Chronique animation - Sky Crawlers- Actus manga
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Dvd Chronique animation - Sky Crawlers

Mardi, 21 Juillet 2015 à 11h30

Après un long silence, Mamoru Oshii revient à ses amours avec Sky Crawlers. Sorti au Japon en 2008, et le 26 janvier 2010 en France, directement en DVD et Blu-Ray, c’est sa véritable création depuis longtemps. Peu productif, il s’était plutôt concentré sur la série des Ghost In The Shell ainsi que sur son deuxième volume, un tantinet trop philosophique et lent, déséquilibrant le "style Oshii".
Le mariage d’actions spectaculaires et de réflexions intimes revient en force dans ce conte steampunk.


Anime à la Dynamite

Les scènes de synthèse pure se mêlent à l’anime traditionnel, marquant grossièrement la rupture entre les phases de grands spectacles et les malaises introspectifs. Les unes ne jurent pas avec les autres, elles se conjuguent même, comme dans le Métropolis de Rintaro.
L’univers militaire imaginaire de Sky Crawlers - L'Armée du Ciel est, comme toujours avec Oshii, soigné, stylé, mature, innovant et réaliste. Le célèbre cinéaste nippon n’a pas voulu faire une simple ode aux codes rigides du steampunk, comme le décevant Steamboy de Katsuhiro Otomo. Soyons clairs, les batailles de l’air sont du jamais vu. Les carlingues, les prises de vues à mille à l'heure, les horizons nuageux dantesques, les douilles, les impacts : ces scènes nous tombent dessus comme des bombes chiadées. Elles se regardent encore et encore pour le délice des sens.
Du cadrage à la la fluidité de l’animation, en passant par le design, le soin méticuleux apporté à la 3D et la tension dramatique qui vous prend dans pratiquement chaque scène : Sky Crawlers est un fleuron du genre "tadadadada !!!"


La Guerre, c'est la Vie

Mamoru Oshii poursuit la philosophie de son œuvre. La sensation d'irréalité explicitée dans l'article sur Avalon s’incarne ici en Yûichi, le personnage principal : cœur froid, mental aimant.
Le mal-être des Kindred (enfants qui ne grandissent pas et font la guerre) est comme un reflet de l’état d’âme du réalisateur. Les nuances apportées à cette thématique par Sky Crawlers, aussi bien au niveau des personnages que du scénario, montrent l’avancée de la pensée de l’auteur.
Ici, on s’attache malgré tout à cette bande d’aviateurs bien vivants et hétéroclites. Le héros asphyxie l’atmosphère, mais c’est la marque d’Oshii qui donne à l’anime cette teinte mélancolique caractéristique. Surtout, derrière cela, l'on découvre une ouverture sur le bonheur et un dépassement de ce pessimisme que ses œuvres précédentes ne comportaient pas aussi clairement. Au final, autour de Yûichi, la vie s’organise et prend le dessus sur son manque d'expressivité, au lieu de se laisser entraîner avec lui. En retour, l'aviateur à la jeunesse éternelle perçoit que la vie se déploie autour de lui et s'en réjouit comme il s'en accommode - contrairement aux autres films d'Oshii où tout semblait vivre à ce rythme dépressif.


La vraie vie recherchée dans Avalon est ici bien présente : c'est la stimulation procurée par la guerre du ciel et la mort réelle. D'où cette joie qui irradie en dépit des silences, la mélancolie ne tend pas au spleen, mais à l'état de grâce. Et si ici le monde est en paix, mais "se force" à faire une guerre des plus sérieuses, c'est pour cette nécessité de contempler et de sentir la destruction, la mort, car composantes intrinsèques des systèmes et de l'humain.
Vu ainsi, alors : la paix c'est stagner ; et la paix éternelle, un concept de l'esprit qui n'a rien à voir avec l'évolution de l'humanité, c'est une invention. Ce genre de paix détruit l'humanité plus qu'elle ne la préserve. La condition des "Kindred" peut être vue comme au centre de cette contradiction. 


Temps suspendu, temps accéléré

Sky Crawlers – L’Armée du Ciel est une nouvelle œuvre finie, une œuvre d’auteur maîtrisée sous le format anime, une pièce nouvelle et vivifiante dans l’univers à part de ce cinéaste nippon.
Au lieu de faire du surplace, Oshii s’est abstenu plusieurs années et revient pour nous proposer quelque chose de croustillant, de neuf, du plaisir pour les yeux, des défis pour les animateurs sans se départir de ce qui fait l’essence de son art. Plus abouti et moins brouillon qu’un GITS 2 - où la réflexion adopte l'apparence d'un serpent se mordant la queue - Sky Crawlers est une nouvelle aventure. Le réalisateur joue à merveille, et avec plus de talent que jamais, avec les moments d'accalmie où le temps s’étire à l’infini, et les moments d'hypervitesse, calibrés, bruyants, explosifs, magnifiques visuellement, et qui vous laissent pantois.
La découverte des intrigues suit ce fil : la première heure abreuve de ces silences qui en disent long, mais laissent un doute sur les intentions des personnages puis, comme des explosions verbales, de longues tirades, plus profondes qu'attendues, découvrent les tensions sous-jacentes de l’œuvre entière, et font prendre conscience des réels enjeux.


Oshii / Tarantino

Un peu comme le travail des cascades sur le mal-aimé Deathproof de Quentin Tarantino - à une époque où l’on pensait le génial cinéaste américain mort avant qu’il ne sorte Inglorious Basterds - les scènes d'avions de Sky Crawlers se hissent au top du top de ce qui se fait.
Ces deux iconoclastes créent le cinéma et le pensent. Il faut donc extraire toute la substance et la réflexion avant de poser un jugement hâtif. Souvent les artistes contemporains sont jugés avec des critères peu intéressants ayant pour socles l'audience et les critiques, les auteurs de ces dernières ne pouvant envisager l'idée même que l'on puisse penser autrement qu'eux.
Si le cinéma adopte un langage qu’on a assimilé, certains cinéastes sont des poètes qui brouillent la perception première de la prose évidente. Mais le plaisir instinctif ressort toujours, car le cinéma reste avant tout une jouissance immédiate. Par conséquent les jeunes générations, ou ceux qui savent regarder sans arrière-pensée, ressentent cette puissance évocatrice et ne se perdent pas dans les rouages de la réflexion.

commentaires

Anvil

De Anvil [830 Pts], le 21 Juillet 2015 à 17h17

J'en ai entendu parler dans le Nyusu Show. Merci pour le dossier ! Ca a l'air vraiment très bon !

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