Enfant en moi (l') Vol.1 - Manga

Enfant en moi (l') Vol.1 : Critiques

Ano Ko no Kodomo

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 22 Janvier 2024

Parmi les dernières annonces en date des éditions Kana, "L'Enfant en moi" fait certainement partie des titres les plus prometteurs étant donné son sujet sensible. Manga d'Aoi Mamoru, une autrice à la carrière bien établie et que nous avons découverte avec "Lovely Friend Zone" chez le même éditeur, le récit est en cours depuis 2021 dans la revue shôjo Bessatsu Friend des éditions Kôdansha, avec 7 volumes au compteur pour le moment. Une série qui a donc le temps de développer son histoire, ses personnages et son sujet, ce qui augmente nos attentes. Côté Japon, il est à noter que l'œuvre a été récompensée en remportant le prix du meilleur shôjo au Prix Kôdansha de 2023, honneur acquis par "Nina du Royaume aux étoiles" et "À tes côtés" les deux années précédentes, deux mangas qui ont déjà prouvé leurs qualités.

Sachi et Takara, tous deux lycéens, forment un couple solide pour leur âge. Soudés, ils entretiennent une relation harmonieuse, se sont déjà présentés à leurs familles respectives, et ont des rapports intimes réguliers durant lesquels ils prennent les précautions nécessaires. Mais un accident étant vite arrivé, un gros câlin finit avec un préservatif troué. Ce qu'ils pensaient n'être qu'une anecdote va chambouler la vie de Sachi. Car quand cette dernière ressent des malaises réguliers, sans pourtant être malade, un test de grossesse va faire germer en elle une idée impensable : et si elle était enceinte ?

Un sujet tel que la grossesse chez une lycéenne pouvait instinctivement aiguiller vers un récit purement dramatique, voire larmoyant. Pourtant, sur ce premier volume, Aoi Mamoru fait le choix d'introduire ses pistes de scénario dans une infinie douceur, dans une esthétique épurée particulièrement enivrante, aux côtés de deux jeunes adolescents amoureux qui nous touchent d'emblée par la sincérité de leurs sentiments et leur complicité. Il faut même attendre la toute fin du premier chapitre, après presque 70 pages, pour que l'idée de la grossesse soit véritablement posée, preuve d'un travail minutieux de l'autrice pour poser une ambiance douce, vouée à évoluer vers une certaine mélancolie que la patte graphique de l'artiste dépeint avec tout autant de brio. C'est au point qu'on s'extasiera devant certaines planches dont les jeux de blancs nous régalent, au même titre que la narration posée qui permet de se plonger pleinement dans les diverses ambiances de ce premier ouvrage. Alors que nous n'en sommes même pas à un tiers du volume et que le sujet n'a pas été concrètement abordé, nous sommes déjà conquis par la puissance visuelle qui se dégage de "L'enfant en moi".
C'est donc dès le deuxième chapitre que le scénario se déclenche véritablement, ou plutôt que ce cadre minutieusement posé bascule suite à un chamboulement évoqué par le titre de l'œuvre. La mangaka fait le choix de narrer les premières émotions, les doutes et les réflexions liées à la grossesse d'une adolescente par le regard de la principale concernée, Sachi. Bien que la demoiselle et son petit-ami occupent l'illustration de couverture, c'est dans sa tête et dans son corps que tout se joue, aussi l'idée d'aborder le sujet par le prisme de la principale concernée semble attester des meilleures intentions de Aoi Mamoru, en plus de constitue un excellent message à une heure où la parole sur le sujet est beaucoup trop laissée aux hommes. La grossesse de Sachi vient de son corps, et tout dépend donc d'elle, un point surtout abordé dans les dernières pages de l'ouvrage.

Pourtant, les autres personnages clés ne sont jamais exclus de l'intrigue, aussi la présence et le rôle de Takara sont minutieusement dosés. Le personnage peut sembler simpliste dans ses actions et ses réactions, mais peut-il faire autrement ? Les réflexions posées sonnent juste, même si on peut supposer que ces questionnements seront poussés encore plus loin dans les volumes à venir.

Et non seulement la mangaka aborde son histoire avec un épatant travail d'atmosphère et par de nobles intentions du côté des personnages, mais elle amène aussi un zeste de philosophie avec une piste de fond qui a pourtant son importance dans l'ensemble du tome : la présence de Nora, un chat de gouttière dont Sachi s'occupe et qui semble avoir disparu. En plus d'apporter sa contribution à la mélancolie ambiante du tome, le félin pousse la demoiselle à se remettre en question dès ses premiers doutes. Pour quelqu'un d'incapable de garantir la sécurité de son animal de compagnie, comment pourrait-elle le faire avec un bambin, et à son âge ? Là aussi, on pourra se demander si la symbolique de Nora continuera d'agir en toile de fond du récit, ou si le matou n'était là que pour introduire les premières remises en question de l'héroïne.

Sensible, doux, émouvant et pertinent, sans virer dans les effusions de larmes ou le drame facile, "L'Enfant en moi" offre un premier volume convaincant à tous les niveaux. Bien sûr, il est encore trop tôt pour dire qu'Aoi Mamoru aborde le sujet avec réussite, tant l'histoire n'en est qu'à ses débuts. Mais l'amorce se révèle pleine de qualité et de promesses, de quoi nous pousser vers la suite sans qu'on ait à la redouter.

Du côté de l'édition, Kana offre un format shôjo conventionnel, et marqué par un papier souple et agréable à la manipulation. Fidèle à la version japonaise, Eric Montésinos offre une adaptation graphique de la couverture ravissante, dont la douceur et la mélancolie nous marquent en un regard. Enfin, saluons aussi la traduction d'Aline Kukor dont les textes poussent loin les émotions de ce début d'œuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs