Manga Interview de Hitori Renda (Awaken, King's Game)
Comme chaque année, les éditions Ki-oon ont invité sur le salon de Japan Expo certains de leurs auteurs à l’actualité riche. Hitori Renda fut ainsi l’un des talents de l’éditeur qui a ont répondu présent afin de rencontrer leurs fans, un mangaka qu’on connait en France depuis 2013 avec la première saison de King’s Game mais qui est surtout venu présenter sa dernière œuvre en date, Awaken, dont le premier opus fut proposé à l’occasion de Japan Expo. Outre ses conférences et séances de dédicace, l’artiste a accepté de nous rencontrer afin de se livrer sur ses travaux, aussi bien à propos de l’adaptation de King’s Game que sur Awaken, œuvre sur laquelle il est seul maître à bord.
Merci de nous accorder cet entretien monsieur Renda. Pouvez-vous d’abord nous parler de votre parcours de mangaka ?
Hitori Renda : J’ai commencé tard pour un mangaka. J’ai travaillé en entreprise jusqu’à mes vingt-cinq ans, j’ai ensuite arrêté pour me mettre au manga. J’ai appris le métier seul, d’abord en tant qu’assistant. J’ai envoyé des projets à différentes maisons d’édition, et c’est Futabasha qui m’a repéré et m’a proposé de dessiner la première saison de King’s Game. Ça fait maintenant dix ans que je suis devenu mangaka et j’ai dessiné deux autres séries, Watashi wa Rikyû puis Awaken. Mais j’ai démarré de manière tardive par rapport aux autres auteurs.
King’s Game et Awaken sont deux manga à suspense, un genre dont le lectorat français est particulièrement friand. Êtes-vous aussi un adepte de ce registre ? Est-ce que d’autre œuvres du genre vous ont marqué ?
Oui c’est un genre que j’affectionne, j’aime par exemple énormément les jeux-vidéo Resident Evil. C’est donc de façon naturelle que je me suis dirigé vers le suspense quand j’ai commencé à dessiner des mangas.
On peut percevoir des similitudes entre King’s Game et Awaken, notamment sur le fait que les deux œuvres sont des thrillers qui présentent des contextes lycéens. Dans quelle mesure votre première série vous a inspiré pour Awaken ?
J’ai certainement été très influencé par mon travail sur King’s Game qui m’a d’ailleurs beaucoup appris du travail de mangaka. Ainsi, on retrouve logiquement des éléments de ma première série dans Awaken. Plus particulièrement, il y un élément que je trouve remarquable dans les romans King’s Game de Nobuaki Kanazawa, c’est la manière dont l’auteur introduit des éléments horrifiques dans le quotidien. J’ai réutilisé ce concept dans Awaken.
L’un des concepts d’Awaken est la transformation du visage des contaminés en faciès d’animaux. C’est une idée originale puisqu’on est d’avantages habitués à des personnages zombifiés ou transformés en monstres dans ce type de récit. Est-ce justement une volonté de vous démarquer des séries de ce registre ? Comment vous est venue l’idée des animaux ?
Effectivement, j’ai voulu provoquer la terreur par quelque chose de différent dans Awaken. En laissant chez les contaminés une part d’humanité, car le corps reste humain et les réactions aussi malgré les visages d’animaux, j’ai voulu créer une réaction d’étonnement chez mes lecteurs mais tout en conservant un aspect glauque. L’idée était que chacun se dise « Mais qu’est-ce que c’est que ce manga ! ».
Le virus présent dans la série est assez décortiqué. Vous êtes-vous beaucoup documenté pour en arriver à ce résultat ? Est-ce que les notions scientifiques continueront à être exploitées tout le long de l’intrigue ?
Plus qu’un virus, il s’agit d’un parasite qui crée une porte d’entrée vers l’histoire. C’est un élément central du scénario, mais il y aura aussi beaucoup de retournements de situation par la suite. Le parasite me semble très intéressant d’un point de vue biologique, mon but était donc de faire réfléchir à son sujet. Evidemment, je me suis renseigné sur les organismes vivants.
Dans Awaken, il y a à la fois une dimension surnaturelle par les éveillés, et beaucoup de suspense par les rebondissements. Comment arrivez-vous à équilibrer ces deux facettes du manga ?
Doser chaque élément est en effet difficile, j’ai un peu de mal avec ça. Quand on parle de suspense, cela renvoie surtout à la manière dont interagissent les personnages humains entre eux. Y introduire des éléments de fantastique est l’un des challenges que je me suis donné. Il n’y a pas de recette miracle, c’est un élément difficile à manipuler dans la conception de l’histoire.
Entre King’s Game et Awaken, vous avez dessiné Watashi wa Rikyû que nous n’avons pas encore pu découvrir en France. Pouvez-vous nous parler de ce projet, de l’expérience que vous en avez tiré ?
La première saison de King’s Game (en manga, ndt) a été repérée par des éditeurs de Shueisha qui trouvaient que je dessinais bien les mains. Ils ont aussi remarqué les petits mangas que j’ai eu l’occasion de dessiner, qui parlaient par exemple de la vie et des situations en entreprise mais qui ne sont jamais sortis en volumes reliés. Il s’agissait des mangas type « How to… ». Shueisha m’a ainsi proposé une série sur la cérémonie du thé, j’ai accepté car c’était un vrai challenge pour moi, je voulais faire quelque chose de nouveau. J’étais terrifié à l’idée de faire un manga sur un sujet que je ne connaissais pas.
A l’origine, c’est donc Futabasha qui vous a remarqué et vous a proposé le projet d’adaptation du premier roman de King’s Game. Comment s’est déroulé le travail d’adaptation, justement ?
On m’a laissé une totale liberté dans l’adaptation de King’s Game en manga. A ce titre, on fait rarement rencontrer mangaka et écrivain dans ce genre de démarche. J’ai donc lu le roman, mais je n’ai pas rencontré monsieur Kanazawa. Je n’ai pas voulu faire du mot à mot dans l’adaptation, je me suis imprégné des sensations du roman pour les retranscrire ensuite dans mon manga. Pour le reste, j’étais totalement libre.
King’s Game, dans sa version manga, change souvent de dessinateur. Dans votre cas, pourquoi n’êtes-vous présent que pour la première saison ?
La première saison en manga ayant bien marché, Futabasha m’a aussi proposé de dessiner la suite. Mais je me suis dit qu’en tant qu’auteur, je ne pourrais pas m’améliorer si je ne me tourne pas vers des horizons nouveaux. C’est aussi pour ça que j’ai accepté l’offre de Shueisha sur une œuvre portant sur la cérémonie du thé.
Dans votre adaptation de King’s Game, vous prenez certains choix narratifs étonnants par rapport au roman, on peut penser par exemple à la scène finale entre Nobuaki et Chiemi qui est plus poignante. Comment avez-vous décidé ces changements ? Avez-vous eu des réactions de la part de l’écrivain des romans par rapport à ces modifications ?
On avait rapidement décidé que King’s Game ferait cinq tome. Arrivé vers la fin, le nombre de pages qu’il me restait était donc limité et il fallait terminer d’une façon ou d’une autre. J’ai opté pour un final ni tout blanc, ni tout noir, que ce ne soit ni un happy ending ni l’inverse. En ce sens, c’est un peu différent du roman. Mon but était de faire réfléchir les lecteurs sur le sens de cette fameuse scène finale. Quant à l’écrivain, Nobuaki Kanazawa, il a juste dit « c’est bien ». (rires)
Remerciements à Hitori Renda pour ses réponses, à Kim Bedenne pour son interprétation, et aux éditions Ki-oon pour l’organisation de la rencontre.
Merci de nous accorder cet entretien monsieur Renda. Pouvez-vous d’abord nous parler de votre parcours de mangaka ?
Hitori Renda : J’ai commencé tard pour un mangaka. J’ai travaillé en entreprise jusqu’à mes vingt-cinq ans, j’ai ensuite arrêté pour me mettre au manga. J’ai appris le métier seul, d’abord en tant qu’assistant. J’ai envoyé des projets à différentes maisons d’édition, et c’est Futabasha qui m’a repéré et m’a proposé de dessiner la première saison de King’s Game. Ça fait maintenant dix ans que je suis devenu mangaka et j’ai dessiné deux autres séries, Watashi wa Rikyû puis Awaken. Mais j’ai démarré de manière tardive par rapport aux autres auteurs.
King’s Game et Awaken sont deux manga à suspense, un genre dont le lectorat français est particulièrement friand. Êtes-vous aussi un adepte de ce registre ? Est-ce que d’autre œuvres du genre vous ont marqué ?
Oui c’est un genre que j’affectionne, j’aime par exemple énormément les jeux-vidéo Resident Evil. C’est donc de façon naturelle que je me suis dirigé vers le suspense quand j’ai commencé à dessiner des mangas.
On peut percevoir des similitudes entre King’s Game et Awaken, notamment sur le fait que les deux œuvres sont des thrillers qui présentent des contextes lycéens. Dans quelle mesure votre première série vous a inspiré pour Awaken ?
J’ai certainement été très influencé par mon travail sur King’s Game qui m’a d’ailleurs beaucoup appris du travail de mangaka. Ainsi, on retrouve logiquement des éléments de ma première série dans Awaken. Plus particulièrement, il y un élément que je trouve remarquable dans les romans King’s Game de Nobuaki Kanazawa, c’est la manière dont l’auteur introduit des éléments horrifiques dans le quotidien. J’ai réutilisé ce concept dans Awaken.
L’un des concepts d’Awaken est la transformation du visage des contaminés en faciès d’animaux. C’est une idée originale puisqu’on est d’avantages habitués à des personnages zombifiés ou transformés en monstres dans ce type de récit. Est-ce justement une volonté de vous démarquer des séries de ce registre ? Comment vous est venue l’idée des animaux ?
Effectivement, j’ai voulu provoquer la terreur par quelque chose de différent dans Awaken. En laissant chez les contaminés une part d’humanité, car le corps reste humain et les réactions aussi malgré les visages d’animaux, j’ai voulu créer une réaction d’étonnement chez mes lecteurs mais tout en conservant un aspect glauque. L’idée était que chacun se dise « Mais qu’est-ce que c’est que ce manga ! ».
Le virus présent dans la série est assez décortiqué. Vous êtes-vous beaucoup documenté pour en arriver à ce résultat ? Est-ce que les notions scientifiques continueront à être exploitées tout le long de l’intrigue ?
Plus qu’un virus, il s’agit d’un parasite qui crée une porte d’entrée vers l’histoire. C’est un élément central du scénario, mais il y aura aussi beaucoup de retournements de situation par la suite. Le parasite me semble très intéressant d’un point de vue biologique, mon but était donc de faire réfléchir à son sujet. Evidemment, je me suis renseigné sur les organismes vivants.
Dans Awaken, il y a à la fois une dimension surnaturelle par les éveillés, et beaucoup de suspense par les rebondissements. Comment arrivez-vous à équilibrer ces deux facettes du manga ?
Doser chaque élément est en effet difficile, j’ai un peu de mal avec ça. Quand on parle de suspense, cela renvoie surtout à la manière dont interagissent les personnages humains entre eux. Y introduire des éléments de fantastique est l’un des challenges que je me suis donné. Il n’y a pas de recette miracle, c’est un élément difficile à manipuler dans la conception de l’histoire.
Entre King’s Game et Awaken, vous avez dessiné Watashi wa Rikyû que nous n’avons pas encore pu découvrir en France. Pouvez-vous nous parler de ce projet, de l’expérience que vous en avez tiré ?
La première saison de King’s Game (en manga, ndt) a été repérée par des éditeurs de Shueisha qui trouvaient que je dessinais bien les mains. Ils ont aussi remarqué les petits mangas que j’ai eu l’occasion de dessiner, qui parlaient par exemple de la vie et des situations en entreprise mais qui ne sont jamais sortis en volumes reliés. Il s’agissait des mangas type « How to… ». Shueisha m’a ainsi proposé une série sur la cérémonie du thé, j’ai accepté car c’était un vrai challenge pour moi, je voulais faire quelque chose de nouveau. J’étais terrifié à l’idée de faire un manga sur un sujet que je ne connaissais pas.
A l’origine, c’est donc Futabasha qui vous a remarqué et vous a proposé le projet d’adaptation du premier roman de King’s Game. Comment s’est déroulé le travail d’adaptation, justement ?
On m’a laissé une totale liberté dans l’adaptation de King’s Game en manga. A ce titre, on fait rarement rencontrer mangaka et écrivain dans ce genre de démarche. J’ai donc lu le roman, mais je n’ai pas rencontré monsieur Kanazawa. Je n’ai pas voulu faire du mot à mot dans l’adaptation, je me suis imprégné des sensations du roman pour les retranscrire ensuite dans mon manga. Pour le reste, j’étais totalement libre.
King’s Game, dans sa version manga, change souvent de dessinateur. Dans votre cas, pourquoi n’êtes-vous présent que pour la première saison ?
La première saison en manga ayant bien marché, Futabasha m’a aussi proposé de dessiner la suite. Mais je me suis dit qu’en tant qu’auteur, je ne pourrais pas m’améliorer si je ne me tourne pas vers des horizons nouveaux. C’est aussi pour ça que j’ai accepté l’offre de Shueisha sur une œuvre portant sur la cérémonie du thé.
Dans votre adaptation de King’s Game, vous prenez certains choix narratifs étonnants par rapport au roman, on peut penser par exemple à la scène finale entre Nobuaki et Chiemi qui est plus poignante. Comment avez-vous décidé ces changements ? Avez-vous eu des réactions de la part de l’écrivain des romans par rapport à ces modifications ?
On avait rapidement décidé que King’s Game ferait cinq tome. Arrivé vers la fin, le nombre de pages qu’il me restait était donc limité et il fallait terminer d’une façon ou d’une autre. J’ai opté pour un final ni tout blanc, ni tout noir, que ce ne soit ni un happy ending ni l’inverse. En ce sens, c’est un peu différent du roman. Mon but était de faire réfléchir les lecteurs sur le sens de cette fameuse scène finale. Quant à l’écrivain, Nobuaki Kanazawa, il a juste dit « c’est bien ». (rires)
Remerciements à Hitori Renda pour ses réponses, à Kim Bedenne pour son interprétation, et aux éditions Ki-oon pour l’organisation de la rencontre.
De Fred [4223 Pts], le 07 Septembre 2016 à 21h00
Interview intéressante . Ses dessins me scotchent à chaque fois par l'expression des visages surtout du regard . Artiste remarquable .