Interview croisée avec Shiori Teshirogi- Actus manga
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Manga Interview croisée avec Shiori Teshirogi

Jeudi, 18 Juillet 2013 à 17h18

Parmi l’affolante liste d'invités de l'édition anniversaire du Cartoonist, qui s'est tenue à Nice à la mi-avril, Shiori Teshirogi est sans doute la mangaka qui aura suscité le plus d'attentes. Avec la fin de The Lost Canvas, spin-off de la série culte Saint Seiya, et la sortie en avant-première du premier volume de The Lost Canvas Chronicles, cette artiste était en plein cœur de l'actualité. Aussi fut-elle massivement sollicitée par les médias spécialisés, au point que les organisateurs durent regrouper plusieurs journalistes en sessions communes. Cependant, au vu des quelques couacs dans l'organisation et d'un espace presse mal indiqué, sur huit médias annoncés, trois seulement parvinrent jusqu'à l'auteure pour cette première table ronde; à savoir le site Planète BD, la revue Tonnerre de Bulles, et nous-mêmes, bien sûr ! 
  
Ainsi, en une demi-heure d'entretien croisé, chacun aura pu aller au bout de ses questions, pour proposer au final un portrait assez complet de la mangaka et de ses rapports avec Masami Kurumada
      
        
       
Pour commencer, pouvez-vous nous dire comment et pourquoi vous êtes devenue mangaka ?
J'ai toujours voulu dessiner des mangas, depuis ma plus petite enfance. Mais le déclic qui m'a donné envie de devenir professionnelle est survenu lorsque mon petit frère a acheté le manga Saint Seiya, alors que j'étais à l'école primaire. Ce qui m'a plu, au-delà des qualités-mêmes de la série, c'étaient les postfaces de chaque volume, où ressortait la passion que mettait M. Kurumada dans son travail. Quelques années plus tard, l'éditeur Square Enix avait organisé un concours, le prix "Manga Game Fantasy", auquel j'ai participé et que j'ai remporté, tout comme un second concours de l'éditeur, le prix "21st Century Manga". A partir de là, on m'a attribué un responsable éditorial qui m'a orientée vers la voie professionnelle.
        
   
Nous voudrions revenir sur Kieli, l'une de vos premières œuvres, qui est une adaptation de roman. Comment est né ce projet ? 
A cette époque-là, je sortais de l'écriture de titres traitant de problèmes de société, telles que la prostitution avec Delivery. Mon éditeur trouvait que je m'en sortais honorablement, mais que je pouvais aller plus loin que ça. Il a alors cherché un roman dont je pouvais proposer une adaptation, afin que je puisse progresser et avancer dans ma carrière. Mon rédacteur en chef a fini par découvrir le roman Kieli et c'est ainsi que le projet est né. Je tiens d'ailleurs à saluer la mémoire de ce rédacteur en chef qui est décédé alors que je venais juste de rendre le premier chapitre de Kieli. J'avais beaucoup de respect pour lui, cette série m'a vraiment fait connaitre au Japon et il n'a pas eu le temps de voir ça. Je lui dois beaucoup.
     
    
Comme vous venez de l'évoquer, vous avez débuté avec du shojo sociétal comme Delivery, bien loin des histoires d'aventure dans lesquelles vous vous êtes lancée par la suite. Pourquoi avoir choisi des thématiques aussi profondes pour vos débuts ? Pensez-vous revenir un jour vers ce genre d'histoires plus réaliste ?
Je garde une bonne expérience de Delivery, mais je pense que si j'avais à me replonger aujourd'hui dans une telle histoire, mon regard et mon traitement seraient bien différents. Cela étant, je ne pense pas être une véritable adepte de shôjo. Je viens vraiment de la fantasy, et je ne suis peut-être pas prédisposée à ce genre d'histoires. Donc pour le moment, non, je ne pense pas y revenir.
       
  
      
      
Vous avez ainsi réalisé plusieurs adaptations de roman, et même avec Saint Seiya, vous n'êtes pas partie de zéro. Quel a été votre degré d'implication sur les scénarios de ces différentes séries ? 
Concernant Kieli, comme il s'agissait d'un roman, je devais rester la plus fidèle possible à l'histoire d'origine. J'ai seulement eu le droit de modifier quelques transitions pour les rendre plus souples sur le format manga, la narration n'étant pas tout à fait la même. Pour le reste, cela ne se joue qu'à quelques nuances près.
En revanche, pour The Lost Canvas, la méthode a été bien différente : M. Kurumada m'a présenté au départ une liste de scènes-clés, de directions à prendre, de personnages en décrivant quelques traits de caractère,... mais je pouvais articuler tout cela comme je le voulais, tant que je passais bien par tous les points listés. C'était donc une réalisation beaucoup plus libre.
      
     
On aura aussi pu remarquer que certains chevaliers apparaissant dans votre série sont physiquement très ressemblants à leurs homologues dans la série d'origine. Mais au fil de la saga, on en découvre d'autres radicalement différents. Aussi, quel a été votre degré de liberté sur la conception et sur le design des personnages ? 
A l'origine, The Lost Canvas devait être un spin-off relativement court, et nous n'avions pas prévu d'inventer autant de personnages. Ainsi, à part Albafica des Poissons, je ne devais concevoir aucun autre chevalier d'or. Finalement, la série s'est prolongée et je me suis mise un coup de pression pour concevoir des protagonistes à la hauteur des originaux. J'étais relativement libre de mes choix de design, mais n'étant pas sure de moi, je me suis souvent référée à M. Kurumada qui m'a toujours offert son opinion et donné quelques indications lorsqu'il le fallait.
            
  
     
      
Comment s'est déroulée votre relation avec M. Kurumada pendant la réalisation de la série ?
M. Kurumada est quelqu'un de vraiment bienveillant à mon égard, qui m'a immédiatement pris sous son aile. Nous nous voyons très souvent hors du cadre du travail, notamment pour aller à des hanami, et plus récemment nous avons fait un restaurant en invitant mon petit frère. Lorsque nous nous retrouvons, nous parlons souvent pendant des heures pour échanger des idées, et nous nous envoyons fréquemment des mails. Par exemple, avant que je ne parte à Nice, il m'a envoyé plusieurs messages d'encouragement pour me rassurer. On s'échange des cartes de vœux, et lorsque je retourne chez ma mère dans ma campagne natale, je lui ramène même des légumes ! Bref, nous avons noué une relation assez proche.
    
   
Au travers de la série Saint Seiya, que ce soit au travers de la série originale ou à l'occasion de l'écriture de The Lost Canvas, vous-êtes vous intéressée à la mythologie grecque ou aux autres mythes en général ? Est-ce que cela fait partie de vos passions ?
Effectivement, quand j'ai découvert Saint Seiya, je me suis intéressé à la mythologie grecque, en allant même jusqu'à me procurer différents livres spécialisés. Mais cela n'a pas été non plus une passion très assidue, et dix ans plus tard, lorsque j'ai commencé The Lost Canvas, j'ai dû me rafraîchir la mémoire. J'ai alors fait quelques recherches et acquis de nouveaux ouvrages, ce qui m'a permis d'étudier certains détails, comme la constellation du Taureau et de l'étoile d'Aldebaran, par exemple.
      
   
Au final, quelle a été votre plus grosse difficulté sur The Lost Canvas ? 
Le plus dur, de très loin, c'est d'avoir conçu des personnages que j'adorais, et que les lecteurs adoraient car ils s'inscrivaient dans le mythe de la saga... et de devoir fatalement les tuer, les uns après les autres !
Je me suis attachée à eux et c'était vraiment un exercice horrible, d'autant que mon moral passait constamment par des phases montantes et descendantes. L'aspect cyclique de la série faisait que lorsque mon état d'esprit était au plus bas après avoir fait mourir un chevalier, puis qu'il remontait petit à petit en m'intéressant au chevalier suivant, jusqu'à arriver à devoir le tuer à son tour, et ainsi de suite... J'avais ainsi des sautes d'humeur assez insupportables pour mon entourage, et je m'en excuse encore auprès d'eux car j'ai vraiment été très difficile à vivre pendant ces périodes là ! Si The Lost Canvas a augmenté ma cadence de travail, c'est bien psychiquement que ça a été le plus difficile, avec ce rapport empathique avec mes héros.
             
    
Au vu de cet attachement, The Lost Canvas Chronicles est-il né d'une volonté de revoir vos personnages une dernière fois ? 
En effet, mais ce sentiment n'est pas survenu immédiatement. J'étais en train de travailler sur les derniers chapitres de The Lost Canvas lorsque mon responsable éditorial m'a suggéré d'en faire un spin-off. J'ai accepté sans trop me poser de questions, mais c'est une fois lancé dans ces "gaiden" que je me suis rendue compte que je pouvais retrouver mes héros et les présenter sous un nouveau jour, de raconter des anecdotes sur leur vie au Sanctuaire,... Le plaisir de les revoir est vraiment monté au fur et à mesure de la conception de ces nouveaux épisodes.
   
   
L'idée de ce spin-off est-elle venue de votre éditeur directement, ou M. Kurumada est-il intervenu de nouveau pour le proposer ?
L'idée est venue d'Akita Shoten, qui a bien évidemment contacté M. Kurumada pour qu'il donne son aval. Ce dernier, toujours très ouvert, a accepté l'idée tout de suite. Les personnages ayant déjà été présentés et validés, il ne m'a envoyé aucune directive particulière, j'étais en totale liberté.
    
  
    
   
Pour vous qui êtes fan de Saint Seiya depuis l'enfance (vous avez même fait vos débuts sous le pseudonyme de Marinegold), que retenez-vous de l'expérience The Lost Canvas ? Peut-on dire qu'il s'agit là de l'œuvre de votre vie ? 
Évidemment, pouvoir dessiner une série s'inscrivant officiellement dans l'univers de cette saga, c'est la chose la plus importante qui soit arrivée dans ma vie ! Ma carrière a véritablement décollé depuis, et sans ça, je ne serais pas invitée ici aujourd'hui. C'est d'ailleurs assez étrange de voir que M. Kurumada aura eu une influence décisive dans ma vie par deux fois : d'abord au primaire, où sa série m'a donné envie de me lancer dans ce métier, puis lorsqu'il m'a offert cette occasion inespérée de rejoindre cette aventure.
    
   
A l'avenir, quels autres genres aimeriez-vous explorer par la suite ? Avez-vous déjà de nouveaux projets en tête pour  "l'après-Saint Seiya" ? 
Il se trouve que mon responsable éditorial, qui m'a accompagné jusqu'à The Lost Canvas, a été transféré vers un autre magazine. Il m'a proposé de le suivre pour réaliser un nouveau manga, complètement original cette fois-ci, dans un univers de fantasy. J'y songe de plus en plus, tout en m'attelant à la fin de Lost Canvas Chronicles. Mais dans un autre coin de ma tête, j'aimerais aussi faire quelque chose de beaucoup plus léger, sans aucune bagarre... et avec des chats ! Ainsi, je pense avoir encore bien des domaines à explorer, et d'autres facettes de ma personnalité d'artiste à présenter.
   
    
Si vous deviez être un personnage de manga vous-même, lequel choisiriez-vous ? 
Je pense que je voudrais devenir soit Seiya, soit Jotaro de Jojo's Bizarre Adventure - Stardust Crusaders
     
  
    
   
Dans le même ordre d'idées, si vous pouviez vous incarner en un autre mangaka, dans l'esprit de qui iriez-vous ? 
C'est une question bien difficile ! (rires)
(hésite)... Je penserais à Mitsurô Kubo, l'auteure de Shinjuku Fever (édité chez Akata-Delcourt) et de Moteki (inédit en France). Elle a une science du vocabulaire qui est vraiment incroyable, et j'aimerais bien savoir comment elle fait pour concevoir de tels dialogues !
      
     
Pour conclure, M. Kurumada a-t-il été jaloux lorsque vous lui avez parlé de votre venue en France ? Aimerait-il un jour faire lui aussi le déplacement ? En tous cas, nous l'attendons de pied ferme !
En fait, quand j'ai appris que j'étais invitée à Nice, je n'étais pas très rassurée et je lui ai demandé s'il ne voulait pas venir avec moi... Mais il a refusé car en réalité, il ne supporte pas les voyages en avion ! (rires)
Il m'a juste dit : "Vas-y pour moi, et accroche-toi pour deux !"
Cela dit, je lui conseillerai aussi de faire le déplacement ! 
    
     
    
Remerciements à Grégoire Hellot pour la qualité de sa traduction et aux éditions Kurokawa.

commentaires

kuroko

De kuroko [347 Pts], le 04 Août 2013 à 16h30

Supper intéressant !!!

surtout que j'adore ce manga

ElementaryStorm

De ElementaryStorm [454 Pts], le 19 Juillet 2013 à 10h09

Interview très intéressante. Dommage que M.Kurumada n'aime pas les transport en avion (^^), j'aurais bien aimé avoir son avis sur la série The lost canvas

kiba82

De kiba82 [1244 Pts], le 19 Juillet 2013 à 08h50

C'est toujours intéressant d'en savoir un peu plus sur les mangakas.

Merci.

tsubasadow

De tsubasadow [4300 Pts], le 18 Juillet 2013 à 22h47

Interview intéressante et agréable à lire. Mais comme le souligne zetagundam on a pas une vrai réponse sur la ressemblance des chevaliers d'or avec ceux d'origines. En tout cas en matière de lecture elle a l'air d'avoir de très bon goûts ^^

zetagundam

De zetagundam [430 Pts], le 18 Juillet 2013 à 21h25

Dommage que l'auteure n'apporte pas de véritable réponse concernant la ressemblance de ses chevaliers d'or avec ceux de l'oeuvre de Kurumada ou plutôt ceux de Shingo Araki.

Du coup, je ne sais toujours pas si elle n'a pas su se démarquer de l'animé ou si c'est volontaire. Dans les 2 cas, je trouve cela dommageable car on ne peut s'empêcher de comparer encore plus les 2 oeuvres.

Black Star

De Black Star, le 18 Juillet 2013 à 19h48

Interview très sympa! J'aime beaucoup ce qu'elle fait, son coup de crayon est subtil et j'ai totalement adhéré à "The Lost Canvas", contrairement à Episode G.

De plus, elle à l'air sympa'! Je suiverai avec plaisir ses futures séries, en espèrant que nous aurons le plaisir de les voir sur le marché français!

Txeng

De Txeng [2137 Pts], le 18 Juillet 2013 à 19h47

Très intéressant :)

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