je les aime tous... Mais c'est vu qu'il y a un personnage qu'on ne voit pas beaucoup dans le tome un : Isac. C'est un individu de sexe masculin, je le dis ainsi parce qu'on peut difficilement deviner son âge et dire si c'est un homme ou un jeune garçon. Il porte un masque et est très mystérieux. Ce personnage me fait rire surtout. (rires)
Mais je les aime vraiment tous. Par exemple, Misha est le personnage dans lequel je peux mettre le plus de sentiments dans le sens où elle va transmettre le plus sincèrement ses émotions, c'est intéressant à traiter. Pour Reborn, il est vraiment chou et ne sourit jamais, donc c'est rigolo. Neil aussi parce que j'aime les faux chevaliers blancs, c'est à dire ceux qui pensent pouvoir sauver la veuve et l'orphelin mais qui montrent beaucoup de faiblesses. Et Setsuna parce qu'elle est amusante. Je peux donner les qualités et les défauts de chaque personnage, c'est pour ça que je les aime tous un peu.
Avec Shonen, l'auteur d'Outlaw Players, vous êtes les deux auteurs français de Ki-oon et êtes présents sur le salon. Il vous est arrivé d'échanger entre vous ? Sur vos séries, vos méthodes de travail...
Yami Shin : Pas beaucoup, vu qu'on est occupés chacun de notre côté sur le salon. Mais il nous est arrivés de parler un peu, surtout lors des pauses midi. On a échangé sur nos impressions du salon, surtout. Après, je suis quelqu'un d'assez réservé et même si je parle beaucoup, je n'ose pas trop déranger les gens et préfère les laisser tranquilles, surtout ceux qui ont un plus gros bagage que moi. Et vu que Shonen est plutôt réservé lui aussi, ça donne de toutes petites conversations. (rires)
Avant d'être éditée professionnellement, quel fut ton parcours en tant qu'artiste ?
Yami Shin : J'ai fait environ dix ans de fanzinat, en parallèle à mon boulot de vendeuse en prêt à porter. Je continue le fanzinat d'ailleurs, j'ai mon petit stand : Rainbow Toast.
Comment es-tu tombée dans le manga ?
Yami Shin : Comme à peu près tous les gens de mon âge : par le Club Dorothée. Puis il y a eu Pokémon, Digimon, et les séries du genre. Je n'étais pas vraiment la cible, mais il n'y avais rien d'autres en dessins-animés japonais. Surtout Pokémon qui a eu un énorme succès, je me souviens notamment d'une soirée en prime-time qui s'était déroulée en plein nouvel an, à une heure où on verrait plutôt le téléfilm de noël. Mais je me suis vite lassée : j'ai vu la première saison, puis j'ai remarqué que c'était tout le temps la même chose. Cela dit, je suis vite passée de Pokémon à... Evangelion. (rires)
Dans les anime du genre, il y a aussi eu Card Captor Sakura. C'est comme ça que je suis tombée dans cet univers. J'avais aussi des mangas "papier", Sailor Moon par exemple, mais je ne savais pas que c'était des mangas en tant qu'art. Pour moi, c'était des bandes-dessinées à colorier... C'est avec Evangelion que j'ai découvert le manga en tant que tel, et que je me suis rendu compte qu'on pouvait raconter toutes sortes de choses par ce support. J'ai plus lâché cet univers depuis ma grosse période Evangelion, qui a précédé ma période FullMetal Alchemist. Ce sont les deux titres qui m'ont le plus marquée.
Remerciements à Yami Shin, et à Ki-oon pour l'organisation de la rencontre.
De Dharma [1875 Pts], le 14 Octobre 2017 à 22h38
Une interview intéressante ! Par contre j'aurais bien aimé savoir Gunnm était une de ses sources d'inspi, ou pas... Pure curiosité. Vous auriez dû lui demander qu'ells étaient les ouevres ou les auteurs qui lui donnaient le plus d'idées ! :p
De Theodoryna [2416 Pts], le 13 Octobre 2017 à 20h26
Merci beaucoup pour cette interview de Yami shin !