Dvd Interview de Masahiko Ôkura (The Silver Guardian, Blue Drop, Yukikaze...)
Masahiko Ôkura est un animateur qui exerce ses talents depuis plus de 30 ans et qui, depuis ses débuts au studio Carpenter jusqu'à sa dernière réalisation The Silver Guardian, a connu un certain nombre de projets et de studios. A l'occasion de sa venue à Japan Expo, nous avons pu nous entretenir un peu avec lui.
Merci d'avoir accepté cette interview. Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dans l’animation ? Des œuvres et artistes en particulier ?
Masahiko Ôkura : Quand j'étais en école primaire, j'étais plutôt du genre à ne pas trop aimer les cours et à ne pas faire mes devoirs, et du coup j'aimais bien regarder de l'animation à la télévision.
L'animé qui m'a le plus impressionné à cette époque est Uchû Senkan Yamato / Space Battleship Yamato. Ca a été pour moi le déclic, et en voyant à la télé le staff présenter l'oeuvre, ça m'a donné envie de travailler dans l'animation plus tard.
Vous avez fait vos débuts en 1982 chez Studio Carpenter, un studio d’animation connu pour assister Toei Animation dans la réalisation de beaucoup de ses productions. Quel souvenir gardez-vous de cette période et des collaborations avec Toei ?
Quand on a l'habitude d'être le meilleur de la classe en dessin, et que d'un seul coup on arrive parmi tous les professionnels de Toei Animation où on t'engueule tous les jours, ça fait un choc ! (rires)
Heureusement, j'ai rapidement beaucoup appris, mais au départ ça m'a beaucoup étonné.
Finalement, je me dit qu'à cette époque, il y avait des senpai qui me faisaient vraiment peur, mais maintenant ce n'est plus trop le cas. Aujourd'hui je pense que les choses sont différentes, et avec le recul je pense que c'était une bonne expérience de formation.
Vous avez ensuite poursuivi votre carrière en freelance. Pourquoi ce choix ?
A la base, même chez Carpenter et Toei, j'étais déjà un peu freelance. Je recevais mon salaire de la part de Carpenter et non de Toei, et quand je retournais travailler chez Toei je me rendais bien compte qu'on n'était pas assez libres. Plusieurs travaux ont eu lieu, et j'ai constaté que quand on est chez Toei, il faut obligatoirement y rester et toujours bosser pour eux. C'est ce qui m'a décidé à me lancer totalement en freelance.
L'une de vos 1ères réalisations est Yukikaze sous forme d’OAV. Comment s’est passé ce passage à la réalisation ?
Avant Yukikaze j'ai pu être directeur de jeux sur Dreamcast.
La réalisation de Yukikaze a été vraiment compliquée, d'autant qu'auparavant, à l'époque de Toei, la structure de la société était vraiment rigoureuse et impeccable. Quand je suis passé chez Gonzo, c'était n'importe quoi au niveau de l'organisation, et du coup ce fut un travail très éprouvant.
De plus, le roman original de Yukikaze ne donnait quasiment aucune précision quant à la description de l'univers, des avions... d'où la difficulté, en tant que réalisateur, de tout imaginer et de tout créer. Les fans de la première heure du roman n'ont pas beaucoup apprécié la version anime, alors que les personnes qui ont connu le roman après l'anime ont beaucoup aimé l'adaptation animée.
En 2007 vous réalisez Blue Drop, un anime de science-fiction adapté du manga éponyme de Akihito Yoshitomi. Comment êtes-vous arrivé sur ce projet, et quels ont été les grands enjeux de cette adaptation ?
J'avais des connaissances dans le milieu qui m'ont parlé de ce projet d'adaptation.
Akihito Yoshitomi, l'auteur du manga, ne voulait pas une simple adaptation, et souhaitait que l'animé soit un projet original. Du coup on a fait une sorte de « hors-série » du manga, et ça a été un exercice assez stimulant.
Récemment on vous a retrouvé à la réalisation de The Silver Guardian, une coproduction entre la Chine et le Japon initiée par la société Haoliners Animation. Qu’est-ce qu’une coproduction de ce type change dans le travail ?
C'est complètement à part de ce que j'avais fait auparavant, tout simplement parce que la manière de faire des Chinois et des Japonais possède de nombreuses différences. Prendre en considération ces deux façons de travailler était assez compliqué.
Pouvez-vous détailler un peu ces différences ?
Par exemple, au niveau du genga. Au Japon on en fait un et on met des points jusqu'à 4 pour montrer les postures. En Chine, ils numérotent directement en 1, 2, 3, 4, et souvent en caractères chinois. C'est un peu compliqué car il y a des traductions à faire, ainsi que des interprétations différentes, et du coup il faut parfois redemander des précisions.
(ndlr : en animation, le mot genga désigne les poses-clés que l'animateur-clé dessine, il s'agit des poses de départ et de fin d'un personnage. En se basant sur ce genga, les autres animateurs doivent ensuite dessiner les poses intermédiaires, nommées dôga.)
Vous avez travaillé à de nombreux postes : Animateur-clé, directeur de l’animation, réalisateur, chara designer, mecha designer… Quel poste vous a le plus stimulé ?
Chaque travail a été intéressant, mais je pense que mon préféré a été la réalisation de Blue Drop. Même si ça ne s'est pas vraiment vendu, pour moi c'est le projet qui me tient peut-être le plus à cœur. Grâce au désir d'Akihito Yoshitomi de faire quelque chose de différent du manga original, il y avait une certaine liberté créatrice, et d'une certaine manière c'est dans cet animé que j'ai pu mettre le plus de moi-même.
Cela fait une trentaine d’année que vous travaillez dans l’animation. Que pensez-vous de l’animation japonaise d’aujourd’hui par rapport à celle de vos débuts ?
Bien sûr, le principal changement a été le passage de l'analogue vers le digital, et avec le recul je trouve ce changement un peu dommage. Avant on ne pouvait pas vraiment corriger les dessins, alors que maintenant c'est devenu beaucoup plus facile. Il n'y a plus le stress lié à ça, et ce n'est peut-être une si bonne chose, car à force de facilité les choses on se relâche et on offre des travaux plus lisses.
Interview réalisée par Koiwai. Remerciements à Masahiko Ôkura, à son interprète, à son agent Aouchache Noureddine Widad de Haoliners Animation, et à Japan Expo.
Merci d'avoir accepté cette interview. Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dans l’animation ? Des œuvres et artistes en particulier ?
Masahiko Ôkura : Quand j'étais en école primaire, j'étais plutôt du genre à ne pas trop aimer les cours et à ne pas faire mes devoirs, et du coup j'aimais bien regarder de l'animation à la télévision.
L'animé qui m'a le plus impressionné à cette époque est Uchû Senkan Yamato / Space Battleship Yamato. Ca a été pour moi le déclic, et en voyant à la télé le staff présenter l'oeuvre, ça m'a donné envie de travailler dans l'animation plus tard.
Vous avez fait vos débuts en 1982 chez Studio Carpenter, un studio d’animation connu pour assister Toei Animation dans la réalisation de beaucoup de ses productions. Quel souvenir gardez-vous de cette période et des collaborations avec Toei ?
Quand on a l'habitude d'être le meilleur de la classe en dessin, et que d'un seul coup on arrive parmi tous les professionnels de Toei Animation où on t'engueule tous les jours, ça fait un choc ! (rires)
Heureusement, j'ai rapidement beaucoup appris, mais au départ ça m'a beaucoup étonné.
Finalement, je me dit qu'à cette époque, il y avait des senpai qui me faisaient vraiment peur, mais maintenant ce n'est plus trop le cas. Aujourd'hui je pense que les choses sont différentes, et avec le recul je pense que c'était une bonne expérience de formation.
Vous avez ensuite poursuivi votre carrière en freelance. Pourquoi ce choix ?
A la base, même chez Carpenter et Toei, j'étais déjà un peu freelance. Je recevais mon salaire de la part de Carpenter et non de Toei, et quand je retournais travailler chez Toei je me rendais bien compte qu'on n'était pas assez libres. Plusieurs travaux ont eu lieu, et j'ai constaté que quand on est chez Toei, il faut obligatoirement y rester et toujours bosser pour eux. C'est ce qui m'a décidé à me lancer totalement en freelance.
L'une de vos 1ères réalisations est Yukikaze sous forme d’OAV. Comment s’est passé ce passage à la réalisation ?
Avant Yukikaze j'ai pu être directeur de jeux sur Dreamcast.
La réalisation de Yukikaze a été vraiment compliquée, d'autant qu'auparavant, à l'époque de Toei, la structure de la société était vraiment rigoureuse et impeccable. Quand je suis passé chez Gonzo, c'était n'importe quoi au niveau de l'organisation, et du coup ce fut un travail très éprouvant.
De plus, le roman original de Yukikaze ne donnait quasiment aucune précision quant à la description de l'univers, des avions... d'où la difficulté, en tant que réalisateur, de tout imaginer et de tout créer. Les fans de la première heure du roman n'ont pas beaucoup apprécié la version anime, alors que les personnes qui ont connu le roman après l'anime ont beaucoup aimé l'adaptation animée.
En 2007 vous réalisez Blue Drop, un anime de science-fiction adapté du manga éponyme de Akihito Yoshitomi. Comment êtes-vous arrivé sur ce projet, et quels ont été les grands enjeux de cette adaptation ?
J'avais des connaissances dans le milieu qui m'ont parlé de ce projet d'adaptation.
Akihito Yoshitomi, l'auteur du manga, ne voulait pas une simple adaptation, et souhaitait que l'animé soit un projet original. Du coup on a fait une sorte de « hors-série » du manga, et ça a été un exercice assez stimulant.
Récemment on vous a retrouvé à la réalisation de The Silver Guardian, une coproduction entre la Chine et le Japon initiée par la société Haoliners Animation. Qu’est-ce qu’une coproduction de ce type change dans le travail ?
C'est complètement à part de ce que j'avais fait auparavant, tout simplement parce que la manière de faire des Chinois et des Japonais possède de nombreuses différences. Prendre en considération ces deux façons de travailler était assez compliqué.
Pouvez-vous détailler un peu ces différences ?
Par exemple, au niveau du genga. Au Japon on en fait un et on met des points jusqu'à 4 pour montrer les postures. En Chine, ils numérotent directement en 1, 2, 3, 4, et souvent en caractères chinois. C'est un peu compliqué car il y a des traductions à faire, ainsi que des interprétations différentes, et du coup il faut parfois redemander des précisions.
(ndlr : en animation, le mot genga désigne les poses-clés que l'animateur-clé dessine, il s'agit des poses de départ et de fin d'un personnage. En se basant sur ce genga, les autres animateurs doivent ensuite dessiner les poses intermédiaires, nommées dôga.)
Vous avez travaillé à de nombreux postes : Animateur-clé, directeur de l’animation, réalisateur, chara designer, mecha designer… Quel poste vous a le plus stimulé ?
Chaque travail a été intéressant, mais je pense que mon préféré a été la réalisation de Blue Drop. Même si ça ne s'est pas vraiment vendu, pour moi c'est le projet qui me tient peut-être le plus à cœur. Grâce au désir d'Akihito Yoshitomi de faire quelque chose de différent du manga original, il y avait une certaine liberté créatrice, et d'une certaine manière c'est dans cet animé que j'ai pu mettre le plus de moi-même.
Cela fait une trentaine d’année que vous travaillez dans l’animation. Que pensez-vous de l’animation japonaise d’aujourd’hui par rapport à celle de vos débuts ?
Bien sûr, le principal changement a été le passage de l'analogue vers le digital, et avec le recul je trouve ce changement un peu dommage. Avant on ne pouvait pas vraiment corriger les dessins, alors que maintenant c'est devenu beaucoup plus facile. Il n'y a plus le stress lié à ça, et ce n'est peut-être une si bonne chose, car à force de facilité les choses on se relâche et on offre des travaux plus lisses.
Interview réalisée par Koiwai. Remerciements à Masahiko Ôkura, à son interprète, à son agent Aouchache Noureddine Widad de Haoliners Animation, et à Japan Expo.
De bakagoku [4628 Pts], le 17 Septembre 2017 à 10h56
Merci pour cette interview intéressante ! Un animateur très expérimenté dont le parcours exprime bien l'évolution de son métier et de l'animation en général...