Heartful Company - Actualité manga

Heartful Company : Critiques

Gyakusatsu!!! Heartful Company

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 28 Novembre 2013

Critique 1


Il n'y a pas à dire : les éditions Imho nous auront vraiment habitué à nous présenter des mangas sortant vraiment de l'ordinaire. Entre les titres malsains et ceux qui cachent un véritable message, le lecteur trouvera facilement de quoi être surpris par le catalogue de l'éditeur. Et c'est donc en ce mois de novembre qu'est sorti Heartful Company, un one-shot clairement dans la lignée des autres titres de l'éditeur. Voyons tout de suite ce qu'il vaut !

Heartful Company nous amène à suivre Kiichi Nakai, le patron d'une société qui porte le titre du manga. Celle-ci n'a que pour seul objectif de produire, produire des objets en masse afin de gagner le maximum d'argent. Et pour cela, toutes les précautions sont prises pour ne pas perdre une seule pièce : les employés ne sont que des SDF payés en nourriture (et encore, c'est les restes...), les objets sont fabriqués à partir de détritus et le tout est donc vendu à des multinationales étrangères à des prix exorbitants. Cependant, un souci va arriver plus vite que prévu pour le patron : le médecin lui diagnostique un cancer en phase terminale, et il ne lui reste plus que quelques mois à vivre ! Et c'est suite à ce malheur que Nakai va donc décider de faire une "bonne action" pour le peuple grâce à son argent, mais difficile de faire le bien quand on est habitué à faire le mal...

Heartful Company, c'est avant tout un titre ultra parodique. En effet, le manga se permet d'être une critique énorme du capitalisme, de ces gens "puissants" qui se permettent de contrôler le monde via leur argent comme s'ils étaient supérieurs aux autres humains au point de décider ce qui est bon ou mauvais pour le reste de l'humanité. Ceci se voit déjà en début de volume, où le patron ne tient compte que de son salaire grimpant, tout comme sa femme qui se fout de son mari excepté de son argent. Mêmes les associés du patron sont caricaturés au possible au point qu'ils sont nommés par leur profil : on trouve La Binocle, la tantouze, le croque-mitaine, l'ogre, le gogol et le puceau.

Cette critique sur ce que j'ai expliqué plus haut se voit clairement aussi par les choix des personnages : à vouloir faire une bonne action pour le peuple, toutes les idées des membres de la Heartful Company finissent par au final pourrir le monde encore plus, montrant bien que l'argent ne fait pas tout et ne permet pas le bonheur de tous. L'idée par exemple de la tantouze à vouloir balancer des graines de fleur partout dans le monde montre bien cette idée comme quoi "faire de l'écolo ça passe toujours car ça fait bien", hors ce n'est pas une solution miracle.

Mais hormis cette critique durant toute la lecture, la forme du récit est tout aussi efficace : les personnages sont laids au plus haut point, constamment en train de suinter d'une sueur épaisse et bien crade, l'humour pipi caca est bien sûr parfois présent et nombreux sont les passages malsains. Il faut savoir que la mise en scène est toute aussi particulière, les auteurs réutilisant parfois le même dessin plein de fois d'affilée, offrant des dialogues plutôt atypiques.
Le trait du dessinateur est d'ailleurs vraiment unique, avec des dessins très gras, aux finitions épaisses, et avec un code graphique bien dégueu (personnages aux multiples bourrelets et rides, la sueur précédemment évoquée, les gros plans bien sales, etc...)

Bref, vous l'aurez compris que comme on l'eut pensé auparavant, Imho nous offre encore une fois un manga qui sort vraiment des sentiers battus. Si la lecture peut sembler très étrange pour quelqu'un ne reconnaissant pas cette critique du capitalisme et tout ça, les autres auront facilement de quoi sourire face à ce bijou malsain et salement drôle.

Enfin, notons que l'édition est toujours aussi bonne comme souvent de la part de l'éditeur, et on peut les remercier de nous faire découvrir des facettes vraiment originales du manga.




Critique 2


La Heartful Company est l'incarnation même de l'horreur sur Terre. Cette entreprise, qui fabrique des armes et autres engins de mort, est dirigée par un directeur qui ne fait aucun cas de la vie humaine, exploite jusqu'au bout ses travailleurs, et ne montre guère plus de respects à ses plus proches collègues, qu'il affuble de surnoms vaguement humiliants. Pourtant, tout va changer pour la Tantouze, le Gogol, le Puceau, Croque-Mitaine et les autres, quand le boss, à force de s'exténuer à imaginer de nouvelles armes destructrices, va faire une attaque et se retrouver avec un cancer en phase terminale, comme s'il avait besoin de ça.
Pour le directeur, c'est un déclic : il décide subitement de laisser tomber les engins de mort, de se faire pardonner en envoyant un peu partout dans le monde des missiles remplis de petites fleurs, puis de créer des inventions qui feront le bien, comme des ours en peluche d'un nouveau genre devant apporter de l'affection aux enfants démunis, ou des couches révolutionnaires pour les grabataires.
Mais si l'envie de bien faire est là, difficile d'effacer les méthodes horribles que l'on a utilisées pendant des années. Les erreurs peuvent donc survenir, et s'avérer légèrement (lééégèèèèrement) problématiques. Par exemple, se tromper et mettre dans les missiles le virus Ebola au lieu des petites fleurs, c'est plutôt gênant. Et si les inventions partent d'un bon sentiment, leurs méthodes de fabrication en font rapidement une menace pour l'humanité entière...

Si le dessinateur Man Gatarô débarque là pour la première fois en langue française, il faut savoir que le bonhomme s'est taillé au Japon une solide réputation au fil d'une vingtaine d'années de carrière pour quasiment autant d'oeuvres. Connu pour son trait épais, dense, sans concession et porté par des faciès totalement exagérés, l'auteur débarque dans notre pays avec un Heartful Company qui s'inscrit parfaitement dans cette lignée : ses personnages sont sales, suintants, portent toute la laideur de leur âme sur leur visage, et finissent pas être d'horribles clichés justifiant leurs surnoms. Man Gatarô, c'est tout dans l'excès, y compris dans l'autre sens, car quand l'horrible directeur deviendra un gentil faiseur de "bien" (hum), son visage, bien que toujours très épais et ingrat, se parera de mimiques à la limite de la niaiserie, pour un résultat toujours plus décapant.

Avec un tel style graphique, le scénario imaginé par Pierre Taki ne pouvait qu'être parfaitement mis en valeur. Celui-ci fait, lui aussi, clairement dans l'excès (et dans l'excès de l'excès), pour un résultat qui confine constamment à la parodie noire, une bonne grosse dose de cynisme en plus. Car entre les horreurs très poussées de la compagnie (insultes à tout va, épouse obsédée par l'argent, ventes faramineuses à des multinationales sans scrupules, travailleurs extrêmement mal payés et encore plus mal nourris...), les réactions constamment extrêmes, les inventions qui partent totalement en vrille au point de menacer l'humanité, l'horreur que cachent ces inventions, et la masse populaire innocente qui se retrouve en première victime des lubies des riches (voir des fillettes avoir les yeux exorbités par des nounours en peluche, ça n'a pas de prix), les deux auteurs s'appliquent à créer une oeuvre qui détourne à chaque instant toutes les horreurs et les excès de notre monde pour mieux se moquer de tout. Pas de limite, et du violent au malsain en passant par le pipi-caca (parfois, trop poussé, toutefois), il y en aura pour tous les (mauvais) goûts.

Heartful Company parle de cancer, d'armes de destruction massive, de course au profit, d'épidémie, d'écologie à deux balles, de comportements déviants, d'excès technologiques, d'enfants pauvres, de vieux grabataires, d'exploitation du peuple par les riches, et de fin de l'humanité, et il parle de tout ça avec un humour noir et cynique hautement régressif, profondément grossier, de mauvais goût. C'est précisément ce qui en fait une oeuvre géniale, mais aussi le type même de lecture qui divisera les foules.

Et puis, 14€ pour 230 pages en grand format dotées d'une bonne traduction inspirée (l'émanslip, chapeau) et d'une bonne qualité d'impression sur papier épais : on aurait tort de se priver si on aime ce genre d'ouvrage. (17/20)




Critique 3


La Heartul Company est gérée par son grand chef, Kiichi Nakai, et par ses six conseillés, respectivement La binocle, La tantouze, Le croque-mitaine, L'ogre, Le gogol, et le Puceau. La société construit des armes en exploitant des SDF qu'elle paye avec des restes de nourriture. Le seul et unique but de ses responsables est le profit personnel, ils ne sont motivés que par l'appât d'un gain toujours plus conséquent. Bref, nous avons à faire à une bande de méchants capitalistes égoïstes.

Et c'est en effet à une critique du capitalisme, de l'égoïsme, mais aussi de l'hypocrisie que nous avons à faire, le tout étant présenté de façon tellement évidente et exagérée qu'ont aurait vite fait de la considérer comme trop facile pour être prise au sérieux. À tort comme à raison.

Immanquablement, une lecture superficielle engendrera un avis superficiel quant au manga. Cependant, si au premier abord les critiques formulées par le manga peuvent sembler convenues annoncées ainsi de but en blanc, certaines autres sont formulées de façon plus subtiles. On pense à ces scènes singeant le ridicule de la surproduction comme la surproduction du ridicule, ou encore à ces quelques plans disséminés qui font l'éloge d'un écologisme qui tend vers le nihilisme.

Si le fond est intéressant, c'est dans la forme que Heartful Company prend tout son sens, tant le récit semble inlassablement prit dans une démence frénétique. Tout est tellement caricatural et exagérément débridé que l'on se laisse littéralement emporter dans ce récit drôle d'un bout à l'autre. L'humour noir et décalé ne plaira à coup sûr pas à tout le monde, mais l’œuvre ne manquera pas de faire rire aux éclats quiconque adhère au style, graveleux et cynique à souhait.

La mise en forme à également de quoi surprendre. Il n'est en effet pas rare de voir les auteurs réutiliser exactement la même page ou le même dessin à répétition (jusqu'à huit fois d'affilée). Certains seront sensibles à l'effet comique de répétition, d'autres considéreront qu'il y a tromperie sur la marchandise, nous regretterons seulement certains agrandissements un brin abusifs, et au final plutôt laids. Toutefois, le tout colle parfaitement avec le partit prit graphique.
Encore une fois, le trait de Man Gataro ne fera pas que des adeptes. Le trait est épais, gras, les personnages sont volontairement laids, bouffis, poilus, toujours en sueur, le rendu est très caricatural. Le tout ne s’embarrasse d'aucune contrainte morale ou éthique, on retrouve un peu le ton de Charlie Hebdo, la provocation à outrance en moins.

Enfin, remercions une fois de plus Imho de publier des titres aussi originaux voués à un succès limité, tout en nous proposant une édition de qualité pour un prix très raisonnable.

Parodie décomplexée et originale, Heartul company divisera les foules, et ce sur tous les aspects. Pour certains bijou déjanté d'humour noir, pour d'autres divertissement de mauvais goût, le manga assume son statut de gros délire... et d'avertissement.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Kiraa7
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs