Monde Selon Uchu (le) Vol.2 - Actualité manga

Monde Selon Uchu (le) Vol.2 : Critiques

Watashi no Uchû

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 08 Avril 2016

Les paroles du prof Samejima ont fait prendre conscience à Uchu que tant que lui, le héros de ce manga, sera là, Alice et les autres ne pourront pas être tranquilles et continueront d'être épiés par les lecteurs. Aussi, pour arrêter de leur infliger malgré eux cette condition de personnages secondaires, il a décidé de quitter les pages du manga, de disparaître de cette oeuvre dont il est pourtant le héros.
Le quotidien continue pour les autres personnages. Iya et Chiyoko se rapprochent et font même une sortie ensemble. Shinri, lui, continue de chercher une trace de son frère et d'espérer son retour, tandis qu'Alice semble petit à petit l'oublier...
Et Uchu alors, où est-il parti ? Hé bien, ses pas l'ont conduit dans ce qui semble être un autre manga, et plus précisément jusqu'à une maison où il ne tarde pas à rencontrer celle qui lui a donné vie, la dessinatrice Ayako Noda.

Le premier volume du Monde selon Uchu, intrigant, nous plongeait essentiellement dans le point de vue des personnages eux-même, ayant pris conscience qu'ils sont des personnages de manga. Il nous invitait aussi, par cela-même, à nous interroger sur notre point de vue et notre place de lecteur. Ces deux points de vue sont encore présents dans ce deuxième et dernier tome. On continue d'y suivre le quotidien des personnages secondaires qui tentent de poursuivre leur vie en comblant comme ils le peuvent le vide laissé par le héros disparu. Chacun d'eux a une réaction différente témoignant de leurs doutes quant à leur statut de simple "personnage", et certaines réactions et paroles, comme quand Iya conseille à Chiyoko ne pas regarder sur sa gauche parce que nous lecteurs sommes en train de les observer, continue de souligner notre rôle de lecteur-spectateur. C'est d'autant plus efficace que le travail d'Ayako Noda sur les angles de vue et les cadrages fait des merveilles d'immersion à plus d'une reprise.

Mais entre personnages et lecteurs, un troisième point de vue vient désormais se mêler : celui de la dessinatrice elle-même, Ayako Noda, qui se met en scène aux côtés d'Uchu... pour tenter de le remettre sur la voie de héros qui est la sienne ? Pour lui expliquer des choses sur son statut ?
Cette mise en scène accentue forcément certaines interrogations. Est-ce Ayako Noda qui a d'elle-même fait venir Uchu jusqu'à elle ? Ou est-ce Uchu qui a réellement su prendre de son propre chef la décision de quitter son manga, obligeant ainsi sa créatrice à s'adapter ? Dans tout ça, qui décide réellement ? Et au bout de ce récit destiné à se terminer à son chapitre 16, que deviendront ces personnages ? Disparaitront-ils ?
En mettant en scène son alter ego dans son manga et en la faisant interagir avec Uchu, c'est une facette d'elle-même qu'Ayako Noda dévoile. Elle le fait par le biais d'anecdotes (par exemple, concernant les noms des personnages qui ont tous un lien). Elle le fait également en exposant tous les aléas de son travail : la manière dont les personnages peuvent échapper à leur auteur, la façon dont l'auteur peut mettre une partie d elui-même dans ses personnages (via la ressemblance entre Ayako et Alice), les exigences éditoriales décidant de la durée de vie de la série, les changements en cours de route, les idées écartées... Mais elle le fait surtout en mettant en avant son rapport à ses personnages, à ses créations : son attachement à leur donner vie, à faire en sorte qu'ils ne soient pas oubliés par les lecteurs même une fois la série achevée, afin qu'ils continuent quelque part à exister... En cela, la toute fin de la série est particulièrement maligne, et la démarche d'Ayako Noda n'en paraît que plus sincère et juste, d'autant que chaque personnage y trouve son rôle.

Sacré tour de force, donc, que ce deuxième et dernier tome encore plus atypique que le premier, et où Ayako Noda pousse jusqu'au bout ses idées. Aussi exigent que subtil, Le monde selon Uchu est une oeuvre aux multiples richesses, interrogeant en profondeur sur la place des personnages, des lecteurs et de l'auteur, sur leurs liens indéfectibles, mais aussi sur une vision sincère et assez intimiste du rôle de mangaka.

Enfin, un mot sur l'édition qui ne comporte aucune fausse note, s'encrant pleinement dans les standards de Sakka avec sa traduction limpide d'Aurélien Estager, son papier épais et souple, sa bonne qualité d'impression et me^me son travail généreux sur les numéros de pages qui font partie intégrante de l'oeuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs