Journal d'une vie tranquille Vol.1 - Actualité manga
Journal d'une vie tranquille Vol.1 - Manga

Journal d'une vie tranquille Vol.1 : Critiques

Hinemosu no Tari Nikki

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 17 Janvier 2019

Fin 2015. Voici déjà un petit moment que l'immense Tetsuya Chiba, l'un des grands noms historiques du manga, a choisi de prendre une retraite bien méritée, à presque 75 ans et après 60 ans d'une carrière bien remplie, faite de plusieurs succès dont le plus emblématique reste Ashita no Joe. Mais malgré son envie de baisser le rideau, entre des activités plus calmes ou de la rééducation, le magazine Big Comic des éditions Shôgakukan insiste pour lui proposer de faire une nouvelle série, et l'auteur finit par accepter. Mais il ne s'agira pas d'une série comme les autres: à son rythme, via des petits chapitres de 4 pages, et avec tout le recul qu'il peut désormais avoir, l'artiste décide de faire tranquillement un manga tout en couleurs sur ce qu'il connaît sûrement de mieux: lui-même.

Ainsi naquit Hinemosu no Tari Nikki, une oeuvre qui se poursuit doucement mais sûrement au Japon encore aujourd'hui, et où Tetsuya Chiba offre un récit autobiographique que les jeunes éditions Vega, décidément culottées dans leurs premiers choix de licence (et bon dieu, ça fait du bien), nous proposent de découvrir en cette année 2019 sous le titre Journal d'une vie tranquille.

Est essentiellement au programme de ce premier tome, un retour en arrière où l'auteur revient tout d'abord sur ses premières années de vie et les souvenirs qu'il a de son enfance, époque où, par la force des choses, son orientation vers le manga est née. Chiba nous propose de découvrir, via de nombreuses petites anecdotes plus ou moins chronologiques (la majorité l'est, mais pas tout), ses jeunes années passées en Mandchourie avec ses parents à l'époque où la guerre frappait le Japon et de nombreux autres pays, son quotidien dans sa famille, la réquisition de son père pour partir à la guerre, la fin de la guerre, le difficile rapatriement des Japonais de l'étranger vers leur pays, sa première rencontre avec sa grand-mère après le rapatriement... En plus de nous laisser entrevoir avec un certain attachement l'enfance de celui qui deviendra un monstre sacré du manga, le tout, mine de rien, se présente comme un témoignage précieux d'une époque, celui de Japonais vivant en Chine en temps de guerre puis dans l'immédiat après-guerre (quand la guerre civile entre les factions de Mao Zedong et de Tchang Kai-Chek était d'actualité), puis du Japon d'après 1945. On a l'occasion de découvrir pas mal de petites anecdotes, comme l'accueil réservé par les Chinois aux exilés japonais après la capitulation nippone, la vie de tous les jours là-bas, les liens d'amitié noués par le père Chiba avec des collègues et connaissances de Chine, les conditions exécrables de la traversée en bateau pour rejoindre le Japon...

Mais des anecdotes, le mangaka vétéran nous en réserve aussi sur bien d'autres choses, notamment sur le monde du manga et sur sa vie de mangaka. Ainsi aborde-t-il, entre autres choses, ses problèmes de santé durant la conception de son plus grand succès Ashita no Joe (qui reste donc aussi l'oeuvre qu'il a eu le plus de difficultés à finir), son anéantissement quand il a appris le décès de Shigeru Mizuki, ses adieux à Osamu Tezuka avec de nombreux autres acteurs de la profession, la fondation du groupe d'amis mangakas "Easy" après la mort de Tezuka, des petites anecdotes sur différents auteurs de sa génération faisant partie de ce groupe d'amis (comme Takao Saitô, l'auteur de Golgo 13)... Des petites infos précieuses pour qui s'intéresse en profondeur au media manga, et que l'auteur, à une oud eux reprises, ponctue même de belles photos (voir Tetsuya Chiba tapoter la tête de son ami Shigeru Mizuki, ça n'a pas de prix).

Enfin, l'auteur jette également un regard sur lui-même assez attendrissant, dans la mesure où il est bourré d'auto-dérision quand il évoque différents petits problèmes liés à sa vieillesses, par exemple quand il n'entend pas son nom où qu'il se déplace d'un pas mal assuré. L'ensemble est donc finalement bien varié, que ce soit dans ce qui est abordé ou dans les ambiances, et est toujours intéressant.

Visuellement, de par son âge avancé ou les problèmes de vue qu'il évoque, Tetsuya Chiba n'a évidemment plus les mêmes qualités visuelles qu'avant, il le dit lui-même. mais ça ne l'empêche aucunement d'offrir un très jolie copie. Son trait un peu plus simple et arrondi colle bien à un manga de ce genre, on y trouve tout de même un grand soin dans les visages et dans les décors, il y a de nombreux angles de vue excellents qui sentent bon l'expérience, et la colorisation assez riche et appuyée vient bien enrichir l'ensemble.

A part Ashita no Joe (qui avait déjà été publié en France par Stéphane Ferrand, le directeur éditorial de Vega, à l'époque où il travaillait chez Glénat), Tetsuya Chiba n'avait plus été publié dans nos contrées, et ce manga autobiographie, belle pépite bourrée d'anecdotes, vient combler légèrement ce manque... On ne peut qu'espérer que cet essai, qui semble être une petite prise de risque pour un jeune éditeur, sera concluant !

Côté édition, Véga a déjà ici l'occasion de s'essayer pour la première fois au grand format en couleur, et le résultat est tout à fait convaincant pour ce premier opus d'environ 120 pages. On notera l'absence de jaquette, mais la présence de rabats assez larges. Le papier est souple, sans transparence, est absorbe bien l'encre pour une qualité d'impression très honorable où les couleurs ressortent bien. A la traduction, Satoko Fujimoto livre un excellent travail, très clair et documenté. Enfin, saluons aussi le travail effectué sur les choix de police, ainsi que sur la traduction des onomatopées, ces dernières étant bien insérées et en adéquation avec le reste.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs