Retour sur la conférence de Yui Kikuta à Japan Expo- Actus manga
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Manga Retour sur la conférence de Yui Kikuta à Japan Expo

Vendredi, 30 Mai 2025 à 18h00 - Source :Rubrique interviews

L’édition 2024 de Japan Expo fut indéniablement riche, en partie grâce à ses auteurs présents. Du côté de nobi nobi !, l’éditeur a accueilli Yui Kikuta, mangaka dont nous pouvons apprécier la finesse du trait via le manga Bibliophile Princess, adaptation du light novel éponyme écrit par Yui (un quasi-homonyme, donc, comme la mangaka le dira) et illustré par Satsuki Sheena.


De son vrai nom Kimiyo Asano, Yui Kikuta naît un 22 décembre. Elle débute comme assistante de la mangaka Arina Tanemura avant de remporter le 25e Prix du nouvel auteur Athena des éditions Hakusensha avec son one-shot Kaze no Uta. La même année, elle fait ses débuts officiels avec l'histoire courte Tsuki Akari ni Terasarete. Elle a aussi dirigé un cercle d'auteurs de dôjinshis en compagnie d'Ai Minase, groupe nommé Strawberry Lunch. Sa première série, Shônen Hakaryûdo, est publié entre 2007 et 2009 dans le magazine Comic Zero Sum des éditions Ichijinsha. Bibliophile Princess est sa série la plus dense à ce jour. Lancée en 2018 dans la même revue, elle compte à ce jour 10 tomes au Japon.


Le jeudi 11 juillet 2024, c’est lors du premier jour de Japan Expo que Yui Kikuta a rencontré son lectorat français, au cours d’une conférence / live drawing. Partant d’une illustration réalisée au préalable, la mangaka a reproduit les lignes de son dessin avant de mettre celui-ci en couleur, le tout en s’adonnant à l’exercice de l’interview auprès d'un animateur. Se présentant d’abord comme stressée, l’artiste n’a pourtant pas été avare en réponses, le tout retranscrit par son interprète, Angélique Mariet, dont nous connaissons les qualités de traductrice sur différents mangas.


"Enchantée, je suis Yui Kikuta ! Je suis un peu stressée et j’ai les mains qui tremblent, alors j’espère que vous me soutiendrez aujourd’hui." C'est par ces mots que la conférence a débuté, appuyée par un tonnerre d'applaudissements de la part du public.


 


Pouvez-vous nous parler de votre parcours pour devenir mangaka ?


Yui Kikuta : J’ai commencé à dessiner quand j’étais toute petite, après avoir lu des mangas shôjos. Puis, au lycée, j’ai envoyé mes travaux à des magazines de prépublication dans le cadre de concours. Mais mes mangas n’ont pas été retenus avant mes 22-23 ans. À partir de là, j’ai eu un suivi professionnel d’un éditeur. C’est beaucoup plus tard par rapport à certains mangakas qui font leurs débuts assez jeunes. Je suis donc moi-même devenue autrice grâce à ma passion du manga depuis mon plus jeune âge.



En tant que mangaka, quelles sont vos propres influences littéraires ?


Yui Kikuta : Du côté des influences manga, j’aime énormément Clamp depuis l’école primaire. J’aime aussi le travail de Yun Kôga, une mangaka qui réalise aussi des character-designs pour des séries d’animation. À côté, j’adore Le Seigneur des Anneaux dont l’univers m’a beaucoup inspiré pour mes œuvres.



Bibliophile Princess est pourtant une œuvre assez éloignée du Seigneur des Anneaux.


Yui Kikuta : Oui, Le Seigneur des Anneaux est assez éloigné de la série que je dessine actuellement. C’est une œuvre que j’ai découverte ultérieurement. Le premier film qui m’a vraiment inspirée est Dark Crystal et tout son travail avec des marionnettes. Le Seigneur des Anneaux est venu ensuite. Grâce à ces œuvres, j’ai pu développer mon imagination concernant les mondes fantastiques. Le cinéma a donc énormément joué dans mes influences.



© by Yui Kikuta, Yui, Satsuki Sheena / Ichijinsha Inc.



A la base, Bibliophile Princess est un light novel écrit par l’autrice Yui. Pouvez-vous nous parler des origines de cette adaptation ? Comment êtes-vous arrivée sur ce projet ?


Yui Kikuta : Mon éditeur, que je connaissais déjà à l’époque, voulait faire une adaptation en manga de cette histoire. Il s’avère que l’autrice du light novel, Yui, a adoré mes dessins. Nous partageons d’ailleurs le même prénom, mais il ne s’écrit pas de la même façon. Lorsque les réunions concernant l’adaptation manga ont eu lieu, Yui a donné mon nom pour adapter son roman. C’est grâce à elle que j’ai pu travailler sur ce projet.



L’autrice Yui vous connaissait donc déjà ?


Yui Kikuta : Elle ne me connaissait pas personnellement. En général, quand une maison d’édition projette d’adapter un light novel en manga, elle propose le projet à plusieurs artistes qui doivent monter un dossier ou présenter leur portfolio. C’est comme ça que mes dessins sont arrivés entre les mains de l’autrice et que l’adaptation manga m’a été confiée.



Êtes-vous en contact avec l’autrice Yui dans le cadre de l’adaptation, pour lui demander des conseils ou des informations ?


Yui Kikuta : Les mangakas et les auteurs des romans ont rarement l’occasion de discuter. Souvent, ils passent par leur éditeur en guise d’intermédiaire. On ne se parle donc pas. (rires)



Avez-vous carte blanche sur cette adaptation ? Ou devez-vous suivre le roman à la lettre ?


Yui Kikuta : De base, j’aime le roman Bibliophile Princess. Je fais donc tout pour respecter au maximum l’œuvre originale. Je ne change pas les détails du récit, c'est une chose qui me tient énormément à cœur. Cependant, comme le manga est un média différent du roman, avoir un surplus d’informations peut être usant pour les lecteurs. J’arrange donc les événements et la chronologie de manière à rendre un manga fluide à lire. Yui, l’autrice, est très satisfaite de mon travail. Elle trouve que mon manga présente les personnages et les détails de l’histoire d’une autre manière. Par exemple, j’imagine les tenues des protagonistes, et je n’ai que très rarement été reprise par Yui. Quand on est un mangaka qui adapte un light novel, c’est souvent que l’auteur de l’œuvre d’origine est stricte concernant ces éléments. J’ai la chance de pouvoir collaborer avec une écrivaine qui me laisse m’exprimer librement.



© by Yui Kikuta, Yui, Satsuki Sheena / Ichijinsha Inc.



À l’inverse, avez-vous rencontré des défis vis-à-vis de l’adaptation ? Des éléments que vous avez eu plus de mal à retranscrire ?


Yui Kikuta : Le plus difficile est le traitement de la chronologie. Les romans jonglent entre le présent et le passé, ce qui est difficile dans le manga sans perdre les lecteurs. Afin de rendre la lecture plus fluide, j’adapte les événements dans l’ordre chronologique. Mon objectif avec mes mangas, c’est d’atteindre le plus de lecteurs possible. Avec un récit au schéma si spécifique, moins de personnes s’intéresseraient à mon œuvre. C’est pour rendre ma version plus accessible que j’ai tenu à respecter la chronologie.



Certains passages de l’histoire ou de la chronologie vous ont-ils particulièrement marqué ?


Yui Kikuta : De base, j’aime les scènes où apparaissent Elianna et le prince Christopher. J’aime dessiner les scènes dans lesquelles ils flirtent. Mon moment préféré est dans le deuxième tome. Ce n’est pas un spoiler, mais une séquence présente Elianna avec des friandises. Elle essaie d’en donner au prince, mais comme il n’aime pas ce qui est sucré, il lui mord le doigt. Tous les deux sont très gênés car, au Japon, un tel contact physique fait palpiter le cœur. C’est ma scène préférée, car j’aime imaginer les réactions des lecteurs qui la découvrent. Je me demande si leurs cœurs ont autant palpité que le mien.



L’univers graphique de Bibliophile Princess est particulièrement riche et semble inspiré par l’Europe des XVIIIe et XIXe siècles. Faites-vous beaucoup de recherches pour vous rapprocher du réalisme de cette esthétique ?


Yui Kikuta : Je n’ai pas besoin de faire de recherches dans le cadre du manga. Comme je l’ai dit, j’ai déjà été inspirée par plein de films fantastiques. J’ai déjà en tête tout ce qui est de l’ordre de l’esthétique et du décor. Puis, surtout, j’ai été assistante d’Arina Tanemura qui me confiait souvent les décors de ses planches. Ces environnements ressemblaient beaucoup à ceux de Bibliophile Princess. J’ai déjà à disposition une grande base de données, de photos et de documents, mais je n’ai pas besoin de les consulter, car j’ai déjà tout en tête.



© by Yui Kikuta, Yui, Satsuki Sheena / Ichijinsha Inc.



Les couvertures du light novel sont réalisées par Satsuki Sheena qui est aussi conceptrice du character-design original. Comment vous êtes-vous approprié ces personnages créés par l’artiste ?


Yui Kikuta : Pour m’approprier ses designs, j’ai changé certains détails, par exemple les coiffures des personnages qui sont différentes dans mon manga par rapport aux illustrations des romans. J’ai touché à certaines mèches, à la longueur des cheveux, ainsi qu’à la taille des personnages. Dans les light novel, ils apparaissent tous très grands. J’ai apporté des modifications afin de les différencier. C’est par ce type d’éléments que je m’approprie les designs des personnages.



En parlant des personnages, lequel est votre préféré ?


Yui Kikuta : J’aime beaucoup Elianna, la protagoniste. (rires)



Y’en a-t-il un plus difficile à dessiner que les autres ?


Yui Kikuta : Je pense que c’est le prince Christopher, car je dois le rendre très classe à chacune de ses apparitions.



© by Yui Kikuta, Yui, Satsuki Sheena / Ichijinsha Inc.



Ainsi, chaque moment où Elianna et Christopher apparaissent vous permet de dessiner votre personnage préféré, mais ce sont les instants les plus complexes à mettre en scène…


Yui Kikuta : Exactement !



Quelles sont les différentes étapes de création d’une de vos planches ?


Yui Kikuta : Lire le roman est la première étape. Puis, après avoir arrangé la chronologie des événements pour la version manga, je commence mes nemus (ndt : storyboards simplifiés). La phase finale comprend plusieurs étapes, c’est à partir de là que je me fais aider par mes assistantes. Je travaille l’encrage exclusivement à la tablette, ce qui rend les choses plus faciles. Ce sont les grandes lignes d’une création d’une planche.



Parlons maintenant des illustrations de couverture qui sont magnifiques. Comment choisissez-vous les compositions de ces visuels ? Combien de temps vous prend la réalisation d’une couverture ?


Yui Kikuta : Dans un premier temps, mon éditeur me donne des consignes sur les personnages qui doivent apparaître sur la couverture ainsi que sur la posture qu’ils auront, par exemple s’ils se prennent mutuellement dans leurs bras. À partir de là, je réalise l’illustration en respectant quelques règles. J’aime quand l’héroïne regarde de face et non de biais. Je trouve que cette transition transmet davantage sa détermination. Puis vient la mise en couleur. J’essaie de faire en sorte que les couvertures ne se ressemblent pas entre-elles, que les personnages n’aient pas la même posture. Pourtant, à bien y regarder, elles se ressemblent presque toutes. Comme les couvertures présentent souvent les mêmes personnages, il est difficile d’apporter beaucoup d’originalité.



Vous nous avez dit travailler en numérique, mais vous arrive-t-il de dessiner encore sur papier ? Que préférez-vous entre les deux procédés ?


Yui Kikuta : Lors de mes débuts en tant qu’assistante, je travaillais exclusivement sur papier. Ce qui m’a plu dans le digital, c’est le fait que les couleurs ont plus d’impact par rapport au dessin sur papier. Ça ne change pas ma vitesse de dessin contrairement à ce qu’on peut penser. Une illustration de couverture me prend toujours une semaine de réalisation. C’est surtout la perception de l’illustration qui change, ce qui fait que je préfère le dessin numérique.



Nous approchons de la fin de cette conférence. Que souhaitez-vous que les lecteurs français retiennent de Bibliophile Princess ?


Yui Kikuta : Il n’y a pas spécialement de message que je souhaite que les lecteurs retiennent de la série. En fait, je ne veux pas imposer ma vision de l’œuvre. Tout ce que je souhaite, c’est que les lecteurs de la version manga oublient les difficultés de la vie quotidienne et qu’ils ressortent heureux de leur lecture. C’est mon objectif principal.



© by Yui Kikuta, Yui, Satsuki Sheena / Ichijinsha Inc.



Le temps que Yui Kikuta termine son dessin, le micro est tendu au public afin que les fans puissent librement poser leurs questions à la mangaka.



Comment peut-on s’améliorer en dessin ?


Yui Kikuta : Il faut absolument dessiner tous les jours sans s’arrêter ! Dans mon cas, je ne dessinais que trois à quatre heures par jour. Il faut surtout prendre plaisir à dessiner, afin que ça ne devienne pas une tache contraignante.


Merci beaucoup d'être venue aujourd'hui ! Avez-vous un rêve ou un objectif que vous aimeriez réaliser en dehors de votre métier de mangaka ?


Yui Kikuta : Tout simplement continuer à rester mangaka pendant le restant de mes jours !


Bibliophile Princess a eu droit à une adaptation animée il y a quelques temps. Celle-ci va même plus loin que le manga dans les événements dépeints. L'avez-vous vue ? Si oui, ce que vous avez vu vous inspire-t-il pour la suite de votre manga ?


Yui Kikuta : J'ai vu l'anime et je l'ai adoré ! Les seiyû (ndt : comédiens de doublage) ont fait un excellent travail. Mais on ne peut pas dire que l'anime m'ait inspirée pour la suite du manga. Comme j'ai déjà lu le roman où l'histoire est encore plus avancée, j'ai déjà envisagé la manière dont j'allais dessiner la suite de mon adaptation.


Avez-vous des recommandations de mangas de romance ? Des œuvres que vous aimez ?


Yui Kikuta : Je conseille Basara de Yumi Tamura !



© by Yui Kikuta, Yui, Satsuki Sheena / Ichijinsha Inc.


Combien de tout vous prend le dessin d'un tome ?


Yui Kikuta : Environ six mois.


Que pensez-vous du valet d'Irvine ? Va-t-on le revoir ?


Yui Kikuta : Peut-être que vous pourrez le revoir... (rires) J'espère qu'il sera un bon rival pour le prince !



Quels sont vos mangakas favoris, ceux qui vous inspirent ?


Yui Kikuta : Comme je l'ai dit, il y a Clamp, mais aussi Yumi Tamura. J'ai d'ailleurs une anecdote : mon nom d'autrice, Yui, vient de Yumi Tamura et de Yun Kôga, que j'ai cité. "Yui" reprend certains des caractères des noms de ces deux autrices.


Quel est votre manga préféré ?


Yui Kikuta : Désolé, je ne peux pas en choisir qu'un. J'en ai deux : Basara, dont j'ai déjà parlé, et Réincarnations - Please Save My Earth.




Remerciements à Yui Kikuta, Angélique Mariet, nobi nobi! Ichijinsha et Japan Expo pour la tenue de cette conférence.

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