Sans même nous dire au revoir - Actualité manga

Sans même nous dire au revoir : Critiques

Sayonara mo Iwazu ni

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 05 Mars 2013


Parler du deuil est chose difficile. La perte d’un être cher et ce qu’elle engendre peut difficilement être expliqué à qui ne l’a pas vécu. C’est pourtant ce que Kentaro Ueno entreprend, en décidant de nous narrer la mort de sa femme et ce qui s’en est suivit. Le manga est le premier de l’auteur à paraître en France, et si le ton est des plus dramatiques, il faut savoir qu’Ueno est en temps normal essentiellement versé dans la création de mangas comiques.

« Ce livre est le dernier que je dédie à ma défunte femme, Kiho. »
L’auteur ne raconte pas le deuil à travers une fiction, mais à travers une réalité extraite de sa propre vie. Si toute chronique est à relativiser, car nécessairement soumise à la subjectivité de son auteur, celle-ci l’est encore d’avantage, puisqu’elle traite d’un sujet délicat, sujet à foule d’interprétations différentes. Je n’ai moi-même jamais perdu d’être véritablement cher, et si j’ai été ému à la lecture de cette œuvre, c’est parce que je me projetai dans cette perspective qu’est celle de la perte de ma bien aimée, et je pense qu’il est important d’en avoir conscience pour saisir toutes les limites de mon interprétation.

L’œuvre s’ouvre sur une vie de couple unique, comme tout autre. Kentaro et sa femme Kiho s’aiment depuis dix ans, et vivent dans leur maison avec leur fille du même âge. Kentaro travaille sur ses planches et tente de remonter le morale à sa femme asthmatique et souvent sujette à la dépression, tout en élevant sa fille. Leur vie est faite de hauts, de bas, d’amour, de complicité et de tout ce qui compose une vie humaine, quand le mangaka, en quittant son apprenti pour rejoindre sa femme, trouve cette dernière allongée sur le sol, face contre terre, morte.

« À cet instant, le monde…a perdu son sens. »
Le manga entreprend alors de détailler la vie après le décès de l’être aimé. Il faut expliquer la situation à l’entourage, s’occuper des obligations administratives, des funérailles, de l’incinération, et retrouver le goût de vivre. Le manga se centre exclusivement sur les réactions de Kentaro et de sa fille, tous les autres « personnages » n’étant que des silhouettes blanchâtres, dont les noms propres sont remplacés par des noms communs ou des lettres, sur lesquelles on ne s’attarde jamais. Pourtant, le tout semble parfois trop descriptif, et seul le travail d’identification transmet l’émotion, puisque l’on éprouve très peu d’empathie pour le mangaka et sa fille. En effet, ceux-ci n’ont pas l’air d’être particulièrement affectés par la situation. La petite Ueno semble insensible à la situation, et si Kentarô dit être bouleversé, on n’en a finalement assez peu l’impression.

Cette impression vient probablement en grande partie des graphismes, qui transmettent plutôt mal les émotions et les expressions faciales. Le trait est souvent mal proportionné et d’une façon générale, est assez éloigné de ce que l’on peut appeler « beau ». L’auteur use de métaphores graphiques plus ou moins évocatrices, un principe intéressant mais qui ne fait pas toujours mouche. Cependant, c’est là encore une question de sensibilité.

En revanche, la thématique de la poursuite de la vie après le choc provoqué par la mort d’un être cher est très bien exploitée. Des lieux ou des objets ramènent à des souvenirs révolus, chaque élément du quotidien renvoi au vide laissé par la disparue, et c’est cette absence qui occupe le plus l’espace. Le lecteur occidental pourra également passer à côté d'une partie de l’œuvre dû à la grande présence des traditions du pays du soleil levant, qui explique peut-être en partie l’incompréhension face à certaines réactions.

Il est également intéressant de constater cette opposition permanence entre l'universalité du titre (qui parle à plus ou moins tout le monde à travers l’expérience ou la perspective du deuil) et son côté très personnel, puisque l'auteur y raconte en détail un pan de sa vie. Ueno affirme vouloir faire naître une résonance chez le lecteur tout en avouant qu'il ressentait le « besoin » de poser cette événement marquant sur le papier, et ce pour lui même.

Sans même nous dire au revoir s'impose comme un titre à lire, et ce qui en résultera dépend du lecteur, plus que jamais. Il pourra faire naître l'émotion avec une ampleur immense, ou laisser complètement de marbre. Dans tout les cas, je pense que le titre apporte un petit plus de l'ordre de l'affectif, et qu'il est bon de s'y essayer.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Luciole21
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs