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Manga Retour sur la conférence d'Ayako Noda (Le monde selon Uchu) à Angoulême

Mercredi, 17 Février 2016 à 19h00

Le 43ème Festival International de la Bande-dessinée d’Angoulême a accueilli son lot d’artistes, certains étant liés aux manga et à la BD asiatique. Auteure du seinen Le monde selon Uchu, diptyque publié chez Casterman, Ayako Noda était présente sur le salon afin de célébrer la sortie de son premier titre en France, vendu en avant-première lors de l’événement. Avant de s’adonner à un concert de dessin, la mangaka a participé à une conférence qui a vite pris des allures de questions/réponses, permettant à la dessinatrice de revenir en profondeur sur son œuvre.

En amont, le conférencier a permis au public de découvrir l’avant-propos du titre qu’il qualifie de meta-manga, une œuvre dans laquelle les personnages s’interrogent sur leur présence dans l’histoire. « Les personnages principaux sont deux jumeaux. Celui que vous voyez à gauche de la couverture est l’un des frères Hoshino, Shinri, son frère se nommant Uchu. Alice Tsunomine est la jeune fille qui rencontre ces jumeaux, ils sont à eux trois les personnages principaux du manga. L’histoire se centre vraiment sur Uchu et Alice, cette dernière est un quart française. J’ai appris plus tard qu’Alice est un prénom un peu vieillot, mais j’ai pensé que ça collerait quand même pour un personnage français. Pour les personnages secondaires, il y a d’abord Chiyoko, l’amie d’Alice, qui est amoureuse de Tsuyoshi. Ce dernier se rend compte d’un des grands secrets du manga, le fait qu’il est dans un manga. Il va confronter les trois personnages principaux avec la réalité qu’il a découverte. Enfin, le dernier est le professeur Samejima qui est un enseignant d’arts plastiques très mystérieux. »

Le décor planté, Ayako Noda a ensuite répondu aux différentes questions de son interlocuteur…



Qui est vraiment le héros de l’histoire ?

Ayako Noda : On peut dire que le vrai protagoniste est Uchu, celui que vous pouvez voir sur la couverture du premier tome.


C’est d’ailleurs un questionnement qui revient tout le long de la série…

Oui, il y a une certaine ambiguïté là-dessus d’autant plus que lorsque le manga a commencé à être publié, Alice était présentée comme l’héroïne et ce pendant assez longtemps. En réalité, ce n’est pas elle le personnage central.


Quelle est l’origine de cette histoire, qui est une mise en abime de la bande dessinée ? Quelle est l’origine personnelle de ce manga ?

Depuis mon plus jeune âge, je trouve qu’il n’y a pas vraiment de différence entre le monde réel et les mondes de l’imaginaire, ceux que nous créons. L’univers de la création est très important pour moi, ce manga était l’occasion d’en parler.


Est-ce que beaucoup d’auteurs japonais jouent avec les codes de la bande-dessinée comme vous le faites ? Dans Le monde selon Uchu, on voit par exemple un personnage montrer une bulle de dialogue, et il y a bien d’autres jeux de narration. Est-ce récurent au Japon ? Comment ces idées vous sont venues ?

Dans le manga, des auteurs jouent souvent avec les codes du manga. Un personnage va par exemple montrer la bulle ou dans le cadre dans lequel il est. Ce type de procédé est utilisé de temps en temps dans les manga humoristiques, mais il n’y a pas beaucoup de titres qui en font leur thème central.


C’est sous forme de digression en effet, mais Le Monde selon Uchu est vraiment centré sur cette mise en abîme.

A mon avis, beaucoup d’auteurs pensent à ce genre de choses et utilisent donc ces procédés dans leurs manga. Mais en effet, peu de manga en font leur histoire principale.


Dans un passage, on voit que le procédé parodie un peu les codes du shojo. Cela nous amène à nous demander quels sont vos lecteurs, ceux qui lisent Le monde selon Uchu ? On imagine des lecteurs plus adultes qu’adolescents.

Le manga a été pré-publié dans le Gekkan Ikki, il s’adresse donc plus à des adultes. Ce n’est pas du shojo ou du shônen mais plus du seinen. Je pense qu’autant de femmes que d’hommes lisent Le monde selon Uchu mais lors des débuts de la publication, on comptait à mon avis davantage de garçons.



Revenons sur la date de sortie. Quand le manga a-t-il été pré-publié dans le Gekkan Ikki ? Il y a environ quatre ans, non ?

C’est ça, il y a à peu près quatre ans. Le premier volume a été publié en septembre 2013.


Parlons maintenant de votre style graphique qui utilise des traits d’humour tout en restant réaliste. Il est même parfois effrayant car on voit les personnages observés par « le monstre » dont on ne connait pas l’identité. Est-ce le lecteur, le créateur, l’éditeur… ?

Le style réaliste est tout simplement mon style de dessin. J’essaie de ne pas dessiner des filles trop effrayantes et de les rendre un minimum mignonnes.

« Le monstre » est celui qui lit le manga. Je pense tout lecteur peut être « le monstre ».


A partir du tome 2, vous mettez en scène Black Alice qui est votre avatar en quelque sorte. Vous êtes donc dans le manga. Aussi, est-ce que les images que nous voyons au début de ce tome sont celles de votre maison ?

La maison qui apparaît à partir de ce volume est celle où j’habitais jusqu’à l’âge de mes trois ans, celle de ma grand-mère paternelle à Tokushima. Elle n’existe plus car elle a été détruite, c’est grâce à mes souvenirs et aux vieilles photos que je l’ai représentée dans le manga.


Qu’en est-il de la pièce qui sert à l’auteure pour rencontrer ses personnages dans le manga ? Est-ce votre atelier actuel ?

Encore une fois, ce n’est pas l’environnement dans lequel je dessine. Il s’agit du salon de l’ancienne maison de ma grand-mère. Je ne dessine jamais dans ce genre d’environnement.


Revenons sur votre travail sur le découpage. Certaines séquences sont éloquentes, on n’est plus dans la plongée systématique mais davantage sur les personnages. Une certaine scène vers la fin est même l’une des plus belles séquences du tome deux. Comment pensez-vous ces scènes, et comment travaillez-vous ces découpages ?

Je ne passe pas énormément de temps sur la mise en page. Ça ne représente pas un processus précis. Je dessine relativement vite puis je repasse sur l’ordinateur où je fais des modifications.


Vous travaillez seule et n’avez pas d’assistants. Comment faites-vous pour respecter vos délais ?

Effectivement, je dessine seule. C’est beaucoup de travail mais à mes yeux, il est plus facile de travailler seul qu’avec autrui.


Avez-vous toujours voulu faire du manga ?

Tout à fait, je dessine depuis que je suis à l’école primaire.


A travers votre formation et votre développement intellectuel, quels sont les différentes et différents mangaka qui vous ont inspirée ?

Je lis des shojo depuis que je suis toute petite, ceux qui m’ont marqué sont ceux que j’ai lu au collège et au lycée. Mais il y a une mangaka que j’aime beaucoup, c’est Kyôko Okazaki.


Est-ce qu’il y a encore beaucoup de censure sur ce qui concerne la représentation du sexe au Japon ?

A partir du moment où il y a du contenu sexuel, il se peut qu’il y ait de la censure mais ça dépend aussi beaucoup de l’éditeur. Dans l’une des scènes de mon manga, on aurait pu ne pas censurer mais on l’a conservée pour la blague que ça représentait.



Pour en revenir aux magazine de pré-publication, le système de vote des lecteurs existe encore. Avez-vous rencontré ceux qui vous lisent ? Est-ce que je système de vote, et donc la réaction des lecteurs, a influencé le cours de l’histoire de Le monde selon Uchu ?

Je n’étais pas toujours au courant des résultats des votes. C’était le cas lorsque Le monde selon Uchu était bien classé, mais je n’avais pas plus d’information. Ainsi, j’ai pu dessiner mon manga assez librement.


Le Monde selon Uchu est une belle histoire, c’est aussi l’une de vos premières publications en tant que jeune mangaka. Est-ce que la série a été remarquée au Japon ? Avez-vous reçu des prix ? Et quel effet vous procure la publication de la série en France ?

Le manga en lui-même n’a pas gagné de prix au Japon. En revanche, quand il est sorti à la vente, j’ai vu quelques articles de presse dessus et j’en étais très heureuse. L’autre particularité de la série, c’est les couvertures des deux tomes. Au Japon, il existe un blog qui recense les couvertures de manga les plus intéressantes de chaque année. Le monde selon Uchu a été sélectionné, j’étais très contente.

Pour votre dernière question, c’est un grand bonheur pour moi d’être publiée en France et surtout d’être invitée à un salon. Je remercie énormément ceux qui m’ont conviée.


Que pensez-vous de la France ? C’est la première fois que vous venez dans l’hexagone…

En effet, c’est ma première visite en France et je n’ai pas beaucoup vue la ville. Néanmoins, Angoulême et ses ruelles sont magnifiques. Aussi, j’ai eu l’occasion de voler un macaron quelque part, je l’ai trouvé délicieux !


Avez-vous rencontré des filles qui se prénommaient Alice ?

Malheureusement, je n’ai pas encore rencontré d’Alice en France. (rires)


Quittons un peu Le Monde selon Uchu. Dans le magazine Hibana de Shogakukan, vous publiez une nouvelle histoire dont le premier tome vient de sortir au Japon. Pouvez-vous présenter le magazine ainsi que cette nouvelle œuvre ?

Hibana est en quelque sorte l’héritier spirituel d’Ikki qui n’existe plus. Il y a eu le choix éditorial d’interpeler un lectorat plus féminin et qu’Hibana ait davantage de dessinatrices. On m’a demandé de publier le nouveau manga pour le premier numéro du magazine.

En ce qui concerne la nouvelle série qui se nomme Ikazuchi Tooku Umi ga Naru, que l’on peut traduire littéralement par « Au loin sur la mer, on peut entendre le tonnerre », elle raconte l’histoire d’amour de l’héroïne, présente sur la couverture, qui tombe amoureuse du jeune homme présent à droit de celle-ci.



Sur combien de volumes est prévu le manga ?

Ce manga sera aussi en deux tomes.


Il paraîtrait que le personnage principal masculin du manga mourrait régulièrement. Est-ce un gimmick de scénario ? Pouvez-vous en parler ?

En fait, l’héroïne est bien plus qu’une simple femme, c’est un dieu omnipotent. Elle rencontre ce garçon au moment où il se fait tuer et, étant amoureuse de lui, remonte le temps afin de pouvoir mieux le connaître.


Quelle a été l’importance des tantô (responsables éditoriaux des auteurs, ndt) dans le magazine Ikki ? Avez-vous gardé le même tantô ?

Oui, je travaille toujours avec le même tantô.


Quels sont vos rapports avec vos éditeurs ?

J’entretiens d’excellents rapports avec les éditeurs des magazines. Je discute beaucoup avec mon tantô pour savoir ce que je pourrais faire par la suite, dans l’histoire. Ça me permet d’écrire des scénarios complets qui sont vérifiés par mon éditeur. C’est comme ça qu’est le cycle de publication.


Y a-t-il des auteurs français de bande-dessinée qui vous ont marqué ? Que pensez-vous du Festival International de la Bande-dessinée d’Angoulême ? Il est sûrement moins important que certains salons japonais…

Je ne connais pas vraiment le monde de la bande-dessinée franco-belge. En ce qui concerne le Festival International de la Bande-dessinée d’Angoulême, je trouve que c’est un événement très complet, notamment par ses conférences et ses concerts de dessin.


Est-ce qu’il y a des équivalents des concerts de dessin au Japon, des événements musicaux qui mettent en scène la magie du dessin ?

Ça ne doit pas être tout à fait la même chose mais il y a en effet des spectacles plus analogues où des gens dessinent tandis que d’autres font de la musique à côté.


La conférence s’est ensuite achevée sous les applaudissements du public. Du côté d’Ayako Noda, c’est bien la gratitude qu’elle a tenu à exprimer : « Merci d’avoir cherché à comprendre Le Monde selon Uchu par ces questions très intéressantes. », l’auteure donnant ensuite rendez-vous à ses fans pour le concert de dessin qui allait suivre.
  

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