Dvd Nouvelle interview d'Eisaku Inoue (One Piece, Saint Seiya...)
Japan Expo est souvent un événement propice à la rencontre d'animateurs de renom, et Eisaku Inoue en fait assurément partie.
Ayant fait son entrée dans le monde de l’animation suite à son amour pour l’anime Space Battleship Yamato, il a fait ses premiers pas en travaillant pour des studios d'animation sous-traitants de Toei Animation. Son travail s’y fait remarquer à tel point que Toei Animation lui propose de l’embaucher pour travailler sur Saint Seiya/Les Chevaliers du Zodiaque. En tant que directeur de l'animation, son travail a grandement participé à établir l'identité visuelle de la série, dans le respect des designs de Shingo Araki.
Par la suite il contribua à Dragon Ball, puis revint en tant que freelance d'abord sur Dr. Slump en 1997, puis surtout sur la série One Piece dont son nom est devenu indissociable. Il participe à la série en tant que directeur de l’animation dès son deuxième épisode et fait partie à ce jour de ses plus importants contributeurs. Que ce soit à l’animation, à la supervision de l’animation ou même au storyboard de plusieurs épisodes, il fait partie des artistes qui ont façonné l’adaptation du manga de pirates culte.
Son expérience sur les anime d’action l’a ensuite amené à occuper la position de superviseur de l’animation sur d’autres séries du genre produites par Toei Animation, par exemple World Trigger.
Si nous l'avions déjà rencontré en 2016 lors d'une interview que vous pouvez toujours retrouver en suivant ce lien, c'est avec plaisir que nous somme repartir à sa rencontre !
On sait que votre envie de travailler dans l'animation est née un peu après le lycée,après avoir découvert l'anime culte Uchû Senkan Yamato. Qu'est-ce qui vous avait alors tant plus dans cette série à l'époque ?
Eisaku Inoue : De manière générale, les enfants japonais de cette époque aimaient beaucoup les animes du style de Mazinger Z, et c'était également mon cas.
Puis en grandissant et en arrivant au collège, j'ai commencé à apprécier beaucoup plus les animes ayant une connotation plus réaliste, et c'était le cas avec Uchû Senkan Yamato qui contenait des choses très concrètes sur notre réalité, derrière la façade de science-fiction.
Egalement, quand je parle de réalisme, ça concerne aussi le rendu visuel très travaillé des vaisseaux, et c'est quelque chose qui m'a beaucoup marqué dans cette série, notamment via la gestion des couleurs.
C'est principalement pour ces raisons qu'Uchû Senkan Yamato m'a beaucoup impressionné.
Du coup, qu'avez-vous ressenti en ayant eu l'occasion d'être animateur sur Final Yamato (Uchû Senkan Yamato - Kanketsuhen) dans les années 80 ? Quel souvenir en gardez-vous ?
Ca a été un long chemin pour pouvoir participer à cet anime. Vu qu'il s'agit, comme son nom l'indique, du final, j'ai été ému de pouvoir apporter ma contribution à la dernière ligne droite de cette saga qui a bercé mon adolescence. Dans le fond, je n'avais qu'un petit rôle avec pas tant de choses que ça à faire, mais j'en étais content.
Quand j'ai vu mon nom crédité sur le projet parmi d'autres, c'est là que je me suis vraiment rendu compte que j'ai travaillé auprès d'animateurs qui étaient très connus. C'était magique.
On sait que votre premier poste a été sur l'anime Ikkyu. Quel souvenir gardez-vous de cette première expérience ? Que vous a-t-elle appris ?
Par rapport à aujourd'hui où tout est fait en numérique, la manière de travailler à cette époque était très différente. Il fallait faire tous les contours et autres traits à la main, avec moins de possibilités de corriger les erreurs. Il arrivait donc de devoir refaire entièrement certaines choses, avant de pouvoir passer les planches en machine pour procéder à la colorisation.
En plus d'être mon principal souvenir sur Ikkyu car c'était assez éprouvant, cette première expérience m'a appris à être méticuleux et rigoureux quand je dessine.
En 2016 nous n'avions pas eu le temps de beaucoup parler de One Piece, qui est pourtant l'un des animes emblématiques de votre carrière. Quand vous êtes arrivé sur ce projet, quelles difficultés avez-vous pu rencontrer pour vous réapproprier l'univers du manga d'origine et son style visuel bien reconnaissable ?
Dans les premiers temps de One Piece, le character designer principal de l'anime était Noboru Koizumi, qui a une manière très originale et personnelle de dessiner. Du coup, son travail ne ressemblait pas forcément beaucoup au style du manga original, et quand j'ai pris sa suite j'ai vraiment galéré à rester fidèle à sa manière de dessiner. J'ai beaucoup réfléchi à la meilleure manière de prendre la succession de monsieur Koizumi, et en voyant que le reste du staff était tout autant en galère, on a finalement décidé tous ensemble de retourner petit à petit vers des designs plus proches du manga. Cette décision a été bien accueillie par le public, en plus d'être salvatrice pour nous (rires).
Suite à ce succès, on m'a aussi demandé de travailler en tant que character designer et directeur de l'animation sur plusieurs épisodes spéciaux et sur certains des premiers films de la licence. Cela m'a permis de rencontre le mangaka d'origine, Eiichirô Oda, et je me souviens très bien que les premiers mots que le maître m'a dits furent « Ravi de vous rencontrer ». Il m'a ensuite dit qu'il souhaitait vraiment me voir pour me féliciter. J'étais si heureux !
Au fil des années vous avez tenu plusieurs postes sur One Piece: réalisateur d'épisodes, storyboarder, directeur artistique, animateur clé... sans oublier character designer sur certains films de la licence. Quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez de cette riche, longue et variée expérience sur One Piece ?
Un souvenir très fort concerne un personnage en particulier : le Docteur Hiluluk, figure paternelle pour Chopper et personnage qui, en plus d'avoir des paroles très sensées, a à son époque marqué beaucoup de monde dans sa manière de mourir. J'ai dirigé dans l'anime la scène de son suicide en voulant à tout prix faire quelque chose d'impressionnant et de touchant. A cette époque, le réalisateur sur les épisodes était Kônosuke Uda, qui était un ami de longue date, et qui avait tendance à accepter facilement mes idées, si bien que j'ai pu mener la chose exactement comme je l'avais en tête. J'ai décidé de mettre une musique en particulier dans cette scène, à savoir le célèbre « Ave Maria » que beaucoup d'enfants japonais apprennent en primaire. Du coup, forcément, ça a eu beaucoup de succès... mais peut-être même trop, car énormément d'enfants ont pleuré en découvrant ce passage. Au moins, j'ai réussi ce que je voulais faire, non ? (rires)
J'ai également eu l'occasion de faire la scène où Luffy bat Crocodile. A ce moment-là, le réalisateur n'était plus monsieur Uda mais quelqu'un d'autre, et je me souviens qu'il m'a dit qu'utiliser l'Ave Maria pour une scène comme la mort de Hiluluk c'était un peu de la triche mais qu'il voulait faire la même chose (rires). On a donc longtemps cherché dans les magasins Tsutaya une musique pouvant parfaitement coller à la séquence de Luffy vs Crocodile, en empruntant plein de CDs.
D'ailleurs, nous avons procédé de la même manière pour une autre scène très forte et poignante de l'oeuvre : les adieux au Vogue Merry. Qui aurait cru, dans le manga d'origine, que maître Oda serait aussi doué pour faire pleurer sur le sort d'un bateau ? Forcément, dans l'anime, il fallait lui faire honneur le mieux possible, et là aussi ça a été un grand succès.
Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Eisaku Inoue, à son interprète, et aux équipes de Japan Expo !