Manga Interview de Mig, l'auteur d'Ogrest
Nous vous proposons aujourd'hui de découvrir une récente rencontre que nous avons eue avec Mig, l'auteur du très sympathique Ogrest !
Bonjour Mig ! Peux-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs et nous présenter ton parcours ?
Bonjour, je me surnomme MIG, diminutif de mon pseudo « MIGUEL ». (Oui, c’est compliqué). Je suis auteur de BD et de Manga, et je travaille aussi dans l’animation. J’ai commencé par des petits boulots et des stages, où j’ai pu aborder la fabrication de décors pour le cinéma et le théâtre, le dessin animé et l’illustration.
Mon premier emploi en tant que salarié démarra dans le studio « Et Cetera », où je travaillais sur les produits dérivés de l’univers d’Astérix pendant plus de cinq ans. D’autres licences passaient de temps à autres comme Lucky Luke, Babar, Pingu…etc.
Je me suis installé ensuite en freelance et j’ai travaillé sur de nombreuses licences « Disney » avec l’Atelier « Philippe HARCHY ». Tout était divisé par poste de travail et moi je réalisais essentiellement l’encrage pour des produits éditoriaux ou la Presse. Puis vint ma licence préférée, « Winnie l’Ourson ». Au départ, je ne faisais que l’encrage, mais très vite, on me confia la réalisation des crayonnés complets. J’ai réalisé plus de deux cents pages de BD sur ce personnage pour les magazines Disney Hachette Presse. Je regrette un peu d’avoir arrêté depuis, faute de temps. Il faudrait que je propose un livre sur ce personnage à « Disney Hachette Presse ». On ne sait jamais !
En parallèle, j’ai développé mes propres projets en collaboration avec Hervé Richez. Nous avons réalisé ensemble 8 Bandes Dessinées ! 2 POUR « Sam Lawry » et 6 pour « Le Messager », toutes dans la collection « GRAND ANGLE » chez Bamboo édition. Il y a eu d’autres collaborations pour des collectifs BD et des agences de communication, des illus et des participations à certains dessins-animés, terminés ou non.
Et en 2008, je suis arrivé chez Ankama, sur la production du Dessin Animé Wakfu (saison 1). Il y avait 4 ou 5 épisodes de fait. J’ai rejoint l’équipe du Character Design (création des personnages), puis je suis passé sur le Layout BG (la réalisation des décors en crayonné, avec la mise en place de tous les éléments techniques pour les autres équipes d’animation). Après, j’ai fait le passe-passe entre animation et édition, selon les projets. En BD, j’ai travaillé sur « Chronique de Wakfu », « Shak Shaka », Zatoïshwan, et Ogrest ainsi que des participations diverses sur bon nombre de titres, et des histoires courtes dans les magazines publiés par Ankama. En parallèle, j’ai dessiné la BD « Un petit livre oublié sur un banc » sur un scénario de JIM, chez GRAND ANGLE. Elle connait un très beau succès, ça fait plaisir !
Comment s'est décidé le projet du manga Ogrest ?
Quand je suis arrivé chez Ankama, ce personnage, qui est à la base de l’univers Dofus-Wakfu, m’a tout de suite plu. Cet ogre malheureux et incompris, ruinant le monde de ses larmes, je ne sais pas, je me suis retrouvé en lui (rires). On ne connaissait pas bien son histoire, et sa légende était plutôt floue. Il existait plusieurs versions qui se contredisaient toutes. Je notais certaines idées dans un coin, sans grands espoirs car j’étais persuadé qu’une équipe le développerait. Les années passèrent, il y eu un animé, réalisé a japon, essentiellement avec les recherches de Fabrice Ntamak comme base (lui aussi avait le projet de le développer). Mais l’histoire s’arrêtait là où je voulais continuer, pourquoi il en arrivait à engloutir les continents par sa tristesse, et quelle était sa relation avec Dathura et son père Otomaï. C’est en 2012 que je commençais à écrire la base de son histoire. Entre 2, je développais de nouveaux projets pour le Krosmoz (bon sang, je n’arriverai jamais à me faire à ce mot, qu’il est laid !). C’est en 2013 que je pu présenter une version bien élaborée de la légende d’Ogrest à Tot, qui accepta. Mon ambition était de proposer un récit dans cet univers, mais avec une vision très particulière, plus sombre et plus réaliste. Je n’ai jamais considéré cette série comme un prolongement d’une licence mais comme un projet personnel. Le futur me dira si j’ai eu tort (rires).
Avais-tu le choix du support ou on t'a imposé le format manga ? Pourquoi ce choix ?
Le choix du format manga s’est imposé de lui-même, pour sa grande pagination. De plus, j’adore le noir et blanc, que je trouve plus expressif. Grâce à ça, j’allais pouvoir expérimenter différentes techniques graphiques et narratives, mêlant mes différentes influences issues du Comics, de la BD Franco-Belge et du Manga. Ce n’est pas si facile de placer un projet Noir et Blanc pour de l’aventure. Dans le milieu éditorial Français, on l’associe trop souvent à du Roman Graphique de réflexion, du Manga ou du « Beau Livre à tirage limité ». Il faut acquérir un certain statut d’auteur pour y accéder (exemples : Frederik Peeters ou Larcenet). Mais il est vrai que mon récit n’est pas une aventure pure et dure, c’est une longue réflexion sur les relations humaines, l’enfance et la parentalité.
Tu es libre de faire ce que tu veux, ou tu as des contraintes, vis à vis de l'univers qui existe déjà, sa mythologie, ses grands personnages etc.. ?
Il y a toujours des contraintes liées à un univers mis en place, et comme je travaille chez Ankama depuis bientôt 8 ans, je les connais bien. J’ai pu développer des réflexes en travaillant pour toutes ces licences depuis mon début de carrière, je connais les limites et les ouvertures possibles. Mais je dois avouer que j’ai fait une liste de tous les points un peu chiants, je veux dire indigeste dans un scénario et qui n’apporte pas grand-chose, mis à part au sein d’un MMO, et je les ai contourné. Car certains faits peuvent servir à enrichir un jeu vidéo et donnent des occasions de missions aux joueurs, mais dans un livre, ce n’est pas possible. Par exemple, la quête dans le jeu pour avoir le Dofus ocre est proposée par Otomaï, qui vous demande plus de 30 listes de monstres à battre. Comment expliquer ça dans une histoire ? De plus, le Dofus est l’équivalent d’une arme de destruction massive, est-ce normal de le confier au premier imbécile venu ? La dramaturgie impose une grande réflexion, des choix et des coupes dans les données.
Ankama garde-t-il un droit de regard sur la série ou le scénario ?
Oui, il y a une étape de validation, et parfois des suggestions sur tels ou tels détails. Mais je reste relativement libre. Le plus compliqué est de gérer une série pendant que l’univers se développe sur les autres supports. Il y a toujours un risque qu’un produit sorte et contredise ce que je fais. Par exemple, dans la collection des « livres dont vous êtes le héros », basé sur l’univers de Dofus, il y a un passage où l’on doit séparer Goultard et Dark Vlad, 2 entités cumulées dans la même personne. Cette idée provient de mon manga et a été utilisée sans mon consentement. Otomaï et Ogrest devaient le faire car seul Goultard pouvait prendre le Dofus que le Dark Vlad garde. J’ai découvert ça quand le bouquin était sorti en librairie. Ça m’a cassé les pattes, et j’ai dû changer complètement un énorme passage du manga. C’est un détail parmi tant d’autres. C’est très chiant, mais il faut que je passe au-dessus de ça pour ne pas faire un ulcère. Et pour l’instant, je n’ai pas encore trouvé la Zen-attitude suffisante.
Tu es aussi auteur de BD, quelles sont les grosses différences entre bosser sur une BD et bosser sur un manga ?
La manière d’aborder la page est très différente. Dans un format 46 pages, on a la limite du nombre fixe, et il faut jongler avec un plus grand nombre de cases. La narration oblige de faire un choix entre l’histoire qui avance suffisamment et le développement en profondeur des personnages. Il y a beaucoup de contre-exemple, mais disons qu’en 46 pages, on ne s’attardera plus sur le protagoniste sans pouvoir aborder la psychologie des personnages secondaires, alors que le manga nous donne cette possibilité. C’est le développement de l’univers proposé qui n’est pas pareil, tout comme la manière de montrer le temps qui passe. Il faut faire un choix et réfléchir à la forme la plus adaptée au récit. Cependant, tous les mangas que j’ai créés, je les ai travaillés seul, dirigeant scénario et dessin. J’ai beaucoup aimé cette expérience, et il faudrait que je fasse une BD de la même manière pour pouvoir comparer plus précisément.
Faire un manga est aussi passionnant tout en étant plus fatiguant. Vu que le lectorat est habitué à un rythme de parution rapide, il faut réaliser plus de planches qu’un album classique, mais dans un temps plus court. En France, c’est très rare de pouvoir travailler avec des assistants, comme cela se pratique au Japon. Le système éditorial est très différent là-bas et bien installé. Heureusement, j’ai pu trouver des personnes de mon entourage pour m’aider, notamment sur la trame et le scannage des planches. Quand je parle d’assistants, j’entends par là de vrais postes rémunérés pour que ce soit acceptable dans le temps. On peut cependant espérer que le marché se développe suffisamment pour y parvenir.
Du coup, tes influences doivent être nombreuses, tu peux nous en parler un peu plus ?
Je suis un passionné du Livre. Je m’intéresse à tout, ce qui commence à poser problème vu le nombre de bouquin que j’ai chez moi. J’aime découvrir histoires et dessins en tout genre. Je vais essayer de donner mes influences dans l’ordre chronologique où j’ai découvert ces artistes. Petit, j’adorais les dessins animés diffusés à mon époque. Génération Goldorak. Je lisais le magazine « Pif Gadget » et « Le Journal de Mickey ». Mon premier album BD fut un tome de Gaston Lagaffe. Je découvrais avec émerveillement le travail d’André Franquin. Puis vint les comics, Tintin, Spirou et « l’écurie Dupuis », Will Eisner, tout cela dans un merveilleux méli-mélo. « La foire aux Immortels » de Bilal fut une révélation pour moi, la découverte d’un récit sombre et prenant, comme ceux que je commençais à avoir en tête. J’embrayais alors tardivement sur tous les auteurs issus de Metal Hurlant tel que Moebius, Druillet et Corben. Je pensais avoir découvert tout ce qui se faisait de bien. Puis arriva Akira en kiosque. Mes certitudes volèrent en éclat. J’ai dû emmerder tout mon entourage avec cette BD et ce film d’animation, tellement cela me passionnait ! Je décortiquais le travail d’Otomo, me précipitant à chaque nouvel épisode. Il a fallu attendre un moment avant d’avoir plus de mangas en France. Heureusement, les librairies spécialisées offraient de quoi se rassasier en VO. Je n’y comprenais que dalle, mais la narration pouvait aider à suivre les histoires. J’ai oublié des tonnes d’auteurs entre 2, et j’en découvre toujours autant aujourd’hui. Je me nourris de la découverte. La toute dernière ? Le premier album de Zao Dao, une jeune dessinatrice chinoise de 25 ans, aux éditions Mosquito. J’ai eu un coup de foudre sur le dessin de sa couverture.
Entre Dreamland, City Hall, Radiant, le manga français se fait une place de plus en plus importante au fur et à mesure du temps. Tu te places comment par rapport à ce sujet encore parfois polémique ?
C’est une bonne chose ! Toute une génération a grandi avec le manga et c’est tout naturel que l’on ait la possibilité d’en faire en France. J’aimerais voir émerger un vrai magazine comme le Shonen Jump par chez nous, c’est-à-dire jouant le jeu de la publication créative, avec de l’inédit. Il y a eu quelques tentatives par le passé, plus ou moins heureuses. La réponse n’est pas de copier le marché Japonais, mais d’apporter cette spécificité française, de créer une identité propre. Le magazine « SHOGUN » des Humanos allait dans cette voie. Dommage que la situation économique de cet éditeur provoqua la fermeture. Mais on peut encore espérer voir apparaitre un nouveau concurrent ! Les influences mangas ont été digérées et beaucoup d’auteurs ont des choses formidables à proposer. La balle est dans le camp des éditeurs. Ça fait un moment que ça me trotte dans la tête, si j’avais les moyens, je sauterais sur l’occasion pour mettre sur pied quelque chose de ce genre, associant auteurs confirmés et débutants à l’avenir prometteur. Mais pour ça, va falloir en vendre du bouquin ! Ou alors gagner au loto (rires).
On sait déjà que Ogrest fera 5 tomes. Est-ce que tout est déjà écrit ou tu laisses ton récit évoluer tout en gardant juste une ligne directrice ?
La trame principale d’Ogrest est écrite. J’aime poser les bases de mon récit avant de plonger dans le dessin. J’ai des notes dans tous les sens que je relis en permanence, pour ne rien laisser de côté. Mais je me laisse une part d’inconnu, pour pouvoir faire évoluer les choses, développer certains personnages un peu plus que prévu, ajouter des scènes…etc. Comme je sais où je vais, il est très simple d’ajouter des choses tout en veillant à ce que je ne dénature rien. Mais c’est une construction laborieuse et il faut garder le fil conducteur. Quand je suis sur les pages, j’ai des milliers d’idées en même temps, mais je dois faire un tri pour garder une cohérence. Certaines choses sont essentielles et je les mets en avant. D’autres sont des pièces de puzzle que je parsème au fil des planches et que le lecteur attentif et curieux pourra découvrir.
Tu es un auteur qui est pas mal connecté sur les réseaux sociaux et assez transparent sur son travail. Tu penses que c'est important d'être proche de tes lecteurs ? Qu'est-ce que cela t'apporte ?
J’aime pouvoir discuter en direct avec les lecteurs. Je ne fais vraiment pas ça pour un quelconque acte promotionnel et publicitaire. Et encore moins pour récolter des « likes » ou des compliments. J’ai grandi avec Internet, c’est un outil génial pour communiquer avec les autres. Et si j’écris des histoires c’est aussi pour l’échange. Sinon, je me contenterai de dessiner dans mes carnets uniquement pour moi. En dédicace aussi, je rencontre beaucoup de monde et quand on me pose des questions, je réponds tout aussi ouvertement. C’est d’ailleurs étrange car j’ai un caractère de vieil ours qui grogne par moment, du coup ça doit m’aider à m’ouvrir aux autres (rires).
J’aime cette idée d’échange de connaissance, c’est l’idée de base de l’Internet. Partager ! Et c’est aussi un moyen de resserrer les liens avec les autres auteurs, professionnels ou débutants. Beaucoup travaillent seuls chez eux, il est important d’avoir un moyen de communication pour nous lier et faire transiter les informations. Parmi mes lecteurs, beaucoup ont envie de vivre de leurs créations. En montrant mon travail, mes méthodes et mes outils, je peux en aider certains à avancer plus vite. J’ai fait des rencontres formidables grâce à ça, avec qui j’ai pu avoir des discussions passionnantes et lier de vraies amitiés.
Le tome 2 d’Ogrest arrive en octobre, le moment de nous faire un petit teasing de ce qu'il nous réserve pour terminer ? Sans spoiler bien sûr !
Dans ce tome 2, l’histoire va s’accélérer. Ogrest était habitué à vivre à son rythme sur l’île de son père. Non seulement ils étaient pépères, mais comme ce sont des êtres immortels, ils n’ont pas la même notion du temps qu’un mortel. Ogrest va connaitre la précipitation et n’aura jamais le temps de se poser pour réfléchir (ce qui n’est pas vraiment son fort !). De nouveaux personnages font leur apparition et il y aura de nombreuses révélations. Je dois avouer une chose, car j’ai pu déjà entendre certaines inquiétudes par rapport à ça : quelques personnes m’ont fait part de leur attente concernant le début de la quête des Dofus qui semble long à arriver, car on pourrait avoir l’impression que le récit va se transformer en Shonen, avec des Boss et des grosses bastons. Ogrest est plus un Seinen, je veux développer les personnages en profondeur. Cette quête aura bien lieu, mais pas du tout de la manière dont vous la pensez. C’est du spoil sans en être !
Merci à Mig et Ankama de cet agréable moment et de nous avoir accordé cette interview !
Bonjour Mig ! Peux-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs et nous présenter ton parcours ?
Bonjour, je me surnomme MIG, diminutif de mon pseudo « MIGUEL ». (Oui, c’est compliqué). Je suis auteur de BD et de Manga, et je travaille aussi dans l’animation. J’ai commencé par des petits boulots et des stages, où j’ai pu aborder la fabrication de décors pour le cinéma et le théâtre, le dessin animé et l’illustration.
Mon premier emploi en tant que salarié démarra dans le studio « Et Cetera », où je travaillais sur les produits dérivés de l’univers d’Astérix pendant plus de cinq ans. D’autres licences passaient de temps à autres comme Lucky Luke, Babar, Pingu…etc.
Je me suis installé ensuite en freelance et j’ai travaillé sur de nombreuses licences « Disney » avec l’Atelier « Philippe HARCHY ». Tout était divisé par poste de travail et moi je réalisais essentiellement l’encrage pour des produits éditoriaux ou la Presse. Puis vint ma licence préférée, « Winnie l’Ourson ». Au départ, je ne faisais que l’encrage, mais très vite, on me confia la réalisation des crayonnés complets. J’ai réalisé plus de deux cents pages de BD sur ce personnage pour les magazines Disney Hachette Presse. Je regrette un peu d’avoir arrêté depuis, faute de temps. Il faudrait que je propose un livre sur ce personnage à « Disney Hachette Presse ». On ne sait jamais !
En parallèle, j’ai développé mes propres projets en collaboration avec Hervé Richez. Nous avons réalisé ensemble 8 Bandes Dessinées ! 2 POUR « Sam Lawry » et 6 pour « Le Messager », toutes dans la collection « GRAND ANGLE » chez Bamboo édition. Il y a eu d’autres collaborations pour des collectifs BD et des agences de communication, des illus et des participations à certains dessins-animés, terminés ou non.
Et en 2008, je suis arrivé chez Ankama, sur la production du Dessin Animé Wakfu (saison 1). Il y avait 4 ou 5 épisodes de fait. J’ai rejoint l’équipe du Character Design (création des personnages), puis je suis passé sur le Layout BG (la réalisation des décors en crayonné, avec la mise en place de tous les éléments techniques pour les autres équipes d’animation). Après, j’ai fait le passe-passe entre animation et édition, selon les projets. En BD, j’ai travaillé sur « Chronique de Wakfu », « Shak Shaka », Zatoïshwan, et Ogrest ainsi que des participations diverses sur bon nombre de titres, et des histoires courtes dans les magazines publiés par Ankama. En parallèle, j’ai dessiné la BD « Un petit livre oublié sur un banc » sur un scénario de JIM, chez GRAND ANGLE. Elle connait un très beau succès, ça fait plaisir !
Comment s'est décidé le projet du manga Ogrest ?
Quand je suis arrivé chez Ankama, ce personnage, qui est à la base de l’univers Dofus-Wakfu, m’a tout de suite plu. Cet ogre malheureux et incompris, ruinant le monde de ses larmes, je ne sais pas, je me suis retrouvé en lui (rires). On ne connaissait pas bien son histoire, et sa légende était plutôt floue. Il existait plusieurs versions qui se contredisaient toutes. Je notais certaines idées dans un coin, sans grands espoirs car j’étais persuadé qu’une équipe le développerait. Les années passèrent, il y eu un animé, réalisé a japon, essentiellement avec les recherches de Fabrice Ntamak comme base (lui aussi avait le projet de le développer). Mais l’histoire s’arrêtait là où je voulais continuer, pourquoi il en arrivait à engloutir les continents par sa tristesse, et quelle était sa relation avec Dathura et son père Otomaï. C’est en 2012 que je commençais à écrire la base de son histoire. Entre 2, je développais de nouveaux projets pour le Krosmoz (bon sang, je n’arriverai jamais à me faire à ce mot, qu’il est laid !). C’est en 2013 que je pu présenter une version bien élaborée de la légende d’Ogrest à Tot, qui accepta. Mon ambition était de proposer un récit dans cet univers, mais avec une vision très particulière, plus sombre et plus réaliste. Je n’ai jamais considéré cette série comme un prolongement d’une licence mais comme un projet personnel. Le futur me dira si j’ai eu tort (rires).
Avais-tu le choix du support ou on t'a imposé le format manga ? Pourquoi ce choix ?
Le choix du format manga s’est imposé de lui-même, pour sa grande pagination. De plus, j’adore le noir et blanc, que je trouve plus expressif. Grâce à ça, j’allais pouvoir expérimenter différentes techniques graphiques et narratives, mêlant mes différentes influences issues du Comics, de la BD Franco-Belge et du Manga. Ce n’est pas si facile de placer un projet Noir et Blanc pour de l’aventure. Dans le milieu éditorial Français, on l’associe trop souvent à du Roman Graphique de réflexion, du Manga ou du « Beau Livre à tirage limité ». Il faut acquérir un certain statut d’auteur pour y accéder (exemples : Frederik Peeters ou Larcenet). Mais il est vrai que mon récit n’est pas une aventure pure et dure, c’est une longue réflexion sur les relations humaines, l’enfance et la parentalité.
Tu es libre de faire ce que tu veux, ou tu as des contraintes, vis à vis de l'univers qui existe déjà, sa mythologie, ses grands personnages etc.. ?
Il y a toujours des contraintes liées à un univers mis en place, et comme je travaille chez Ankama depuis bientôt 8 ans, je les connais bien. J’ai pu développer des réflexes en travaillant pour toutes ces licences depuis mon début de carrière, je connais les limites et les ouvertures possibles. Mais je dois avouer que j’ai fait une liste de tous les points un peu chiants, je veux dire indigeste dans un scénario et qui n’apporte pas grand-chose, mis à part au sein d’un MMO, et je les ai contourné. Car certains faits peuvent servir à enrichir un jeu vidéo et donnent des occasions de missions aux joueurs, mais dans un livre, ce n’est pas possible. Par exemple, la quête dans le jeu pour avoir le Dofus ocre est proposée par Otomaï, qui vous demande plus de 30 listes de monstres à battre. Comment expliquer ça dans une histoire ? De plus, le Dofus est l’équivalent d’une arme de destruction massive, est-ce normal de le confier au premier imbécile venu ? La dramaturgie impose une grande réflexion, des choix et des coupes dans les données.
Ankama garde-t-il un droit de regard sur la série ou le scénario ?
Oui, il y a une étape de validation, et parfois des suggestions sur tels ou tels détails. Mais je reste relativement libre. Le plus compliqué est de gérer une série pendant que l’univers se développe sur les autres supports. Il y a toujours un risque qu’un produit sorte et contredise ce que je fais. Par exemple, dans la collection des « livres dont vous êtes le héros », basé sur l’univers de Dofus, il y a un passage où l’on doit séparer Goultard et Dark Vlad, 2 entités cumulées dans la même personne. Cette idée provient de mon manga et a été utilisée sans mon consentement. Otomaï et Ogrest devaient le faire car seul Goultard pouvait prendre le Dofus que le Dark Vlad garde. J’ai découvert ça quand le bouquin était sorti en librairie. Ça m’a cassé les pattes, et j’ai dû changer complètement un énorme passage du manga. C’est un détail parmi tant d’autres. C’est très chiant, mais il faut que je passe au-dessus de ça pour ne pas faire un ulcère. Et pour l’instant, je n’ai pas encore trouvé la Zen-attitude suffisante.
Tu es aussi auteur de BD, quelles sont les grosses différences entre bosser sur une BD et bosser sur un manga ?
La manière d’aborder la page est très différente. Dans un format 46 pages, on a la limite du nombre fixe, et il faut jongler avec un plus grand nombre de cases. La narration oblige de faire un choix entre l’histoire qui avance suffisamment et le développement en profondeur des personnages. Il y a beaucoup de contre-exemple, mais disons qu’en 46 pages, on ne s’attardera plus sur le protagoniste sans pouvoir aborder la psychologie des personnages secondaires, alors que le manga nous donne cette possibilité. C’est le développement de l’univers proposé qui n’est pas pareil, tout comme la manière de montrer le temps qui passe. Il faut faire un choix et réfléchir à la forme la plus adaptée au récit. Cependant, tous les mangas que j’ai créés, je les ai travaillés seul, dirigeant scénario et dessin. J’ai beaucoup aimé cette expérience, et il faudrait que je fasse une BD de la même manière pour pouvoir comparer plus précisément.
Faire un manga est aussi passionnant tout en étant plus fatiguant. Vu que le lectorat est habitué à un rythme de parution rapide, il faut réaliser plus de planches qu’un album classique, mais dans un temps plus court. En France, c’est très rare de pouvoir travailler avec des assistants, comme cela se pratique au Japon. Le système éditorial est très différent là-bas et bien installé. Heureusement, j’ai pu trouver des personnes de mon entourage pour m’aider, notamment sur la trame et le scannage des planches. Quand je parle d’assistants, j’entends par là de vrais postes rémunérés pour que ce soit acceptable dans le temps. On peut cependant espérer que le marché se développe suffisamment pour y parvenir.
Du coup, tes influences doivent être nombreuses, tu peux nous en parler un peu plus ?
Je suis un passionné du Livre. Je m’intéresse à tout, ce qui commence à poser problème vu le nombre de bouquin que j’ai chez moi. J’aime découvrir histoires et dessins en tout genre. Je vais essayer de donner mes influences dans l’ordre chronologique où j’ai découvert ces artistes. Petit, j’adorais les dessins animés diffusés à mon époque. Génération Goldorak. Je lisais le magazine « Pif Gadget » et « Le Journal de Mickey ». Mon premier album BD fut un tome de Gaston Lagaffe. Je découvrais avec émerveillement le travail d’André Franquin. Puis vint les comics, Tintin, Spirou et « l’écurie Dupuis », Will Eisner, tout cela dans un merveilleux méli-mélo. « La foire aux Immortels » de Bilal fut une révélation pour moi, la découverte d’un récit sombre et prenant, comme ceux que je commençais à avoir en tête. J’embrayais alors tardivement sur tous les auteurs issus de Metal Hurlant tel que Moebius, Druillet et Corben. Je pensais avoir découvert tout ce qui se faisait de bien. Puis arriva Akira en kiosque. Mes certitudes volèrent en éclat. J’ai dû emmerder tout mon entourage avec cette BD et ce film d’animation, tellement cela me passionnait ! Je décortiquais le travail d’Otomo, me précipitant à chaque nouvel épisode. Il a fallu attendre un moment avant d’avoir plus de mangas en France. Heureusement, les librairies spécialisées offraient de quoi se rassasier en VO. Je n’y comprenais que dalle, mais la narration pouvait aider à suivre les histoires. J’ai oublié des tonnes d’auteurs entre 2, et j’en découvre toujours autant aujourd’hui. Je me nourris de la découverte. La toute dernière ? Le premier album de Zao Dao, une jeune dessinatrice chinoise de 25 ans, aux éditions Mosquito. J’ai eu un coup de foudre sur le dessin de sa couverture.
Entre Dreamland, City Hall, Radiant, le manga français se fait une place de plus en plus importante au fur et à mesure du temps. Tu te places comment par rapport à ce sujet encore parfois polémique ?
C’est une bonne chose ! Toute une génération a grandi avec le manga et c’est tout naturel que l’on ait la possibilité d’en faire en France. J’aimerais voir émerger un vrai magazine comme le Shonen Jump par chez nous, c’est-à-dire jouant le jeu de la publication créative, avec de l’inédit. Il y a eu quelques tentatives par le passé, plus ou moins heureuses. La réponse n’est pas de copier le marché Japonais, mais d’apporter cette spécificité française, de créer une identité propre. Le magazine « SHOGUN » des Humanos allait dans cette voie. Dommage que la situation économique de cet éditeur provoqua la fermeture. Mais on peut encore espérer voir apparaitre un nouveau concurrent ! Les influences mangas ont été digérées et beaucoup d’auteurs ont des choses formidables à proposer. La balle est dans le camp des éditeurs. Ça fait un moment que ça me trotte dans la tête, si j’avais les moyens, je sauterais sur l’occasion pour mettre sur pied quelque chose de ce genre, associant auteurs confirmés et débutants à l’avenir prometteur. Mais pour ça, va falloir en vendre du bouquin ! Ou alors gagner au loto (rires).
On sait déjà que Ogrest fera 5 tomes. Est-ce que tout est déjà écrit ou tu laisses ton récit évoluer tout en gardant juste une ligne directrice ?
La trame principale d’Ogrest est écrite. J’aime poser les bases de mon récit avant de plonger dans le dessin. J’ai des notes dans tous les sens que je relis en permanence, pour ne rien laisser de côté. Mais je me laisse une part d’inconnu, pour pouvoir faire évoluer les choses, développer certains personnages un peu plus que prévu, ajouter des scènes…etc. Comme je sais où je vais, il est très simple d’ajouter des choses tout en veillant à ce que je ne dénature rien. Mais c’est une construction laborieuse et il faut garder le fil conducteur. Quand je suis sur les pages, j’ai des milliers d’idées en même temps, mais je dois faire un tri pour garder une cohérence. Certaines choses sont essentielles et je les mets en avant. D’autres sont des pièces de puzzle que je parsème au fil des planches et que le lecteur attentif et curieux pourra découvrir.
Tu es un auteur qui est pas mal connecté sur les réseaux sociaux et assez transparent sur son travail. Tu penses que c'est important d'être proche de tes lecteurs ? Qu'est-ce que cela t'apporte ?
J’aime pouvoir discuter en direct avec les lecteurs. Je ne fais vraiment pas ça pour un quelconque acte promotionnel et publicitaire. Et encore moins pour récolter des « likes » ou des compliments. J’ai grandi avec Internet, c’est un outil génial pour communiquer avec les autres. Et si j’écris des histoires c’est aussi pour l’échange. Sinon, je me contenterai de dessiner dans mes carnets uniquement pour moi. En dédicace aussi, je rencontre beaucoup de monde et quand on me pose des questions, je réponds tout aussi ouvertement. C’est d’ailleurs étrange car j’ai un caractère de vieil ours qui grogne par moment, du coup ça doit m’aider à m’ouvrir aux autres (rires).
J’aime cette idée d’échange de connaissance, c’est l’idée de base de l’Internet. Partager ! Et c’est aussi un moyen de resserrer les liens avec les autres auteurs, professionnels ou débutants. Beaucoup travaillent seuls chez eux, il est important d’avoir un moyen de communication pour nous lier et faire transiter les informations. Parmi mes lecteurs, beaucoup ont envie de vivre de leurs créations. En montrant mon travail, mes méthodes et mes outils, je peux en aider certains à avancer plus vite. J’ai fait des rencontres formidables grâce à ça, avec qui j’ai pu avoir des discussions passionnantes et lier de vraies amitiés.
Le tome 2 d’Ogrest arrive en octobre, le moment de nous faire un petit teasing de ce qu'il nous réserve pour terminer ? Sans spoiler bien sûr !
Dans ce tome 2, l’histoire va s’accélérer. Ogrest était habitué à vivre à son rythme sur l’île de son père. Non seulement ils étaient pépères, mais comme ce sont des êtres immortels, ils n’ont pas la même notion du temps qu’un mortel. Ogrest va connaitre la précipitation et n’aura jamais le temps de se poser pour réfléchir (ce qui n’est pas vraiment son fort !). De nouveaux personnages font leur apparition et il y aura de nombreuses révélations. Je dois avouer une chose, car j’ai pu déjà entendre certaines inquiétudes par rapport à ça : quelques personnes m’ont fait part de leur attente concernant le début de la quête des Dofus qui semble long à arriver, car on pourrait avoir l’impression que le récit va se transformer en Shonen, avec des Boss et des grosses bastons. Ogrest est plus un Seinen, je veux développer les personnages en profondeur. Cette quête aura bien lieu, mais pas du tout de la manière dont vous la pensez. C’est du spoil sans en être !
Merci à Mig et Ankama de cet agréable moment et de nous avoir accordé cette interview !
De Onukron [116 Pts], le 08 Février 2016 à 19h42
Merci de votre réponse mais je pense tout de même qu'il aurait fallut inclure cette anecdote au début de l'interview pour que des personne comme moi puissent comprendre d'autant plus que c'est une anecdote sympatique.
Et j'aurais aimé que vous lui demandiez pourqoi il lui a fallu un an de plus pour sortir le tome 2 qui devais sortir en novembre 2014 m'en si je me doute de sa réponse vu se qu'il a dit dans l'interview.
De mokochan [2269 Pts], le 08 Février 2016 à 12h50
Hello Onukron,
Voici toute l'histoire : en réalité, l'interview de Mig s'est déroulée lors de la Japan Expo 2015 (un fort bon moment avec cet auteur formidable, j'insiste !). Tout s'est passé pour le mieux, Japan Expo se termine, les interviews des uns et des autres sont envoyées pour qu'on en fasse la retranscription ... Sauf que MALHEUR, le dictaphone utilisé pour celle de Mig était plein ! Ce qui fait qu'on a récupéré que 1m30 d'interview sur plus de 3/4 d'heure d'échanges. Ce qui est peu, nous en conviendrons.
Il a donc fallu refaire les questions, que Mig y répondent de nouveau alors même qu'il est débordé de travail, qu'on retranscrive tout ça et qu'on envoie pour publication !
D'où le décalage spacioooo-temporel de tout ça ! Tout ça pour dire qu'on en a vu des vertes et des pas mûres avec cette itw, donc faut la savourer !
De Onukron [116 Pts], le 07 Février 2016 à 20h05
Merci pour cette interview de Mig car j'adore le manga Ogrest et c'est très intérèssent le seul problème c'est que visiblement l'interview a été faite avant la sortie du tome 2 donc en octobre 2015 et en plus vous nous ditesrécente rencontre que nous avons eue avec Mig alors que visiblement elle n'est pas récente du coup la question que j'ai à vous poser,admin de manganews, est pourquoi vous a t il fallu autant de temps pour mettre en ligne cette vidéo ?
De Bobmorlet [5629 Pts], le 07 Février 2016 à 19h57
Très intéressant! Et j'aime bien ce personnage.