Imbeciles heureux - Actualité manga

Imbeciles heureux : Critiques

Shin happy people

Critique de la série manga

Publiée le Mardi, 25 Août 2015

Imbéciles heureux est une série de Eisho Shaku en trois tomes licenciée par Akata / Delcourt et publiée en France d'octobre 2004 à janvier 2005. Elle appartient à la collection Gingko de l'éditeur, qui regroupe des seinen. Au Japon, le titre a été publié chez Shueisha sous le titre "Shin Happy People". C'est en fait la suite d'une autre série nommée "Happy People", terminée en 12 tomes.
La série originelle et sa suite partagent un seul et même but : dénoncer les travers de la société japonaise en utilisant un ton satirique et caustique. L'auteur n'hésitera pas à utiliser l'humour noir pour illustrer son propos, mais aussi une multitude d'effets horrifiques, qui sont parfois assez gores.

Chaque tome est composé de plusieurs histoires courtes à la taille variable, allant d'un chapitre à une centaine de pages. Certaines sont bien évidemment plus marquantes que les autres, et globalement ce sont les histoires plus longues qui tirent leur épingle du jeu car l'auteur a beaucoup plus le temps de poser son univers.

Dans le tome 1, c'est la dernière histoire, intitulée "Mouches à merde", qui sera de très loin la plus marquante. L'auteur va dénoncer les déviances des médias nippons et leur éternelle chasse au scoop, au détriment du vrai journalisme et du travail d'investigation. Nous allons être les spectateurs de la déchéance d'un homme qui va être accusé du meurtre de sa femme (pourtant décédée dans un accident) suite à l'acharnement d'un canard prêt à tout pour vendre plus, quitte à déformer les faits sans se soucier des conséquences. On va alors assister à une double escalade : du mensonge et de l'horreur, la première étant suivie de très prêt par la seconde, avec un final qui ne peut pas laisser indifférent.

Dans le second tome, c'est également le dernier récit qui retiendra le plus notre attention. Dans cette nouvelle appelée "De la chenille au papillon", Eisho Shaku va traiter du douloureux problème des Ijime, terme japonais qui signifie littéralement "Intimidation" et qui caractérise les brimades et autres sévices subies par certains élèves isolés et en marge de leur classe, parce qu'ils ne parviennent pas à s'intégrer dans un groupe. Dans cette histoire, l'idéalisme naif d'un jeune professeur va se confronter à la perversion d'un groupe d'élèves qui en fait voir de toutes les couleurs à Shigemi, un lycéen trop timoré pour se défendre. Comme dans "Mouches à merde", l'auteur va mettre en place une narration qui va miser sur la surenchère et l'escalade; ici de violence; jusqu'à nous offrir une conclusion assez brutale, incertaine et ouverte, où plusieurs questions seront laissées sans réponse tout autant que certains doutes ne seront pas levés. Chaque lecteur pourra alors se faire sa propre idée de la suite des évènements.

Enfin, le troisième tome va nous gratifier d'une histoire dont la portée dépassera l'espace nippon et sera également parlante pour le lecteur occidental, puisqu'elle s'intéressera à la peine de mort. Pour rappel, la peine de mort est encore en place au Japon mais a été abolie chez nous en 1981. Au Japon comme en France, elle fait toujours débat entre ceux qui la dénoncent et ses partisans... Dans ce récit, le mangaka va nous pousser à la réflexion en mettant en scène un avocat, ténor du barreau et farouche opposant à la peine de mort, qui devoir défendre un terroriste dont l'attentat a provoqué la mort de sa femme, de sa mère, et de sa fille. Un cruel dilemme va alors tirailler notre protagoniste, pour qui les convictions vont se fracasser face à la cruelle réalité. Le droit de venger les victimes est-il plus important que le droit à la vie des coupables ? L'auteur apportera des éléments de réponses mais ne nous servira pas pour autant la solution de l'énigme sur un plateau, chacun ayant au final sa propre idée sur ce sujet. En tout cas, force est de constater qu'une fois de plus, Eisho Shaku a un talent inné pour nous creuser les méninges tout en étant le réaliste portraitiste des excès et dérives des sociétés modernes.

En définitive, Imbéciles heureux est un récit qui dénonce sans concession et cherche à nous faire réfléchir sur des questions importantes de la société. Si les graphismes ne sont pas très aboutis (sans être pour autant désagréables), ici ils n'ont presque aucune importance : le graphisme s'efface au profit du discours qui est l'élément fondamental de cette série. Enfin, même si c'est la société nippone qui est passée à la loupe, la portée des histoires rassemblées dans ces trois tomes est bien souvent universelle. En conséquence, il serait dommage de passer à de cette série atypique, qui ravira les lecteurs adultes envie de lire un récit qui sort des sentiers battus.


shinob


Note de la rédaction

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

16.00,16.00,17.00

Les critiques des volumes de la série