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Ciné-Asie Chronique ciné asie - Une adolescente

Samedi, 09 Juillet 2016 à 16h00 - Source :Chroniques Cinéma Asiatique

Tomoka, la quarantaine passée, blagueur, cabotin, gribouilleur et, accessoirement, policier. Une demoiselle a perdu son petit chien-chien ? Pas de panique : Tomoka il va le retrouver, c’est un pro. Et puis, lorsqu’une ménagère se sentira un chouya seule il sera toujours là pour donner de sa personne ; hein ? Mais bon, concrètement, le bougre, il s’ennuie un peu dans cette paisible petite ville à flanc de montagnes. Le v’la au bar, il trinque avec lui-même, dessine sur un bout de papier, s’assoupit et pique du nez… une jeune fille l’interpelle, une étudiante semble-t-il, il ne l’a jamais vu, il ne comprend pas, c’est un peu le brouillard dans les méninges : ils passeront la nuit ensemble. D’ailleurs, au réveil elle n’est plus là : volatilisée. Il n’arrête pas de penser à elle ; il en perd un peu la tête à vrai dire : pour la retrouver, il enquête, il la cherche partout et, parfois, n’importe comment.


Cette adolescente, c’est Yoko. Adolescente ? Oui, car, en réalité, contrairement à ce qu’elle put raconter a Tomoka, elle n’a que quinze ans ; c’est qu’elle l’a bien baratiné au flic oisif. Elle avait entendu parler de lui au lycée, de ce personnage atypique, drôle et tête en l’air ; elle jetait un œil sur l’album des œuvres de son grand-père tatoueur : parmi elles, une vieille photographie de ce fameux policier, un tatouage d’oiseau remplissant entièrement son dos, alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années : elle en devient amoureuse avant même le connaître, il était si beau autrefois. Puis Yoko elle avait quitté la grande ville, sa mère et le reste de sa famille pour venir vivre ici, dans les montagnes, chez son grand-père ; et on se demande vraiment pourquoi ; d’ailleurs son frère, s’il n’a malheureusement pas toute sa tête, il n’en a pas moins un grand cœur et ne manquera jamais de veiller sur la petite sœur.


Une réalisation du plus simple apparat : réfléchie, belle et poétique


A fur et à mesure que l’œuvre ne se dévoile, nous ne pouvons que comprendre pourquoi le film eut obtenu le Grand Prix lors du Festival du Film de Paris. S’il ne s’agissait alors que du premier film d’Eiji Okuda, à la fois réalisateur et acteur de ce protagoniste principal masculin, il n’y aurait pour ainsi dire que peu de griefs à faire. Car la réalisation quasi artisanale, jusque dans les moments les plus simples, nous surprendra de par sa justesse, parfois même insolente : découvrir ce Japon si peu montré habituellement, cet archipel nippon dans les montagnes, entouré de vertes forêts, où ces gens vivent au gré des jours, rythmés par la pluie et les rayons du soleil.

La liberté laissée aux acteurs lors de certaines scènes tournées à vifs ne pouvait que les rendre plus évocatrices que n’aurait pu l’être la réalité. Les musiques sont belles : la chanson de Pierre Barouh, compositeur de la musique du film « Un homme et une femme », lors de plans contemplatifs est renversante. Ajoutons que le dvd comprend, pour notre plus grand plaisir, les voies originales japonaises.

Un film humble & une histoire davantage complexe qu’elle n’y aurait semblée


Une erreur serait sans doute de se dire « tiens, je m’en vais regarder cette comédie sentimentale en y prêtant guère que trop d’attention » ; car, si, à ses débuts, le scénario semble modeste, en réalité, la trame se déroulant, l’on aperçoit les évènements s’enchevêtrer les uns avec les autres : et l’on en saisit jusqu’à l’importance des toutes premières scènes : et nombreux seront surpris devant ce scénario qui, pépère et bien tranquille, révèle sûrement ses atouts : notamment la jeunesse maladroite, et parfois malheureuse, de ce policier ou, encore, les raisons de l’exil de Yoko.

 
Une comédie sentimentale qui ne pouvait se détourner que peu d’une approche sociale à raison de la thématique centrale : quel regard peut porter la société, le citoyen lambda, sur tout cela ? Si les copains d’enfance de Tomoka, autour d’un apéro du dimanche, s’en moquent assez, sa situation professionnelle devient difficile et, en famille, la réaction de rejet ne se fera pas attendre.

Eiji Okuda, un réalisateur sensible ; Mayu Ozawa, une actrice troublante

Si, Eiji Okuda, acteur réputé de l’archipel, fera l’acquisition des droits d’adaptation du roman de Mikihiko Renjo, cela ne sera que seize années plus tard qu’il en réalisera le film. Également peintre à ses heures, l’on ne pourra que remarquer l’attention portée à l’art du tatouage, lequel nous apparaîtra comme le centre névralgique du film : celui unissant, par métaphore, ces deux destins. Et, lorsque l’on apprend qu’« Une adolescente » fut tourné dans le patelin de Seto, l’on se rappellera qu’Eiji Okuda est né non loin de là, à Kasugai, dans la circonscription d’Aichi.

 
Après avoir vu le film, difficile d’imaginer une autre actrice que Mayu Ozawa pour interpréter ce personnage : mélange de lucidité, de naïveté et de grâce ; dont le regard et l’expressivité ne pouvaient avoir meilleur rendu. Elle remportera à cette occasion le Prix d’interprétation féminine du Festival du Film de Paris. Aussi, lorsque, par la suite, Eiji Okuda réalisa son second film - « Runin » - il se tourna naturellement à nouveau vers elle. 


Un érotisme cru assez maîtrisé

Certes, l’érotisme est une composante manifeste du film, néanmoins, si celui-ci est parfois très présent, nous comprenons au gré du scénario quelle en est la raison : exposer les dos de ces personnages qui ne sont que des toiles pour tatouages dont l’importance est quasi-métaphysique. Et, lorsque les corps nus apparaissent, la photographie sera toujours de la plus grande pudeur ; jamais il ne sera chuté dans le mauvais goût. Il y aurait nombre de choses à dire sur la place du tatouage dans le cadre de l’intrigue et l’évolution des personnages, mais cela ne serait que trop délicat sans risquer une révélation inopportune.

 
Une petite perle qui luit de ses frêles éclats

Une production qui, si elle aborde une thématique récurrente de la culture japonaise, à savoir une relation entre une très jeune fille et un homme plus âgé, ne le fait pas sans intelligence, de façon, probablement, à nous faire oublier cette presque-lubie nipponne, parfois lassante. Un film empli de beauté, quelquefois songeur, parfois drôle, souvent délicat et régulièrement juste : jusqu’à cette fin poignante d’une légèreté bouleversante. Un bijou que trop méconnu qui ravira les adorateurs de l’archipel ; si ce n’est déjà point le cas.
L'avis du chroniqueur
Alphonse

Samedi, 09 Juillet 2016
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