Manga Rencontre avec Jay Skwar et Kim Jae Hwan autour d'Egregor
Fin 2018, les éditions Meian ont rebooté leur création originale Egregor, en choisissant le dessinateur coréen Kim Jae Hwan, connu pour le Manhwa Demon King et des séries Warcraft. Il fut présent à Japan Expo 2019 aux côtés de Jay Swkar, auteur et scénariste de l’œuvre. Leur planning ayant été très chargé, les demandes de dédicaces ayant été nombreuses, les deux artistes ont accepté de nous recevoir entre deux séances, le temps d'une interview qui leur a permis de revenir sur ce reboot et de leur vision du récit.
Bonjour Jay Skwar et Kim Jae Hwan. Comment s'est faite votre rencontre, et qu'est-ce qui vous a donné l'envie de travailler ensemble ?
Jay Skwar : Je m'étais procuré les tomes du mahnwa Warcraft durant mon adolescence. A l'époque, j'avais trouvé le graphisme magnifique ! Il se trouve que M. René Park, notre coordinateur, a pu nous mettre en relation avec Kim Jae Hwan. Ce n'est qu'après coup que j'ai réalisé que c'est lui qui avait dessiné ces tomes de Warcraft. C'était un hasard énorme et une chance immense, ce qui m'a encore plus motivé pour relancer le projet Egregor. Tout ça est donc grâce à M. Park qui connait beaucoup d'auteurs coréens.
Kim Jae Hwan : Je pense que c'est le destin qui nous a réunis. C'est donc grâce à M. Park que j'ai pu rencontré Jay. Lorsqu'il m'a envoyé le scénario d'Egregor, j'ai été captivé par l'histoire. Ça m'a donné envie de travailler directement à fond sur la série !
Qu'est-ce qui vous a particulièrement séduit dans le scénario de Jay Skwar ?
Kim Jae Hwan : C'est une histoire d'heroic-fantasy très différente des autres. Notamment parce que le récit démarre par une phase d'action avant de rejoindre véritablement son point de départ. C'est une démarche très différente. Aussi, beaucoup de personnages ont un charisme particulier. De mon côté, c'est aussi une difficulté, car je veux vraiment que chaque personnage ait sa place dans l'histoire. Comme je ne me sens pas encore totalement à la hauteur, c'est difficile pour moi de mettre en dessin le caractère de chacun de ces personnages.
De ton côté, Jay, qu'est-ce qui t'a séduit dans le dessin de Kim Jae Hwan ?
Jay Skwar : Ce que j'aime avant tout, c'est le character-design des personnages de Jae Hwan, le visage qu'il va leur donner. Il y a une sorte de mélange, il leur apporte parfois de la rondeur et de la délicatesse, et d'autres fois il les rend très marqués et charismatiques. Il a un panel de designs très variés, si bien qu'on a parfois l'impression que deux personnages pourraient venir de deux mangas différents. Cette diversité, je la trouve géniale. Et c'est encore mieux dans un manga comme Egregor qui aura un grand nombre de personnages, car on n'a pas l'impression de répétition dans les designs, Jae Hwan sait se renouveler à chaque fois.
En dehors de ça, j'adore le rendu du mouvement qu'il donne dans les combats. C'est ultra dynamique, le découpage est saisissant, c'est immersif dans la mise en scène et cinématographique sur certaines cases... C'est ce tout qui, je trouve, est approprié pour de la dark-fantasy. Pour moi, Jae Hwan, c'est l'idéal.
Kim Jae Hwan : Je pense que Jay me fait trop de compliments parce que je suis là. Si je n'étais pas là, il dirait autre chose. (rires)
Jay, tu es français, tandis que Jae Hwan est coréen. Est-ce que la barrière de la langue rend la collaboration compliquée ?
Kim Jae Hwan : C'est très difficile à expliquer scientifiquement, parce qu'on travaille par télépathie. (rires) M. Park est le centre de la télépathie, il passe et reçoit les messages.
Jay Skwar : M. Park est toujours très réactif. Dès que je lui donne une information, il la transmet aussitôt à Jae Hwan. Au-delà de la barrière de la langue, il y a aussi le fait qu'on soit loin l'un de l'autre. Ainsi, la participation de René est énorme, ça va au-delà de la coordination, c'est presque de la supervision. Il est le troisième maillon d'Egregor.
Jay, donnes-tu des consignes ou des storyboard à Kim, ou est-il entièrement libre dans sa mise en images ?
Jay Skwar : Je ne sais pas vraiment dessiner un storyboard. Pour aider Jae Hwan, je lui donne d'abord un scénario. Puis, après concertation, je lui transmet un découpage technique qui contient des indications écrites, page par page et case par case, pour toujours lui donner des indications de ce que j'ai en tête du côté de la mise en scène. Évidemment, il est un vrai professionnel qui maîtrise le découpage, donc mes indications ne feront que l'aiguiller tandis que lui les reprendra avec sa propre mise en scène. C'est simplement pour lui faire gagner du temps et lui donner de légères pistes.
Concernant les visuels, je transmets à Jae Hwan des illustrations de personnages d’œuvres qui m'ont marqué, qui peuvent être proches de la vision que j'ai. Bien-sûr, il les refera totalement à sa sauce. C'est ce que j'aime : il créé parfois des personnages totalement différent de ce que j'avais en tête, mais je m'y retrouve encore plus par rapport à la vision que j'avais à la base. Il a ce côté intuitif, et il prend de très bonnes initiatives créatives, par rapport aux personnages, mais aussi par rapport aux décors qui sont encore plus beaux que ce que j'imaginais au départ.
Qu'est-ce qui a changé, dans les grandes lignes, entre la première version d'Egregor et celle qu'on découvre maintenant à travers ce reboot ?
Jay Skwar : Dans le premier tome, on est toujours resté sur une attaque du village, mais j'ai changé des choses par rapport à l'assaillant. Dans la première version, il s'agissait de barbares commandités par un autre personnage. Ici, j'ai préféré donner une dimension plus "dark", plus blood-fantasy, avec les Faucheurs qui sont plus inquiétants et qui ont un petit côté chimérique. Au début, ils forment une menace invisible, avec les signes annonciateurs qui arrivent au fur et à mesure. C'est un aspect plus menaçant que je trouvais intéressant de donner à l'adversaire. En même temps, j'ai créé la caste des Chevaliers qui vont défendre chaque village. Le reboot m'a permis de modifier la concept-story qui va donner à l'histoire une dimension plus claire. Pareil pour les enjeux, on sait qui défendra les villages, et qui seront les ennemis de ces protecteurs. C'est la grosse différence. Concernant les grandes lignes, ça restera la même chose.
Aussi, il y a un autre personnage, Hatal, qui a été redéfini. Dans la première version, il était plus chétif et mourrait dès le premier tome. Mais j'ai trouvé plus intéressant de garder quatre piliers dès le départ, et de les développer en gardant Hatal dans la suite de l'histoire, car il y avait des choses à exploiter autour de lui.
A partir du tome 2, l'intrigue commence à jongler entre les protagonistes. Jay, comment établis-tu le juste équilibre scénaristique dans ce jonglage ?
Jay Skwar : C'est un exercice un peu délicat, parce que le fait d'avoir quatre héros qui sont sur un pied d'égalité au niveau de l'importance scénaristique n'est pas facile à équilibrer. Foa reste quand même le pilier central, mais les trois autres ont vraiment une importance dans le sens où chacun d'entre eux apportera son lot de révélations dans l'histoire. Notamment par rapport à leurs origines et à l'environnement dans lequel ils se trouvent dans le deuxième tome. C'est aussi bien l'occasion de les développer eux que développer d'autres points de l'univers. Même si Foa reste le fil rouge et aura plus de temps d'apparition, ces trois autres protagonistes auront toujours une importance dans le récit, ce qui nécessitera un équilibre dans le switch entre les intrigues.
Côté dessin, Jae Hwan, arrivez-vous à vous adapter à ce jonglage entre les points de vue dès le tome 2 ?
Kim Jae Hwan : Le travail de dessinateur est de suivre pile poil le scénario. Comme beaucoup de personnages sont dispersés dans le monde d'Egregor, les décors changent à chaque fois. Ça peut devenir une difficulté. A chaque fois que j'ai du mal, je lis et relis le scénario pour bien comprendre et maîtriser les personnages. C'est comme ça que j'avance petit à petit.
Il y a un petit côté shônen à pouvoir dans Egregor, ce qui est rare dans la dark-fantasy. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Jay Skwar : La partie pouvoirs du récit est celle sur laquelle je me suis le plus cassé la tête, surtout ce côté couleurs qui n'est pas facile à représenter sur du noir et blanc. Au début, j'ai demandé à Jae Hwan de faire plusieurs types d'éclairs différents, car il y en a de plusieurs couleurs. Puis il y a les flammes rouges, bleues... J'ai créé un système au niveau des énergies qui est, je pense, très cohérent mais complexe, quoique moins compliqué qu'un Hunter X Hunter avec le Nen très poussé. C'est d'ailleurs l’œuvre de Yoshihiro Togashi qui m'a le plus inspiré au niveau des hiérarchies dans les magies.
Même si elles commencent à être expliquées dans le tome 2, elle seront éclaircies par la suite, et on aura de plus en plus d'informations sur elles. Plus tard, les lecteurs sauront très vite associer un type de magie à tel ou tel personnage. Celles-ci dépendent aussi de la personnalité de ces protagonistes. Ça fait un peu shônen à pouvoirs, mais je pense que ce système sera ensuite plus simple pour le lectorat, ce qui sera appréciable. La magie reste importante dans cet univers, même si c'est intéressant de voir des séries comme Kingdom sans énergies quelconques, où il n'est question que de combats bruts.
Parallèlement à la sortie du tome 2, tu as lancé un concept qu'est le Journal de Foa. C'est un journal en ligne qui nous en apprend plus sur l'univers, chapitre par chapitre, ce qui apporte des enrichissements sur Egregor. Quelle difficulté d'écriture cela représente ? Pourquoi as-tu choisi de représenter ces éléments via ce format, et pas directement dans le manga ?
Jay Skwar : Quand j'ai commencé à écrire le scénario du manga, j'ai pensé que pas mal d'informations seraient difficiles à placer, et rendraient le récit indigeste. Elles n'y trouveraient pas leur place. Mais c'était dommage de jeter ces informations et anecdotes à la poubelle. Le fait que Foa se confie à un journal est en phase avec sa personnalité. Il a ce côté mélancolique de sa vie qui lui a été en quelque sorte arrachée. Au final, c'était intéressant d'offrir au lecteur cette interface qu'est le journal, dans lequel le héros raconte plein de choses sur son vécu et son ressenti sur les changements de son existence ou sur ses perspectives d'avenir. C'était une bonne opportunité, et le journal est une bonne idée qui n'est pas anachronique au final, car il y avait des journaux intimes en tout temps. Ce qui serait bien, c'est de faire un recueil, lorsque assez d'épisodes seront parus. On peut imaginer une sympathique reliure en cuir, un papier type parchemin... quelque chose d'esthétique pour faire un bonus intéressant.
Jae Hwan, vous êtes bien connu en France pour vos séries Warcraft ainsi que Demon King. Entre temps, votre style a énormément évolué. Cette évolution est-elle due à des changements de techniques de dessin, comme le passage au numérique ?
Kim Jae Hwan : Ce changement de style n'est pas vraiment intentionnel. Chaque histoire a son caractère, et plus je me plonge dans l'histoire et plus mon dessin s'y adapte, mais je ne m'en rends parfois même pas compte. J'essaie juste de faire par rapport à l'histoire que je dessine.
Dans Egregor, les décors sont très travaillés et semblent avoir des inspirations très occidentales. Est-ce bien le cas ? Quelles sont vos influences pour dessiner les décors ?
Kim Jae Hwan : A l'origine, je suis quelqu'un de très attiré par la fantasy. Quand je travaille sur une série du genre, je cherche logiquement des informations sur internet ou dans des ouvrages. Chaque histoire est différente, et je cherche les meilleurs décors pour donner de la couleur au scénario. Cette fois-ci, c'est Game of Thrones qui m'a beaucoup aidé, car je trouve que l'ambiance correspond énormément à celle d'Egregor.
Interview réalisée par Koiwai et Takato. Remerciements à Jay Skwar, à Kim Jae Hwa et à son interprète René Park, ainsi qu'aux éditions Meian pour avoir permis la rencontre.
Ci-dessous, retrouvez le coup de crayon de Kim Jae Hwan immortalisé en vidéo.
Bonjour Jay Skwar et Kim Jae Hwan. Comment s'est faite votre rencontre, et qu'est-ce qui vous a donné l'envie de travailler ensemble ?
Jay Skwar : Je m'étais procuré les tomes du mahnwa Warcraft durant mon adolescence. A l'époque, j'avais trouvé le graphisme magnifique ! Il se trouve que M. René Park, notre coordinateur, a pu nous mettre en relation avec Kim Jae Hwan. Ce n'est qu'après coup que j'ai réalisé que c'est lui qui avait dessiné ces tomes de Warcraft. C'était un hasard énorme et une chance immense, ce qui m'a encore plus motivé pour relancer le projet Egregor. Tout ça est donc grâce à M. Park qui connait beaucoup d'auteurs coréens.
Kim Jae Hwan : Je pense que c'est le destin qui nous a réunis. C'est donc grâce à M. Park que j'ai pu rencontré Jay. Lorsqu'il m'a envoyé le scénario d'Egregor, j'ai été captivé par l'histoire. Ça m'a donné envie de travailler directement à fond sur la série !
Qu'est-ce qui vous a particulièrement séduit dans le scénario de Jay Skwar ?
Kim Jae Hwan : C'est une histoire d'heroic-fantasy très différente des autres. Notamment parce que le récit démarre par une phase d'action avant de rejoindre véritablement son point de départ. C'est une démarche très différente. Aussi, beaucoup de personnages ont un charisme particulier. De mon côté, c'est aussi une difficulté, car je veux vraiment que chaque personnage ait sa place dans l'histoire. Comme je ne me sens pas encore totalement à la hauteur, c'est difficile pour moi de mettre en dessin le caractère de chacun de ces personnages.
De ton côté, Jay, qu'est-ce qui t'a séduit dans le dessin de Kim Jae Hwan ?
Jay Skwar : Ce que j'aime avant tout, c'est le character-design des personnages de Jae Hwan, le visage qu'il va leur donner. Il y a une sorte de mélange, il leur apporte parfois de la rondeur et de la délicatesse, et d'autres fois il les rend très marqués et charismatiques. Il a un panel de designs très variés, si bien qu'on a parfois l'impression que deux personnages pourraient venir de deux mangas différents. Cette diversité, je la trouve géniale. Et c'est encore mieux dans un manga comme Egregor qui aura un grand nombre de personnages, car on n'a pas l'impression de répétition dans les designs, Jae Hwan sait se renouveler à chaque fois.
En dehors de ça, j'adore le rendu du mouvement qu'il donne dans les combats. C'est ultra dynamique, le découpage est saisissant, c'est immersif dans la mise en scène et cinématographique sur certaines cases... C'est ce tout qui, je trouve, est approprié pour de la dark-fantasy. Pour moi, Jae Hwan, c'est l'idéal.
Kim Jae Hwan : Je pense que Jay me fait trop de compliments parce que je suis là. Si je n'étais pas là, il dirait autre chose. (rires)
Jay, tu es français, tandis que Jae Hwan est coréen. Est-ce que la barrière de la langue rend la collaboration compliquée ?
Kim Jae Hwan : C'est très difficile à expliquer scientifiquement, parce qu'on travaille par télépathie. (rires) M. Park est le centre de la télépathie, il passe et reçoit les messages.
Jay Skwar : M. Park est toujours très réactif. Dès que je lui donne une information, il la transmet aussitôt à Jae Hwan. Au-delà de la barrière de la langue, il y a aussi le fait qu'on soit loin l'un de l'autre. Ainsi, la participation de René est énorme, ça va au-delà de la coordination, c'est presque de la supervision. Il est le troisième maillon d'Egregor.
Jay, donnes-tu des consignes ou des storyboard à Kim, ou est-il entièrement libre dans sa mise en images ?
Jay Skwar : Je ne sais pas vraiment dessiner un storyboard. Pour aider Jae Hwan, je lui donne d'abord un scénario. Puis, après concertation, je lui transmet un découpage technique qui contient des indications écrites, page par page et case par case, pour toujours lui donner des indications de ce que j'ai en tête du côté de la mise en scène. Évidemment, il est un vrai professionnel qui maîtrise le découpage, donc mes indications ne feront que l'aiguiller tandis que lui les reprendra avec sa propre mise en scène. C'est simplement pour lui faire gagner du temps et lui donner de légères pistes.
Concernant les visuels, je transmets à Jae Hwan des illustrations de personnages d’œuvres qui m'ont marqué, qui peuvent être proches de la vision que j'ai. Bien-sûr, il les refera totalement à sa sauce. C'est ce que j'aime : il créé parfois des personnages totalement différent de ce que j'avais en tête, mais je m'y retrouve encore plus par rapport à la vision que j'avais à la base. Il a ce côté intuitif, et il prend de très bonnes initiatives créatives, par rapport aux personnages, mais aussi par rapport aux décors qui sont encore plus beaux que ce que j'imaginais au départ.
Qu'est-ce qui a changé, dans les grandes lignes, entre la première version d'Egregor et celle qu'on découvre maintenant à travers ce reboot ?
Jay Skwar : Dans le premier tome, on est toujours resté sur une attaque du village, mais j'ai changé des choses par rapport à l'assaillant. Dans la première version, il s'agissait de barbares commandités par un autre personnage. Ici, j'ai préféré donner une dimension plus "dark", plus blood-fantasy, avec les Faucheurs qui sont plus inquiétants et qui ont un petit côté chimérique. Au début, ils forment une menace invisible, avec les signes annonciateurs qui arrivent au fur et à mesure. C'est un aspect plus menaçant que je trouvais intéressant de donner à l'adversaire. En même temps, j'ai créé la caste des Chevaliers qui vont défendre chaque village. Le reboot m'a permis de modifier la concept-story qui va donner à l'histoire une dimension plus claire. Pareil pour les enjeux, on sait qui défendra les villages, et qui seront les ennemis de ces protecteurs. C'est la grosse différence. Concernant les grandes lignes, ça restera la même chose.
Aussi, il y a un autre personnage, Hatal, qui a été redéfini. Dans la première version, il était plus chétif et mourrait dès le premier tome. Mais j'ai trouvé plus intéressant de garder quatre piliers dès le départ, et de les développer en gardant Hatal dans la suite de l'histoire, car il y avait des choses à exploiter autour de lui.
A partir du tome 2, l'intrigue commence à jongler entre les protagonistes. Jay, comment établis-tu le juste équilibre scénaristique dans ce jonglage ?
Jay Skwar : C'est un exercice un peu délicat, parce que le fait d'avoir quatre héros qui sont sur un pied d'égalité au niveau de l'importance scénaristique n'est pas facile à équilibrer. Foa reste quand même le pilier central, mais les trois autres ont vraiment une importance dans le sens où chacun d'entre eux apportera son lot de révélations dans l'histoire. Notamment par rapport à leurs origines et à l'environnement dans lequel ils se trouvent dans le deuxième tome. C'est aussi bien l'occasion de les développer eux que développer d'autres points de l'univers. Même si Foa reste le fil rouge et aura plus de temps d'apparition, ces trois autres protagonistes auront toujours une importance dans le récit, ce qui nécessitera un équilibre dans le switch entre les intrigues.
Côté dessin, Jae Hwan, arrivez-vous à vous adapter à ce jonglage entre les points de vue dès le tome 2 ?
Kim Jae Hwan : Le travail de dessinateur est de suivre pile poil le scénario. Comme beaucoup de personnages sont dispersés dans le monde d'Egregor, les décors changent à chaque fois. Ça peut devenir une difficulté. A chaque fois que j'ai du mal, je lis et relis le scénario pour bien comprendre et maîtriser les personnages. C'est comme ça que j'avance petit à petit.
Il y a un petit côté shônen à pouvoir dans Egregor, ce qui est rare dans la dark-fantasy. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Jay Skwar : La partie pouvoirs du récit est celle sur laquelle je me suis le plus cassé la tête, surtout ce côté couleurs qui n'est pas facile à représenter sur du noir et blanc. Au début, j'ai demandé à Jae Hwan de faire plusieurs types d'éclairs différents, car il y en a de plusieurs couleurs. Puis il y a les flammes rouges, bleues... J'ai créé un système au niveau des énergies qui est, je pense, très cohérent mais complexe, quoique moins compliqué qu'un Hunter X Hunter avec le Nen très poussé. C'est d'ailleurs l’œuvre de Yoshihiro Togashi qui m'a le plus inspiré au niveau des hiérarchies dans les magies.
Même si elles commencent à être expliquées dans le tome 2, elle seront éclaircies par la suite, et on aura de plus en plus d'informations sur elles. Plus tard, les lecteurs sauront très vite associer un type de magie à tel ou tel personnage. Celles-ci dépendent aussi de la personnalité de ces protagonistes. Ça fait un peu shônen à pouvoirs, mais je pense que ce système sera ensuite plus simple pour le lectorat, ce qui sera appréciable. La magie reste importante dans cet univers, même si c'est intéressant de voir des séries comme Kingdom sans énergies quelconques, où il n'est question que de combats bruts.
Parallèlement à la sortie du tome 2, tu as lancé un concept qu'est le Journal de Foa. C'est un journal en ligne qui nous en apprend plus sur l'univers, chapitre par chapitre, ce qui apporte des enrichissements sur Egregor. Quelle difficulté d'écriture cela représente ? Pourquoi as-tu choisi de représenter ces éléments via ce format, et pas directement dans le manga ?
Jay Skwar : Quand j'ai commencé à écrire le scénario du manga, j'ai pensé que pas mal d'informations seraient difficiles à placer, et rendraient le récit indigeste. Elles n'y trouveraient pas leur place. Mais c'était dommage de jeter ces informations et anecdotes à la poubelle. Le fait que Foa se confie à un journal est en phase avec sa personnalité. Il a ce côté mélancolique de sa vie qui lui a été en quelque sorte arrachée. Au final, c'était intéressant d'offrir au lecteur cette interface qu'est le journal, dans lequel le héros raconte plein de choses sur son vécu et son ressenti sur les changements de son existence ou sur ses perspectives d'avenir. C'était une bonne opportunité, et le journal est une bonne idée qui n'est pas anachronique au final, car il y avait des journaux intimes en tout temps. Ce qui serait bien, c'est de faire un recueil, lorsque assez d'épisodes seront parus. On peut imaginer une sympathique reliure en cuir, un papier type parchemin... quelque chose d'esthétique pour faire un bonus intéressant.
Jae Hwan, vous êtes bien connu en France pour vos séries Warcraft ainsi que Demon King. Entre temps, votre style a énormément évolué. Cette évolution est-elle due à des changements de techniques de dessin, comme le passage au numérique ?
Kim Jae Hwan : Ce changement de style n'est pas vraiment intentionnel. Chaque histoire a son caractère, et plus je me plonge dans l'histoire et plus mon dessin s'y adapte, mais je ne m'en rends parfois même pas compte. J'essaie juste de faire par rapport à l'histoire que je dessine.
Dans Egregor, les décors sont très travaillés et semblent avoir des inspirations très occidentales. Est-ce bien le cas ? Quelles sont vos influences pour dessiner les décors ?
Kim Jae Hwan : A l'origine, je suis quelqu'un de très attiré par la fantasy. Quand je travaille sur une série du genre, je cherche logiquement des informations sur internet ou dans des ouvrages. Chaque histoire est différente, et je cherche les meilleurs décors pour donner de la couleur au scénario. Cette fois-ci, c'est Game of Thrones qui m'a beaucoup aidé, car je trouve que l'ambiance correspond énormément à celle d'Egregor.
Interview réalisée par Koiwai et Takato. Remerciements à Jay Skwar, à Kim Jae Hwa et à son interprète René Park, ainsi qu'aux éditions Meian pour avoir permis la rencontre.
Ci-dessous, retrouvez le coup de crayon de Kim Jae Hwan immortalisé en vidéo.
De Fana Figbédé, le 25 Juillet 2021 à 13h05
Ouais enfin ce n'est plus un manga, cette 2èeme version...
Ayant le 1er tome d'origine, ce sera donc sans moi pour la suite renouvellée!