Ciné-Asie Critique - Printemps, été, automne, hiver... et printemps
Le réalisateur sud-coréen Kim Ki-Duk a remporté il y a quelques jours le Lion d'or de la Mostra de Venise 2012 (qui rappelons-le, est l'un des festivals les plus renommés avec Cannes et Berlin). Nous vous proposons donc aujourd'hui, par le biais de Rogue Aerith, la chronique d'un de ses films les plus connus : Printemps, été, automne, hiver... et printemps.
Un moine bouddhiste et son jeune disciple vivent dans un temple bouddhiste en bois, flottant au milieu d'un lac. Isolés de la civilisation, leurs sentiments évoluent au gré des saisons. Le printemps signifiera pour le disciple la perte de l'innocence. L'été verra naître le début de l'amour. A l'automne, ce sera la colère, puis la rédemption. Hiver rimera avec maturité et sagesse. Et arrivera un nouveau printemps, où le jeune disciple sera déjà un vieux maître à son tour.
Réalisé par Kim Ki-Duk et sorti en 2003, « Printemps, été, automne, hiver... et printemps » est une longue parabole de la religion bouddhiste, où chaque saison équivaut à un segment du film, synonyme de nouvel enseignement pour un jeune moine qui deviendra vieux. Le cinéaste instaure une unité d'espace (on ne s'éloigne jamais du temple flottant) mais une diversité temporelle : les cinq saisons correspondent à une étape de la vie du disciple, âgé respectivement d'environ 6, 16, 30, 40 et plus de 50 ans. Contrairement à beaucoup de critiques, on fera le choix de ne pas vous en dire plus sur le contenu de chaque saison/segment, pour vous laisser découvrir le parcours du jeune moine, ses erreurs, ses errements, sa reprise de pouvoir sur lui-même.
Kim Ki-Duk nous livre un film secret, dans lequel le spectateur, par analogie à un moine bouddhiste, doit beaucoup s'investir pour en tirer la quintessence.
De prime abord, précisons que « Printemps, été... » est un des plus beaux films coréens jamais réalisés. Tourné dans la réserve naturelle de Jusan, ce film brille par ses décors, ses couleurs, son cadrage et le sens de la mise en scène de Kim Ki-Duk. Tout cela est servi par une bande-son magistrale, avec des musiques assez originales. Le temple flottant a été construit exprès au milieu du lac. Ce temple est filmé dans toutes les conditions : la pluie légère ou battante, la brume mince ou épaisse, le vent qui s'engouffre, le bois qui grince, la neige (voir le making-of, où l'on voit que les conditions du tournage ont été rigoureuses). Kim Ki-Duk, aidé par le directeur de la photographie, profite de son passé de peintre pour proposer une fresque sublime.
Cette esthétique superbe contraste avec des dialogues minimalistes, si bien que la psychologie des personnages apparaît finalement très pauvre si on se contente de prendre le film au premier degré. C'est en faisant l'effort de comprendre la symbolique mise en place par Kim Ki-Duk que « Printemps, été... » acquiert une profondeur vertigineuse. Après les sulfureux « L'Ile » et « The Coast Guard », cet hymne aux quatre saisons est, comme dit précédemment, un conte philosophique s'appuyant sur le bouddhisme. Un conte dénué de toute violence ? Certes non. Mais ici, la violence est symbolique, comme presque tout dans ce film. Dans son genre, on peut considérer « Printemps, été... » comme tout aussi sulfureux que le reste de la filmographie de Kim Ki-Duk, car rarement le bouddhisme n'aura été montré de façon aussi brute. Les premiers segments font l'objet du même traitement manichéen, la punition suivant inéluctablement les errements du disciple. Seul « Hiver » sort de ce schéma, avec un moine qui accède à la fameuse phase d'éveil décrite dans la religion bouddhiste.
Parce que chaque enseignement du Bouddha est tiré des réalités pour être tout à fait compris, « Printemps, été, automne, hiver... et printemps » s'enfonce pendant plus d'une heure et demie dans des tranches-de-vie nourries d'une symbolique extrêmement riche. Au-delà d'ailleurs de symbolique, on peut parler de spiritualité, voire de métaphysique. Dans « Printemps, été... », tout apparaît très simple, mais tout est symbole. Les portes menant au lac, celles à l'intérieur du temple à côté des couchettes alors même qu'elles ne sont pas tenues par des murs, une barque qui permet de survivre en se ravitaillant puis qui donne la mort, la place de la femme dans un environnement très masculin, les jeux de l'enfant, maltraitant des petits animaux, qui mettent en exergue le rapport à la violence. Une partie de cette symbolique échappera aux Occidentaux, ne maîtrisant pas les bases du bouddhisme et de la culture coréenne. On pense notamment à la symbolique des animaux apparaissant dans chaque segment (chien, coq, chat, serpent, tortue). Chaque rapport à la nature, à un animal, à un objet, à un être aimé, débouchant sur une leçon, « Printemps, été... » représente parfaitement le cycle de la vie et son éternel recommencement.
Cependant, si l'essentiel de « Printemps, été... » se joue sur la symbolique, c'est aussi ce qui le détruit à petit feu. L'avant-dernier segment, « Hiver », est à ce titre un peu ennuyeux, et le film en finit même par devenir longuet (un sentiment déjà ressenti avec « Samaria », du même cinéaste), alors qu'il ne fait qu'une heure et trente-huit minutes.
Le message empreint de spiritualité prend parfois clairement le pas sur les réalités. Cela aboutit à des scènes improbables. Beaucoup sont acceptées, car lyriques à souhait, d'autres jurent avec le reste du film. Ainsi, quand bien même on peut se dire que la culture coréenne diffère de la nôtre, on peine à se satisfaire d'une séquence faisant intervenir deux lieutenants de police (décidément, les rapports entre cinéma coréen et police ne finira pas d'étonner), étonnamment bienveillants et participant à la rédemption d'un personnage. Mais de manière générale, toute la mise en scène est parfaite, avec une pointe d'humour unique (dans tous les sens du terme, le reste du film optant pour un ton grave permanent) : de la peinture avec une queue du chat (dont on remarquera la performance d'acteur : un modèle de zenitude le sieur à moustaches !).
Kim Ki-Duk s'est même permis un petit plaisir, en prenant lui-même le rôle du moine à l'âge adulte lors du segment « Hiver ». Ce plaisir n'en sera cependant pas forcément un pour le spectateur, car il se fait au détriment du réalisme : on peine à reconnaître, une vingtaine d'années plus tard, le moine laissé dans le segment « Automne ». Cela est on ne peut plus normal : Kim Ki-Duk est très loin de ressembler à l'acteur choisi pour le segment de la saison de la chute des feuilles, si bien que la différente saute aux yeux lors du changement de saisons. Alors qu'on a la tête pleine des réflexions induites par le film, et les yeux écarquillés devant la beauté des décors, ce détail technique nous sort brutalement de notre voyage. Quel dommage.
L'édition DVD vous fera profiter d'un très bon making-of de vingt minutes, de la fin coréenne (plus explicite sur le rapport à la violence que la fin occidentale, et sur l'éternel recommencement qui en découle), d'une bande-annonce, et d'une conférence de presse hélas assez dispensable vu que l'on n'y apprend que trop peu de choses. Notez que la VF est absente, le film étant proposé uniquement en coréen. La traduction des dialogues, très peu nombreux, est parfaite. On remercie très chaleureusement le distributeur pour avoir conservé le titre original à rallonge : tout autre titre aurait été inadéquat.
Les accents métaphysiques et spirituels de « Printemps, été, automne, hiver... et printemps » sont ce qui fait sa force et sa faiblesse. On appréciera davantage ces aspects, une constante dans les films de Kim Ki-Duk, dans l'extraordinaire « Locataires », plus équilibré. « Printemps, été... » est en effet un peu trop inégal. Esthétiquement superbe, musicalement fabuleux, c'est son propos finalement qui manque, certainement pas de profondeur, mais de portée. On serait curieux de connaître l'avis de Terrence Malick sur ce « Printemps, été... », le cinéaste américain étant un adepte des films où symbolique, métaphysique, spiritualité se mêlent et s'entremêlent, comme chez Kim Ki-Duk.
Un moine bouddhiste et son jeune disciple vivent dans un temple bouddhiste en bois, flottant au milieu d'un lac. Isolés de la civilisation, leurs sentiments évoluent au gré des saisons. Le printemps signifiera pour le disciple la perte de l'innocence. L'été verra naître le début de l'amour. A l'automne, ce sera la colère, puis la rédemption. Hiver rimera avec maturité et sagesse. Et arrivera un nouveau printemps, où le jeune disciple sera déjà un vieux maître à son tour.
Réalisé par Kim Ki-Duk et sorti en 2003, « Printemps, été, automne, hiver... et printemps » est une longue parabole de la religion bouddhiste, où chaque saison équivaut à un segment du film, synonyme de nouvel enseignement pour un jeune moine qui deviendra vieux. Le cinéaste instaure une unité d'espace (on ne s'éloigne jamais du temple flottant) mais une diversité temporelle : les cinq saisons correspondent à une étape de la vie du disciple, âgé respectivement d'environ 6, 16, 30, 40 et plus de 50 ans. Contrairement à beaucoup de critiques, on fera le choix de ne pas vous en dire plus sur le contenu de chaque saison/segment, pour vous laisser découvrir le parcours du jeune moine, ses erreurs, ses errements, sa reprise de pouvoir sur lui-même.
Kim Ki-Duk nous livre un film secret, dans lequel le spectateur, par analogie à un moine bouddhiste, doit beaucoup s'investir pour en tirer la quintessence.
De prime abord, précisons que « Printemps, été... » est un des plus beaux films coréens jamais réalisés. Tourné dans la réserve naturelle de Jusan, ce film brille par ses décors, ses couleurs, son cadrage et le sens de la mise en scène de Kim Ki-Duk. Tout cela est servi par une bande-son magistrale, avec des musiques assez originales. Le temple flottant a été construit exprès au milieu du lac. Ce temple est filmé dans toutes les conditions : la pluie légère ou battante, la brume mince ou épaisse, le vent qui s'engouffre, le bois qui grince, la neige (voir le making-of, où l'on voit que les conditions du tournage ont été rigoureuses). Kim Ki-Duk, aidé par le directeur de la photographie, profite de son passé de peintre pour proposer une fresque sublime.
Cette esthétique superbe contraste avec des dialogues minimalistes, si bien que la psychologie des personnages apparaît finalement très pauvre si on se contente de prendre le film au premier degré. C'est en faisant l'effort de comprendre la symbolique mise en place par Kim Ki-Duk que « Printemps, été... » acquiert une profondeur vertigineuse. Après les sulfureux « L'Ile » et « The Coast Guard », cet hymne aux quatre saisons est, comme dit précédemment, un conte philosophique s'appuyant sur le bouddhisme. Un conte dénué de toute violence ? Certes non. Mais ici, la violence est symbolique, comme presque tout dans ce film. Dans son genre, on peut considérer « Printemps, été... » comme tout aussi sulfureux que le reste de la filmographie de Kim Ki-Duk, car rarement le bouddhisme n'aura été montré de façon aussi brute. Les premiers segments font l'objet du même traitement manichéen, la punition suivant inéluctablement les errements du disciple. Seul « Hiver » sort de ce schéma, avec un moine qui accède à la fameuse phase d'éveil décrite dans la religion bouddhiste.
Parce que chaque enseignement du Bouddha est tiré des réalités pour être tout à fait compris, « Printemps, été, automne, hiver... et printemps » s'enfonce pendant plus d'une heure et demie dans des tranches-de-vie nourries d'une symbolique extrêmement riche. Au-delà d'ailleurs de symbolique, on peut parler de spiritualité, voire de métaphysique. Dans « Printemps, été... », tout apparaît très simple, mais tout est symbole. Les portes menant au lac, celles à l'intérieur du temple à côté des couchettes alors même qu'elles ne sont pas tenues par des murs, une barque qui permet de survivre en se ravitaillant puis qui donne la mort, la place de la femme dans un environnement très masculin, les jeux de l'enfant, maltraitant des petits animaux, qui mettent en exergue le rapport à la violence. Une partie de cette symbolique échappera aux Occidentaux, ne maîtrisant pas les bases du bouddhisme et de la culture coréenne. On pense notamment à la symbolique des animaux apparaissant dans chaque segment (chien, coq, chat, serpent, tortue). Chaque rapport à la nature, à un animal, à un objet, à un être aimé, débouchant sur une leçon, « Printemps, été... » représente parfaitement le cycle de la vie et son éternel recommencement.
Cependant, si l'essentiel de « Printemps, été... » se joue sur la symbolique, c'est aussi ce qui le détruit à petit feu. L'avant-dernier segment, « Hiver », est à ce titre un peu ennuyeux, et le film en finit même par devenir longuet (un sentiment déjà ressenti avec « Samaria », du même cinéaste), alors qu'il ne fait qu'une heure et trente-huit minutes.
Le message empreint de spiritualité prend parfois clairement le pas sur les réalités. Cela aboutit à des scènes improbables. Beaucoup sont acceptées, car lyriques à souhait, d'autres jurent avec le reste du film. Ainsi, quand bien même on peut se dire que la culture coréenne diffère de la nôtre, on peine à se satisfaire d'une séquence faisant intervenir deux lieutenants de police (décidément, les rapports entre cinéma coréen et police ne finira pas d'étonner), étonnamment bienveillants et participant à la rédemption d'un personnage. Mais de manière générale, toute la mise en scène est parfaite, avec une pointe d'humour unique (dans tous les sens du terme, le reste du film optant pour un ton grave permanent) : de la peinture avec une queue du chat (dont on remarquera la performance d'acteur : un modèle de zenitude le sieur à moustaches !).
Kim Ki-Duk s'est même permis un petit plaisir, en prenant lui-même le rôle du moine à l'âge adulte lors du segment « Hiver ». Ce plaisir n'en sera cependant pas forcément un pour le spectateur, car il se fait au détriment du réalisme : on peine à reconnaître, une vingtaine d'années plus tard, le moine laissé dans le segment « Automne ». Cela est on ne peut plus normal : Kim Ki-Duk est très loin de ressembler à l'acteur choisi pour le segment de la saison de la chute des feuilles, si bien que la différente saute aux yeux lors du changement de saisons. Alors qu'on a la tête pleine des réflexions induites par le film, et les yeux écarquillés devant la beauté des décors, ce détail technique nous sort brutalement de notre voyage. Quel dommage.
L'édition DVD vous fera profiter d'un très bon making-of de vingt minutes, de la fin coréenne (plus explicite sur le rapport à la violence que la fin occidentale, et sur l'éternel recommencement qui en découle), d'une bande-annonce, et d'une conférence de presse hélas assez dispensable vu que l'on n'y apprend que trop peu de choses. Notez que la VF est absente, le film étant proposé uniquement en coréen. La traduction des dialogues, très peu nombreux, est parfaite. On remercie très chaleureusement le distributeur pour avoir conservé le titre original à rallonge : tout autre titre aurait été inadéquat.
Les accents métaphysiques et spirituels de « Printemps, été, automne, hiver... et printemps » sont ce qui fait sa force et sa faiblesse. On appréciera davantage ces aspects, une constante dans les films de Kim Ki-Duk, dans l'extraordinaire « Locataires », plus équilibré. « Printemps, été... » est en effet un peu trop inégal. Esthétiquement superbe, musicalement fabuleux, c'est son propos finalement qui manque, certainement pas de profondeur, mais de portée. On serait curieux de connaître l'avis de Terrence Malick sur ce « Printemps, été... », le cinéaste américain étant un adepte des films où symbolique, métaphysique, spiritualité se mêlent et s'entremêlent, comme chez Kim Ki-Duk.
De Michiru [2072 Pts], le 13 Septembre 2012 à 09h19
Ca à l'air sympa :)
De Koiwai [12807 Pts], le 12 Septembre 2012 à 18h59
Film vu il y a longtemps, j'en garde un excellent souvenir :-)
De Cassandra13 [1561 Pts], le 12 Septembre 2012 à 17h06
Je pense me laisser tenter apparemment il n'y en a que de bonnes critiques =)
De Ryokun [87 Pts], le 12 Septembre 2012 à 13h51
J'ai vu ce film, il y a peu, je m'attendais vraiment à m'ennuyer sévère et pourtant c'est tout l'inverse qui s'est produit, la beauté des décors évoluant au fil des saisons accompagnés par une jolie partition musicale, des acteurs convainquants, des personnages attachants, tout est réuni. Un film qui décrit toutes les phases d'une vie humaine, d'une enfance ignorante et cruelle, en passant par la fougue passionnée et aveugle de l'amour, à la sagesse de l'homme expérimenté. Pour Kim-Ki-Duk, l'homme ne peut arriver à la sagesse qu'en apprenant de ses erreurs et ce cycle humain se répète sans fin. Un très beau film que je conseille vivement.
De Kimi [3391 Pts], le 12 Septembre 2012 à 13h41
J'allais justement le dire. ^__^ Une très bonne chronique de ta part Rogue!
De shinob [127 Pts], le 12 Septembre 2012 à 13h30
Cette semaine, Kim Ki-Duk est à l'honneur sur Manga-news! Une autre chronique d'un film de ce cinéaste sera mise en ligne vendredi !