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Le test du jeu video:

Publié le Lundi, 09 Mai 2011

Après le succès critique et commercial de Final Fantasy VII, considéré par beaucoup comme le meilleur RPG existant (voire comme un des meilleurs jeux vidéo créé), la tâche s'annonçait difficile pour ses successeurs. Le huitième épisode de la célèbre saga, sorti en Europe en octobre 1999, se permet pourtant de côtoyer l'excellence. Les développeurs continuent de surprendre en faisant de Final Fantasy VIII un soft tout à fait différent, qui s'éloigne de plus en plus des bases de la saga (avant un retour annoncé à la « fantasy » plus traditionnelle dans le neuvième épisode). Mais tous les changements effectués, toutes les surprises, offrent un résultat grandiose. A l'époque, Square domine littéralement le reste de la production, en offrant une nouvelle pépite pour les joueurs, pépite sur laquelle ont travaillé plus de 180 personnes et tenant sur 4 CD.

Cinématique d'introduction. Sans doute l'une des plus belles jamais observées dans un jeu vidéo, et qui n'a, plus de 10 ans après, rien perdu de sa splendeur. Malgré un écart de deux générations de consoles, cette introduction, ainsi que l'ensemble des cinématiques de FFVIII, demeurent impressionnantes même de nos jours, ce qui témoigne de l'avance de Square à l'époque. C'est d'ailleurs suite à Final Fantasy VIII, devant le succès critique et les joueurs ébahis par le travail effectué, que Square se décidera à se lancer dans le cinéma avec le film Final Fantasy Les créatures de l'esprit, avec le bilan plus modéré que l'on connaît.

L'histoire de Final Fantasy VIII s'ouvre ainsi sur un duel entre Squall Leonhart et son rival Seifer Almasy. Tous deux sont étudiants de la BGU (Balamb Garden University), une école de formation de mercenaires freelance. Blessé au visage (mais votre rival l'est aussi), Squall atterrit à l'infirmerie. On lui demandera vite de passer la première épreuve pour devenir SeeD, c'est-à-dire mercenaire diplômé. Suite à l'invasion de la ville voisine de Dollet par les forces de Galbadia, un Etat situé sur un autre continent, Squall et ses camarades sont envoyés à Dollet pour reprendre le contrôle de la ville, cette mission faisant office d'examen. Squall accèdera au statut de SeeD, Seifer sera recalé pour avoir agi seul. Une nouvelle mission sera confiée à l'équipe victorieuse à Dollet : protéger une révolutionnaire entrée en résistance contre Galbadia. Squall fera ainsi la connaissance de Linoa Heartilly. Tout les oppose. Lui est taciturne, elle est malicieuse. Leurs approches divergent. Et pourtant... Les étudiants de la BGU accompagnés de Linoa découvriront que derrière les attaques de Galbadia se cache une sorcière nommée Edea, qui renverse l'Etat pour instaurer une dictature impériale. Les SeeD devront l'éliminer. Tout ne se passera pas comme prévu. Et l'amour naîtra au fil de l'aventure entre un Squall énigmatique et une Linoa complexe.

Votre équipe tout au long du jeu se composera de 6 personnages (ce qui fait peu, mais cela n'est pas un problème tant chacun est travaillé). Squall Leonhart est renfermé et silencieux. Du fait de ce tempérament, certains joueurs ont pu reprocher à Final Fantasy VIII des dialogues assez lourds, ce héros principal ne s'ouvrant qu'à partir du deuxième tiers du jeu, au fur et à mesure du contact avec Linoa. La fameuse Linoa est plus sibylline qu'il n'y paraît. Des critiques ont foudroyé l'histoire d'amour naissant entre les deux jeunes individus, relevant un côté mélo et niais, cet épisode étant réputé être le favori du public féminin nippon. Niais et mélo ? Il n'en est rien. Jamais. La relation entre ces deux personnages est l'une des plus intéressantes et travaillée dans un jeu vidéo. On reproche au média jeu vidéo de ne pas parler suffisamment de certains thèmes comme s'ils étaient réservés à la littérature ou au cinéma... L'amour ? Final Fantasy VIII en parle, et en parle bien. Quistis Trepe, instructrice de la BGU, semble au début attirée par Squall, ce qui pourrait être considéré comme un triangle amoureux. Là encore, il n'en est rien, les scénaristes ne reprennent pas ce schéma et préfèrent se concentrer sur d'autres aspects. Vous ferez aussi la connaissance de Zell Dincht, combattant impulsif, Selphie Tilmitt, représentante des élèves espiègle et Irvine Kinneas, le tireur d'élite de l'académie de Galbadia, dragueur invétéré au look cow-boy. Mais derrière les apparences, derrière ces profils finalement très caricaturaux, chacun de ces personnages cachent bon nombre de blessures. Les scénaristes nous en feront part, la psychologie des personnages étant encore l'une de leurs priorités. Comme dans Final Fantasy VII, ces six personnages aux tempéraments éloignés discutent entre eux, un aspect qui a depuis longtemps disparu de 90% de la production des RPG actuels, dans lesquels les personnages « n'échangent » plus autant.

Les flash-back continuent de prendre une importance certaine. Tout au long du jeu, lorsqu'ils dorment et rêvent, Squall et son équipe assistent au passé, dix-sept ans auparavant, et ils ne le comprendront que tard dans le jeu. Ces flash-back se concentrent sur un homme nommé Laguna Loire et ses amis Kiros Seagull et Ward Zabak. La narration des flash-back, contrairement à celle de FFVII qui proposait des scènes de plus d'une demie-heure durant lesquelles le joueur restait passif, fait participer le joueur car vous interprèterez (parfois pendant un long moment) Laguna, Kiros et Ward. Un véritable coup de fouet pour le scénario, mystérieux et d'une richesse grandissante, et le joueur ne comprendra le rôle de ces trois hommes qu'une fois arrivé à la fin du troisième quart du jeu environ.

Si Final Fantasy VI était un parfait représentant du genre steampunk et Final Fantasy VII un hommage au cyberpunk, ce huitième épisode change radicalement d'ambiance. Il s'éloigne des mondes fantastiques traditionnels pour présenter un univers néo-futuriste, où le monde est dominé par des puissances bellicistes. Les jeunes mercenaires du SeeD sont en fait entraînés dans un conflit international, la logique et la quête traditionnelle de sauvetage du monde n'apparaissant qu'en cours de jeu, une fois la véritable ennemie repérée. Car derrière Edea se cache une puissance plus grande encore. Tourné vers les intrigues politiques, le scénario de Final Fantasy VIII virera au métaphysique pur avec des questionnements sur la vie, le temps, l'espace et la magie, des questionnements qui n'ont jamais été aussi poussés dans n'importe quel épisode de la saga. Le parti pris science-fiction est d'ailleurs évident dès que le joueur insérera le CD3 dans la console... avec bon nombre d'heures de jeu passées dans une cité futuriste, Esthar (au design inspirant sans doute FFXIII), des bases aérospatiales et un voyage mouvementé dans l'espace. Certains apprécieront, d'autres pas du tout ! En tous les cas, la cohérence est maintenue puisque le monde est partagé en plusieurs continents, qui se connaissent vaguement et préfèrent s'ignorer. Si le ton général du jeu est toujours empreint d'apocalypse, il diffère de celui observé dans Final Fantasy VI et VII, qui malgré un humour bel et bien présent, étaient résolument pessimistes.

Vous visiterez donc tantôt de petites cités portuaires authentiques, tantôt des complexes plus industriels, tantôt des plaines isolées. La variété des décors est une force du jeu, comme pour l'épisode précédent. Seule Esthar, la mégapole futuriste, deviendra indigeste à cause de décors industriels redondants. Final Fantasy VIII est le premier de la saga tourné vers un réalisme assumé. Ainsi, les personnages sont normalement proportionnés (par opposition au style Super Deformed), modélisés en 3D, tandis que les décors demeurent en 2D précalculée. C'est aussi la première fois qu'on peut profiter d'angles de caméra si originaux. L'absence de voix enregistrées pour les personnages est toujours caractéristique (pour plus d'une heure de cinématiques, impossible de faire rentrer ça même sur 4 CD), mais ceux-ci bougent les lèvres lors des cinématiques, ce qui permet une meilleure immersion et laisse la part belle à l'imagination du joueur. Aspect que l'on ne retrouve que dans cet épisode (et dans le douzième), le personnage principal est toujours suivi des personnages qui font partie de l'équipe de combat. Mis à part à certains moments-clefs du scénario et lors des voyages à pied sur la carte du monde, durant lesquels l'on ne contrôle qu'un seul personnage, trois personnages se suivent donc souvent dans les décors. Cela ne surcharge pas ces derniers et offre bel et bien le réalisme voulu. Lors de leurs interventions pour des dialogues par exemple, les personnages sont directement présents à l'écran et ne sortent plus comme par magie du corps du héros. Les animations sont très rigides, ce qui peine à apporter tout le réalisme souhaité. Mais paradoxalement, la rigidité des ces animations rend la maniabilité très agréable et précise, notamment pour dénicher des éléments et indices dans les décors. D'ailleurs, le fait que les personnages se rentrent dedans quand ils sont en groupe n'est pas un problème, puisque d'une part, cela est nettement plus réaliste, et d'autre part, un petit coup de stick analogique suffit pour repartir, les bugs étant extrêmement rares. Se rajoutant aux cinématiques dantesques et aux décors soignés, la débauche visuelle est évidemment présente lors des combats, où magies et invocations en mettent plein les mirettes. Chaque monstre possède des animations propres (sur plus d'une centaine, imaginez le travail fait).

Mais s'il y a bien un aspect sur lequel Final Fantasy VIII se démarque, et divise, c'est son gameplay. Les combats ont toujours lieu selon le système d'Active Time Battle, avec 3 personnages jouables. C'est le système de compétences en lui-même qui rend Final Fantasy VIII si particulier. En fait, contrairement aux autres volets de la saga, ce huitième FF ne dispose pas d'un choix « Compétences » lors des combats. Pour voir les personnages utiliser leur arme, il faut passer par les traditionnels « Attaquer » ou « Limit Breaks » (des coups spéciaux apparaissant lorsque le personnage a subi un certain nombre de dégâts). Tout le système du jeu est basé sur l'association à chacun des six personnages de plusieurs Guardian Force (G-Force), soit les invocations de cet épisode ! Pour pouvoir utiliser les commandes standards telles que « Magie », « G-F » (invocation) et « Objets », un personnage doit obligatoirement être associé à au moins une G-Force. Associer une invocation au personnage influence celui-ci en renforçant sa vitesse, les dégâts produits, ses points de vie, pour gagner plus d'argent, ou plus d'expérience pour le level-up etc... Ce sont en fait les jauges de compétences des G-Force qui permettent de faire évoluer le personnage, et le personnage n'évolue vraiment que si et seulement s'il est associé à une ou plusieurs G-Force. Des affinités avec les G-Force se créent (un personnage sera plus rapide pour invoquer s'il l'utilise souvent...) et il sera donc préférable pour optimiser la puissance et gagner facilement les combats de laisser associée une G-force au même personnage tout au long du jeu. De plus, grâce à certains objets et aux prédispositions de certains personnages, certaines G-Force sont dès le départ destinées à être utilisées par certains mais pas par d'autres. Alors ? Adieu l'ancien système d'équipement (plusieurs armes, armures et accessoires au choix), vive les G-Force ? Certes non ! Ce nouveau système aboutit à un déséquilibre flagrant ! Les G-Force peuvent être utilisées quasiment à volonté et lancent les attaques les plus dévastatrices, à l'exception de quelques magies (Ultima, Quake) et des Limit Breaks. Qu'est-ce qui en découle à votre avis ? On passe son temps à requérir aux G-Force, tout simplement. FFVIII pourrait presque se terminer en ne proposant, à quelques exceptions près, que les seules options « Invocations », « Objets » et « Limit Breaks ». Pire encore, si les séquences graphiques tirées des invocations sont agréables à regarder au début, les voir un millier de fois chacune (oui, oui, pour certaines, au moins) devient insupportable. Bien sûr, on se console en optimisant la puissance des attaques des invocations en tapotant compulsivement sur les touches Select et Carré de la manette, mais ceci est une bien maigre consolation. Ce déséquilibre est très décevant, et on peut tout à fait arriver en fin de jeu avec trois personnages montés à fond et les autres restés quasiment à leur niveau d'origine ! Si ce problème peut être atténué en associant les G-force aux personnages restés faibles (c'est d'ailleurs l'intérêt, puisqu'un personnage est plus faible sans ses G-Force), cela n'est pas suffisant et le combat final requérant l'intervention de l'ensemble des personnages n'en sera que plus ardu. Observons que le scénario dévoilera en fin de jeu l'influence des G-Force sur les personnages, ce qui constituera un grande surprise (mais aussi à une incohérence pour ceux étant parvenu à ne les utiliser que peu). Hormis la prévalence du système d'association aux G-Force, soulignons que le système de magie a été complètement refondu. Cela a fait hurler les puristes : Final Fantasy VIII ne propose plus de points de magie (ceux-ci étant remplacés par des points pour limiter le lancement du nombre d'invocations). Les sorts doivent désormais être absorbés à partir de sources de magie trouvées ça et là dans les décors au cours du jeu ou en les volant aux adversaires, et chaque sort peut être cumulé jusqu'à 100 par personnage (exemple, si sur les 34 Brasier X appartenant à Squall, j'en lance un lors d'un combat, il m'en restera 33 pour ce personnage).

Au final, il apparaît que Final Fantasy VIII bouleverse les traditions. Une dernière d'entre elles n'échappe pas à la règle : les chocobos. Dans Final Fantasy VIII, les personnages voyagent sur la carte du monde de diverses façons : à pied, en voiture, en chocobo, en train ou en engin aérien. Pour ceux pratiquant l'import, rappelons que FFVIII offrait un support à la PocketStation (aujourd'hui introuvable), avec un jeu d'élevage de chocobos à l'intérieur. Hormis pour quelques déplacements, sachez que vous rencontrerez peu de chocobos. Mais même en tant que puristes, on ne s'en plaindra pas forcément au vu des nouvelles créatures. Vous verrez donc apparaître au combat les Pampas, des petits cactus, ainsi que les Tomberrys, moins avenants. Surtout, une espèce particulière est très présente et remplace les chocobos de par leur importance : les Moomba, des petits tigres mimis coiffés comme des punks (et qui n'apparaissent que dans ce volet).

La durée de vie est colossale. Un mini-jeu complexe (à base de cartes à jouer et à collectionner) demandera de l'investissement, et les quêtes secondaires sont multiples ! Trouver toutes les invocations, acquérir et lire tous les ouvrages consacrés aux passions des personnages puis se livrer à l'alchimie de certains objets pour acquérir de nouveaux « Limit Breaks », passer les épreuves du concours du SeeD en répondant à des questions sur l'univers et l'histoire du jeu (le summum de la richesse narrative !) sous la forme d'un véritable examen pour recevoir un salaire. Remarquons les efforts de localisation française, notamment dans les menus et à travers ce fameux examen SeeD comportant des questions par centaines !


Graphismes : Avec ses cinématiques absolument grandioses, ses décors variés (mais inégaux), et la débauche visuelle lors des combats, Final Fantasy VIII ne peut qu'être une réussite de ce côté-là.

Bande son : Nobuo Uematsu livre encore des compositions extraordinaires. Ce compositeur est vraiment le meilleur pour s'adapter ainsi aux atmosphères si différentes selon les épisodes ! De l'ensemble de la bande-originale ressortent deux titres. Le premier n'est pas forcément à louer. Il s'agit de Eyes on me, une chanson pop servant de thème de fin au jeu, interprétée par Faye Wong, qui donne un aspect gnangnan - il en fallait bien un peu pour satisfaire les détracteurs - peu estimable à une fin pourtant si belle. La seconde partition qui se dégage est au contraire l'une des plus célèbres des Final Fantasy et des jeux vidéo de manière générale : Liberi Fatali, thème d'introduction (à tomber, on vous dit, cette cinématique d'intro !) avec des chœurs en latin (sur le modèle du fameux One-Winged Angel de Final Fantasy VII).

Durée de vie : Sans doute l'une des intrigues principales les plus longues de la saga, grâce à des dialogues nombreux permettant un scénario abouti et une psychologie des personnages profonde. 50 heures seront nécessaires pour boucler l'intrigue principale. Comptez quasiment le double avec les quêtes annexes.

Jouabilité : Les menus sont sobres (gris platine) et très efficaces. Les déplacements sont aisés.

Scénario : La destinée parallèle de deux rivaux laisse vite la place à une intrigue politique complexe, qui se tournera vite vers un aspect science-fiction prononcé. L'aspect comique jouant sur certains personnages est bien présent. Mais surtout, il faut s'attarder sur la psychologie des personnages, a priori caricaturaux, au final passionnants, qui rendent FFVIII si unique. Les détracteurs mettent en exergue une histoire d'amour niaise, précurseresse de ce qui se fait de nos jours... Cela n'est pas le cas. On trouve d'ailleurs beaucoup de commentaires injustifiés de fans, émettant l'idée que les personnages ne seraient au final qu'un assemblage de couples plus ou moins avoués : Squall-Linoa (certes, pas d'objection), Irvine-Selphie (cela peut se soutenir), Zell-Quistis (là par contre, il faudra me trouver un seul dialogue sur les milliers du jeu qui peut induire cela...). L'histoire d'amour entre Squall et Linoa est de toute façon l'un des plus beaux aspects du jeu, car on le répète, Final Fantasy VIII demeure l'un des seuls jeux vidéo à avoir su traiter ce thème, de façon prudente ET intense.

Les choix très spéciaux et l'abandon des traditions, cela marchait du temps des anciens ! Voilà l'idée qui ressort de ce huitième épisode aujourd'hui. Malgré un gameplay lourd et déséquilibré, la profondeur scénaristique est le principal atout de Final Fantasy VIII, qui s'impose comme un monument du jeu de rôle.

Note de la rédaction
Note des lecteurs