Manga Entretien avec Masashi Tanaka (Gon)
Il est le créateur de l'un des petits monstres les plus célèbres du manga : Gon, autrefois édité chez Casterman, et republié depuis l'année dernière chez Pika Edition ! Présent en France fin août, Masashi Tanaka nous a accordé une interview lors de son passage à Paris à la librairie Aaapoum Bapoum.
Masashi Tanaka, merci d'avoir accepté cette interview. Comment vous est venue l'idée du manga Gon ? Comment avez-vous bâti cet univers ?
Masashi Tanaka : Gon, c'est l'histoire d'un monde sans êtres humains, où il n'y a que des animaux, et auquel j'ai ajouté un bébé qui est la créature la plus puissante sur Terre.
C'est pour ça que j'ai eu envie de lui donner l'apparence d'un petit dinosaure, car pour moi cela symbolise bien une impression de puissance. Mais moi-même je ne sais pas si ça en est vraiment un.
Pour faire bref, c'est un bébé très fort et capricieux, qui évolue de manière très libre.
Gon séduit par la précision, la richesse, la densité, le réalisme du design des nombreux animaux que le petit dinosaure croise. Comment avez-vous procédé pour les dépeindre de façon si réaliste ? Quelle était votre documentation ?
J'ai vu des émissions télévisées sur les animaux et autres documentaires, mais si je m'étais inspiré uniquement de ça ça n'aurait pas suffi. A partir de la documentation accumulée, j'ai donc décidé de me réapproprier les différents animaux pour en faire de vrais personnages. Par exemple, dans la série vous pouvez croiser un ours, un aigle ou un requin, mais ils ne sont pas tout à fait réalistes. J'ai fait quelques arrangements avec la réalité.
On peut déjà croiser beaucoup d'animaux dans Gon, mais je n'ai dessiné qu'une seule partie de ceux que j'avais dans l'idée de mettre en scène. En effet, quand j'ai pensé à Gon et à toutes les aventures qu'il pourrait vivre il m'est venu plein d'idées, mais je n'ai eu l'occasion d'en dessiner qu'une partie. Il pourrait y en avoir encore beaucoup d'autres.
Gon est une créature qui a un sacré caractère, et cela le met souvent dans des situations périlleuses. Il en découle beaucoup d'humour. L'aspect comique de la série était-il pensé dès le début ?
En réalité je n'avais pas vraiment l'intention de créer une série humoristique. Ce que je voulais, c'était montrer que Gon était vraiment à fond dans tout ce qu'il faisait, car c'est une créature très pure qui suit ses instincts primaires. Je pense que ce comportement donne naturellement un ressort comique à la série, mais cet humour n'est pas quelque chose que j'ai cherché à atteindre.
Pendant la publication de la série, beaucoup de lecteurs m'ont écrit en me disant « j'ai trouvé ça et ça très drôle », mais à la base ce ne sont pas des choses que j'avais prévu de rendre amusantes. Je crois que le série a un peu échappé à mon contrôle.
Gon compense sa petite taille par un caractère et un physique vraiment forts. Pourquoi avoir choisi ce contraste entre sa taille et sa force réelle ?
Je voulais faire un bébé, donc je n'ai jamais envisagé de lui offrir une grande taille. Je pense que ça aurait été moins intéressant et que ça fonctionnerait moins bien s'il avait été plus grand.
L'une des particularités de la série est qu'elle est muette : il n'y a aucun dialogue, pas de bulles. C'est un parti pris que vous avez choisi dès le départ ?
J'ai évité les bulles et textes car je voulais éviter les traductions et pouvoir m'adresser au public international de la manière la plus simple possible.
Mais il y a aussi une autre raison : j'estime ne pas être très doué pour écrire.
Donc au moment de concevoir la série, vous aviez déjà l'idée de l'exporter ?
Il y a de ça, mais je me suis également dit que ça paraîtrait bizarre que des animaux se mettent à parler. Je ne voulais pas que la série ressemble à une sorte de drame humain où les personnages auraient juste été des équivalents d'hommes dans des enveloppes d'animaux.
Après, je pensais que la série ne fonctionnerait pas au Japon.
Comment avez-vous géré le succès de la série à l'international ?
Je n'avais pas forcément anticipé la réaction du public de cette manière là, mais j'ai été bien sûr très heureux de voir que la série pouvait parler à des peuples très différents à travers le monde.
Quel était le public visé à la base ? Car Gon a été prépublié au Japon dans des magazines seinen, le Morning et l'Afternoon de Kôdansha, mais elle semble pouvoir plaire aussi au jeune public.
En fait je n'avais pas vraiment de public cible, c'est juste que ces magazines étaient les seuls prêts à publier la série.
C'est un peu un coup de chance que Gon ait pu être publié ainsi. J'aimerais plus d'ouverture éditoriale au Japon.
Le fait qu'il n'y a pas de répliques ou pas de filles, ça a dû refroidir les autres (rires).
La première apparition de Gon se fait dans Flash, un autre manga que vous avez créé en 1985-1986.
Je n'aime pas trop parler de Flash car c'est une oeuvre sur laquelle on m'a imposé beaucoup de choses, et je pense être passé à côté. Je crois qu'à cette époque j'avais déjà envie de faire un manga comme Gon, mais peut-être de manière inconsciente.
Et actuellement, sur quels projets êtes-vous ? Puisque vous disiez avoir encore des idées pour Gon, aimeriez-vous revenir sur la série ?
Là je travaille sur Gon en dessin animé. Le manga est une toute petite partie de ce que j'avais en tête. J'ai imaginé plein d'autres aventures, et en ce moment je fais un filtre pour voir ce qui serait bien en dessin animé .
En parallèle, j'aimerais un jour pouvoir concrétiser un autre projet de dessin animé ou de film montrant Gon de manière plus réaliste. En live ou en images de synthèse.
L'animation convient bien à l'image que vous vous faites de Gon ? Apportera-t-elle quelque chose de plus ? Pensez-vous que vous pourrez vous y lâcher encore plus ?
En fait ce n'est pas aussi simple que cela. Dès le départ j'avais plusieurs visions de Gon qui se bousculaient dans ma tête. La première que j'ai réussi à mettre en forme dans ma tête a abouti sur le manga. Ensuite j'ai tout de suite eu envie de faire une série animée s'adressant aux enfants mais j'ai toujours pensé que le design poussé et réaliste de Gon ne conviendrait pas. Aujourd'hui ça change. Il y a toujours une vision idéale de Gon que je n'arrive pas à mettre en forme. Je tâtonne selon les supports.
La série a d'abord été publiée en France il y a plusieurs années chez Casterman, puis a récemment fait son retour chez Pika. Comment avez-vous vécu le fait que l'on retrouve encore votre personnage chez nous des années plus tard ?
J'ai l'impression que c'est comme si le personnage avait grandi. Les lecteurs ont changé, une nouvelle génération le découvre. J'ai toujours eu le désir que Gon puisse être apprécié à la fois par les enfants et par les adultes à travers le monde, voilà que ça arrive, et j'espère qu'il saura encore conquérir aussi bien les générations à venir.
Aujourd'hui, si je suis venu en France, c'est surtout pour essayer de promouvoir la série animée. J'aimerais beaucoup que la série soit diffusée en France, car le manga Gon a une belle place dans votre pays où il a été réédité plusieurs fois. C'est une série sur laquelle je m'implique beaucoup, j'ai conçu pour elle beaucoup de synopsis, de storyboards et de designs, alors ça me tient vraiment à coeur si elle peut être diffusée en France. Et je dois vous avouer que l'un de mes rêves est de recevoir la médaille de chevalier des arts et des lettres. Merci pour l'attention que vous portez et porterez encore à mon oeuvre !
Remerciements à Masashi Tanaka, à son interprète, aux éditions Pika, et à la librairie Aaapoum Bapoum.
Masashi Tanaka, merci d'avoir accepté cette interview. Comment vous est venue l'idée du manga Gon ? Comment avez-vous bâti cet univers ?
Masashi Tanaka : Gon, c'est l'histoire d'un monde sans êtres humains, où il n'y a que des animaux, et auquel j'ai ajouté un bébé qui est la créature la plus puissante sur Terre.
C'est pour ça que j'ai eu envie de lui donner l'apparence d'un petit dinosaure, car pour moi cela symbolise bien une impression de puissance. Mais moi-même je ne sais pas si ça en est vraiment un.
Pour faire bref, c'est un bébé très fort et capricieux, qui évolue de manière très libre.
Gon séduit par la précision, la richesse, la densité, le réalisme du design des nombreux animaux que le petit dinosaure croise. Comment avez-vous procédé pour les dépeindre de façon si réaliste ? Quelle était votre documentation ?
J'ai vu des émissions télévisées sur les animaux et autres documentaires, mais si je m'étais inspiré uniquement de ça ça n'aurait pas suffi. A partir de la documentation accumulée, j'ai donc décidé de me réapproprier les différents animaux pour en faire de vrais personnages. Par exemple, dans la série vous pouvez croiser un ours, un aigle ou un requin, mais ils ne sont pas tout à fait réalistes. J'ai fait quelques arrangements avec la réalité.
On peut déjà croiser beaucoup d'animaux dans Gon, mais je n'ai dessiné qu'une seule partie de ceux que j'avais dans l'idée de mettre en scène. En effet, quand j'ai pensé à Gon et à toutes les aventures qu'il pourrait vivre il m'est venu plein d'idées, mais je n'ai eu l'occasion d'en dessiner qu'une partie. Il pourrait y en avoir encore beaucoup d'autres.
Gon est une créature qui a un sacré caractère, et cela le met souvent dans des situations périlleuses. Il en découle beaucoup d'humour. L'aspect comique de la série était-il pensé dès le début ?
En réalité je n'avais pas vraiment l'intention de créer une série humoristique. Ce que je voulais, c'était montrer que Gon était vraiment à fond dans tout ce qu'il faisait, car c'est une créature très pure qui suit ses instincts primaires. Je pense que ce comportement donne naturellement un ressort comique à la série, mais cet humour n'est pas quelque chose que j'ai cherché à atteindre.
Pendant la publication de la série, beaucoup de lecteurs m'ont écrit en me disant « j'ai trouvé ça et ça très drôle », mais à la base ce ne sont pas des choses que j'avais prévu de rendre amusantes. Je crois que le série a un peu échappé à mon contrôle.
Gon compense sa petite taille par un caractère et un physique vraiment forts. Pourquoi avoir choisi ce contraste entre sa taille et sa force réelle ?
Je voulais faire un bébé, donc je n'ai jamais envisagé de lui offrir une grande taille. Je pense que ça aurait été moins intéressant et que ça fonctionnerait moins bien s'il avait été plus grand.
L'une des particularités de la série est qu'elle est muette : il n'y a aucun dialogue, pas de bulles. C'est un parti pris que vous avez choisi dès le départ ?
J'ai évité les bulles et textes car je voulais éviter les traductions et pouvoir m'adresser au public international de la manière la plus simple possible.
Mais il y a aussi une autre raison : j'estime ne pas être très doué pour écrire.
Donc au moment de concevoir la série, vous aviez déjà l'idée de l'exporter ?
Il y a de ça, mais je me suis également dit que ça paraîtrait bizarre que des animaux se mettent à parler. Je ne voulais pas que la série ressemble à une sorte de drame humain où les personnages auraient juste été des équivalents d'hommes dans des enveloppes d'animaux.
Après, je pensais que la série ne fonctionnerait pas au Japon.
Comment avez-vous géré le succès de la série à l'international ?
Je n'avais pas forcément anticipé la réaction du public de cette manière là, mais j'ai été bien sûr très heureux de voir que la série pouvait parler à des peuples très différents à travers le monde.
Quel était le public visé à la base ? Car Gon a été prépublié au Japon dans des magazines seinen, le Morning et l'Afternoon de Kôdansha, mais elle semble pouvoir plaire aussi au jeune public.
En fait je n'avais pas vraiment de public cible, c'est juste que ces magazines étaient les seuls prêts à publier la série.
C'est un peu un coup de chance que Gon ait pu être publié ainsi. J'aimerais plus d'ouverture éditoriale au Japon.
Le fait qu'il n'y a pas de répliques ou pas de filles, ça a dû refroidir les autres (rires).
La première apparition de Gon se fait dans Flash, un autre manga que vous avez créé en 1985-1986.
Je n'aime pas trop parler de Flash car c'est une oeuvre sur laquelle on m'a imposé beaucoup de choses, et je pense être passé à côté. Je crois qu'à cette époque j'avais déjà envie de faire un manga comme Gon, mais peut-être de manière inconsciente.
Et actuellement, sur quels projets êtes-vous ? Puisque vous disiez avoir encore des idées pour Gon, aimeriez-vous revenir sur la série ?
Là je travaille sur Gon en dessin animé. Le manga est une toute petite partie de ce que j'avais en tête. J'ai imaginé plein d'autres aventures, et en ce moment je fais un filtre pour voir ce qui serait bien en dessin animé .
En parallèle, j'aimerais un jour pouvoir concrétiser un autre projet de dessin animé ou de film montrant Gon de manière plus réaliste. En live ou en images de synthèse.
L'animation convient bien à l'image que vous vous faites de Gon ? Apportera-t-elle quelque chose de plus ? Pensez-vous que vous pourrez vous y lâcher encore plus ?
En fait ce n'est pas aussi simple que cela. Dès le départ j'avais plusieurs visions de Gon qui se bousculaient dans ma tête. La première que j'ai réussi à mettre en forme dans ma tête a abouti sur le manga. Ensuite j'ai tout de suite eu envie de faire une série animée s'adressant aux enfants mais j'ai toujours pensé que le design poussé et réaliste de Gon ne conviendrait pas. Aujourd'hui ça change. Il y a toujours une vision idéale de Gon que je n'arrive pas à mettre en forme. Je tâtonne selon les supports.
La série a d'abord été publiée en France il y a plusieurs années chez Casterman, puis a récemment fait son retour chez Pika. Comment avez-vous vécu le fait que l'on retrouve encore votre personnage chez nous des années plus tard ?
J'ai l'impression que c'est comme si le personnage avait grandi. Les lecteurs ont changé, une nouvelle génération le découvre. J'ai toujours eu le désir que Gon puisse être apprécié à la fois par les enfants et par les adultes à travers le monde, voilà que ça arrive, et j'espère qu'il saura encore conquérir aussi bien les générations à venir.
Aujourd'hui, si je suis venu en France, c'est surtout pour essayer de promouvoir la série animée. J'aimerais beaucoup que la série soit diffusée en France, car le manga Gon a une belle place dans votre pays où il a été réédité plusieurs fois. C'est une série sur laquelle je m'implique beaucoup, j'ai conçu pour elle beaucoup de synopsis, de storyboards et de designs, alors ça me tient vraiment à coeur si elle peut être diffusée en France. Et je dois vous avouer que l'un de mes rêves est de recevoir la médaille de chevalier des arts et des lettres. Merci pour l'attention que vous portez et porterez encore à mon oeuvre !
Remerciements à Masashi Tanaka, à son interprète, aux éditions Pika, et à la librairie Aaapoum Bapoum.
De Feenie [117 Pts], le 15 Septembre 2016 à 16h41
J'ai eu la chance de rencontrer Masashi Tanaka durant la dédicace ! Merci pour cette interview. =)
De shunou, le 11 Septembre 2016 à 10h54
merci pour l'interview