Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 10 Mai 2024
En cours au Japon depuis 2022 dans le magazine G-Fantasy de Square Enix sous le titre Shihyakushiki (dont le titre français est une traduction littérale) avec 4 volumes parus là-bas à l'heure où ces lignes sont écrites, 404 Démons est la nouveauté du mois de mai des éditions Doki-Doki et constitue la toute première publication française de la mangaka Mochi, qui officie dans son pays d'origine depuis déjà plusieurs années en ayant essentiellement conçu des œuvres mêlant action, fantastique et comédie.
C'est précisément un univers jonglant entre ces différents aspects qui nous attend ici. Un univers dont l'histoire démarre à l'époque Edo et où les démons existent, ceux-ci ayant l'habitude de produire des sortes d'insectes parasites s'introduisant dans le corps des humains pour les posséder et se repaître de leur énergie vitale afin de gagner en puissance, tandis que les victimes humaines s'affaiblissent en semblant "tomber malade" jusqu'à en mourir. Heureusement, face à cette grande menace, une certaine divinité nommée Ôkamuzumi a décidé d'intervenir en invoquant un homme apte à les terrasser: Momotarô, garçon né d'une pêche (l'autrice reprenant ainsi à sa saucer la célèbre légende de Momotarô) et qui, depuis, s'applique à accomplir sa mission avec trois compagnons qu'il a recrutés. Les choses auraient pu se poursuivre ainsi, mais un démon bien plus puissant que tous les autres en a décidé autrement en parvenant à terrasser les quatre hommes. Face à la tragédie, la déesse choisit d'accorder une nouvelle chance à Momotarô: enfermé dans une pêche, il devra dormir jusqu'à avoir récupéré suffisamment de forces pour "éclore" à nouveau, tandis qu'il peut ressusciter au choix l'un de ses trois compagnons pour veiller aussi longtemps que nécessaire sur le fruit. C'est ainsi que, 300 ans plus tard, notre héros renaît enfin à notre époque, sortant de sa pêche pour laisser apparaître... un poussin ?!
Mochi reprend donc la bonne vieille recette de la chasse aux démons, mais nous fait très rapidement sentir (dès les premières pages, en fait, où la traduction bien inspirée d'Aurélie Lafosse-Marin nous abreuve d'expressions autour des insectes) qu'elle va parsemer la chose d'une bonne petite dose d'humour loufoque qui, sans forcément aller chercher très loin, se révèle efficace, principalement autour du corps de petit poussin dans lequel se retrouve Momotarô: entre ses bonnes bouilles, les moments insolites où il est présent lors de phases sérieuses, et les interrogations qui l'animent forcément (pourquoi a-t-il cette apparence ? Comment va-t-il pouvoir chasser les démons ainsi ? Sans compter le truc dégoûtant qu'il devra faire à répétition et à contrecoeur pour retrouver sa puissance), il y a de quoi sourire facilement à plus d'une reprise ! D'autant plus que la mangaka ne s'arrête pas tout à fait à son héros volatile pour les éléments comiques, en proposant notamment une idée assez fun via l'objet servant de moyen de communication avec la déesse (donnant même lieu à un gag bien trouvé concernant le fameux "404" du titre), et en offrant quelques traits de caractère rigolos chez les personnages secondaires se mettant en place.
Et justement, parlons de la mise en place des personnages secondaires, constituant un autre élément majeur du tome. Il va de soi que Saruhiko, le compagnon ressuscité par Momotarô, n'est pas resté inactif pendant 300 ans et a, sous une couverture de médecin-acupunteur, notamment profité de son immortalité pour rassembler quelques compagnons, divisés en trois compagnies spécialisées chacune dans un domaine (les renseignements, la logistique et les exécutants). On découvre déjà certains de ces compagnons avec un certains intérêt, quand bien même ils n'ont rien de foncièrement original sur le papier: le "dévoreur de démons" Kaito qui est aussi hargneux qu'hyper fidèle envers Saruhiko, Hinata et Shizuka les puissants enfants jumeaux utilisant le Qi le plus puissant, Shôichi le directeur de clinique qui n'est qu'un simple humain... ces premiers visages de second plan animant déjà assez les pages.
Sur la base de tous ces éléments soigneusement mis en place, la mangaka n'oublie pas, bien sûr, de peaufiner les enjeux, que ce soit en faisant suffisamment attention à certains détails (par exemple, le transfert de mémoire évacue vite et assez bien les possibles chocs culturels qu'aurait pu avoir Momotarô, transposé dans notre époque alors qu'il vivait trois siècles auparavant), en soignant ses premières petites scènes d'action, et en offrant déjà des dernières pages prometteuses concernant un très vieil ennemi que notre héros a sûrement hâte de pouvoir dégommer...
Le contrat est donc plutôt bien rempli par ce premier tome. Derrière une intrigue de chasse aux démons somme toute très classique, Mochi distille ce qu'il faut d'humour et de qualités visuelles pour offrir quand même une certaine unicité à son début d’œuvre. On en découvrira la suite avec plaisir ! Et côté édition, c'est du tout bon: la jaquette reste proche de l'originale nippone tout en ayant droit à un logo-titre soigné, la première page en couleurs sur papier glacé est un petit plus toujours sympathique, le papier épais et opaque permet une très bonne qualité d'impression, le lettrage assuré par Jean-François Leyssène est soigné, et la traduction d'Aurélie Lafosse-Marin est sans fausse-note.