Ciné-Asie Critique - April Snow
Voici aujourd'hui une nouvelle chronique de RogueAerith d'un film de Hur Jin-Ho, April Snow.
In-Su (Yong-Jun Bae) et Seo-Young (Ye-Jin Son) se rendent tous deux à l'hôpital. Ils viennent d'apprendre que leurs conjoints respectifs ont eu un grave accident de voiture. Alors que ces derniers sont dans le coma, In-Su et Seo-Young découvrent que leurs conjoints entretenaient une relation adultérine. Au choc de l'accident se rajoute celui de la trahison. In-Su et Seo-Young, meurtris, décident de faire connaissance. Et si l'amour véritable pouvait naître d'une telle situation ?
Sorti en 2006, « April snow » est signé Hur Jin-Ho, spécialisé dans les drames mélancoliques (voir « Christmas in august » et « One fine spring day »). La particularité du cinéaste ? Éviter tout mélo, ce qui fait de ses films des merveilles de délicatesse, pour tous ceux qui désespèrent face aux comédies roses bonbon, qu'elles soient occidentales et orientales. Avec Hur Jin-Ho, l'amour est pur, naissant de situations réalistes et sincères.
On retrouve dans « April snow » beaucoup d'éléments qui constituent désormais la « patte Hur Jin-Ho ». Parmi eux, le personnage masculin qui travaille dans les métiers de l'image ou du son (dans « Christmas in august », un photographe ; dans « One fine spring day », un ingénieur du son ; ici, on a un régisseur de spectacle). Et au-delà de cette particularité, le cinéaste continue de nous proposer un très beau moment d'intimité, avec des personnages d'une sensibilité fine, aux rapports travaillés. Les dialogues sont toujours aussi peu nombreux, tout passant dans les non-dits, les gestes, les regards. Ce choix, bien sûr, ne plaira pas aux individus trouvant satisfaction dans un cinéma occidental qui se contente de rapports très directs entre les personnages, ces mêmes individus qui par exemple, ont été exaspérés par la mise en scène d'un « In the mood for love » de Wong Kar-Wai. Mais contrairement au célèbre Hongkongais, Hur Jin-Ho évite tout esthétisme : dans « April snow », bien sûr, les décors coréens sont beaux, mais le cinéaste ne cherche pas les effets de style. Tout, de l'image à l'histoire, est simple et touchant, en même temps que délicat et intense. Oui, la simplicité peut être intense, lorsque c'est aussi bien filmé, le ton étant très juste, et les sentiments violents. L’ambiance feutrée, où pourtant silence et froideur ne perturbent en rien l'amour naissant, est très réussie.
La mise en scène est toujours d'une intelligence rare. Le début du film est marqué par l'atonie, la torpeur qui s'en dégage : très peu de dialogues, pas de musique. Puis, dès qu'In-Su et Seo-Young décident de se parler, le film évolue : plus de dialogues (pas beaucoup néanmoins !), une musique formidable (on y reviendra). De plus, comme dans « Christmas in august », dans lequel la maladie du personnage principal est jalousement confinée pour mieux laisser transparaître sa souffrance intérieure par la suggestion, « April snow » utilise de même la suggestion pour montrer ce que peuvent ressentir In-Su et Seo-Young face à la situation. Des sms, des photos, et enfin une vidéo de leurs conjoints adultères nous renseignent sur cette relation qui cause tant de souffrance, et répondent à certaines des questions que se posent In-Su et Seo-Young, qui sont aussi les nôtres. Mais les réponses restent partielles, si bien que la souffrance ne peut que perdurer : pourquoi et depuis quand leurs conjoints se voyaient-ils, que trouvaient-ils ensemble que leurs mari et femme ne pouvaient leur donner ? De tout cela naissent des changements, des retournements dans les sentiments des personnages, passant par la frustration, la fureur, le chagrin. Puis viennent la découverte d'autrui, la redécouverte de soi, l'épanouissement nouveau et mérité, bien qu'il doive rester dissimulé : la situation est riche et complexe, car de victimes, In-Su et Seo-Young pourraient aux yeux de la société devenir coupables (une relation adultère vécue au grand jour alors que leurs conjoints, qui vivaient la leur dissimulés, sont dans le coma). Grâce à ce réalisme et à cette vérité, permis par une mise en scène où le pouvoir de la suggestion est considérable, le film est magnifique.
Et que dire de certaines scènes, où l'intensité est à son comble ? Voir notamment la fin (que va-t-il advenir des deux conjoints dans le coma ?), ou une scène de funérailles d’une victime de l’accident, auxquels In-Su et Seo-Young se sentent obligés d'assister, s'affligeant une peine de plus, car prenant à leur compte la culpabilité de leurs conjoints qui, même dans le coma, continuent de leur faire du mal.
Au niveau de l'image, comme dit précédemment, le cinéaste use à merveille des plans fixes, moyen lui permettant de capter toute l'intimité de ses personnages sans jamais aller jusqu'au voyeurisme. La pudeur est omniprésente, mais n'empêche pas le spectateur de s'attacher aux personnages, bien au contraire. En termes de son, la musique est excellente, encore meilleure que dans les précédents films du cinéaste.
Côté casting, c'est là encore impeccable. Hur Jin-Ho a su diriger avec brio deux acteurs du star system. Bae Yong-Jun est à contre-emploi de ce qu'il fait d'habitude. Le spectateur occidental, vierge de son statut de star locale, ne pourra qu'apprécier ce jeu plein de réserve et de justesse. Quant à Seo-Young, elle est de même parfaite.
Côté bonus, on regrette l'absence de vrai making-of et d'interviews avec les acteurs ou le réalisateur !
Avec ce film, la Corée du Sud montre une fois encore qu'elle a un cinéma miné par les paradoxes, capable d'être ultraproductif en comédies romantico-acidulées niaises, mais aussi de nous livrer des petits bijoux tels que cet « April snow », ou encore « Locataires » (le meilleur film de Kim Ki-Duk à ce jour).
Histoire d'un drame d'où naissent la promesse et l'espoir, « April Snow » est, comme tous les films de Hur Jin-Ho, extrêmement bien filmé, et mû par une sensibilité et une sincérité à toute épreuve. Un film superbe.
In-Su (Yong-Jun Bae) et Seo-Young (Ye-Jin Son) se rendent tous deux à l'hôpital. Ils viennent d'apprendre que leurs conjoints respectifs ont eu un grave accident de voiture. Alors que ces derniers sont dans le coma, In-Su et Seo-Young découvrent que leurs conjoints entretenaient une relation adultérine. Au choc de l'accident se rajoute celui de la trahison. In-Su et Seo-Young, meurtris, décident de faire connaissance. Et si l'amour véritable pouvait naître d'une telle situation ?
Sorti en 2006, « April snow » est signé Hur Jin-Ho, spécialisé dans les drames mélancoliques (voir « Christmas in august » et « One fine spring day »). La particularité du cinéaste ? Éviter tout mélo, ce qui fait de ses films des merveilles de délicatesse, pour tous ceux qui désespèrent face aux comédies roses bonbon, qu'elles soient occidentales et orientales. Avec Hur Jin-Ho, l'amour est pur, naissant de situations réalistes et sincères.
On retrouve dans « April snow » beaucoup d'éléments qui constituent désormais la « patte Hur Jin-Ho ». Parmi eux, le personnage masculin qui travaille dans les métiers de l'image ou du son (dans « Christmas in august », un photographe ; dans « One fine spring day », un ingénieur du son ; ici, on a un régisseur de spectacle). Et au-delà de cette particularité, le cinéaste continue de nous proposer un très beau moment d'intimité, avec des personnages d'une sensibilité fine, aux rapports travaillés. Les dialogues sont toujours aussi peu nombreux, tout passant dans les non-dits, les gestes, les regards. Ce choix, bien sûr, ne plaira pas aux individus trouvant satisfaction dans un cinéma occidental qui se contente de rapports très directs entre les personnages, ces mêmes individus qui par exemple, ont été exaspérés par la mise en scène d'un « In the mood for love » de Wong Kar-Wai. Mais contrairement au célèbre Hongkongais, Hur Jin-Ho évite tout esthétisme : dans « April snow », bien sûr, les décors coréens sont beaux, mais le cinéaste ne cherche pas les effets de style. Tout, de l'image à l'histoire, est simple et touchant, en même temps que délicat et intense. Oui, la simplicité peut être intense, lorsque c'est aussi bien filmé, le ton étant très juste, et les sentiments violents. L’ambiance feutrée, où pourtant silence et froideur ne perturbent en rien l'amour naissant, est très réussie.
La mise en scène est toujours d'une intelligence rare. Le début du film est marqué par l'atonie, la torpeur qui s'en dégage : très peu de dialogues, pas de musique. Puis, dès qu'In-Su et Seo-Young décident de se parler, le film évolue : plus de dialogues (pas beaucoup néanmoins !), une musique formidable (on y reviendra). De plus, comme dans « Christmas in august », dans lequel la maladie du personnage principal est jalousement confinée pour mieux laisser transparaître sa souffrance intérieure par la suggestion, « April snow » utilise de même la suggestion pour montrer ce que peuvent ressentir In-Su et Seo-Young face à la situation. Des sms, des photos, et enfin une vidéo de leurs conjoints adultères nous renseignent sur cette relation qui cause tant de souffrance, et répondent à certaines des questions que se posent In-Su et Seo-Young, qui sont aussi les nôtres. Mais les réponses restent partielles, si bien que la souffrance ne peut que perdurer : pourquoi et depuis quand leurs conjoints se voyaient-ils, que trouvaient-ils ensemble que leurs mari et femme ne pouvaient leur donner ? De tout cela naissent des changements, des retournements dans les sentiments des personnages, passant par la frustration, la fureur, le chagrin. Puis viennent la découverte d'autrui, la redécouverte de soi, l'épanouissement nouveau et mérité, bien qu'il doive rester dissimulé : la situation est riche et complexe, car de victimes, In-Su et Seo-Young pourraient aux yeux de la société devenir coupables (une relation adultère vécue au grand jour alors que leurs conjoints, qui vivaient la leur dissimulés, sont dans le coma). Grâce à ce réalisme et à cette vérité, permis par une mise en scène où le pouvoir de la suggestion est considérable, le film est magnifique.
Et que dire de certaines scènes, où l'intensité est à son comble ? Voir notamment la fin (que va-t-il advenir des deux conjoints dans le coma ?), ou une scène de funérailles d’une victime de l’accident, auxquels In-Su et Seo-Young se sentent obligés d'assister, s'affligeant une peine de plus, car prenant à leur compte la culpabilité de leurs conjoints qui, même dans le coma, continuent de leur faire du mal.
Au niveau de l'image, comme dit précédemment, le cinéaste use à merveille des plans fixes, moyen lui permettant de capter toute l'intimité de ses personnages sans jamais aller jusqu'au voyeurisme. La pudeur est omniprésente, mais n'empêche pas le spectateur de s'attacher aux personnages, bien au contraire. En termes de son, la musique est excellente, encore meilleure que dans les précédents films du cinéaste.
Côté casting, c'est là encore impeccable. Hur Jin-Ho a su diriger avec brio deux acteurs du star system. Bae Yong-Jun est à contre-emploi de ce qu'il fait d'habitude. Le spectateur occidental, vierge de son statut de star locale, ne pourra qu'apprécier ce jeu plein de réserve et de justesse. Quant à Seo-Young, elle est de même parfaite.
Côté bonus, on regrette l'absence de vrai making-of et d'interviews avec les acteurs ou le réalisateur !
Avec ce film, la Corée du Sud montre une fois encore qu'elle a un cinéma miné par les paradoxes, capable d'être ultraproductif en comédies romantico-acidulées niaises, mais aussi de nous livrer des petits bijoux tels que cet « April snow », ou encore « Locataires » (le meilleur film de Kim Ki-Duk à ce jour).
Histoire d'un drame d'où naissent la promesse et l'espoir, « April Snow » est, comme tous les films de Hur Jin-Ho, extrêmement bien filmé, et mû par une sensibilité et une sincérité à toute épreuve. Un film superbe.
De Cassandra13 [1561 Pts], le 03 Octobre 2012 à 16h33
J'ai vu ce film et j'ai vraiment adoré ! Malheureusement la version que j'ai vu était mal sous titrée; je pense qu'il faudrait que je le revois. C'est un très beau film que je conseille fortement !