
Dvd Rencontre avec l'animateur Keiichi Ichikawa (Saint Seiya, One Piece...)
En juillet 2023, Japan Expo accueillait un nom des plus honorables de l'animation japonaise, celui de Keiichi Ichikawa. Véritable vétéran, tombé amoureux du médium depuis sa rencontre avec le style unique de Shingo Araki, il débute sa carrière dans les années 90, auprès du maître, et a œuvré sur bons nombres de séries sur lesquelles sa patte reste éternelle. Il a ainsi œuvré sur plusieurs volets de la saga Saint Seiya (The Hades Chapter Elysion et Saint Seiya Omega, Saintia Shô) mais aussi sur Ring ni Kakero (World Tournament Chapter), en passant sur d'importants projets comme Les enquêtes de Kindaichi, Gegege no Kitaro et Yu-Gi-Oh!. Plus récemment, on retient son travail sur One Piece dont il est le directeur de l'animation en chef depuis l'arc Whole Cake Island, soit depuis plus de sept ans.
C'est à l'occasion de Japan Expo que nous avons eu l'opportunité de rencontrer Keiichi Ichikawa. En se prêtant au jeu de l'interview, il s'est confié sur ses premiers amours en matière d'animation, son admiration pour Shingo Araki, sa conception de son héritage, et sur son implication sur l'adaptation animée de One Piece, le tout en présence du mythique Pierre Giner, spécialiste de Masami Kurumada et Shingo Araki, en qualité d'interprète. En cette fin d'année, nous vous offrons le compte-rendu de notre rencontre.

Bonjour, Keiichi Ichikawa, et merci de nous accorder cette rencontre. D’abord, quelle fut votre découverte de l’animation ? Puis, comment en êtes-vous venu à intégrer ce milieu ?
Keiichi Ichikawa : Les premiers animes que j’ai vus quand j’étais enfant sont Mazinger Z, Cutie Honey, ou encore Devilman… toutes les séries liées aux univers de Gô Nagai, en fait ! En 1975, j’ai assisté au début de la diffusion de Grendizer (ndt : titre original de Goldorak). Même si j’étais jeune, je me suis rendu compte que le dessin était devenu beaucoup plus beau. Ça n’avait plus rien à voir avec les séries que j’avais vues avant.
En 1984, j’avais alors 14 ans. Trois films sont sortis en l’espace de 5 mois : Lamu - Beautiful Dreamer de Mamoru Oshii, Nausicaä de la Vallée du vent du Hayao Miyazaki et Macross : Do You Remember Love ? De Shôji Kawamori. Ces trois films m’ont vraiment subjugué, d’autant plus que j’étais à un âge où on n’est plus censés regarder de dessins animés. C’est là que j’ai compris qu’on pouvait produire des animes légèrement plus matures et qui ne se destinent pas uniquement aux enfants.
C’est un peu plus tard, en regardant des séries telles que Saint Seiya, que j’ai remarqué que le style ressemblait étrangement à celui de Lady Oscar et à certains épisodes de Grendizer. En me renseignant, j’ai découvert que le directeur de l’animation s’appelait Shingo Araki. J’ai tout de suite su que je me destinais à ce milieu et à cette profession.
S’en suivent quelques échanges entre Keiichi Ichikawa et son interprète, Pierre Giner.
Pierre Giner : Nous avons eu les mêmes impressions. Dans certains épisodes de Grendizer, les visages de Duke Fleed (nom original d’Actarus) et Kôji Kabuto (Alcor) dégagent quelque chose de particulier, de la beauté et une forme de puissance. Il s’agit justement des épisodes sur lesquels a travaillé Shingo Araki !


Rink ni Kakero: World Tournament Arc © oei Animation
Saint Seiya Omega © Toei Animation
Pour parler du regretté Shingo Araki, vous avez travaillé à ses côtés à différents postes clés, sur des sagas telles que Saint Seiya et Ring ni Kakero, si bien qu’on vous présente parfois comme l’un des héritiers du maître. En travaillant sur ces séries, aviez-vous cette notion d’héritage en tête ?
Keiichi Ichikawa : Je suis vraiment heureux d’entendre cette appellation. Mais je ne suis pas vraiment un successeur ou un héritier du style Shingo Araki. Je me demande même s’il m’aurait adoubé lui-même en tant que disciple. Dans tous les cas, je fais en sorte de ne pas ternir son image.
Pour être honnête, s’il devait y avoir un réel héritier, une héritière, c’est Michi Himeno. La question devrait donc plutôt lui être posée, tout en sachant qu’elle a permis au style Araki d’évoluer. C’est cet apport mutuel entre maître et disciple qui a contribué à faire de ce style ce qu’il est.
Vous avez travaillé sur différentes adaptations d’œuvres de Masami Kurumada, dont Saint Seiya et Ring ni Kakero, sur les poste de character-design et directeur de l’animation. Éprouvez-vous une certaine sensibilité vis-à-vis du style de Monsieur Kurumada ?
Keiichi Ichikawa : J’ai été character-designer sur la série du Tournoi mondial de Ring ni Kakero. Mais il existait déjà les designs originels de Shingo Araki et Michi Himeno, via les saisons précédentes. Je ne suis donc pas parti du manga. En revanche, j’ai développé les designs de nouveaux personnages qui n’étaient pas apparus dans l’anime jusqu’à présent. Pour être honnête, c’est uniquement de ces personnages dont je suis le character-designer car les précédents étaient déjà établis.
De manière générale, Masami Kurumada n’intervient pas dans le processus de création. Mais pour Ring ni Kakero, il a fait certaines demandes. Par exemple, il souhaitait que les pupilles ou les mouvements de poings ne soient pas ceux qu’on avait pu voir dans Saint Seiya. Il voulait une différence dans les personnages. De son côté, Shingo Araki respectait toujours l’œuvre originale, y compris sur ses travaux sur Kindaichi, Yu-Gi-Oh ! ou Gegege no Kitaro, même s’il y ajoutait son style. Dans le dessin d’animation, je pense qu’il est important de laisser la force visuelle du manga d’origine.

Saint Seiya - The Hades Chapter Elysion © Toei Animation
One Piece est l’un de vos grands travaux sur lequel vous êtes aujourd’hui directeur de l’animation. Pouvez-vous nous parler de votre arrivée sur la série et de votre évolution sur le projet ?
Keiichi Ichikawa : À l’époque, je travaillais sur les OVA de Saint Seiya et de Ring ni Kakero. M. Sakurada, le producteur des deux œuvres, m’invitait sans cesse à venir travailler sur One Piece en me disant que c’est un bon projet. Personnellement, je me demandais si j’étais capable de dessiner du One Piece, donc je refusais à chaque fois. Mais dès que j’arrivais au travail, le matin, je trouvais des tomes de la série posés sur mon bureau, et M. Sakurada me demandait chaque jour si je les avais lus. Un jour, il m’informe que la voix du personnage de Sabo est faite par Tohru Furuya, le seiyû de Seiya, ce qui faisait un argument de plus. J’ai fini par accepter, car je voulais lui rendre la pareille, lui qui m’a aidé sur Saint Seiya. Et après tout, qu’est-ce que je risquais ? Si ça ne marchait pas sur One Piece, je pouvais toujours travailler sur d’autres séries. Finalement, mes premières expériences sur One Piece ce sont bien passées. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai commencé à lire le manga. Puis, quelque temps plus tard, on m’a demandé d’être le directeur de l’animation sur l’ensemble de la série.
Quand j’ai commencé à travailler sur One Piece, j’étais parti pour un an. Comme je vous l’ai dit, je n’étais pas sûr de pouvoir bien dessiner la série. Mais étonnamment, je trouvais que le style Shingo Araki collait plutôt bien. Peut-être que les fans ont remarqué que certains visages étaient dans le style Araki. Normalement, on doit coller le plus possible aux designs d’origine. Mais vu qu’à cette époque je pensais ne rester qu’un an, je me suis permis de coller à la patte de Shingo Araki. Contre toute attente, voilà depuis 2017 que je suis sur le projet. (rires)
Depuis plusieurs années, c’est-à-dire depuis l’arc du Pays de Wa, on observe une vraie évolution artistique et esthétique sur One Piece. En tant que directeur de l’animation, cela vous a-t-il posé quelques difficultés d’adaptation ? Et plus simplement, pourquoi cette transition graphique ?
Keiichi Ichikawa : Je suis arrivé sur One Piece à l’époque de l’arc Whole Cake Island. À ce moment, j’étais le dernier arrivé dans l’équipe, tandis que le reste du staff était déjà là depuis longtemps. En devenant le nouveau directeur de l’animation, j’ai demandé à ce qu’il y ait des ajustements, comme davantage de traits au niveau du coup, afin de correspondre au style du manga. Inutile de vous dire que les animateurs n’ont pas été heureux, car ça leur donnait plus de travail.
En même temps, que ce soit sur l’arc du Pays de Wa ou sur d’autres séries, la technologie fait que le travail sur le genga (ndt : plan clé de l’animation) reste le même. Les ajouts, comme les ombres et les traits supplémentaires, se font sur l’étape suivante, le compositing. Ainsi, ça ne changeait pas grand-chose pour les animateurs clés. Pour moi non plus, d’ailleurs, car je corrigeais les genga tels quels avant de les envoyer au compositing. Concernant les changements observés sur les derniers arcs, cela vient du fait que sur une longue série, le staff change après plusieurs années afin d’éviter l’usure. Le character-designer ayant changé, le style a lui aussi évolué. Dans le manga, Eiichirô Oda lui-même voulait donner une sensation d’estampe en utilisant des traits épais et un dessin au pinceau. C’est aussi dans le but de coller à l’œuvre que l’anime a évolué. En résumé, une grosse partie de la transition esthétique vient de l’évolution de l’auteur lui-même, et une plus petite partie des changements de personnel.

One Piece © Shueisha / Toei Animation
Vous avez aussi travaillé sur plusieurs séries Gegege no Kitaro, celles de 1996 et 2007. Est-ce que revenir sur cette œuvre après tant d’années fut un exercice difficile ?
Keiichi Ichikawa : Sur le Gegege no Kitaro de 1996, je n’étais qu’un simple animateur. J’ai beaucoup aimé cette expérience, car les histoires étaient cools et je pouvais travailler sur du genga. Je pensais dessiner du Kitaro toute ma vie, ce qui n’a pas été le cas puisque j’ai été placé sur d’autres projets. Quand on m’a demandé de revenir sur une nouvelle série Kitaro avec un nouveau character-designer, je suis revenu. Mais à ce moment, les OVA du Meikai de Saint Seiya (Chapitre Hades Inferno) ont débuté, c’est donc sur eux que j’ai travaillé en priorité. C’est quand ils furent terminés que je suis revenu sur l’anime Kitaro de 2007. À l’épisode 12, je n’étais qu’animateur, mais j’ai été propulsé directeur de l’animation sur l’épisode 13. J’ai fait le travail voulu en respectant le design, mais je me suis demandé si je pouvais apporter la touche Araki. Je pouvais me le permettre de temps en temps, mais je suis tout de même resté sur le style qu’on m’a imposé.
Interview menée par Julian B. Remerciements à Keiichi Ichikawa pour sa présence, à Pierre Giner pour son interprétation, et au staff de Japan Expo pour l’organisation de la rencontre.
De OkadaYT [101 Pts], le 20 Décembre 2024 à 20h22
Moi et mon frère n'avons pas pu assister à la Masterclass de M. Eisaku Inoue et M. Keichii Ishikawa à la Japan Expo 2023 car l'entrée nous a été refusé sous prétexte que la veille une inscription sur un réseau social avait été décidé (à quoi sert donc l'application officielle ?). Il y avait une dizaine de sièges vides dans la salle et une dizaine de personnes ont été refusé par Pierre Giner en personne. 400 euros de train et autant d'hôtel pour se voir exclure alors que c'était la principale raison de notre venue. Malgré tout, nous les remercions pour leur hommage au grand Araki Shingo !
De zetagundam [438 Pts], le 25 Décembre 2024 à 10h50
Dans une situation différente mais toujours à Japan Expo, j'ai egalement le souvenir d'un Pierre Giner "probématique" dans le sens où j'étais curieusement seul pour la séance de signature de Kazuhide Tomonaga et, souhaitant profiter de cet état de fait, je voulu poser 1 ou 2 questions à Mr Tomonaga en plus obtenir, en complément du shikishi, une signature sur mon DVD Lupin III mais cela a été refusé catégoriquement par Pierre Giner alors que Mr Tomonaga semblait de ravi d'accéder à ma demande.
Résultat, obligé de refaire le parcours de la file toujours vide, pour faire signer mon DVD et impossible de poser de questions à Mr Tomonaga