RE:CYBORG 009 Vol.1 : Critiques

Pour peu qu’on s’intéresse à la grande histoire du manga, le nom de Shôtarô Ishinomori est forcément familier. Maître qui a influencé de très grands noms tels que Gô Nagai ou Keiko Takemiya, on lui doit des œuvres célèbres telles que les mangas Kamen Rider ou Cyborg 009, parmi énormément d’œuvres qu’il a publiées. Pourtant, son nom est assez peu connu dans nos librairies. Divers ouvrages de son nom ont déjà été publiés chez nous, à l’instar de Hokusai, Kuzuryû et Sabu & Ichi aux éditions Kana ou son Zelda : A Link to the Past chez Soleil, tandis qu’Isan Manga a publié sa version de Sherlock Holmes aux côtés de Kamen Rider et Himitsu Sentai Gorenger. Prochainement, nous aurons même le plaisir de le lire aux éditions Imho avec son histoire Jun.

Pourtant, son grand succès qu’est Cyborg 009 n’a clairement pas eu droit aux honneurs qui lui sont dus. Œuvre de science-fiction culte née en 1964, elle a connu un grand nombre d’adaptations et de spin-offs par des auteurs différents. Les éditions Glénat tentèrent une publication dès le mois de mars 2009 dans sa collection Vintage, et dire que l’accueil commercial fut tiède serait un euphémisme. La série en stoppée en 2014 avec son 17e opus, créant une injustice forte dans le petit cercle du manga patrimonial disponible en France. À ce jour, aucun éditeur ne s’est risqué à retenter l’aventure, un affront qui mériterait d’être rectifié à l’heure où les mangas pionniers sont de plus en plus réclamés et salués. Pour preuve : les œuvres de Moto Hagio ou encore Le Poème du Vent et des Arbres de Keiko Takemiya dont le lancement chez naBan cet été est retentissant.

Contre toute attente, la saga Cyborg 009 fait son retour dans nos contrées ce même été, par l’intermédiaire des éditions Noeve dans le cadre de leur grand retour. S’il n’est hélas pas question de la série originale, c’est l’un de ses nombreux spin-offs qui nous est proposé. Adaptant le film éponyme de Kenji Kamiyama et dessiné par Gatô Asô, Re:Cyborg 009 (ou 009 Re:Cyborg) fut publié entre 2012 et 2015 dans le magazine Big Gangan de l’éditeur Square Enix, totalisant 6 volumes. Se déroulant après la série initiale, cette histoire présente un monde en proie au terrorisme, à l’heure où la série 00 semble dissoute. Pire encore : Joe, l’élément 009, est amnésique. Pour lever le sceau de sa mémoire, ses camarades doivent employer la manière forte, mais ils ont besoin de lui pour pouvoir lutter contre l’ennemi invisible qui menace le monde.

La première question qui se pose en abordant le spin-off d’une œuvre aussi légendaire, c’est son accessibilité à un lectorat qui n’a que très peu de possibilités de lire le manga original. Pour ces raisons, l’amorce de ce premier volume peut être déstabilisante. Comme si les auteurs prenaient pour acquises les connaissances de l’univers de la part du public, on entre directement dans le bain sans vraiment contextualiser le récit ni résumer les grandes lignes de la série d’origine. Pourtant, par sa manière d’introduire progressivement les premiers cyborgs de la série 00 et en insistant sur leurs rôles, on comprend facilement comment se façonne l’équipe centrale ainsi que le passif fort qui semble les lier. Notre manque de connaissances de la saga devient donc un point de mystère qui pousse l’envie de découvrir davantage ces personnages et apprécier leurs retrouvailles.

Car la quasi-entièreté du volume tourne autour de la réunion entre Joe, le cyborg 009, et ses anciens camarades. Le protagoniste est amnésique, mais pourquoi ? Cela constituera certainement l’un des points de scénario fort du récit, aussi cet opus d’introduction mise davantage sur ce héros égaré et sa rencontre musclée avec un ancien congénère alors que des attentats se jouent autour d’eux. L’action est omniprésente dans cette première lecture qui se parcourt rapidement. Car Gatô Asô à un sens nerveux de la narration dans les séquences explosives, aiment les cases larges, et nous régale alors de son trait épais et de ses compositions pour assurer le spectacle. Pour les amoureux de récits d’action, ce premier tome est un petit bonbon, d’autant plus qu’il est suffisamment équilibré pour narrer une situation intense autour de Joe et quelques-uns de ses camarades d’autrefois. En somme, le tout est particulièrement efficace.

Reste alors le contexte géopolitique, plutôt intrigant, mais qui passe au second plan pour le moment. L’histoire de Re : Cyborg 009 tourne autour d’attentats multiples et d’un ennemi invisible dans un monde contemporain. Les promesses sont forcément grandes, mais elles ne font pas l’objet de cet opus qui se concentre davantage sur les retrouvailles entre personnages comme point de départ de l’aventure. Le potentiel scénaristique est donc là, et on s’attend à ce que l’ensemble doit davantage développé dès le deuxième volet. Bonne nouvelle, puisque celui-ci est proposé en même temps que le premier. Les visiteurs de Japan Expo ont pu se les procurer en avant-première, mais les autres devront attendre encore quelques jours/semaines puisqu’une sortie est prévue en août.

Le cocktail de ce premier tome est donc particulièrement efficace. Bien que l’intrigue doive encore se dévoiler, la proposition de départ est alléchante et l’action prenante, le tout dans une surenchère graphique très bien dépeinte par Gatô Asô. En l’absence de l’œuvre originale et du film dont est issu ce manga chez nous, avoir droit à cette version papier est particulièrement appréciable.