Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 23 Mars 2023
Chronique 2 :
Depuis longtemps, Delcourt/Tonkam se penche sur les comédies sentimentales du Shônen Jump, depuis Yoshikazu Katsura avec I''s et Video Girl Ai, à Kentarô Yabuki et sa très (trop?) coquine saga To Love, en passant par Ichigo 100% de Mizuki Kawashita. Un segment sur lequel nous ne retrouvions pas l'éditeur, tant les dernières grandes romcom du Jump ont fini chez la concurrence. Alors, il était presque inattendu de voir Blue Box, l'une des dernières romances prometteuses de la revue, atterrir dans le catalogue de celui qui fut autrefois Tonkam.
Mais revenons-en à Blue Box. Après plusieurs courtes expériences de mangas et d'histoires courtes, durant la seconde moitié des années 2010, Kôji Miura lance Ao no Hako dans le Jump, en 2021. La série mêle romance, sport et comédie, dans un cadre collégien/lycéen, et a su trouver sa place dans la revue, tant l'œuvre s'apprête à atteindre les 10 tomes, tandis que ses résultats dans les fameux sondages de popularité sont globalement bons. De notre côté, Delcourt/Tonkam publie le manga sous son intitulé Blue Box, depuis début mars 2023.
Collégien, Taiki Inomata en pince pour Chinatsu Kano, depuis leur première rencontre. Elle est une excellente recrue du club de basket, promis à un brillant à venir, tandis que lui s'adonne au badminton, sans faire de prouesse. Pourtant, quand tous deux en viennent à se lier d'amitié, une relation seine se construit, et sera vouée à s'étoffer avec le temps. Car lorsque les parents de Chinatsu quittent le pays pour plusieurs années, c'est chez Taiki que la demoiselle emménage. Pour cause, puisque leurs mères respectives étaient camarades dans le club de basket, il y a bien longtemps. Une collocation pleine de tendresse débute alors, mais que Taiki tient à garder secrète. Nul ne sait si les sentiments amoureux du garçon sont réciproques, mais la soif de réussite sportive des deux amis les poussera à aller toujours plus loin.
Coupler les genres de la romance et du récit sportif n'est pas chose inédite (demandez à Mitsuru Adachi), mais la combinaison est toujours appréciable à découvrir. C'est par cette alchimie que débute Blue Box de Kôji Miura, l'histoire d'un garçon assez banal et passionné de badminton, au contact de l'une des jolies filles de son établissement, elle-même douée en basketball. Un pitch assez simple qui, au fil de la lecture, se trouve renforcé par quelques idées toutes aussi classiques de ce type de fiction, qu'il s'agisse de la présence de l'amie d'enfance du héros, la cohabitation forcée, ou le doux lien qui se met en place entre les deux têtes d'affiche du récit.
Et si ce premier tome de Blue Box nous tient sur toute la lecture, c'est sans aucun doute pour la sincérité de tous les instants dont fait preuve l'auteur. Une honnêteté d'abord sportive, tant la relation entre Taiki et Chinatsu est constamment marquée par le soutien mutuel qui s'amplifie au cours de ces premiers chapitres, mais aussi de l'ordre des sentiments. Car Kôji Miura n'a pas besoin de scènes aguicheuses pour donner du relief à son histoire. Seuls les ressentis des personnages comptent, menant à une bienveillance de tous les instants, et à des figures qui trouvent peu à peu leur place dans ce petit cadre, y compris Hina, l'amie du héros qui se bonifie tout le long de la lecture. Enfin, il y a le cachet visuel, marqué par la patte sensible de Kôji Miura. La finesse de son trait et la douceur de sa narration suffisent à poser quelques moments forts et touchants, sans excentricité aucune, tout à la force de son art. Couplé aux belles interactions du volume, il va sans dire que la lecture fait mouche à bien des moments.
Blue Box s'impose donc d'entrée de jeu comme une romance adolescente, aux élans sportifs, fraiche et raffinée. Pas de fioritures, tout étant brillant de sincérité, et touchant de bienveillance et d'énergie. Le manga semble s'imposer comme la rom-com forte du Jump, et on comprend pourquoi.
Côté édition, Delcourt/Tonkam livre ici une bonne copie, avec des finitions honorables, bien qu'il faille tordre quelque peu l'opus pour en apprécier pleinement les cases. Signée Lilian Lebrun, la traduction fait honneur à la fraîcheur de cet opus de démarrage.
Chronique 1 :
Ce premier jour du mois de mars 2023 voit les éditions Delcourt/Tonkam accueillir un joli morceau, qui avait été annoncé par leurs soins dès le mois de juin 2022, et qui bénéficie d'une belle petite réputation en ayant notamment fini 4e des BD recommandées par les libraires du Nationwide et 7e au Next Manga Award l'année dernière: Ao no Hako, l'un des nouveaux mangas emblématiques du célèbre magazine Shônen Jump des éditions Shûeisha en matière de tranche de vie. Actuellement riche de 9 volumes dans son pays d'origine, cette série a été lancée là-bas en 2021, et arrive dans notre pays sous le nom de Blue Box (une traduction littérale de titre japonais), dans une qualité d'édition honorable si l'on excepte un papier un peu transparent et un manque de souplesse pour manipuler le livre. A part ça, l'impression est honnête, la traduction de Lilian Lebrun est à la fois claire et assez vive, le lettrage d'Adèle Houssin est convaincant, et la jaquette reste proche de l'originale japonaise, en allant jusqu'à reprendre les mêmes jolies teintes pour le logo-titre, tout en y incorporant un volant de badminton emblématique de l'oeuvre.
Blue Box a beau être la toute première publication française de Kouji Miura, cette jeune mangaka née en 1995 n'en est pas à son coup d'essai au Japon: elle a d'abord pu signer quelques courtes séries orientées tranche de vie pour les éditions Kôdansha entre 2015 et 2020, avant de passer chez Shûeisha cette année-là, dans un premier temps en concevant différentes histoires courtes (toujours axées sur la tranche de vie, son genre de prédilection), puis en ayant l'opportunité de lancer l'année suivante la série dont il est question dans cette chronique. mais retenons aussi qu'avant de dessiner ses premiers mangas professionnels, Kouji Miura a pu longuement se faire la main en étant l'assistante d'un auteur de grand talent: Takeshi Hinata, le mangaka du formidable Dream Team (publié en France par Glénat et adapté en anime), dont elle a clairement gardé des habitudes côté visuel et découpage.
Blue Box nous plonge au sein du lycée-collège Eimei, un établissement scolaire très investi sur le plan sportif. C'est là que Taiki Inomata, actuellement en première année de lycée, s'exerce avec application dans le club de badminton, où il n'est pas mauvais mais n'est pas non plus parmi les meilleurs. Sa principale motivation quotidienne, toutefois, est peut-être ailleurs: chaque jour, il se languit de croiser au gymnase l'élue de son coeur Chinatsu Kano, l'une des vedettes du club de basket, d'un an son aînée, et qu'il admire depuis la dernière année de collège à force de la voir venir s'entraîner passionnément encore plus tôt que lui. Dans l'immédiat, Taiki se montre bien incapable d'avouer ses sentiments à la jeune fille, et les seuls au courant sont ses deux amis Hina Chôno, mignonne membre du club de gymnastique qui aime bien taquiner notre héros tout en voulant jouer les entremetteuses et le soutenir, et le terre-à-terre Kyô Kasahara, compère de Taiki au badminton, qui préfère clairement lui dire que s'il veut conquérir Chinatsu il aura intérêt à aimer le challenge et à beaucoup s'accrocher au vu de sa popularité ! Alors, comment un garçon comme Taiki, moyen en badminton et n'ayant quasiment jamais osé parler beaucoup à Chinatsu, pourrait-il avoir une chance avec une fille qui a un an de plus que lui, qui brille de mille feux au basket et qui est admirée par un paquet de garçons ? C'est là que le destin va entrer en jeu, en lui apportant un étonnant coup de pouce...
Autant évacuer immédiatement la seule éventuelle petite limite qui pourrait agacer légèrement un lectorat habitué à ce genre de chose: le fameux petit coup de pouce du destin, dont la nature est un poncif déjà exploité de nombreuses fois dans le registre de la tranche de vie romantique. Mais il ne s'agit que d'un détail ne gâchant pas les qualités d'un début de série vraiment emballant et bien mené, en particulier grâce à ce que dégagent ses principaux personnages. Les premiers petits rebondissements, suite au coup du destin, sont très honnêtement menés et ont le mérite de ne pas prendre trop de place: le besoin de s'adapter à cette nouvelle situation aussi bien à la maison qu'au lycée, ainsi que les premiers petits quiproquos léger sur le plan sentimental, sont efficacement dosés, ne sont pas trop appuyés, voire se résolvent assez vite et bien, de façon naturelle. Quand d'autres tranches de vie de ce type tendent à surjouer sur les quiproquos et situations compliquées, ici ces éléments ne sont qu'une petite part du récit parmi d'autres choses. Et, mieux encore, ils contribuent à faire évoluer les personnages dans leur détermination et leur passion.
Car la détermination et la passion sont sans doute parmi les maîtres mots de ce début de série. Sous les observations de leur entourage à commencer par la chipie Hina et le calme Kyô, Chinatsu et Taiki se révèlent, peu à peu, comme des protagonistes toujours plus attachants et rafraichissants. La jeune fille séduit sans difficulté par sa spontanéité et par sa passion communicative pour le basket, où elle se donne en permanence à fond avec l'espoir de se qualifier un jour pour le tournoi inter-lycées: ce rêve est tout pour elle actuellement, si bien qu'elle dit elle-même qu'elle n'aurait absolument pas le temps de se consacrer à une vie amoureuse, car sa vie sportive compte le plus. Et face à elle, Taiki montre de bien belles choses: bien qu'il ait parfois tendance à foncer sans réfléchir pour certaines choses, il respecte l'élue de son coeur, ne veut pas se montrer déplacé (c'est aussi pour ça qu'il ne se déclare pas pour l'instant, pour ne pas la tourmenter alors qu'elle se donne à fond dans sa passion), veut également être digne d'elle... Et à partir du moment où ces deux-là ont l'occasion de mieux discuter ensemble et de partager leurs rêves, il y a vraiment de bonnes ondes qui passent, Taiki s'affirmant même dans un désir de surpasser ses lacunes et d'avoir plus confiance en lui afin de progresser en badminton. Au-delà des considérations sentimentales, ces deux-là veulent se soutenir mutuellement et s'entraîner de plus belle dans leur domaine respectif, pour atteindre leur rêve respectif de se qualifier pour le tournoi inter-lycées.
Sur le plan visuel, Kouji Miura offre un rendu expressif à souhait sans en faire trop, réaliste dans les décors qui participent bien à l'immersion, et à la fois clair et vif dans le rendu global. Il se dégage beaucoup de rythme des planches de la dessinatrice, qui n'a aucune difficulté à rendre l'ensemble emballant et frais. Qui plus est, Blue Box a beau être publié dans un magazine shônen et donc être une tranche de vie dédiée en premier lieu aux garçons, on évite des clichés habituels du genre concernant l'anatomie des personnages (Chinatsu et Hina ont des gabarits tout à fait normaux, et leur charme passe avant tout dans leur comportement et leur visage), pour un résultat qui a finalement de quoi plaire largement à tous les publics. Enfin, comme déjà évoqué plus tôt dans cette chronique, les fans de Dream Team ne manqueront pas de penser au style de Takeshi Hinata plus d'une fois, tant Kouji Miura a sûrement pu s'abreuver du style typique de son mentor.
Très bien équilibré entre ses parts de tranche de vie, de romance et de sport, Blue Box s'offre un début particulièrement séduisant, porté par des personnages facilement attachants et par une bonne dosse de fraîcheur. Il y a de quoi attendre impatiemment de voir comment vont évoluer Taiki, Chinatsu et leurs amis sur les différents plans de l'intrigue, en espérant que ce beau démarrage se confirme !