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Manga Chronique série manga - Kenshin le vagabond

Dimanche, 17 Mai 2015 à 09h00

« Les gros poissons mangent toujours les petits ». C'est l'un des principaux antagonistes du manga qui le dit. Suivant cette citation, on serait tentés d'écrire : « les grands shonens surclassent toujours les petits ». Kenshin est de ceux-là. Kenshin est un grand shonen et un grand manga tout court. Servi dans une superbe édition Perfect en 22 tomes qui lui rend parfaitement hommage, reléguant aux oubliettes toutes les autres, le manga de Nobuhiro Watsuki est une franche réussite.



Oyo ? Vous ne connaissez pas Kenshin ? Ah, et bien alors, déjà, le mot introduisant ce début de paragraphe, « oyo », ne doit pas vous dire grand-chose. Les lignes qui suivent devraient vous convaincre d'une chose : ne passez pas à côté de ce classique parmi les classiques.

L'histoire se passe en 1878 à Tokyo. L'ère Meiji a été instaurée après une période de crise et de longs combats ayant duré plus de 15 ans. Nous suivons Kenshin Himura, un homme dont on peine à deviner l'âge, au visage candide, plutôt petit, chevelure rousse, portant un sabre alors que c'est interdit par le nouveau gouvernement. Kenshin cache un lourd passé. Il cherche dans le vagabondage une façon d'expier ses péchés, en protégeant les plus faibles. Pour autant, il refuse de tuer ses ennemis. Pour cela, il dispose d'un sabre original, à lame inversée, permettant de porter des coups qui ne tranchent pas, mais assomment.



Mais le passé de Kenshin va le rattraper. Durant le Bakumatsu, la période de 1853 à 1868 précédant l'ère Meiji, il était un autre homme. Surnommé Battosaï l'assassin (« maître pour dégainer l'épée »), il appartenait au groupe des patriotes pro-impérialistes, luttant contre les forces shogunales. C'est durant cette période que le Japon rompit avec sa politique isolationniste, s'ouvrant à l'Occident, et modernisant son système féodal. Le passé ne peut être mis de côté si facilement. Kenshin s'en rendra compte : pour protéger les nouvelles personnes qui lui sont chères, il devra renouer avec le sabre. Mais il refusera toujours de tuer et de redevenir la bête sauvage dans un état de transe qui assassina des centaines de combattants.

Avec ce synopsis, on pourrait croire que Kenshin est un manga historique, plutôt tourné vers les genres seinen ou gekiga, proche des mangas de Takehiko Inoue, Hiroshi Hirata ou Kazuo Koike, spécialistes des mangas de sabre intimiste (Vagabond) ou ancrés dans un contexte réaliste (Lone wolf and cub, Satsuma...). Si l'aspect historique joue un rôle à part entière, comme en témoignent les nombreuses références présentes dans les différents tomes, toujours bien expliquées par l'éditeur français dans de petits Nota bene, Kenshin est un shonen, un vrai de vrai. Il use et abuse des ficelles du genre...mais contrairement à beaucoup d'autres, il le fait intelligemment ! On échappe heureusement aux plus grosses, qui n'auraient rien eu à voir avec la trame développée : on remarquera par exemple l'absence de tournoi. Pour le reste, l'auteur joue la carte du classique tout en insérant des éléments réellement propres, ce qui en fait un shonen vraiment à part.


D'un côté, des éléments vus et revus : attaques shonenesques (avec quelques capacités ultraspéciales chez les ennemis...les rendant au mieux très classes, au pire carrément excentriques et jurant avec le reste du manga, sans atteindre le ridicule d'un Black cat ou d'un Get backers), gentils combattant des méchants, une petite bande se réunissant autour du héros... De l'autre côté, et là cela devient intéressant : un ton plus sombre, une maturité plus affirmée et une violence plus présente que dans les autres shonens du Jump (des membres découpés, du sang, des décapitations), quelques personnages intrigants, car non manichéens (on pense ici à Aoshi et Saito), un message philosophique se développant au gré des tomes. Kenshin, c'est l'histoire d'un combattant d'exception, qui par conviction s'est impliqué corps et âme dans une période politique trouble, mais ne renonçant pas à ses idéaux. On a là un shonen à la fois classique et original, et ce mélange constitue évidemment une de ses grandes forces. Le manga donne en tous les cas une interprétation fine et travaillée de la question : la fin justifie-t-elle les moyens ?



Le manga se construit autour d'arc narratifs bien identifiés, et la transition entre les deux arcs majeurs a été pensée en amont par l'auteur, ce qui est à souligner, car tous les mangakas ne prennent pas cette peine ! Après quelques tomes de présentation où Kenshin réunit (sans le vouloir) une petite bande de fidèles autour de lui, le premier véritable arc consistera à aller sauver un personnage dont les motivations et le passé rappellent ceux de Kenshin, et qui deviendra plus tard le second rôle féminin. Cela sera aussi l'occasion de rencontrer un personnage taciturne à l'esprit énigmatique. Le second arc, c'est le fameux « arc Shishio », du nom du méchant (très méchant), sanguinaire comme il faut qui souhaite s'emparer du pouvoir central pour diriger le Japon, profitant des erreurs et de l'instabilité du début de l'ère Meiji. Kenshin devra intervenir, car il est le seul dont les capacités au sabre et la volonté permettraient d'arrêter Shishio. Le troisième et dernier arc peut être appelé « arc Enishi » : Kenshin devra faire face à son passé. Comme vous pouvez le constater, l'auteur a créé quelque chose de très homogène : tandis que l'arc Shishio est centré sur un Kenshin qui combat par conviction, l'arc Enishi est centré sur un Kenshin qui combat par obligation pour se libérer de son passé. Les enjeux ne sont pas les mêmes, et l'auteur a su insuffler une vraie continuité à son manga. Le passé de Kenshin ne sera révélé que sur le tard, suivant une logique implacable.



Alors, évidemment, tout n'est pas parfait.
Du côté des grands regrets, on peut noter :
- une linéarité qui s'installe de temps à autre, lorsque par exemple l'auteur ne trouve pas autre chose que le schéma « un combat par pièce » pour faire avancer ses héros, ou encore certains « un contre un » qui manquent de dynamisme et d'impact
- un premier rôle féminin pas assez travaillé, trop cliché, trop niais, qui n'évoluera jamais réellement, trop peu creusé psychologiquement (il n'y a qu'à voir elle accepte Kenshin et son passé dans le premier tome...l'auteur ne reviendra jamais dessus, et c'est bien dommage) ; le second rôle féminin est, paradoxalement, plus intéressant, mais moins mis en valeur (il y a de ces personnages de manga, parfois, qui n'ont pas de chance...)
- un arc Enishi plus en dents-de-scie que l'arc Shishio. L'arc Enishi, ce sont des hauts très hauts, et des déceptions plus amères, tandis que l'arc Shishio est une montée en puissance permanente jusqu'au génial gros combat
- quelques facilités en général (exemples : le personnage de Shishio excellent...mais finalement très manichéen ; le retour de Kenshin à sa personnalité bestiale qui fait un peu souffler qui se dégonfle...mais on ne peut trop vous en dire non plus sous peine de spoiler)
- le personnage de Kenshin trop en retrait sur la toute fin du manga (les derniers chapitres)
- le plus gros raté du manga : les ennemis secondaires de l'arc Enishi qui ne servent à rien, dont les motivations ne seront jamais détaillées...


Face à cela, le manga offre toutefois des arguments puissants :
- Une intrigue qui ne traîne jamais en longueur, c'est suffisamment rare dans un shonen pour le signaler
- L'humour omniprésent, et toujours utilisé à bon escient, contrebalançant des moments plus noirs : là encore, un mélange aussi maîtrisé force le respect
- Les personnages d'Aoshi et Saito, aux psychologies compliquées
- Le superbe combat contre Shishio, l'un des meilleurs tout shonen confondu
- La belle relation de respect et de loyauté extrême entre deux personnages : Kenshin et Sano
- L'excellent flash-back centré sur Kenshin, méconnaissable en tant que Battosaï l'assassin
- L'ENORME retournement de situation du tome 19, intelligent, bien amené, bien fichu, et le ton plus sombre qui s'ensuit pendant plusieurs chapitres
- 15 ans après, le graphisme n'a pas pris une ride, et la Perfect édition en 22 tomes y est certainement pour beaucoup
- La maîtrise générale du rythme

Voilà, vous savez à quoi vous en tenir.



Tout ceci ne vaudrait pas grand-chose sans une édition digne de ce nom.
Les premiers tomes, cartonnés, sortis par l'éditeur Glénat en France, puis les tomes avec jaquettes, composant une série de 28 tomes, étaient perfectibles...c'est même un euphémisme tant les onomatopées gâchaient parfois les combats, l'encrage étant baveux, et les dimensions finalement trop réduites pour profiter des dessins de Nobuhiro Watsuki.
Avec cette Perfect édition en 22 tomes, clairement, vous découvrirez le manga dans les meilleures conditions, ou le redécouvrirez littéralement (ce n'est pas exagéré, et c'est également le cas pour Dr Slump ou Dragon Ball chez le même éditeur) si vous avez la première édition. D'une part, le rapport qualité-prix vaut largement le coup. D'autre part, tout est propre : les superbes couvertures avec effets arc-en-ciel et sensation papyrus, le très bon papier, les pages en couleur (que l'on aurait aimé voir en plus grand nombre...mais l'édition japonaise n'en comprenait pas énormément), l'absence de taches... Enfin, le mangaka s'est investi dans cette édition, refaisant certains dessins, et proposant des croquis de ses personnages comme ils auraient pu être s'il avait dû refaire son manga !
La finition est là, bien qu'on puisse observer quelques coquilles, à l'intérieur du manga, mais surtout dans les commentaires présents sur les couvertures accompagnant les croquis décrits précédemment (le « oe » n'étant systématiquement pas passé à l'imprimerie...).
Autre regret, on aurait pu imaginer que Glénat rajoute encore de la plus-value à cette édition en rédigeant de petits résumés historiques sur la période traitée dans le manga : au vu des nombreuses références faites à l'ère Edo, au Bakumatsu, et aux débuts de l'ère Meiji, cela aurait été plus qu'appréciable !

Kenshin mérite-t-il son statut de classique ? Oui. Pour un lecteur qui le découvre en 2015, comme ce fut le cas pour moi, Kenshin surpasse d'autres ténors du Jump, et, c'est important de le remarquer, n'a pas vieilli.
Après Dragon Ball et Saint Seiya, il y a eu Kenshin. Avant One Piece et Naruto, il y a eu Kenshin. Je comprends maintenant tout le bien que l'on m'en disait !

L'avis du chroniqueur
RogueAerith

Dimanche, 17 Mai 2015
16 20


© 2006 by Nobuhiro Watsuki / Shueisha Inc.

commentaires

Graecos

De Graecos [436 Pts], le 18 Mai 2015 à 09h29

C'est le manga qui m'a fait découvrir cet univers à la toute base... Je téléchargeais des AMV et c'est une sur Kenshin qui m'a fait succomber, m'a fait aller plus loin. J'ai téléchargé les épisodes puis j'ai été acheté les mangas, j'ai commencé Kyo, Hunter x Hunter et c'était terminé !

Pfedac

De Pfedac [420 Pts], le 17 Mai 2015 à 20h55

Aaaah, Kenshin, le premier manga que j'ai jamais acheté. Succomberais-je un jour à la Perfect Edition pour profiter de pages dont la moitié du dessin n'est pas mangé par une onomatopée à la police illisible? Mais à part cet avantage sur l'édition de base, c'est tout de même cher payé pour avoir la Perfect, surtout quand on voit le nombre de tomes à peine inférieur à l'édition originale. C'est tout de même un sacré budget, et il est hors de question que je revende l'ancienne édition, raisons sentimentales oblige. Qui sait, un jour où j'aurais de l'argent et de la place dans mes étagères (l'une de ces conditions est vachement plus réalisable que l'autre).

Bobmorlet

De Bobmorlet [5629 Pts], le 17 Mai 2015 à 18h29

Je n'ai jamais fini la série mais je le ferai, pour sûr!

tsubasadow

De tsubasadow [4303 Pts], le 17 Mai 2015 à 17h34

Une future acquisition pour ma part depuis le temps que je le veux.

Gutsberserker

De Gutsberserker [639 Pts], le 17 Mai 2015 à 14h34

Très bonne chronique, nous sommes d'accord sur à peu près tous les points soulevés. Dommage pour moi, je possède la première édition et ne me vois pas racheter la nouvelle, malgré la tentation d'enfin lire des combats propres et sans gênes. 

maxoudadou

De maxoudadou [264 Pts], le 17 Mai 2015 à 10h50

J'ai découvert ce manga avec la perfect édition. Et franchement, elle est énorme. Du coup, j'ai même acheté les perfect édition de Dragon Ball et de Saint Seiya.

777raziel

De 777raziel, le 17 Mai 2015 à 10h26

Très bonne revue.

Néanmoins, je pense que vous auriez du évoquer le principal défaut de l'édition Perfect : à savoir l'absence des notes de l'auteur sur les personnages en fin de chapitres.

Pour quelque chose qui se veut Perfect, je trouve ça dommageable de ne pas avoir été exhaustif.

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