Ciné-Asie Chronique ciné asie - L'empire des sens
Début 76, Nagisa Oshima donnait suite à la réflexion sur l’expérience des limites initiée par Pier Paolo Pasolini, auteur du crépusculaire Salo ou les 120 jours de Sodome (1975).
Qu'il soit influencé par le néoréalisme italien (son premier film Le Quartier de l’Amour (1959) où un jeune garçon pauvre truande des gens grâce à un pigeon voyageur) ou par la Nouvelle Vague française, Nagisa Oshima n'aura de cesse de transgresser. En 1961, il quitte la Shôchiku, société ayant financée ses premiers longs-métrages, pour créer sa propre société de production, la Sozosha. Fort de cette autonomie, il réalisera coup sur coup, trois de ses plus grands films : La Pendaison (1968), Le Petit Garçon (1969) et l'immense La Cérémonie (1971).
En 1975, il s'apprête à tourner L’Empire des Sens son œuvre la plus connue, basée sur un fait réel et financée par Anatole Dauman via la société Argos Film. La mise en image explicite d'une histoire d’amour située dans le Japon de l'entre-deux-guerres apportera à Oshima gloire et reconnaissance internationale.
Censuré dans son pays d'origine, le film d'Oshima sera maintes fois amputé et remonté. Par acharnement du producteur Koji Wakamatsu, L’Empire des Sens parviendra tout de même à dépasser les frontières nippones pour être présenté dans de nombreux pays, notamment lors de la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes. Trois ans plus tard, le sublimement prude L’Empire de la Passion (1978), faussement considéré comme la suite de L’Empire des Sens, confirmera l’exceptionnelle maîtrise d’Oshima sur les thèmes majeurs de la passion et de la mort. Après une Palme d’Or de la mise en scène au Festival de Cannes pour L’Empire de la Passion, Oshima adaptera une nouvelle de Laurens Van der Post, Furyo (1983), avec David Bowie et Takeshi Kitano dans son premier rôle. Malgré leurs qualités, ses deux derniers films Max, mon amour (1986) où une aristocrate tombait amoureuse d’un chimpanzé et Taboo (1996), banale histoire de samouraïs, ne perpétueront pas la perspective contestataire de ses œuvres antérieures.
Dans des alcôves multicolores, Oshima fige le couple Sada-Kichizo dans des torrents d'enlacements faisant de chaque plan, une œuvre d’art où feux intérieurs et reflets pâles d'un monde au bord de l'implosion viennent s'entremêler. Cinéaste sous influence, il mélange un souci d'épure (La caméra souvent placée à hauteur d'homme, les plans fixes) à l'exploration esthétique d'un Kobayashi dont il a été l'assistant (Le jaillissement des couleurs, l'éclairage et la photographie presque féerique).
Au beau milieu de l’hiver, Sada (Eiko Matsuda) portant un kimono rouge enlace Kichizo (Tatsuya Fuji). La photographie d’Hideo Ito vient absorber l’éclat symbolique du vêtement; le rouge puissant du kimono de Sada, signe d’une quête permanente du désir, frappe l’œil du spectateur en se démarquant de la blancheur d’une neige tombant par flocons. Par redimensionnement de son espace filmique, Oshima scinde son univers en deux blocs distincts (Sada-Kichizo et le reste du genre humain). Après une visite faite à son épouse qu'il a délaissée, Kichizo, hagard, croise une armée de soldats paradant sur une musique militaire aux antipodes des mélodies envoûtantes entendues dans les bordels. Les orgies, les danses et les chants sont des obstacles à un Japon s'orientant progressivement vers la débâcle de la Seconde Guerre mondiale.
A la manière d'un Verhoeven sept ans plus tard avec l'inégalable Le Quatrième Homme (1983), Nagisa Oshima confère à Sada un pouvoir presque arachnéen. Couteau à la main, Sada la prédatrice annonce dès la première séquence, l'acte final de castration. Lors d'une passe, Sada souhaite être punie par un de ses clients; le châtiment qui lui est alors administré est un préambule à l'émasculation de Kichizo. L'authenticité charnelle de Sada renvoie Toku (Aoi Nakajima), la femme légitime de Kichizo au statut d'épouse asservie, sans panache ni passion. Au stade ultime de la passion, Kichizo épuisé par l'insatiabilité de Sada, se laisse mourir. Dans une série de plans fixes et contemplatifs, Sada enclenche la mise à mort et la passion sacrificielle devient éternité.
Dans son empire sensuel, Nagisa Oshima est Sada, la petite putain ayant choisi l'extase et l'acte de castration pour échapper.
Proche d'un Pasolini ou d'un Verhoeven période hollandaise, Oshima redonne au sexe son pouvoir de contestation.
The Duke
Qu'il soit influencé par le néoréalisme italien (son premier film Le Quartier de l’Amour (1959) où un jeune garçon pauvre truande des gens grâce à un pigeon voyageur) ou par la Nouvelle Vague française, Nagisa Oshima n'aura de cesse de transgresser. En 1961, il quitte la Shôchiku, société ayant financée ses premiers longs-métrages, pour créer sa propre société de production, la Sozosha. Fort de cette autonomie, il réalisera coup sur coup, trois de ses plus grands films : La Pendaison (1968), Le Petit Garçon (1969) et l'immense La Cérémonie (1971).
En 1975, il s'apprête à tourner L’Empire des Sens son œuvre la plus connue, basée sur un fait réel et financée par Anatole Dauman via la société Argos Film. La mise en image explicite d'une histoire d’amour située dans le Japon de l'entre-deux-guerres apportera à Oshima gloire et reconnaissance internationale.
Censuré dans son pays d'origine, le film d'Oshima sera maintes fois amputé et remonté. Par acharnement du producteur Koji Wakamatsu, L’Empire des Sens parviendra tout de même à dépasser les frontières nippones pour être présenté dans de nombreux pays, notamment lors de la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes. Trois ans plus tard, le sublimement prude L’Empire de la Passion (1978), faussement considéré comme la suite de L’Empire des Sens, confirmera l’exceptionnelle maîtrise d’Oshima sur les thèmes majeurs de la passion et de la mort. Après une Palme d’Or de la mise en scène au Festival de Cannes pour L’Empire de la Passion, Oshima adaptera une nouvelle de Laurens Van der Post, Furyo (1983), avec David Bowie et Takeshi Kitano dans son premier rôle. Malgré leurs qualités, ses deux derniers films Max, mon amour (1986) où une aristocrate tombait amoureuse d’un chimpanzé et Taboo (1996), banale histoire de samouraïs, ne perpétueront pas la perspective contestataire de ses œuvres antérieures.
Dans des alcôves multicolores, Oshima fige le couple Sada-Kichizo dans des torrents d'enlacements faisant de chaque plan, une œuvre d’art où feux intérieurs et reflets pâles d'un monde au bord de l'implosion viennent s'entremêler. Cinéaste sous influence, il mélange un souci d'épure (La caméra souvent placée à hauteur d'homme, les plans fixes) à l'exploration esthétique d'un Kobayashi dont il a été l'assistant (Le jaillissement des couleurs, l'éclairage et la photographie presque féerique).
Au beau milieu de l’hiver, Sada (Eiko Matsuda) portant un kimono rouge enlace Kichizo (Tatsuya Fuji). La photographie d’Hideo Ito vient absorber l’éclat symbolique du vêtement; le rouge puissant du kimono de Sada, signe d’une quête permanente du désir, frappe l’œil du spectateur en se démarquant de la blancheur d’une neige tombant par flocons. Par redimensionnement de son espace filmique, Oshima scinde son univers en deux blocs distincts (Sada-Kichizo et le reste du genre humain). Après une visite faite à son épouse qu'il a délaissée, Kichizo, hagard, croise une armée de soldats paradant sur une musique militaire aux antipodes des mélodies envoûtantes entendues dans les bordels. Les orgies, les danses et les chants sont des obstacles à un Japon s'orientant progressivement vers la débâcle de la Seconde Guerre mondiale.
A la manière d'un Verhoeven sept ans plus tard avec l'inégalable Le Quatrième Homme (1983), Nagisa Oshima confère à Sada un pouvoir presque arachnéen. Couteau à la main, Sada la prédatrice annonce dès la première séquence, l'acte final de castration. Lors d'une passe, Sada souhaite être punie par un de ses clients; le châtiment qui lui est alors administré est un préambule à l'émasculation de Kichizo. L'authenticité charnelle de Sada renvoie Toku (Aoi Nakajima), la femme légitime de Kichizo au statut d'épouse asservie, sans panache ni passion. Au stade ultime de la passion, Kichizo épuisé par l'insatiabilité de Sada, se laisse mourir. Dans une série de plans fixes et contemplatifs, Sada enclenche la mise à mort et la passion sacrificielle devient éternité.
Dans son empire sensuel, Nagisa Oshima est Sada, la petite putain ayant choisi l'extase et l'acte de castration pour échapper.
Proche d'un Pasolini ou d'un Verhoeven période hollandaise, Oshima redonne au sexe son pouvoir de contestation.
The Duke
De saqura [4377 Pts], le 23 Février 2015 à 23h46
je conais pas
De cicipouce [3180 Pts], le 22 Février 2015 à 16h12
Ca me dit vaguement quelque chose ... Je vais peut être me laisser tenter par aller voir si je le trouve !!