Sakuran - 1er édition - Actualité manga
Sakuran - 1er édition - Manga

Sakuran - 1er édition : Critiques

Sakuran

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 26 Novembre 2010

L'auteur de Sakuran est très loin d'être inconnu dans nos contrées puisqu'on lui doit déjà de nombreux titres: Chocolla & Vanilla, Plaire à tout prix, Happy mania et In the clothes named fat. Officiant aussi bien dans le shojo que dans le seinen, c'est dans cette seconde catégorie que l'on pourra classer le one shot dont il est ici question, dernier titre en date de la récente collection Graphic de Pika.

Kiyoha est prostituée dans l'une des maisons du quartier des plaisirs à l'ère Edo. Ayant énormément de mal à s'entendre avec ses consœurs, elle n'en demeure pas moins particulièrement populaire auprès de la gente masculine. Les raisons de son succès ? Un corps magnifique et un don inné pour la séduction. Lorsque l'Oiran de la maison, qui n'est autre qu'une courtisane de haut rang, disparait brusquement, il faut lui trouver une remplaçante. Kiyoha semble toute désignée à remplir ce rôle, mais en a-t-elle véritablement envie ? Voila l'occasion de retourner quelques années en arrière, alors qu'elle portait encore le nom de Tomeki, afin de découvrir la genèse de ce personnage hors du commun.

Choisir de nous présenter dès le départ le futur de notre héroïne est un parti pris à double tranchant pour Moyoco Anno. D'un côté cela vous nous permettre de découvrir, petit à petit, les raisons qui ont fait de Kiyoha ce qu'elle est aujourd'hui, d'un autre cela signifie également que l'on est certain que la jeune fille qu'il nous sera donné de découvrir quelques pages plus tard s'en sortira malgré les épreuves qui l'attendent. Au final, ce choix était-il judicieux ? Probablement que oui, et ce en grande partie du fait du caractère particulièrement extravagant de notre courtisane. Il est en tout cas évident qu'elle constitue à elle seule le principal intérêt de ce one shot.

Kiyoha s'impose clairement comme une jeune fille, et par la suite comme une femme, au côté provocateur très poussé. Son humeur change très rapidement, elle n'hésite pas à s'en prendre à ses collègues lorsque celles-ci font quelque chose qui ne lui plait pas, ou à séduire l'un des employés de la maison. Mais derrière cette façade impénétrable se cache une personne ayant un long et lourd vécu. Livrée à elle-même dès son plus jeune âge suite à la mort de son père, elle se retrouve contre son gré dans la famille Tamagiku et son destin d'apprentie est déjà tout tracé. Pourtant, contrairement aux autres petites filles qui la côtoient, elle n'est aucunement enchantée à l'idée d'apparaitre la plus ravissante possible pour satisfaire les désirs de quelque inconnu chaque jour de sa vie. Pire, elle exècre avec férocité le poste d'Oiran qui lui semble pourtant prédestiné. Et ainsi, au fil du temps, on aura l'occasion de la voir évoluer, se muer, se transformer, construire sa personnalité désabusée. Elle apparait alors sous un autre jour, plus romantique, plus naïve, elle finira même par succomber elle-même à l'amour. Et cela la changera à jamais.

"Mon corps tout entier me fait mal, j'ai l'impression de devenir folle. S'il me laisse attendre plusieurs jours...je perdrai la raison pour de bon. Et quand je le reverrai... je serai à l'apogée de ma folie."

L'univers dans lequel elle évolue se veut lui le plus réaliste possible. Cru, ne laissant que très peu de place à l'espoir et aux rêves de liberté, il cherche à nous plonger dans une certaine mélancolie. Toutefois, cela ne marchera pas aussi bien qu'on aurait pu le croire, ou en tout cas l'espérer. La faute à quelques maladresses de l'auteur en début de tome qui font que l'on a pas mal de difficultés à se plonger pour de bon dans l'ambiance du titre et à nous sentir totalement concerné par ce qu'il s'y passe. Ces maladresses trouvent leur source dans le désir d'Anno d'alterner, dans un premier temps, entre le côté tragique du destin de Kiyoha et une certaine légèreté qui ne convient pas vraiment. En réalité l'idée n'est si mauvaise, le fait de voir les prostituées se lâcher de temps à autre étant même fort logique, mais le fait est que dans le cas présent c'est assez mal orchestré. Heureusement, elle oublie peu à peu cette idée et la deuxième moitié du bouquin est nettement plus convaincante. Et du coup, les émotions qu'elle cherche à transmettre passent elles aussi beaucoup mieux.

Un autre attrait majeur de Sakuran est sans nul doute la patte graphique de Moyoco Anno. Il faudra probablement un petit temps d'adaptation à ceux qui ne sont pas familier avec l'auteur étant donné son trait atypique et personnel, mais il finit inexorablement par nous séduire. Le visage de notre héroïne est d'ailleurs superbement réussi, la représentant à merveille et émettant sur le lecteur une attraction bien difficile à combattre. De plus, plonger dans le quartier des plaisirs permet de contempler à chaque page de magnifiques yukatas et autres vêtements de toute beauté. Un régal pour les yeux ! Le seul point noir qui est à noter est la volonté d'Anno de représenter certains protagonistes de manière particulièrement hideuse. C'est un peu surfait et sans doute également superflu. Mais bon, encore une fois, ce petit soucis disparait au bout de quelques chapitres.

Quant à l'édition, Pika a décidé de nous gâter. Outre les multiples pages couleurs, très réussies, on a droit à une couverture tout simplement superbe, à un grand format, collection Graphic oblige, et à un lexique en fin de tome afin d'expliquer certains termes techniques. Enfin, petit plus particulièrement efficace: le bord des pages est colorisé lui aussi. Un sans faute de la part de l'éditeur sur ce coup là, et un rapport qualité/prix vraiment excellent.

Passé une entame compliquée et maladroite, Sakuran se dévoile comme un récit touchant et amer qui ouvre une réflexion sur l'amour à travers les yeux d'une courtisane à différentes époques de sa vie. Il aura fallu un peu de temps, mais Kiyoha aura finalement eu raison de nous. Pas forcément indispensable, le titre reste malgré tout une lecture enrichissante.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Shaedhen
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs