Chiisako Garden - Actualité manga
Chiisako Garden - Manga

Chiisako Garden : Critiques

Chiisako no Niwa

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 30 Août 2019

Les histoires, récits et légendes autour d'êtres humanoïdes tout petits, ce n'est pas nouveau, mais Yuki Kodama a décidé d'apporter sa pierre à l'édifice. C'est en 2017 que la talentueuse mangaka, que l'on ne connaissait jusque-là en France que pour son superbe Kids on the Slope (et dont on aimerait beaucoup pouvoir lire d'autres séries, comme Tsukikage Baby... à bon entendeur), décide de créer ses propres petites créatures, les Chiisakos, des êtres forme humaine et à toute petite taille, visibles uniquement, a priori, par les humains "purs", en tête desquels les enfants. Sur cette base, l'autrice commence à concevoir pour l'excellent magazine Flowers de Shogakukan des histoires courtes parfois subtilement emboîtées, dont les 5 premières ont été compilées début 2018 sous la forme d'un recueil nommé "Chiisako no Niwa". C'est ce recueil que l'édition Vega, en cette fin d'été, nous proposent de découvrir en langue française sous le nom Chiisako garden. Mais il faut souligner qu'au Japon, Yuki Kodama n'en a pas fini avec cette oeuvre, puisque elle en a publié un nouveau chapitre cette semaine dans son pays. Avec son concept, Chiisako garden est effectivement une oeuvre sur laquelle Kodama peut se permettre de revenir de temps à autre, au gré de ses envies et de ses inspirations... Alors peut-être verrons-nous donc un deuxième tome à l'avenir ? En attendant, profitons déjà de ce premier recueil, qui se suffit bien à lui-même avec ses 5 récits allant de la trentaine à la quarantaine de pages.

Une petite fille vient d'emménager dans une nouvelle maison avec ses parents et sa grande soeur. Depuis toute petite, elle est capivée par une série d'albums jeunesse centrés sur les Chiisakos. Et dans le jardin de sa nouvelle demeure, voilà justement qu'elle fait rapidement la connaissance d'un étrange petit être, nommé Ten, qu'elle est étrangement la seule à voir et avec qui elle sympathise très facilement. Mais voilà que eu de temps après, les parents de la fillette prévoient de remplacer ce jardin, préservé depuis des lustres, par une terrasse en bois, signifiant alors la disparition future du petit coin de nature dans lequel Ten aime vivre depuis si longtemps. En voulant expliquer la situation à ses parents, la petite fille sera-t-elle écoutée, ou s amère n'y verra-t-elle qu'un délire d'enfant ?

Se promenant avec une jeune romancière de récits d'amour dont il a la charge, un éditeur croise un chiisako avec qui il va discuter, et qui va se placer un peu dans un rôle de confident. Cet homme n'est jamais tombé amoureux, mais peut-être bien que le petit être va y changer quelque chose...

Incapable d'avoir des relations normales avec ses camarades de classe, un maladroit adolescent préfère désormais rester cloîtré chez lui... jusqu'au jour où, sur le balcon, il recueille une étrange petite femme qui s'est perdue loin de chez elle. Démarre alors une cohabitation amicale où la Chiisako, mine de rien, va petit à petit pousser le jeune garçon à retourner voir la beauté du monde extérieur...

Quelques siècles auparavant, à l'époque des samouraïs, un homme ayant perdu un bras vit avec son épouse, une jeune fille beaucoup moins âgée que lui. Elle a perdu toute sa famille lors de la guerre. Quant à lui, sa première femme est morte, il a renoncé à la voie du samouraï après avoir perdu son bras, et il tâche de veiller sur la jeune fille comme le ferait un père. Mais depuis quelque temps, tous deux vivent avec un troisième personnage: un Chiisako que la demoiselle a nommé Ten. Elle le voit, mais pas lui, mais il reste qu'il a lui aussi bien conscience de la présente de ce tout petit humain. Alors que leur vie se poursuit ainsi, le retour d'un ami d'enfance de la jeune fille risque de bousculer les choses, et de permettre à chacun de prendre conscience de ses vrais sentiments.

Alitée dans sa maison, une autrice âgée d'albums jeunesse sur les Chiisakos attend sa dernière heure, en se remémorant le jour où sa vie a basculé, 60 ans auparavant, dans une forêt où elle a rencontre un Chiisako qu'elle n'a jamais oublié et qui lui a servi d'inspiration. Elle ne regrette rien de sa vie, hormis peut-être de ne pas avoir pu revoir ce petit être. Le miracle aura-t-il alors lieu ?

Ces 5 histoires courtes restent assez simples sur le papier, mais Yuki Kodama a une façon bien à elle de les narrer, ne serait-ce qu'en les emboîtant subtilement: le Ten de la 1e et de la 4e histoire est le même et permet ainsi de montrer la longévité du chiisako à travers le temps ainsi que l'évolution au fil des siècles du jardin où il vit, les albums que la jeune fille de la 1e histoire adore ont été conçus par la vieille dame de la dernière histoire... Cela permet à la mangaka d'installer, en quelque sorte, toute une petite mythologie crédible autour de ses être minuscules, qui, discrètement, au fil du temps, en des lieux et époques différentes, influencent presque discrètement la vie de celles et ceux qui sont assez purs pour les voir ou croire en eux. Et Kodama étant maligne, elle ne s'arrête pas là, en distillant, dans chaque histoire, un peu plus d'éléments sur les raisons pour lesquelles certains humains peuvent voir les Chiisakos. On dit d'abord que seuls les enfants peuvent les voir, puis les humains purs, puis les humains n'étant jamais tombés amoureux... Diverses petites croyances se bâtissent alors autour des mini-humains surnaturels que la mangaka a inventés.

Le mieux étant sûrement que ces "mythes et croyances" ne sont pas là uniquement pour faire beau: dans chaque histoire, la particularité des Chiisakos permet de faire avancer les humains, voire symbolisent cette évolution. Par exemple, dans la 2e histoire, la disparition du Chiisako aux yeux de l'éditeur signifie tout bonnement qu'il est en train de prendre conscience qu'il vient de tomber amoureux pour la première fois de sa vie. Dans la troisième histoire, la chiisako est celle qui pousse l'adolescent à repartir de l'avant, en ne restant plus enfermé chez lui. Dans la quatrième histoire, Ten, même invisible, prend soin de faire remarquer aux personnages leurs vrais sentiments.

Tout ceci, Kodama nous le narre avec un mélange de sobriété et de finesse, toujours avec une grande limpidité et une atmosphère délectable. Son style visuel 'y est pas étranger non plus: à la fois très fin dans les contours, plutôt posé dans son découpage, un peu épuré mais avec des designs et des trames soignés qui apportent la pointe de profondeur nécessaire, et possédant une expressivité toute subtile, sans rien exagérer.

Chiisako garden est, au final, un très beau recueil, particulièrement agréable à suivre, où Kodama se crée réellement son propre univers, et nous invitant presque à tendre l'oreille et à mieux observer ce qui nous entoure... Qui sait, peut-être un Chiisako se cache-t-il près de nous ?

Au niveau de l'édition, le format change légèrement de ce à quoi Vega nous a habitués: on a une hauteur semblable aux titres seinen de l'éditeur, mais une largeur un peu plus petite, ce qui s'explique peut-être dans le fait que contrairement aux autres titres seinen de l'éditeur, celui-ci, même s'il est aussi classé seinen par Vega, provient d'un magazine josei. A l'intérieur, le papier est à la fois souple et sans transparence, l'impression effectuée chez Aubin est très honnête, le travail de lettrage est soigné... Et à la traduction, Ryoko Akiyama offre une copie très claire, agréable et bien dans le ton de l'oeuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs