Péché originel de Takopi (le) - Coffret - Actualité manga
Péché originel de Takopi (le) - Coffret - Manga

Péché originel de Takopi (le) - Coffret : Critiques

Takopii no Genzai

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 27 Janvier 2023

Si Pika commence la nouvelle année raisonnablement avec un nombre de publications un peu moins élevé que d'habitude en ce mois de janvier (et on ne va clairement pas s'en plaindre, puisque l'éditeur tend parfois à nous noyer dans un nombre excessif de sorties), l'éditeur nous offre toutefois une nouveauté de choix pour démarrer 2023 avec une courte série en deux volumes qui, au Japon, a été fortement remarquée et a su émouvoir beaucoup de monde, en remportant même le Prix d’Excellence aux 51e Japan Cartoonists Association Awards de 2022: Takopii no Genzai, une oeuvre renommée Le péché originel de Takopi dans notre pays, et qui a été prépubliée au Japon de décembre 2021 à mars 2022 sur le magazine en ligne Shônen Jump + des éditions Shûeisha.


Il s'agit de la toute première série de la carrière d'un(e) mangaka se faisant appeler Taizan5, qui a débuté professionnellement en 2020 avec une histoire courte nommée Sanka, bref récit que l'on peut d'ailleurs découvrir en France dans le coffret collector de Takopi, mais nous en reparlerons plus tard. Taizan5 a ensuite signé quelques autres histoires courtes pour le Shônen Jump +, et a fini par débarquer dans le Shônen Jump depuis fin 2022 avec sa toute nouvelle série Ichinose-ke no Taizai. Et même si cette nouvelle oeuvre possède certains éléments plus légers, sa jeune carrière à jusque-là été marquée par des thématiques récurrentes difficiles, entre harcèlement, difficultés familiales et suicide. Et Le péché originel de Takopi s'inscrit pleinement dans cette voie.


On pourrait pourtant presque croire que l'oeuvre va être mignonne en voyant la dégaine de son personnage principal, sorte de petit poulpe tout rose au design très simple et au caractère naïf et positif. Il faut dire que Nweinu-kf, puisque c'est son nom sur sa planète d'origine, est un petit extraterrestre venu tout droit de la planète Happy avec un objectif propre aux être de son espèce: répandre la joie à travers l'univers ! Arrivé sur Terre, il rencontre rapidement Shizuka Kuze, une petite fille en classe de CM1 qui est la première à lui tendre la main et qui va vite le renommer Takopi (car il finit toujours ses phrases par "pii" et que "tako" signifie "poulpe" en japonais). Pourtant, cette enfant dégage quelque chose de profondément triste sur le visage, sans que Takopi ne comprenne pourquoi. C'est donc décidé: avec l'aide de ses happy-gadgets, des objets magiques qu'il a emportés avec lui, il va tout faire pour essayer de redonner le sourire à Shizuka ! Mais cela sera-t-il aussi simple ? Effectivement, Takopi n'a aucune idée de toute l'horreur de l'environnement dans lequel la fillette vit, que ce soit à l'école ou sur le plan familial. Et à force de vouloir simplement trouver comme la rendre joyeuse, le petit extraterrestre, trop innocent et trop optimiste, risque fort de faire pire que mieux, jusqu'à ce que le pire se produise...


Dans un premier temps, Le péché originel de Takopi est une oeuvre qui joue sur un contraste extrême, avec d'un côté le quotidien horrible et tragique de Shizuka, et de l'autre la naïveté absolue du mignon petit extraterrestre qui, du fait qu'il n'a jamais connu d'horreurs sur sa planète d'origine pleine de joie, ne capte pas du tout le véritable fond du mal-être de la petite fille. Armé de ses gadgets censés procurer de la joie et de son innocent optimiste naturel, Takopi apparaît quasiment toujours en décalage face à la situation de Shizuka, tandis que le lecteur, lui, a tout le loisir de comprendre peu à peu ce que vit cette enfant jour après jour, en observant les éléments de son environnement. Et ce décalage, cette opposition volontairement radicale, Taizan 5 la gère à merveille. Certes, selon la sensibilité de chacun, une part du lectorat trouvera peut-être que le/la mangaka en fait des caisses dans ce gros contraste, que c'est un peu too much. Mais concrètement, dans l'optique de cette démarche qui est pleinement voulue et assumée, c'est parfaitement maîtrisé, on ne peut pas le nier. Jusque dans l'aspect purement visuel, sensible et expressif, où les paroles et le design tout simple et tout choupi de Takopi sont en opposition totale avec la noirceur parfois très crue des événements (la scène de la pendaison en étant le plus fort exemple, sans doute).


A partir de là, Taizan5 nous a déjà happé dans son récit (ou pas, car comme déjà dit l'oeuvre dépendra beaucoup de la sensibilité de chacun), et peut se permettre de le pousser toujours plus loin. Car dans Le péché originel de Takopi, il ne sera pas uniquement question du désir de l'extraterrestre de rendre joyeuse Shizuka, enfant violemment brimée à l'école et totalement délaissée à la maison. Il sera aussi question de Marina, sa principale harceleuse, une fillette que l'on pourrait croire simplement méchante et hautaine au premier abord. Mais également de Naoki, jeune garçon ayant un certain béguin pour Shizuka en voulant l'épauler sans trop savoir quoi faire. Deux autres gosses qui, sans trop en dire pour ne pas spoiler, ont eux aussi des problèmes expliquant largement leur comportement, en particulier dans le cas de Marina. Et dans chacun de ces cas, s'il y a réellement des méchants dans cette tragédie, ce sont sans aucun doute la bêtise et l'égoïsme des adultes, des parents, qui se répercutent directement sur leurs enfants.


Taizan5 livre alors des jeunes protagonistes fouillés, tous poignants dans ce qu'ils traversent sans pouvoir y faire quoi que ce soit hormis laisser leur coeur se noyer dans la noirceur. Il y a un désespoir permanent qui touche beaucoup, surtout à travers les visages noirs et ternes de Shizuka et ses réactions sans émotion (ou avec des émotions contraires à ce qu'elle devrait ressentir) face à certains bouleversements, ce qui montre surtout que cette petite a grandi sans réels repères émotionnels. Il va donc de soi que ce n'est pas avec des gadgets, de la joie et des encouragements que Takopi va pouvoir arranger les choses, bien au contraire, ce qui nous amène à l'une des idées directrices du récit, une idée qui trouvera un écho fort dans l'issue de l'oeuvre: pour réellement pouvoir espérer sauver des êtres enfermés dans le plus profond désespoir, il faut surtout tâcher de vraiment les comprendre. De cerner leur parcours, ce qu'ils traversent, d'essayer de communiquer/discuter le plus possible avec eux afin qu'ils se livrent, afin d'essayer ensuite ensemble de mettre le point sur ce qui ne va pas et de s'expliquer le cas échéant. C'est quelque chose qui est encore plus cristallisé à travers le propre parcours de Takopi, dans toute la dernière partie du tome 2 où l'on découvre quel est réellement son passé, son "péché originel", ces révélations ayant aussi pour qualité d'expliquer certains éléments mystérieux ayant précédé dans l'histoire (pourquoi il ne peut pas rentrer sur sa planète, pourquoi il ne eut pas utiliser l'horloge temporelle dont il parle...).


A l'arrivée, Le péché originel de Takopi se présente comme un drame humain et social particulièrement puissant et maîtrisé d'un bout à l'autre. On le redit, les choix assez extrêmes et sans concession faits par Taizan5 pour donner de la force à son histoire toucheront ou non selon la sensibilité de chacun, mais das tous les cas il est impossible de nier la réussite de l'entreprise effectuée par le/la mangaka. A l'instar d'autres mangas comme My Broken Mariko, il s'agit avant tout d'un manga fonctionnant à l'émotion et au coup de coeur. Et Pika Edition, sur ce dernier point, ne s'y est pas trompé en chouchoutant la série.


En effet, sur le plan de l'édition, les deux volumes sont de bonne facture dans l'ensemble. Proche des originales japonaises, les jaquettes sont simples mais véhiculent beaucoup d'émotion, tandis qu'en-dessous les couvertures sont imprimées en couleurs en mettant à l'honneur Takopi et ses gadgets. A l'intérieur, pas de pages en couleurs malheureusement, mais un papier assez souple et sans transparence, une qualité d'impression convaincante même s'il y a parfois de légers moirages, un lettrage soigné, et une traduction à la fois limpide et sensible de la part de Manon Debienne et Sayaka Okada.


Mais c'est au niveau des "bonus" pour le lancement français de l'oeuvre que l'éditeur séduit le plus. On pourra signaler un beau porte-clés Takopi offert actuellement en librairies dans la limite des stocks disponibles, mais on pense surtout au coffret collector dont il va être question dans les lignes suivantes. Pour un prix de 17,95€, soit 3,55€ de plus que les tomes à l'unité, celui contient les deux volumes bien sûr, mais aussi un livret de 48 pages de très bonne facture (jaquette cartonnée souple avec vernis sélectif, papier et impression d'excellente qualité) proposant de découvrir "Sanka", la fameuse première histoire courte de Taizan 5, rebaptisée en français "Hymne". Soumis par le/la mangaka au concours Jump Rookie ! de Shûeisha en lui ayant permis de recevoir le prix du meilleur espoir en septembre 2020, cette histoire courte présente un univers futuriste au style visuel un peu plus épuré mais maîtrisé, centré sur une adolescente dans un monde où la civilisation moderne s'est effondrée et où existent de "nouveaux humains", avec en toile de fond les prémisses de certaines thématiques comme l'abandon parental, pur un résultat vraiment intéressant. Quant au coffret en lui-même, on lui reprochera juste son dos pas très beau (écrire en gros "coffret intégrale T1+T2+one-shot", c'est bof pour un bel objet), mais à part ça il est très joli, en étant conçu dans un carton de plutôt bonne qualité, en étant soigneusement illustré de façon épurée (jusque dans les faces intérieures montrant plein de petits Takopi, et avec de jolis reliefs métallisés sur la face avant.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17.5 20
Note de la rédaction