Pont entre les étoiles (un) Vol.2 - Actualité manga
Pont entre les étoiles (un) Vol.2 - Manga

Pont entre les étoiles (un) Vol.2 : Critiques

Seikan Bridge

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 02 Octobre 2019

Chronique 2

Esseulée dans une ville de Shanghai qu'elle en connaissait pas et qui l'effrayait, la petite fille japonaise de bonne famille Haru s'est liée d'amitié avec Xing, un enfant des rues chinois avec qui elle vient de faire la promesse de devenir des xiondhi, des "frères" dont le lien dépasse le cadre familial. A ses côtés, la fillette se plaît à s'évader de la demeure familiale où elle étouffe parfois sous le joug de son père autoritaire et brutal, et elle aime toujours plus, auprès du petit garçon, s'amuser, découvrir la ville chinoise, et rencontrer une autre culture jusque-là inconnue. Mais un jour où elle traîne trop à rentrer, elle est surprise par son père, qui ne lui pardonne pas son comportement loin d'être celui d'une famille japonaise huppée", et il se montre même particulièrement odieux envers Xing qu'il chasse en le traitant de "sale mendiant de chinois" ! Désormais, Haru se désespère, car il lui sera beaucoup plus difficile de revoir son cher ami. D'autant qu'une gouvernante est bientôt embauchée pour s'occuper des tâches domestiques et visiblement aussi pour la surveiller, et qu'après les vacances d'été l'heure sera venue de découvrir sa nouvelle école primaire, réservée aux Japonais...

Si le tome 1 d'Un pont entre les étoiles présentait surtout la naissance d'une amitié belle, pure et salvatrice entre deux enfants issus de mondes différents et en guerre, ce deuxième volume, assez vite, écarte les deux enfants l'un de l'autre en menaçant d'empêcher leur promesse d'être tenue. Xing est en grande partie absent de ce tome, et ce sont alors d'autres étapes qui attendent Haru. Des étapes qui auraient pu être surtout des obstacles dans son amitié avec l'enfant chinois mais aussi dans sa découverte de la Chine, mais qui vont en réalité révéler bien d'autres choses, positives comme négatives.

Et tout commence avec l'arrivée de la gouvernante, Ama, et de sa petite assistante, Xinlin. Aucune des deux ne parle, et si Xinlin fait pour l'instant surtout office de petite assistante dynamique parfois un peu rigolote mais sans réel approfondissement, le cas d'Ama est bien plus intéressant. Avec son mutisme, sa corpulence impressionnante et sa mine a priori patibulaire, cette gouvernante ne manque pas de faire peur à Haru dans un premier temps, d'autant plus que la fillette pense qu'elle est là avant tout pour la surveiller. Mais assez vite, Ama révélera tout autre chose, et il y a des choses intéressantes à en retenir pour Haru: d'un côté l'importance de ne pas se fier aux apparences car la timide gouvernante se fera en réalité très attachante dans son genre et très bienveillante, et d'un autre côté la découverte d'une autre facette de la Chine, pays si vaste et si riche que ses habitants, surtout ceux issus des coins les plus reculés, peuvent parfois ne pas se comprendre entre eux alors qu'ils viennent du même pays. Une constatation sur laquelle la mangaka Kyukkyupon ne pose aucun regard négatif: elle y témoigné surtout de la grandeur et du côté hétéroclite du pays. Et puis, malgré des langues différentes, il y a bien d'autres façons de communiquer et de montrer ses sentiments, son inquiétude ou sa bienveillance !

Vient ensuite une autre étape essentielle de la nouvelle vie chinoise de Haru: l'entrée dans sa nouvelle école primaire. Sur un plan positif, elle y retrouve Chitose, alias Chii, fillette qui était son amie chère à Nagasaki, et qu'elle retrouve sous des jours un peu différents. Un personnage supplémentaire que l'autrice n'a pas de difficultés à rendre assez attachante elle aussi, de par son amitié et ses différences de comportement avec une Haru peut-être plus courageuse qu'elle ne le croit. Plus courageuse, car dans cette école c'est aussi une autre cruelle réalité qui attend notre jeune héroïne: le profond mépris de classe des Japonais les plus aisés, dont elle fait partie, envers les Japonais les plus pauvres. Un fait que Haru découvre avec un certain choc, et dont elle tire certaines leçons avec maturité, comprenant que les plus pauvres des enfants japonais évacuent les brimades qu'ils endurent en s'en prenant eux-mêmes aux enfants chinois. Triste et bête cercle vicieux où la haine et la violence ne font qu'entraîner toujours plus de haine et de violence...

Notre héroïne sera-t-elle alors de celles qui pourront changer ça ? On a bien envie d'y croire quand, lors d'une sortie scolaire et d'une "chasse au démon", elle croise la route d'un homme étrange, particulièrement agressif au départ et haineux envers les Japonais, mais qu'elle va apprendre à découvrir car, elle en est persuadée, il n'est pas mauvais. Ce passage, la mangaka va à nouveau en faire de très jolies choses, en confrontant la fillette à une autre triste réalité: la haine engendre la haine, souvent aveuglément. Le docteur chinois a évidemment des raisons profondes de haïr les Japonais, Haru prend conscience du mal que son peuple fait sur ces terres, et elle cerne également toute l'humanité de cet homme chinois à la fois meurtri et bienveillant envers les siens... et pas forcément uniquement envers les siens, puisque, comme il le dit lui-même, il y a des situations où il n'y a pas d'ennemis, seulement des humains.

La seule petite limite dans tout ceci, c'est la grosse coïncidence concernant l'identité réelle du docteur en fin de tome. Mais en dehors de ça, ce deuxième tome confirme toutes les qualités de l'oeuvre, essentiellement parce que Kyukkyupon, à travers les découvertes et le comportement de son héroïne, affiche de très beaux messages de pacifisme, d'invitation à la découverte et à la tolérance dans un climat historique pourtant voué à faire beaucoup de mal aux deux peuples par la suite. Qui plus, narrer tout ceci sur un ton bien trouvé, dans un style graphique beau et un peu enfantin, et surtout à travers les yeux purs d'une petite fille, rend pour l'instant la série particulièrement accessible à tous les publics, y compris les enfants eux-mêmes. Si ça continue dans cette voie, Un pont entre les étoiles pourrait alors mériter largement d'être tenu dans les mains des enfants, ou même d'être présent dans les CDI des écoles, tant les messages qui y sont véhiculés sont essentiels.


Chronique 1

Haru et Xing, deux enfants opposés par leurs nationalités et leurs milieux sociaux, se promettent pourtant de devenir Xiondhi, autrement dit frère et sœur qui partageront un but commun : faire de Shanghai un lieu d'amusement dans la vie de tous les jours. L'idée emballe la petite japonaise, mais son père n'est pas de cet avis. Particulièrement stricte, ce dernier renvoie violemment Xing chez lui, et engage une nourrice pour veiller au plus près de sa fille...

Après un premier tome efficace, Un pont entre les étoiles devait continuer sur sa lancée et prouver tout son potentiel sur la suite. Avec ce second opus, c'est clairement l'objectif que parvient à atteindre l'autrice qui continue de dépeindre le quotidien nouveau de Haru, en y apportant bien des tourments marqués par les clivages culturels et sociaux d'époque, dans une Chine où les japonais étaient vus comme envahisseurs.

Cette mise en avant des discriminations et de la xénophobie, elle est centrale dans cette suite qui continue de marquer les oppositions diverses, aboutissant à à une peinture sociale particulièrement amère. L'idée n'est donc plus de désemparer Haru à cause de la distance qui la sépare de son pays natale, mais de lui faire prendre conscience des horreurs du quotidien présentes sous ses yeux, à savoir le racisme où la haine des classes populaires. Des sujets tristement d'actualité et qui font les débats de tous les jours, ce qui rend la lecture particulièrement efficace, la subtilité étant le fait que les idées retransmises peuvent s'appliquer à bon nombre de pays et de cultures.

Mais la force de la série de Kyokkyupon, c'est surtout de dépeindre un contexte historique et social très peu connu du lectorat français. En ce sens, l'immersion aux côtés de Haru demeure encore plus efficace, notamment parce que la demoiselle est confrontée à des actes plus violents que dans le premier opus, et ce par des personnages aux rangs sociaux variés, apportant beaucoup de consistance au message. L'habilité de la mangaka, dans cet opus, c'est bien de ne pas se montrer trop manichéenne : derrière une façon de montrer les aristocrates japonais comme les grands envahisseurs, c'est un portrait plus nuancé et subtil, menant à un message d'unité, qui est minutieusement dépeint. On finit par ne plus totalement voir d'un mauvais œil les enfants aux comportements violents tant on comprenant qu'ils ne sont que les victimes collatérales d'une boucle sociale vicieuse. Les deux jumeaux, bourreaux de Xing, apparaissent ainsi sous un autre angle, et la mangaka parvient même à nous émouvoir avec un développement humain et touchant des relations entre tous ces jeunes personnages, pourtant opposés jusque-là.

Chaque personnage du récit vient alors nourrir cette idée de la différence et de l'isolement, c'est notamment le cas d'Ama qui parviendra, en un temps record, à se montrer on ne peut plus attachante. Tant de traitement qui découlent de l'efficacité de cette tranche-de-vie sociale particulièrement percutante : Ce tome deux d'Un Pont entre les Étoiles ne cherche pas à être larmoyant gratuitement, mais se révèle terriblement efficace dans son traitement du contexte social qui aide à comprendre les personnages, par ses jolis messages de fond, et son contexte historique très peu traité dans les fictions publiées en France. Petit à petit, le récit de Kyokkyupon se montre d'utilité publique, et ce n'est pas la dernière tirade de Haru du tome, particulièrement symbolique, qui remettra en doute notre impatience de découvrir la suite ! Le plus triste dans cette lecture, c'est qu'il ne reste que deux tomes avant la fin de la série... On espère alors que l'autrice parviendra à porter ses messages jusqu'au bout sur ces derniers opus.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs