Sahara, le samouraï aux fleurs - Actualité manga

Sahara, le samouraï aux fleurs : Critiques

Hanazamurai no Sahara

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 04 Février 2021

nobi nobi! le label jeunesse de Pika Edition, aime se diversifier, et l'a encore prouvé ces derniers mois avec le lancement en automne 2020 d'une collection dédiée aux grands noms de l'Histoire... sans oublier l'arrivée, au milieu de ce mois de février, de l'adaptation manga de l'anime Carole & Tuesday, le genre d'oeuvre que l'on n'aurait pas forcément imaginé chez le label ! Mais il arrive aussi, de temps à autre, que nobi nobi! revienne à certains fondamentaux avec du shônen d'aventure malin. Ce fut le cas, en 2019, avec l'excellent Astra - Lost in Space, aventure spatiale pleine d'imaginaire, ponctuée de thématiques intelligentes et parfaitement narrée par Kenta Shinohara, l'auteur de Sket Dance. Et en ce tout début de mois de février, nobi nobi! récidive dans ce registre avec un one-shot qui a tout pour plaire.

De son nom original Hanazamurai no Sahara (dont le titre français a une signification similaire), Sahara, le samouraï aux fleurs est un court récit en 4 chapitres pour un total d'environ 200 pages, qui fut initialement prépublié au Japon courant 2016 dans le Shônen Jump GIGA, un dérivé bimestriel du célèbre Shônen Jump.

On doit cette oeuvre à Yûsaku Shibata, mangaka jusque-là inédit en France, mais exerçant au Japon depuis la fin des années 2000 et ayant un parcours assez flatteur: il fut effectivement assistant pour plusieurs jolis noms (Kôhei Horikoshi sur Crazy Zoo, Kazue Kato sur Blue Exorcist, Eiichirô Oda sur One Piece...) et, avant ça, est sorti diplômé de l’Université des Arts de Tokyo où il a notamment eu pour camarade de fac Kamome Shirahama (L'Atelier des Sorciers).
Notons aussi que le bonhomme a grandi dans un environnement propice à lui faire prendre la voie d'artiste de manga/anime: son père Hiroki Shibata travaille pour TOEI Animation dans la production d'animes (il a notamment réalisé les animes Bobobo-bo Bo-bobo, Getter Robo Go, et plusieurs volets de Sailor Moon), et sa petite soeur Hikari Shibata est elle aussi mangaka.
Côté bibliographie, Yûsaku Shibata a déjà quelques oeuvres à son actif, plutôt courtes et toutes publiées chez Shûeisha. On peut notamment citer ZIPMAN!!, oeuvr elancée en 2019 dans le Weekly Shônen Jump mais avortée par l'éditeur après 2 tomes faute de succès, ou encore Dragon Quest: Dai no Daibouken - Yuusha Avan to Gokuen no Maou, un spin-off de Dragon Quest: La Quête de Dai sur lequel il planche depuis 2020.

Sahara, le samouraï aux fleurs nous plonge dans un monde post-apocalyptique: voici 108 ans qu'a débuté une véritable nouvelle ère sur la planète Terre, une ère où malheureusement plus aucune plante n'est là. Il y a plus d'un siècle, la Grande Guerre a effectivement précipité l'humanité et la planète à leur perte, son conflit à base de course effrénée vers la technologie ayant fini par échapper au contrôle des humains. La planète s'apparente désormais à un immense désert où il ne fait pas bon de s'aventurer puisqu'on y trouve les "soldat automates", des robots guerriers vestiges de la guerre qui, désormais, errent sans le moindre de but hormis celui de détruire ce qui leur passe sous la main. Quant aux villes ou semblants de villes éparpillées, il est également parfois délicat d'y survivre puisque des bandits y font leurs affaires. C'est en étant sauvée d'une de ces bandes de bandits que Yae Tokiro, une adolescente meurtrie et farouche, fait la rencontre d'un bien étrange homme, Sanjurô Sahara, une sorte de samouraï se battant avec un sabre pour le moins surprenant puisqu'il peut adopter les formes/capacités de différentes fleurs, ces fleurs qui ont pourtant disparu du monde... enfin, disparu, ou presque, car Yae transporte avec elle un tube contenant une fleur de cerisier, denrée extrêmement rare qu'il convient de protéger et qu'elle a héritée de son défunt père, un homme qui a toujours voulu croire en la possibilité de refleurir le monde. La jeune fille veut à présent rapporter les cendres de son père et sa fleur à la "vallée de l'arbre-monde", la terre natale du paternel, et elle reste persuadée que cette vallée difficile d'accès a été épargnée par les sables et que le bourgeon de la vie y existe encore. En apprenant ça, Sahara propose de l'accompagner et de la protéger des dangers, car lui-même recherche une telle contrée et a un but bien précis... Un but qui pourrait finir par redonner espoir dans ce monde dévasté.

Un monde post-apocalyptique dévasté par la guerre, un petit fond écologique exploitant les limites des technologies et l'essentialité des fleurs, l'alliance d'un homme mystérieux et naïf et d'une gamine bourrée de caractère afin de voyager ensemble jusqu'à un "eldorado" espéré en traversant nombre de dangers et de rencontres... Dans les faits, le postulat de départ du récit de Shibata n'a rien de spécialement original, et peut faire penser dans différents aspects à nombre d'autres oeuvres, ne serait-ce qu'en manga (Nausicaä et la Vallée du Vent, forcément, mais aussi Heart Gear par exemple). Mais il suffit qu'une base soit bien exploitée pour que l'on se retrouve avec un récit de qualité, et de ce côté-là Shibata fait très bien le job en offrant tout ce que l'on peut attendre d'un bon divertissement.

Ici, il y a en premier lieu la narration maîtrisée qui marque. Sachant très bien où il va, Shibata offre un manga qui se suffit très bien à lui-même. Les bases sont efficacement posées pour ensuite permettre à l'auteur de se faire plaisir en développant, vite et bien, son propre imaginaire. On peut signaler des petits dangers comme les tempêtes de sable, la mer de brume ou les bandits, qui sont vite vus mais existent bien et participent à l'immersion. Mais il y a surtout ces soldats automates, machines errantes que nos héros devront affronter plus d'une fois, vestiges de l'absurdité de la guerre passée qui jouissent souvent de designs particulièrement soignés avec leurs inspirations d'armures de samouraïs féodaux. Enfin, le concept du sabre de Sahara est vraiment cool, en pouvant adopter selon la situation les capacités de différentes plantes/fleurs (par exemple, le bambou, rendant le sabre ultra résistant afin de percer plus facilement les machines), tout en laissant entrevoir le possible refleurissement du monde... Sans oublier certaines spécificité de Sahara lui-même, comme le masque qu'il doit porter pour éviter les éternuements que provoque le pollen de son sabre ! Et puis, ce sont aussi les différents lieux parcourus qui bénéficient d'un certain soin, à l'image de cette ville-navire autrefois fleuron de l'industrie puis laissée à son sort, ou encore de l'usine titanesque, ennemie à elle toute seule qui symbolise bien les dérives industrielles et technologiques.

Tous ces éléments, Shibata s'en sert à merveille pour offrir un récit au rythme soutenu, où il se passe toujours quelque chose. Une bonne part d'aventure et d'action rapide, bien sûr. Mais aussi des notes d'humour qui font beaucoup penser à One Piece dans leur côté loufoque exploitant bien les personnages tout en rendant ces derniers assez attachants (la grande gentillesse de Sahara même quand il se prend de coups injustifiés, le caractère d'une Yae qui n'est pas du genre à rester passive...). Et c'est en gérant bien ces différents aspect que l'auteur parvient à distiller tout ce qu'il faut d'avancées et de révélations: le passé de ce monde, le rôle du père de Yae, l'identité réelle de Sahara, ou même les origines de son sabre... On découvrira tout ce qui doit l'être au fil des pages, pour un résultat se tenant très bien.

Enfin, c'est aussi sur le plan purement visuel que le court récit séduit. Les designs des machines, des villes, des éléments post-apocalyptique ou industriels sont soignés, et le mangaka s'applique même à les présenter plus en détails dans ses pages bonus. Mais il faut également souligner les personnages (pas forcément nos deux héros, mais plutôt tous les personnages secondaires) pour lesquels, bien souvent, il est difficile de ne pas penser à One Piece, l'expérience de Shibata en tant qu'assistant sur le manga culte d'Eiichirô Oda semblant décidément lui avoir beaucoup appris.

On se retrouve alors avec un court récit impeccablement mené, et qui fait de sa brièveté une force, en offrant une aventure soutenue qui se suffit très bien à elle-même et qui offre un imaginaire tout à fait convaincant, le tout étant en plus ponctué de quelques "messages" discrets et bien disséminés. Sahara, le samouraï aux fleurs est le genre de petit plaisir qui assure très bien, d'un bout à l'autre, son rôle, et qui peut plaire à tout fan de bon petit récit d'aventure le temps de ses 200 pages.

Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs