Sesame Street Vol.1 - Manga

Sesame Street Vol.1 : Critiques

sesami sutoriito

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 07 Juin 2021

En une carrière malheureusement courte (même s'il avait quand même pu sortir en 2001 un ouvrage dessiné en numérique après quasiment une décennie d'absence), puisqu'il fut touché par sa longue maladie à partir de la première moitié des années 1990, Izumi Matsumoto a pourtant su marquer durablement nombre de lecteurs et de fans d'animation à travers le monde en ayant créé ce qui fut la comédie romantique phare du Shônen Jump pendant les années 80: Kimagure Orange Road (Max et compagnie en français), une oeuvre qui, autant dans sa version manga que dans son adaptation animée, a brillé et brille encore pour son atmosphère typique de cette décennie ainsi que pour le charme indémodable de ses deux héroïnes, en tête desquelles Madoka Ayukawa. Malheureusement, l'artiste est finalement décédé en octobre dernier, ce qui a poussé Black Box à avoir l'idée largement bienvenue d'une hommage, prenant la forme d'une collection qui lui est dédiée et qui accueille les autres titres de l'auteur inédits en France jusque-là: d'un côté son recueil d'histoires courtes Graffiti sur lequel on reviendra plus tard, et de l'autre l'oeuvre qui nous intéresse ici: Sesame Street, manga en 4 volumes qui fut prépublié de 1988 (donc immédiatement après Orange Road) à 1992 dans le magazine Super Jump de Shûeisha, et qui a ensuite connu une réédition deluxe en 3 tomes. C'est sur cette réédition que semble se baser l'édition française.

Sesame Street nous plonge au sein de la famille Fujiya, qui tâche de remonter la pente après des temps troubles: tandis que le père peine à se remettre du décès de sa femme quelques années auparavant, le fil Keiki, notre héros, vient d'échouer aux examens d'entrée à l'université, lui qui rêve surtout de gloire avec son groupe de rock. Alors, entre eux, la présence de Karin, une lycéenne qu'ils hébergent dans le cadre de ses études à Tokyo, est un petit rayon de soleil, même si elle et Keiki passent leur temps à se chamailler. Mais surtout, le mariage du grand frère Amemaru avec Chitose, une ravissante et douce étudiante, sonne pour toutes la petites famille comme le moyen d'enfin réellement repartir de l'avant... à moins que le destin n'en décide autrement. Le jour même de son mariage, Amemaru est appelé par son travail pour un voyage à l'étranger, voyage dont il ne reviendra visiblement jamais, son avion ayant disparu quelque part au-dessus du Ghana. Personne ne sait où il est passé, s'il est bel et bien mort.... mais il e donne plus aucun signe de vie. Et puis, peut-on vraiment survivre à un crash d'avion ? Le malheur s'abat donc à nouveau sur la famille Fujiya... du moins, jusqu'à ce que Chitose viennent s'installer chez eux, incapable d'oublier Amemaru pour l'instant. L'étudiante, tâchant de reprendre une vie normale via ses études, a le malheur d'être veuve le jour même de son mariage. Et pourtant, son arrivée chez les Fujiya va apporter son lot de changements au sein de sa belle-famille... notamment chez Keiki, pour qui il est bien difficile d ene pas reconnaître la beauté et le charme de cette belle-soeur.

Avec un tel pitch, on pourrait croire que Sesame Street va être une tranche de vie plus dramatique qu'autre chose, mais l'aspect plus déjanté et coloré des couvertures nous fait bien vite comprendre qu'il n'en sera rien: l'oeuvre de Matsumoto joue d'emblée essentiellement la carte de la comédie, qui plus est dans une atmosphère vraiment typique de ce qui pouvait se faire dans une tranche de l'écurie Jump dans les années 80. Effectivement, de par l'humour un petit peu déluré, l'ambiance mine de rien assez animée et joyeuse, les petits quiproquos, les gags jouant sur les personnages et leurs relations, la pointe un tout petit peu plus coquine/charmante permise par le statut seinen du Super Jump, et tout simplement le style de dessins (en particulier certaines poses dans les ouvertures de chapitres), on a un rendu et une ambiance à la fois un brin old school et un peu pop, qui serait presque moins proche d'Orange Road que d'une série comme Stop!! Hibari-kun de Hisahsi Eguchi, un auteur pour qui Matsumoto avait, à l'époque, beaucoup d'admiration. Mais dans les faits, on retrouve aussi une grande partie de ce qui faisait le charme du style de l'auteur sur Orange Road, des éléments assez typiques de l'auteur qui viennent ici rythme très régulièrement l'oeuvre, en tête desquelles un duo d'héroïnes réussi autour de notre héros (d'un côté la sublime inaccessible, de l'autre la cadette plus vive et un brin jalouse) ainsi qu'un aspect musical via le groupe de Keiki. Le tout avec sans doute un peu plus de nuances et de maturité malgré quelques gags passant un peu moins bien de nos jours (il faut espérer que l'étudiant prenant des photos volées de Karin finira par être réellement puni par la suite). Il y a, ainsi, une certaine ambivalence dans la situation de Chitose, forcément touchante dans la manière dont elle essaie de rester forte, attentive, en retenue malgré la perte soudaine de son époux, entre autres choses.

Et c'est ainsi que, entre les instants assez touchants, les nombreux moments amusants, et les relations déjà bien campées où viennent vite se greffer d'autres personnages (comme une amie de fac de Chitose très entreprenante), la lecture s'écoule toute seule. Quelque part entre Orange Road, Stop!! Hibari-kun et Maison Ikkoku, le tome 1 de Sesame Street possède le charme typique des récits de ce genre à cette époque, et on espère bien que ça durera.

Pour le reste, l'édition française part sur de bonnes bases dans l'ensemble. Tout ce que l'on pourra éventuellement reprocher, ce sont des choix de police manquant beaucoup de diversité, et ne faisant donc pas forcément ressortir autant que possible certains situations. Mais pour le reste, la couverture est réussie en restant proche de l'originale japonaise, le papier et l'impression sont de bonne qualité, le grand format omniprésent chez l'éditeur est appréciable, et la traduction d'Alexandre Fournier apparaît très claire.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction