Ciné-Asie Chronique ciné asie - L'ange Ivre
Akira Kurosawa a débuté sa carrière de cinéaste environ au début des années 40.
En pleine guerre, il produit quelques films de propagande (le très faible « Le plus dignement » en fait partie), puis quelques films assez simples en termes de production après 1945. Quelques exemples : l'excellent « Qui marche sur la queue du tigre », est un chef d’œuvre d'interprétation et de mise en scène, de courte durée (seulement une heure, élément qui le rend peut-être secondaire aux yeux des spectateurs) ; Un merveilleux dimanche, quant à lui, est tourné à la manière d'un film du néoréalisme italien, c'est-à-dire qu'il montre la pauvreté de l'immédiat après-guerre dans un pays en ruine, à travers le portrait de gens modestes. Des films sommes toutes intéressants, mais relativement peu puissants au regard de la carrière à venir de Kurosawa.
L'ange ivre, qui sort en 1948, est en quelque sorte son premier film d'envergure. Première production réunissant le trio Akira Kurosawa/Tôshirô Mifune/Takashi Shimura, L'ange ivre est un film de yakuza (yakuza eiga), réalisé bien avant son âge d'or dans les années 1960. L'ange ivre est en effet typique de ce qui fera la renommée de Kurosawa avec Rashômon, Les Sept samouraïs et bien d'autres de ses films des années 50 et 60. Il s'agit d'une tragédie urbaine, où les personnages sont à la fois humains et noirs. En témoigne la relation d'amitié entre les personnages de Tôshirô Mifune et Takashi Shimura : il y a beaucoup d'humanité dans ce lien entre deux personnes que tout oppose (un homme mur et un chien fou, un médecin et un gangster, un guérisseur et un tueur).
Mais il y aussi de la noirceur, dans la mesure le drame plane constamment au-dessus des personnages, telle d'une épée de Damoclès. La fierté du yakuza est à la fois ce qui le rend humain et noir, par ailleurs. On retrouve bien l'amour de Kurosawa pour le théâtre tragique, lui qui adaptera plusieurs fois Shakespeare au cinéma. Et à l'instar d'Un merveilleux dimanche, paru l'année précédente, L'ange ivre est toujours un témoignage de la pauvreté d'après-guerre. La ville est démolie et crasse, les habitants sont dans la misère, ne montrent que des visages renfrognés. La raison à cela, tout comme pour le cinéma italien, est simple : il était difficile pour un pays vaincu de tourner des films grandioses, pour des questions de moyens financiers et matériaux.
L'ange ivre est donc également une image grise de la réalité sociale de cette époque, partagée entre pauvreté et violence, et par ailleurs, avec une mentalité autodestructrice propre à la psyché japonaise. Le yakuza est en effet prévenu dès le début de l'intrigue par le médecin du mal qui le ronge, et pour des raisons purement orgueilleuses, il refuse les soins, au désarroi de son ami. Ainsi, L'ange ivre est un film passeur : passeur d'images, de ce Japon détruit, à genou et en proie à tous les tourments ; passeur de relai dans la filmographie de Kurosawa. Bien qu'ayant des thématiques semblables à ses précédents films, mineurs, avec une mise en scène encore un peu austère, le squelette narratif est renforcé. On y décèle déjà des personnages viscéraux, avec des caractères obsessifs, éléments qui ne cesseront de s'accentuer dans ses prochains films pour donner naissance à des chefs d’œuvres dramatiques.
Comme à l'accoutumée, cette édition bluray de Wild Side est un indispensable.
Le film est de remarquable qualité (restauration oblige), le packaging est élégant et les bonus vidéos comme papier sont plus qu'intéressants pour saisir la force du cinéma de ce grand maître.
En pleine guerre, il produit quelques films de propagande (le très faible « Le plus dignement » en fait partie), puis quelques films assez simples en termes de production après 1945. Quelques exemples : l'excellent « Qui marche sur la queue du tigre », est un chef d’œuvre d'interprétation et de mise en scène, de courte durée (seulement une heure, élément qui le rend peut-être secondaire aux yeux des spectateurs) ; Un merveilleux dimanche, quant à lui, est tourné à la manière d'un film du néoréalisme italien, c'est-à-dire qu'il montre la pauvreté de l'immédiat après-guerre dans un pays en ruine, à travers le portrait de gens modestes. Des films sommes toutes intéressants, mais relativement peu puissants au regard de la carrière à venir de Kurosawa.
L'ange ivre, qui sort en 1948, est en quelque sorte son premier film d'envergure. Première production réunissant le trio Akira Kurosawa/Tôshirô Mifune/Takashi Shimura, L'ange ivre est un film de yakuza (yakuza eiga), réalisé bien avant son âge d'or dans les années 1960. L'ange ivre est en effet typique de ce qui fera la renommée de Kurosawa avec Rashômon, Les Sept samouraïs et bien d'autres de ses films des années 50 et 60. Il s'agit d'une tragédie urbaine, où les personnages sont à la fois humains et noirs. En témoigne la relation d'amitié entre les personnages de Tôshirô Mifune et Takashi Shimura : il y a beaucoup d'humanité dans ce lien entre deux personnes que tout oppose (un homme mur et un chien fou, un médecin et un gangster, un guérisseur et un tueur).
Mais il y aussi de la noirceur, dans la mesure le drame plane constamment au-dessus des personnages, telle d'une épée de Damoclès. La fierté du yakuza est à la fois ce qui le rend humain et noir, par ailleurs. On retrouve bien l'amour de Kurosawa pour le théâtre tragique, lui qui adaptera plusieurs fois Shakespeare au cinéma. Et à l'instar d'Un merveilleux dimanche, paru l'année précédente, L'ange ivre est toujours un témoignage de la pauvreté d'après-guerre. La ville est démolie et crasse, les habitants sont dans la misère, ne montrent que des visages renfrognés. La raison à cela, tout comme pour le cinéma italien, est simple : il était difficile pour un pays vaincu de tourner des films grandioses, pour des questions de moyens financiers et matériaux.
L'ange ivre est donc également une image grise de la réalité sociale de cette époque, partagée entre pauvreté et violence, et par ailleurs, avec une mentalité autodestructrice propre à la psyché japonaise. Le yakuza est en effet prévenu dès le début de l'intrigue par le médecin du mal qui le ronge, et pour des raisons purement orgueilleuses, il refuse les soins, au désarroi de son ami. Ainsi, L'ange ivre est un film passeur : passeur d'images, de ce Japon détruit, à genou et en proie à tous les tourments ; passeur de relai dans la filmographie de Kurosawa. Bien qu'ayant des thématiques semblables à ses précédents films, mineurs, avec une mise en scène encore un peu austère, le squelette narratif est renforcé. On y décèle déjà des personnages viscéraux, avec des caractères obsessifs, éléments qui ne cesseront de s'accentuer dans ses prochains films pour donner naissance à des chefs d’œuvres dramatiques.
Comme à l'accoutumée, cette édition bluray de Wild Side est un indispensable.
Le film est de remarquable qualité (restauration oblige), le packaging est élégant et les bonus vidéos comme papier sont plus qu'intéressants pour saisir la force du cinéma de ce grand maître.