Ciné-Asie Chronique ciné asie - Ip Man - La légende du grand maître
« Dix milles techniques partent de la ligne centrale »
Synopsis
1931, l’Empire du Japon, dans le cadre de sa politique hégémonique, envahit la Mandchourie puis, sur huit années de guerre, s’empare de la partie orientale de la Chine. Durant cette période, en 1937, les Japonais investissent la ville de Foshan, capitale des arts martiaux et, accessoirement, lieu de vie du légendaire Yip Man, maître parmi les maîtres. La ville se transforme en tas de ruines, les entreprises font faillite et Yip Man perd toute sa fortune. Un de ces belliqueux généraux japonais, et maître du Karaté, organise des tournois opposant les arts nippons et chinois : le pacifiste grand maître s’érigera seul contre cette décadence ; pour sa femme, son enfant et sa ville natale. Ainsi débuteront la renommée de l’art martial Wing Chun et le mythe de Yip Man.
L’art martial Wing Chun : une branche du Kung-fu Wüshù
L’expression « kung-fu » a en réalité un sens davantage général relatif à « une chose ayant demandé un effort régulier » : cela peut concerner bien des domaines (gastronomie, dessin, écriture, et cetera) ; l’art martial étant donc une catégorie de Kung-fu. L’art martial chinois est lui spécialement nommé par le terme Wüshù.
En conséquence, il convient de parler, pour être précis, de Kung-fu Wüshù. Le Wing Chun Kuen, « Boxe du printemps radieux » en cantonais, est, quant à lui une branche du Kung Fu Wüshù basé, notamment, su l’économie du mouvement ; il émergea au dix-septième siècle en Chine, pour avoir été enseigné avec la plus grande discrétion, dans les temples, au peuple Mandchou, lequel, sous prohibition de l’Empereur Kangxi, fut interdit d’exercer les arts martiaux, arme de défense et de protestation d’autrefois. Ci-dessous, une estampe de Ng Mui, vêtue de bleu, demoiselle bouddhiste qui serait à la source de la naissance de ce nouvel art.
Yip Man, grand maître du Wing Chun ; de la biographie au scénario : un hommage différencié
Le Wing Chun a subi une forte évolution au cours des époques, et Yip Man (photographie noir et blanc à droite ci-dessus) en cristallise une étape majeure ; car si certains s’empresseront de dire qu’il enseigna à des élèves qui devinrent parmi les plus réputés, Yip Man laissera surtout un héritage Wing Chun qui fit de celui-ci l’un des arts martiaux chinois les plus usités et répandu à travers le monde. De son nom de naissance Yip Kai-Man, et pour être né le 6 novembre 1893 à Foshan dans le sud-est de la Chine, il grandit dans une famille aisée et en reçu l’éducation la plus respectueuse des canons traditionnels de l’époque associée à une philosophie confucianiste.
Après s’être rendu à Hong Kong lors de ses quinze ans, notamment pour des raisons relatives à ses études, Yip Man fera retour à Foshan durant ses vingt-quatre. Il rejoindra les rangs de l’armée pendant la guerre puis la police de Foshan., en qualité de capitaine. En 1949, au regard de la montée des courants communistes en République Populaire de Chine, Yip Man, alors âgé de cinquante-six ans, trouvera refuge jusqu’à Hong Kong : cela serait ainsi que, poussé par des nécessités financières, le maître commença à enseigner, de manière significative, sa vision du Wing Chun ; il ouvrira par la suite une école, laquelle ne cessera de croître par sa réputation. En 1955, alors âgé de soixante-deux-ans, un jeune homme rejoindra les bancs de son école, un certain Lee Siu Lung : plus tard, ce dernier sera connu sous le nom de Bruce Lee.
On l’aura compris, si le film n’est pas la fidèle biographie de Yip Man, il s’en inspire et ne manque pas d’honorer, assez allègrement, le grand maître ; lui conférant, à certains endroits, une aura quasi-divine.
Sur fonds historique, une réalisation rendant hommage à notre culture populaire
Sur près de deux heures, Wilson Lip livre avec IP Man -La légende du grand maître un film de kung-fu comme il n’en avait point été fait depuis longtemps, alliant codes du genre et environnement historique. Ce réalisateur bien connu du cinéma d’action hongkongais n’aura jamais paru confectionner meilleure production, surtout au regard de son précédent « Flash Point ».
Si nous sommes habitués à la bien-pensance cinématographique américaine, le cinéma chinois est, lui, empreint, dans une moindre mesure, d’un léger miroir déformant à l’égard de l’invasion japonaise : imagée tel un démon. Bien que cela fût une époque manifestement douloureuse, inadmissible et désastreuse, le nationalisme chinois qui opère une coloration sur le scénario – à raison d’une politique propagandiste qui dégouline jusque dans les tiroirs du septième art – cette thématique, au combien sensible, manquera parfois, disons-le, de finesse dans son traitement ; enfin, n’y attachons guère d’importance tant le film est empli de bien des qualités.D’autant que le sombre prisme de l’invasion japonaise conférera au film une pâte d’une certaine gravité, et indispensable, durant sa seconde moitié.
Et lorsque ledit film se revêt des codes peu sophistiqués de quelques prestations du genre – à savoir notamment les agitations exagérées de certains protagonistes –, le sentiment maladroit qu’ils auraient pu évoquer s’estompe subrepticement face à l’enthousiasme grandissant nous saisissant au fur et à mesure du déploiement du récit. La réalisation rythmée et assez maîtrisée, couplée de décors immersifs, en dépit d’un voile historique parfois relevant de l’à peu près, et sur fond de romance, servira de terreau à des scènes d’action du plus bel effet qui sauront hautement ravir les adeptes du genre.
Un Wing Chun relativement réaliste pour des scènes d’affrontements devenues célèbres
Les affrontements, indubitable point fort du film, sont, reconnaissons-le sans mal, même aux yeux d’un profane, d’une exécution assez impressionnante. L’on retrouvera à cette occasion, pour la chorégraphie, le fameux Sammo Hung (réputé en France pour « Le flic de Shanghaï » – quelle sublime référence – lui que nous retrouverons pour la suite des opérations, avec grand plaisir, dans Ip Man 2) pour des enchaînements et techniques toujours aussi fluides. Ajoutons à cela, la prestation d’un professionnalisme plutôt ahurissant de Donnie Yen (réalisme, rapidité et jeu d’acteur tout en retenu) et vous obtenez une démonstration d’arts martiaux cinématographiquement rarement égalée.
Par ailleurs, certaines scènes d’escarmouches sont parfois très respectueuses des particularités du style du grand maître, notamment l’art du Dragon-pole résidant dans l’utilisation du bâton long. Aussi, s’il y a, dans sa présentation, une relative idéalisation de l’art martial de Yip Man, et s’il apparaît parfois tel un surhumain inébranlable, la gravité des combats sera néanmoins belle et bien présente. On appréciera également une contextualisation diversifiée de ceux-là ; les joutes se dérouleront tantôt, savoir : depuis la maison traditionnelle bourgeoise d’époque jusqu’au ring grand public, en passant par une usine de coton ou, encore, une sorte de dojo-prison de fortune.
Et, si, dans un premier temps, les affrontements laissent apparaître une utilisation davantage défensive de la boxe Wing Chun, celle-ci va, lors de la seconde partie du film, s’affirmer et se déployer dans des chorégraphies davantage offensives, mais aussi, en conséquence, autrement violente : faisant ainsi monter, non sans habilité, l’intérêt, voire la jubilation, du public.
Encore, quelques séquences du film feront écho à des moments, plus ou moins avérés, de la vie de Yip Man : lui qui défendra – selon un témoigne ultérieur d’un de ses amis proches – son épouse des coups d’un représentant des forces de l’ordre étranger. Si tout ce que susdit pu contribuer à doter « Yip Man : La légende du grand maître » de scènes d’affrontements devenues cultes parmi les fanas du genre, ces prestations n’auraient pu avoir meilleur rendu sans le casting adéquat.
Un casting tout à la fois hétéroclite et équilibré
Du côté féminin, le rôle de l’épouse du grand maître est endossé par le top-modèle hongkongais Lynn Hung, dont le jeu réservé sied assez allègrement à l’aspect traditionnel ; si elle peut jouir d’une certaine réputation en Chine lui permettant de tourner au rythme de croisière d’un film par an, en occident nous ne la retrouverons que lors des épisodes d’Ip Man 2 et 3 qui pourront suivre. Le « grand vilain garçon » ou antagoniste principal, est interprété Hiroyuki Ikeuchi ; dont le ressenti parfois androgyne renforcera le sentiment paradoxal de sa fascination à l’égard d’Ip Man ; un acteur qui, s’il peut être assez réputé au Japon, ne sera probablement jamais aperçu physiquement en France ailleurs que dans cette production.
Bien qu’assez en retrait, mais toujours juste, le prolifique Simon Yam occupera une place assez névralgique dans le récit : symbole, à certains endroits, de la déconfiture et de la déchéance causées par les guerres. Aussi, on aura bien évidemment apprécié l’acteur hongkongais et professionnel des arts martiaux Louis Fan Siu-Wong, lequel est un habitué des productions du genre : s’il s’affère ici à un paysan pseudo rebelle, et assez adolescent dans sa structure mentale, il le fera non sans mal et, surtout, fournira comme il se doit la réplique physique à Donnie Yen.
Mise à l’honneur de Donnie Yen : renouveau d’un genre, nouvelle icône
Si le film est celui du réalisateur Wilson Lip, il n’aurait manifestement pu être ce qu’il devint sans la prestation exceptionnelle de sa nouvelle mascotte et désormais célèbre, jusque dans nos contrées occidentales, Donnie Yen. Car s’il incombait de soulever son professionnalisme des arts martiaux, lui qui est également « action director » de renom, son jeu d’acteur n’est pas en reste : épuré et juste, jusque dans les volets dramatiques. Quand bien même certains pourront reprocher de lui cette image élégante, voire racée, placide et ultra-flegmatique, parfois lointaine de l’idée que l’on pourrait se faire d’un maître des arts martiaux.
Aussi, et cependant, si de nombreux acteurs ont pu se prêter à endosser la tunique de Yip Man, probablement, et malgré tout, le grand public gardera à l’esprit, parmi ceux-là et pour fort longtemps, en premier rang devant tous les autres, Donnie Yen : et nous n’aurons guère de mal à comprendre cela, tant le costume semble lui avoir été taillé sur mesure. L’on regarde le dernier affrontement de ce film et, par interstices, nous nous rappellerons peut-être la fin de « La Fureur du Dragon » avec Bruce Lee ; dont chacun appréciera la valeur de ses deux productions sur analyse comparative qui lui sera personnelle ; mais résolument deux petits chefs-d’œuvre de cet univers.
Un siège parmi les plus grands films d’arts-martiaux
En dépit d’un prisme historique parfois troublé et l’usage de certains codes récurrents, l’association relativement maîtrisée de drame, de romance et d’action font de « Ip Man : la légende du grand maître » un film de Kung Fu d’une qualité rarissime ; laquelle lui ouvre la porte du panthéon du genre. Du cinéma de divertissement certes, mais un grand film d’arts martiaux comme on en faisait plus ; et comme il sera peut-être difficile d’en refaire ; mais ne nous inquiétons point, Ip Man 2 et 3 apparaissent fièrement à l’horizon.
Proverbe cantonais Wing Chun.
Synopsis
1931, l’Empire du Japon, dans le cadre de sa politique hégémonique, envahit la Mandchourie puis, sur huit années de guerre, s’empare de la partie orientale de la Chine. Durant cette période, en 1937, les Japonais investissent la ville de Foshan, capitale des arts martiaux et, accessoirement, lieu de vie du légendaire Yip Man, maître parmi les maîtres. La ville se transforme en tas de ruines, les entreprises font faillite et Yip Man perd toute sa fortune. Un de ces belliqueux généraux japonais, et maître du Karaté, organise des tournois opposant les arts nippons et chinois : le pacifiste grand maître s’érigera seul contre cette décadence ; pour sa femme, son enfant et sa ville natale. Ainsi débuteront la renommée de l’art martial Wing Chun et le mythe de Yip Man.
L’art martial Wing Chun : une branche du Kung-fu Wüshù
L’expression « kung-fu » a en réalité un sens davantage général relatif à « une chose ayant demandé un effort régulier » : cela peut concerner bien des domaines (gastronomie, dessin, écriture, et cetera) ; l’art martial étant donc une catégorie de Kung-fu. L’art martial chinois est lui spécialement nommé par le terme Wüshù.
En conséquence, il convient de parler, pour être précis, de Kung-fu Wüshù. Le Wing Chun Kuen, « Boxe du printemps radieux » en cantonais, est, quant à lui une branche du Kung Fu Wüshù basé, notamment, su l’économie du mouvement ; il émergea au dix-septième siècle en Chine, pour avoir été enseigné avec la plus grande discrétion, dans les temples, au peuple Mandchou, lequel, sous prohibition de l’Empereur Kangxi, fut interdit d’exercer les arts martiaux, arme de défense et de protestation d’autrefois. Ci-dessous, une estampe de Ng Mui, vêtue de bleu, demoiselle bouddhiste qui serait à la source de la naissance de ce nouvel art.
Yip Man, grand maître du Wing Chun ; de la biographie au scénario : un hommage différencié
Le Wing Chun a subi une forte évolution au cours des époques, et Yip Man (photographie noir et blanc à droite ci-dessus) en cristallise une étape majeure ; car si certains s’empresseront de dire qu’il enseigna à des élèves qui devinrent parmi les plus réputés, Yip Man laissera surtout un héritage Wing Chun qui fit de celui-ci l’un des arts martiaux chinois les plus usités et répandu à travers le monde. De son nom de naissance Yip Kai-Man, et pour être né le 6 novembre 1893 à Foshan dans le sud-est de la Chine, il grandit dans une famille aisée et en reçu l’éducation la plus respectueuse des canons traditionnels de l’époque associée à une philosophie confucianiste.
Après s’être rendu à Hong Kong lors de ses quinze ans, notamment pour des raisons relatives à ses études, Yip Man fera retour à Foshan durant ses vingt-quatre. Il rejoindra les rangs de l’armée pendant la guerre puis la police de Foshan., en qualité de capitaine. En 1949, au regard de la montée des courants communistes en République Populaire de Chine, Yip Man, alors âgé de cinquante-six ans, trouvera refuge jusqu’à Hong Kong : cela serait ainsi que, poussé par des nécessités financières, le maître commença à enseigner, de manière significative, sa vision du Wing Chun ; il ouvrira par la suite une école, laquelle ne cessera de croître par sa réputation. En 1955, alors âgé de soixante-deux-ans, un jeune homme rejoindra les bancs de son école, un certain Lee Siu Lung : plus tard, ce dernier sera connu sous le nom de Bruce Lee.
On l’aura compris, si le film n’est pas la fidèle biographie de Yip Man, il s’en inspire et ne manque pas d’honorer, assez allègrement, le grand maître ; lui conférant, à certains endroits, une aura quasi-divine.
Sur fonds historique, une réalisation rendant hommage à notre culture populaire
Sur près de deux heures, Wilson Lip livre avec IP Man -La légende du grand maître un film de kung-fu comme il n’en avait point été fait depuis longtemps, alliant codes du genre et environnement historique. Ce réalisateur bien connu du cinéma d’action hongkongais n’aura jamais paru confectionner meilleure production, surtout au regard de son précédent « Flash Point ».
Si nous sommes habitués à la bien-pensance cinématographique américaine, le cinéma chinois est, lui, empreint, dans une moindre mesure, d’un léger miroir déformant à l’égard de l’invasion japonaise : imagée tel un démon. Bien que cela fût une époque manifestement douloureuse, inadmissible et désastreuse, le nationalisme chinois qui opère une coloration sur le scénario – à raison d’une politique propagandiste qui dégouline jusque dans les tiroirs du septième art – cette thématique, au combien sensible, manquera parfois, disons-le, de finesse dans son traitement ; enfin, n’y attachons guère d’importance tant le film est empli de bien des qualités.D’autant que le sombre prisme de l’invasion japonaise conférera au film une pâte d’une certaine gravité, et indispensable, durant sa seconde moitié.
Et lorsque ledit film se revêt des codes peu sophistiqués de quelques prestations du genre – à savoir notamment les agitations exagérées de certains protagonistes –, le sentiment maladroit qu’ils auraient pu évoquer s’estompe subrepticement face à l’enthousiasme grandissant nous saisissant au fur et à mesure du déploiement du récit. La réalisation rythmée et assez maîtrisée, couplée de décors immersifs, en dépit d’un voile historique parfois relevant de l’à peu près, et sur fond de romance, servira de terreau à des scènes d’action du plus bel effet qui sauront hautement ravir les adeptes du genre.
Un Wing Chun relativement réaliste pour des scènes d’affrontements devenues célèbres
Les affrontements, indubitable point fort du film, sont, reconnaissons-le sans mal, même aux yeux d’un profane, d’une exécution assez impressionnante. L’on retrouvera à cette occasion, pour la chorégraphie, le fameux Sammo Hung (réputé en France pour « Le flic de Shanghaï » – quelle sublime référence – lui que nous retrouverons pour la suite des opérations, avec grand plaisir, dans Ip Man 2) pour des enchaînements et techniques toujours aussi fluides. Ajoutons à cela, la prestation d’un professionnalisme plutôt ahurissant de Donnie Yen (réalisme, rapidité et jeu d’acteur tout en retenu) et vous obtenez une démonstration d’arts martiaux cinématographiquement rarement égalée.
Par ailleurs, certaines scènes d’escarmouches sont parfois très respectueuses des particularités du style du grand maître, notamment l’art du Dragon-pole résidant dans l’utilisation du bâton long. Aussi, s’il y a, dans sa présentation, une relative idéalisation de l’art martial de Yip Man, et s’il apparaît parfois tel un surhumain inébranlable, la gravité des combats sera néanmoins belle et bien présente. On appréciera également une contextualisation diversifiée de ceux-là ; les joutes se dérouleront tantôt, savoir : depuis la maison traditionnelle bourgeoise d’époque jusqu’au ring grand public, en passant par une usine de coton ou, encore, une sorte de dojo-prison de fortune.
Et, si, dans un premier temps, les affrontements laissent apparaître une utilisation davantage défensive de la boxe Wing Chun, celle-ci va, lors de la seconde partie du film, s’affirmer et se déployer dans des chorégraphies davantage offensives, mais aussi, en conséquence, autrement violente : faisant ainsi monter, non sans habilité, l’intérêt, voire la jubilation, du public.
Encore, quelques séquences du film feront écho à des moments, plus ou moins avérés, de la vie de Yip Man : lui qui défendra – selon un témoigne ultérieur d’un de ses amis proches – son épouse des coups d’un représentant des forces de l’ordre étranger. Si tout ce que susdit pu contribuer à doter « Yip Man : La légende du grand maître » de scènes d’affrontements devenues cultes parmi les fanas du genre, ces prestations n’auraient pu avoir meilleur rendu sans le casting adéquat.
Un casting tout à la fois hétéroclite et équilibré
Du côté féminin, le rôle de l’épouse du grand maître est endossé par le top-modèle hongkongais Lynn Hung, dont le jeu réservé sied assez allègrement à l’aspect traditionnel ; si elle peut jouir d’une certaine réputation en Chine lui permettant de tourner au rythme de croisière d’un film par an, en occident nous ne la retrouverons que lors des épisodes d’Ip Man 2 et 3 qui pourront suivre. Le « grand vilain garçon » ou antagoniste principal, est interprété Hiroyuki Ikeuchi ; dont le ressenti parfois androgyne renforcera le sentiment paradoxal de sa fascination à l’égard d’Ip Man ; un acteur qui, s’il peut être assez réputé au Japon, ne sera probablement jamais aperçu physiquement en France ailleurs que dans cette production.
Bien qu’assez en retrait, mais toujours juste, le prolifique Simon Yam occupera une place assez névralgique dans le récit : symbole, à certains endroits, de la déconfiture et de la déchéance causées par les guerres. Aussi, on aura bien évidemment apprécié l’acteur hongkongais et professionnel des arts martiaux Louis Fan Siu-Wong, lequel est un habitué des productions du genre : s’il s’affère ici à un paysan pseudo rebelle, et assez adolescent dans sa structure mentale, il le fera non sans mal et, surtout, fournira comme il se doit la réplique physique à Donnie Yen.
Mise à l’honneur de Donnie Yen : renouveau d’un genre, nouvelle icône
Si le film est celui du réalisateur Wilson Lip, il n’aurait manifestement pu être ce qu’il devint sans la prestation exceptionnelle de sa nouvelle mascotte et désormais célèbre, jusque dans nos contrées occidentales, Donnie Yen. Car s’il incombait de soulever son professionnalisme des arts martiaux, lui qui est également « action director » de renom, son jeu d’acteur n’est pas en reste : épuré et juste, jusque dans les volets dramatiques. Quand bien même certains pourront reprocher de lui cette image élégante, voire racée, placide et ultra-flegmatique, parfois lointaine de l’idée que l’on pourrait se faire d’un maître des arts martiaux.
Aussi, et cependant, si de nombreux acteurs ont pu se prêter à endosser la tunique de Yip Man, probablement, et malgré tout, le grand public gardera à l’esprit, parmi ceux-là et pour fort longtemps, en premier rang devant tous les autres, Donnie Yen : et nous n’aurons guère de mal à comprendre cela, tant le costume semble lui avoir été taillé sur mesure. L’on regarde le dernier affrontement de ce film et, par interstices, nous nous rappellerons peut-être la fin de « La Fureur du Dragon » avec Bruce Lee ; dont chacun appréciera la valeur de ses deux productions sur analyse comparative qui lui sera personnelle ; mais résolument deux petits chefs-d’œuvre de cet univers.
Un siège parmi les plus grands films d’arts-martiaux
En dépit d’un prisme historique parfois troublé et l’usage de certains codes récurrents, l’association relativement maîtrisée de drame, de romance et d’action font de « Ip Man : la légende du grand maître » un film de Kung Fu d’une qualité rarissime ; laquelle lui ouvre la porte du panthéon du genre. Du cinéma de divertissement certes, mais un grand film d’arts martiaux comme on en faisait plus ; et comme il sera peut-être difficile d’en refaire ; mais ne nous inquiétons point, Ip Man 2 et 3 apparaissent fièrement à l’horizon.