Je ne suis pas née dans le bon corps - Actualité manga

Je ne suis pas née dans le bon corps : Critiques Récit de mon changement de sexe

Umareru Seibetsu wo Machigaeta!

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 12 Novembre 2021

Récemment, les éditions Ototo se sont mises aux ouvrages à la vocation didactique, ouvrant d'abord le bal avec Sex Education 120% de Kikiki Takaki et Hotomura, qu'on pourrait considérer comme un équivalent manga (et sans l'humour de Zep) de notre fameux « Guide du zizi sexuel », qui fit l'apprentissage de nombreux enfants et continue de le faire aujourd'hui. Le deuxième titre ancré dans cette perspective paraît en ce mois de novembre 2021, après avoir été reporté de quelques semaines à cause de la crise du papier. Je ne suis pas née dans le bon corps ne cherche pas à nous parler de sexe, mais de l'opération de chirurgie de réassignation sexuelle vécue par son autrice, Mafuyu Konishi.

Figure assez importante de la communauté LGBT, l'autrice, née en 1983, officie en tant que mannequin et mangaka spécialisée dans les ouvrages instructifs autour de sa condition. Dans cette volonté de s'exprimer sur son vécu et sur celui des femmes transgenres, elle donne aussi des conférences sur les troubles de l'identité de genre. Je ne suis pas née dans le bon corps est le premier manga de cette artiste engagée, et fut initialement prépublié en 2016 dans le magazine Young Ace Up de l'éditeur Kadokawa Shoten, sous l'intitulé Umareru Seibetsu wo Machigaeta! (littéralement « Il y a eu une erreur dans le genre avec lequel je suis née ! »). L'année suivante, dans la même revue, l'autrice publie le manga Seitenkan kara Shiru Hoken Taiiku (« La santé et l'éducation physiques apprises après changement de sexe »), un second ouvrage instructif dans lequel elle parle du quotidien de femme transgenre ayant effectué une transition génitale. De là à considérer ce second ouvrage comme une suite spirituelle du présent titre, il n'y a qu'un pas.

Dans Je ne suis pas née dans le bon corps, c'est sa propre histoire que relate Mafuyu Konishi. Femme transgenre bisexuelle mariée à une femme, elle désira pousser sa transition jusqu'à la chirurgie de réassignation sexuelle, par une opération vécue en Thaïlande. Du choix de ce pays, le déroulement de l'opération et les conséquences de celle-ci en passant par un état des lieux de son vécu... la mangaka dresse un portrait complet de cette expérience dans son premier manga.

L'oeuvre présente n'est donc pas une fiction mais une autobiographie partielle, une volonté pour l'artiste de s'exprimer, de relation son vécu ainsi que son point de vue sur l'opération qu'elle a reçue. La nuance semble importante puisque certain.e.s lecteur.ices pourraient tiquer sur des formulations et des opinions qu'il convient certainement de mettre en parallèle avec les émotions ressenties par l'autrice à plusieurs moments. Cette personnalité du message se retranscrit aussi par les différentes tonalités du manga, jonglant entre le témoignage sérieux et plus dramatiques avec des notes d'humour bien senties, ce qui passera notamment par des gags visuels qui sont autant de références graphiques à des œuvres célèbres que le lectorat pourra prendre plaisir à deviner. Mafuyu Konishi affiche son expérience avec recul, raisons pour lesquelles elle se permet des notes d'humour sans oublier les moments humains qu'elle a vécu, et tout en livrant certains messages sur la difficultés des personnes trans à exister dans la société.

Sur dix-sept chapitres et environ 200 pages, la mangaka dresse un bilan garni de son opération, et surtout son avant et son après. La phase la plus dense de l'ouvrage consiste dans le détail des jours et semaines qui ont suivi l'opération, un moment délicat et douloureux qu'on serait tenté de ne pas recommander à un lectorat trop sensible tant la concernée parvient à exprimer cette étape avec les détails nécessaires, et surtout une aisance pour communiquer les instants de douleur ressentis. Dans ces moments, l'heure n'est plus à l'humour, même si l'artiste se permet toujours quelques petites notes de légèreté visuelle. Et que ce soit dans cette phase ou dans les explications quant aux types de chirurgies possibles, Mafuyu Konishi reste d'une clarté impeccable, ne nous noyant jamais dans un surplus d'informations. Elle reste concises tout en abordant différentes idées afin de vulgariser son sujet comme il se doit, et faire de son manga un enseignement idéal et accessible pour une grande diversité de lecteur.ices. La démarche n'était sans doute pas simple, mais l'autrice s'en sort rudement bien.

On appréciera aussi les notes encore plus personnelles, notamment quand Mafuyu Konishi parle de son parcours de femme transgenre. Là aussi, l' exercice reste concis, la concernée se cantonnant à des étapes précises mais charnière de sa vie pour exprimer son expérience et, ainsi, pousser à la réflexion quant à la difficulté des personnes transgenres d''exister dignement dans une société moderne. La mangaka en remet une couche en fin d'ouvrage en élargissant son propos à des situations plus étendues, ce qui, semble-t-il, fait l'objet de son second manga qu'on ne demande qu'à découvrir, pour les enseignements qu'il peut véhiculer.

Je ne suis pas née dans le bon corps part d'un exercice complexe, ne serait-ce pour le caractère personnel de cette tranche autobiographique. Il en résulte un ouvrage riche d'enseignement, à l'humour dosé malgré des moments rudes mais adéquats pour la compréhension du sujet, et particulièrement accessible de par le dosage idéal des informations proposées. La lecture se fait sans jamais être rébarbative, bien au contraire, si bien qu'on espère déjà le second titre de Mafuyu Konishi afin de compléter sa vision du sujet.

Côté édition, comme pour Sex Education 120%, Ototo propose l'ouvrage via un grand format agrémenté d'une page couleur d'ouverture et d'un papier épais de bonne facture. Le lettrage et la maquette, travaillés par Jef.Mod, rendent honneur à l'ouvrage, tandis que la page bonus d'enseignements sur la culture LGBT et la transidentité est un plus bienvenu et inédit à notre version française.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs