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Manga Rencontre avec Yoshikazu Yasuhiko autour de Mobile Suit Gundam - The Origin

Vendredi, 07 Novembre 2025 à 18h00 - Source :Rubrique interviews

Véritable géant du manga et de l'animation, Yoshikazu Yasuhiko, affectueusement surnommé Yas par ses fans, n'a eu que tardivement la reconnaissance qui lui est due dans nos contrées. Se lançant dans l'animation dès les années 70 comme simple travail alimentaire, il s'est imposé comme une figure importante des productions d'époque, en devenant notamment l'un des acteurs majeurs de l'iconique série animée Mobile Suit Gundam en tant que character-designer et directeur de l'animation.


Ces dernières années, la jolie montée en popularité de Gundam en francophonie a rendu plus populaire le travail de Yoshikazu Yasuhiko, sans oublier l'édition vidéo de Crusher Joe, Arion et Venus Wars, ces deux derniers étant adaptés de ses propres mangas.


Mais quid du Yas mangaka ? C'est très tôt dans sa carrière, en simultanée avec la production de l'anime Mobile Suit Gundam, qu'il concrétise un rêve en dessinant du manga avec Arion en guise de première œuvre. La suite de son œuvre est prolifique qui se poursuit encore aujourd'hui. En 2024, il achève sa fresque historique Inui to Tatsumi - Siberia Senki, et a lancé en mars dernier sa nouvelle série toujours ancrée dans l'Histoire : Giniro ni Michi - Handa-yama Ibun.

Malgré son œuvre foisonnante, le maître n'a jamais reçu les honneurs qui lui sont dus chez nous. Du moins... jusqu'à tout récemment. Dans les années 2000, Tonkam publie ses oeuvres historiques Jésus et Jeanne tandis que Pika, de son côté, propose Mobile Suit Gundam - The Origin. Relecture de la toute première série Gundam, largement enrichie par de nouveaux arcs, elle est aujourd'hui culte au Japon... mais n'a malheureusement pas rencontré le succès chez nous. Depuis cet essai et jusqu'à il y a peu, les oeuvres de Yas étaient de l'ordre de l'échec chez nous.


Le vent tourne quand les éditions naBan et Vega, telle une symphonie bien orchestrée, accordent leurs violons pour faire renaître l'art de Yoshikazu Yasuhiko chez nous. La maison indépendante publie Arion, Venus Wars et Jésus, puis projette de republier Jeanne dans une version neuve. De son côté, fort d'un partenariat solide avec le mastodonte nippon Kadokawa Shoten, Vega lance les mangas Gundam en grande pompe dans nos contrées dès le mois d'octobre 2024. Le fer de lance ? Mobile Suit Gundam - The Origin. L'occasion de remettre en avant l'artiste avec une édition à l'écrin magnifique de l'un de ses bijoux les plus aboutis, tant scénaristiquement que graphiquement.


Cet automne 2025, Vega a poussé encore plus loin les honneurs rendus à Yoshikazu Yasuhiko en faisant de lui l'invité d'honneur du salon belge Made in Asia. Une expérience couronnée de succès grâce à un public présent, enthousiaste et chaleureux, que ce soit durant la conférence du maître ou ses différentes séances de dédicace qui ont affiché complet. De notre côté, nous avons eu l'honneur d'un tête-à-tête avec cet artiste que nous admirons grandement au sein de la rédaction. Un moment privilégié durant lequel Yas est revenu sur son travail sur The Origin et de ses différentes inspirations.


Voici le retour sur nos échanges. Bonne lecture !



 


Le lancement du manga Mobile Suit Gundam The Origin a engendré un vrai phénomène et a notamment mené à la création du magazine Gundam Ace. En adaptant un anime aussi légendaire, votre œuvre a forcément une aura particulière. Au lancement de la prépublication, avez-vous ressenti une forme de pression ?


Yoshikazu Yasuhiko : Au contraire, la création de ce magazine pour ma série m’a ôté d’une pression ! Si The Origin avait été publié dans une revue préexistante, j’aurais ressenti davantage de stress, car les gens se seraient attendus à ce que je respecte certaines choses et auraient pu dire du mal sur ce que je dessinais. Ça m’aurait posé une certaine limite, une sorte de pression populaire. Comme mon éditeur m’autorisait à dessiner ce que je voulais et que le Gundam Ace a été créé pour The Origin, j’avais une certaine liberté.



Quelles furent les difficultés à adapter une série de plus de 40 épisodes au format manga ?


Yoshikazu Yasuhiko : À la base, j’avais promis à mon éditeur de ne pas faire un manga trop long et de bien respecter le cadre de la série originelle. Mais plus la parution avançait, et plus j’avais besoin de place et de volumes. Comme les tomes se vendaient bien, j’ai eu l’autorisation de mon éditeur pour rajouter des scènes. C’est ainsi que j’ai pu créer des épisodes inédits. La publication a duré plus longtemps que prévu, mais le fait que mon éditeur me suive dans cette démarche m’a rassuré. La vraie difficulté aurait finalement été de faire une série trop courte.




Le manga The Origin est notamment salué pour son passionnant flashback autour des origines de Char et Sayla et de la Guerre d’Un An. Comment ces épisodes vous sont venus en tête ? Quelle fut la difficulté à les créer tout en raccrochant les wagons avec le reste de l’histoire et sans générer d’incohérence ?


Yoshikazu Yasuhiko : Je pense que la série originale était comme un puzzle dont il manquait des pièces que je devais créer. Parmi elles, il y a l’histoire de Char Aznable dont il était nécessaire de connaître le passé. On avait conscience de certains éléments, surtout vis-à-vis de son père, mais rien en ce qui concerne sa mère. Beaucoup de personnes pensaient que Char avait un complexe vis-à-vis de son père, un father complex. Je pensais, au contraire, qu’il devait plutôt avoir un mother complex, ce qui pouvait expliquer beaucoup de choses à son sujet. Voilà pourquoi j’ai tenu à rajouter des éléments sur sa famille, et notamment sur sa mère. C’est ce qui, à mon avis, nous a aidés à mieux comprendre ce personnage.


(Father complex et mother complex sont des termes propres au Japon qui évoquent un dilemme proche du complexe d’œdipe. Ces termes sont difficilement adaptables en français.)



The Origin, à l’instar de vos autres mangas, a parmi ses atouts la dimension graphique de sa narration immersive, digne du septième art. La composition des planches vous vient-elle instinctivement ? Pensez-vous que votre art a été influencé par votre expérience dans l’animation ?


Yoshikazu Yasuhiko : Votre comparaison avec le septième art me fait plaisir. Effectivement, j’ai mon background d’animateur. Dans l’animation et dans la création des scènes animées, il existe des règles qu’il faut respecter, mais qui n’existent pas dans le format manga. Comme je venais de l’animation, je bloquais. Il fallait que j’aie ma logique d’animateur quand je composais mes pages et posais mes bulles. D’autant plus que je venais de l’école Osamu Tezuka, via le studio Mushi Production qu’il a créé. Maître Tezuka avait une certaine manière de composer ses histoires, tant dans ses mangas que dans ses animes. Il avait un style très spécifique que je pense avoir beaucoup usé dans mes compositions.


Il y a très longtemps, les pages de manga étaient toujours composées de 6 cases de la même taille. C’est Osamu Tezuka, du moins on le pense tous, qui a commencé à jouer avec les tailles de ses cases pour conter ses histoires. On peut jouer avec toutes ces cases, qu’elles soient verticales ou horizontales. Selon moi, c’est important.




En 1979, vous avez travaillé sur l’anime Mobile Suit Gundam mais aussi sur votre tout premier manga : Arion. Quels souvenirs gardez-vous de cette étape importante de votre carrière ?


Yoshikazu Yasuhiko : Effectivement, en 1979, j’étais déjà très occupé avec l’anime Mobile Suit Gundam. À ce moment, le rédacteur en chef d’un magazine dédié à l’animation me fait part d’une proposition : un éditeur de manga cherchait alors une petite histoire courte, conclue en quelques pages. Comme j’avais toujours voulu être mangaka, j’ai vu cette opportunité comme une chance. Seulement, je ne voulais pas simplement d’une petite histoire autosuffisante. J’ai donc dessiné ma nouvelle, mais j’ai indiqué « à suivre » sur la dernière page. J’ai tenté le coup, je l’ai envoyée ! Non seulement le rédacteur en chef a trouvé que je dessinais bien et que mon histoire était bonne, mais c’est aussi grâce à ça que j’ai pu l’autorisation pour une suite, ce qui m’a permis de devenir mangaka.


À l’époque, je trouvais que c’était de la folie. J’avais tellement de choses à faire avec Gundam qu’en rajoutant mon travail sur Arion, j’ai fait un burnout et suis tombé malade. Mais c’est grâce à cet événement qu’une porte s’est ouverte pour devenir mangaka.



En tant que mangaka, quels sont les artistes qui vous ont le plus influencé ? Y a-t-il des univers qui vous ont spécifiquement marqué ? Par exemple, la mythologie dans Arion, la religion dans Jésus… Quel est celui qui vous inspire le plus ?


Yoshikazu Yasuhiko : L’auteur qui m’a le plus influencé est évidemment Osamu Tezuka, d’abord parce que j’ai travaillé avec lui. Aussi, l’une de ses œuvres m’a particulièrement marqué : Shinjinrui Fumoon. C’était un manga de SF qui touchait aussi aux questions de société de l’époque. Je trouvais géniale l’idée de partir d’une fiction pure pour toucher les gens et parler de leur vie quotidienne en société. Ça m’a ouvert l’esprit sur la manière de rendre un manga intéressant.


À mes yeux, la mythologie et l’Histoire, appuyée par des écrits historiques, représentent un tout. Par exemple, l’histoire du Japon est basée sur des manchu, des recueils de poèmes. C’est cette mythologie qui a créé le Japon d’après. De la même façon, les mythes occidentaux ont façonné l’Histoire. Ces deux facettes sont intéressantes à travailler.


(Shinjinrui Fumoon est un manga en deux parties d’Osamu Tezuka publié en 1951 et figure parmi les premières histoires de science-fiction du maître. Dans cette intrigue, les essais nucléaires répétés ont donné naissance aux fumoon, une nouvelle race humanoïde à la taille minuscule, mais particulièrement intelligente. Le docteur Yamadano découvre leur existence et tente de la révéler au monde entier, mais rares sont ceux qui le croient. Au même moment, un étrange gaz noir approche de la Terre et s’apprête à l’anéantir. Conscients de cette menace, les fumoon projettent de quitter la planète en délaissant les humains. Certains d’entre eux décident toutefois d’aider le docteur Yamadano et les protagonistes à créer un vaisseau qui leur permettra de quitter la Terre eux aussi.

Le manga fut adapté en un téléfilm par le studio Tezuka Productions en 1980. Il est sorti chez nous sous le titre Nucléa 3000 en 1983, dans une version découpée en 3 parties.)


 


Interview préparée par Julian Bocachard et menée par Yohann Café. Nous remercions les éditions Vega pour l'organisation de l'interview, pour l'édition du monument Gundam - The Origin et pour avoir permis la venue de Yoshikazu Yasuhiko en francophonie. Nous remercions chaleureusement M. Yasuhiko pour son accueil ainsi que son interprète, Fabien Nabhan.

commentaires

OkadaYT

De OkadaYT [110 Pts], le 08 Novembre 2025 à 19h56

Merci pour cet interview. 

Cuno

De Cuno, le 08 Novembre 2025 à 19h42

Vous dites en préambule que c'est à Pika qu'on doit la VF de The Origin. Mais les planches illustrées ont le logo de Vega. Je comprends pas. Vega a récupéré les droits ?

AtlasSempai

De AtlasSempai [1 Pts], le 08 Novembre 2025 à 19h54

Les planches sont tirées de l'edition Deluxe, éditée par Vega (qui edite d'autres mangas gundam comme Unicorn, Zeta Define et Char's counterattack avec le meme format, mais en souple), mais Pika a fait une premiere edition entre 2006 et 2018

Cuno

De Cuno, le 08 Novembre 2025 à 19h42

Vous dites en préambule que c'est à Pika qu'on doit la VF de The Origin. Mais les planches illustrées ont le logo de Vega. Je comprends pas. Vega a récupéré les droits ?

Azad

De Azad, le 07 Novembre 2025 à 21h18

Merci mangas news pour l'interview de cette légende!

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