The end of the world Vol.1 - Actualité manga
The end of the world Vol.1 - Manga

The end of the world Vol.1 : Critiques

Sekai no hate - The end of the world

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 07 Novembre 2013

Continuant de nous abreuver de nombreux shôjo qui ont parfois tendance à beaucoup se ressembler, les éditions Panini nous amènent en ce mois de novembre une auteure encore inédite en France : Aoi Makino, qui débarque dans notre pays déjà auréolée d'une petite réputation. A juste titre, car comme nous allons le voir, The End of the World s'inscrit dans un type de shôjo bien trop rare en France.

The End of the World démarre dans une petite ville japonaise, alors qu'une collégienne, Azusa Senda, tente de s'extirper des griffes d'un homme peu scrupuleux, désireux de profiter d'elle à l'hôtel bien malgré elle. Ils sont surpris par Takashi Kawaguchi, un camarade de classe d'Azusa qui la sauve et la sermonne, persuadé qu'elle s'adonne aux rencards tarifés. Cet événement marque la rencontre entre deux êtres qui vont découvrir qu'ils sont semblables sur certains points. Car tous deux ont été ou sont victimes de brimades. Passionné de trains, Kawaguchi, malgré son joli minois, passe pour un otaku détraqué qui lui vaut d'être la cible des leaders du collège, dont fait partie le dénommé Kasuga. De son côté, Azusa, qui vivait auparavant à Kobe, a déménagé il y a quelques mois dans cette petite ville avec ses parents, pour fuir son ancien collège où elle subissait de nombreuses brimades. Dans son nouveau collège, elle est décidée à passer inaperçue en se rangeant du côté des leaders, histoire de ne plus poser de problèmes à ses parents. Et qui dit se ranger du côté des leaders, dit céder aux avances du prétentieux Kasuga...

Voila pour le pitch de départ. Dès les premières pages, Aoi Makino nous plonge dans un quotidien aussi réaliste que dur pour ses deux héros, où elle met d'abord en avant le problème des brimades scolaires, un sujet déjà joliment abordé dans des oeuvres comme Vitamine ou Life. Mais qu'on se le dise, si l'oeuvre séduit déjà de par l'ambiance qu'elle installe avec cet aspect, elle est loin de se limiter à cela, et prend le temps de poser le background et de développer la psyché de ses deux héros, qui vont s'influencer mutuellement.
On découvre donc en Kawaguchi un jeune garçon étonnant. Vivant seul avec son grand-père dans une grande maison où il collectionne tout ce qui a rapport aux trains, il fait face avec une force hors du commun aux brimades qu'il subit quotidiennement. Bien qu'il soit totalement esseulé, il ne pleure jamais, conserve toujours un regard fort, encaisse les pires humiliations sans broncher. Très cynique envers les autres, il pose d'abord un regard tout aussi blasé sur Azusa, avant de découvrir plus en détail son passé et ses problèmes, très proches des siens. Assez idéalisé (il faut bien avouer que quand on est victime de telles brimades, on ne peut sans doute pas garder un self control tel que le sien), le jeune garçon n'en reste pas moins une figure forte et intéressante. Tellement forte qu'elle va vite influer sur la mentalité d'Azusa. Désireuse de rester discrète pour ne plus subir les mêmes problèmes qu'à Kobe, s'effaçant au point d'accepter de sortir avec Kasuga pour un couple que tout le monde, sauf elle, idéalise, la jeune fille va changer peu à peu en observant la force mentale de Kawaguchi, et en commençant à le fréquenter, si bien que celui-ci finira par lui ouvrir les yeux.

Aoi Makino cisèle bien les choses. Les évolutions de ses deux héros apparaissent naturelles car la mangaka prend le temps de les développer, ainsi que leurs douleurs internes. Sur ce dernier point, il faut saluer le focus sur les relations des deux adolescents à leur famille, car très vite, on découvre le lien fort unissant Azusa à ses parents, qui se sont toujours inquiétés pour leur fille, au point de plaquer leur travail, de tout laisser tomber pour déménager. C'est d'autant plus poignant qu'en contrepartie, la jeune fille, par amour pour sa famille, est bien décidée à ne plus leur poser tant de problèmes. De même, quand les faiblesses de Kawaguchi ressortiront, certaines scènes avec son plus proche confident, son grand-père, auront de quoi toucher.
Egalement, les dialogues sonnent juste, la mangaka s'adonnant un peu à l'exercice des métaphores, à l'image de celle des trains et des rails, reliés au monde entier, comme pour permettre de partir à tout moment, d'échapper à un monde tout petit pour retrouver sa liberté.

Bien sûr, on n'évite pas la romance habituelle, on devine très vite qu'Azusa et Kawaguchi vont être attirés l'un par l'autre, mais heureusement Aoi Makino n'en fait pas des tonnes là-dessus, et le rapprochement paraît naturel et touchant, du fait des événements unissant les deux adolescents.

Le harcèlement scolaire, les conséquences psychologiques qu'il implique, la volonté de préserver ses proches, ou me^me brièvement les rencards tarifés avec des mineures... La mangaka offre un portrait étonnamment riche et juste de certains problèmes de société. Et pourtant, dîtes-vous que tout ce dont il a été question jusque là dans cette chronique n'est pas le problème central de la série, mais forme juste le déclencheur d'un drame plus grave encore.

Ce drame, on le sent venir petit à petit à travers divers indices laissés au fil du tome, via un astucieux système de flashbacks le mettant en avant par bribes, de façon de plus en plus précise, jusqu'à ce que tout éclate en laissant plutôt stupéfait, même si on le sentait venir. Un système narratif qui rappelle notamment l'incroyable tome 9 de The Top Secret, pour ceux qui ont lu cette excellente série de Reiko Shimizu, bien que le traitement dans The End of the World soit tout de même beaucoup moins puissant et inattendu. Mais voir ça, un procédé si ambitieux dans un shôjo, ça fait quand même du bien.

S'ensuit alors le réel départ d'une série qui semble également destinée à flirter avec le policier et le thriller par la suite, tout en n'oubliant jamais le développement de ses personnages. Le tour tragique qui est joué à nos héros enclenche chez eux des sentiments aussi forts que la détresse totale, la culpabilité ou la volonté de protéger ses proches (on reste marqué par la volonté d'Azusa de préserver sa mère, qui semble prête à craquer à tout moment si elle découvre que sa fille a à nouveau des problèmes), et l'on se demande vraiment ce qui attend chacun des personnages, qu'il s'agisse des héros ou des protagonistes secondaires, dans une suite qui promet d'être tout aussi douloureuse et riche.

Au niveau des dessins, Aoi Makino conserve un trait bel et bien typé shôjo, avec des personnages aux traits un peu arrondis et aux yeux très expressifs. La mangaka se sert bien de ces spécificités pour faire ressortir les émotions et la détresse de ses personnages, et elle évite globalement de tomber dans les excès, sauf quand cela le demande (la scène du toit).

A l'heure où tant de shôjo paraissant en France se cantonnent à la romance gentillette ou putassière, The End of the World se démarque avec brio, nous propulsant dans une histoire sombre, abordant succinctement ou plus profondément de nombreux thèmes délicats, et au fil de laquelle Aoi Makino n'oublie rien. Et tout ceci en seulement 140 pages s'il vous plaît, le dernier chapitre étant un hors-série présentant les origines des brimades qu'Azusa a subies à Kobe. L'un des débuts de shôjo les plus ambitieux et profonds de cette année 2013, pour une série à suivre de très près.

Du côté de l'édition, on a malheureusement droit à du Panini pur jus. Si la traduction reste honnête, on déplorera le papier trop rêche et désagréable à prendre en main, ainsi que la qualité d'impression très médiocre (aaah, le syndrome de l'encre sur les doigts...)


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs