Chronique - La Rage du Tigre- Actus manga
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Ciné-Asie Chronique - La Rage du Tigre

Vendredi, 27 Janvier 2012 à 09h52

Pour terminer cette semaine, quoi de mieux qu'une savoureuse chronique rédigée par Rogue Aerith, notre spécialiste en cinéma asiatique? Aujourd'hui, place à La Rage du tigre de Chang Cheh!


 
 

Dans une Chine déchirée par les guerres de clans, un jeune sabreur, Lei Li (David Chiang) a la réputation d'un justicier en défendant les faibles. Voyant en lui un rival possible, Maître Long (Ku Feng) vole le trésor du clan du Tigre et lance une rumeur accusant Lei Li. Attaqué par le Tigre et ses hommes, Lei Li parvient à s'en sortir. Mais Maître Long organise un duel sur lequel il parie l'innocence de Lei Li, sachant que le perdant aura le bras droit tranché. Malheureusement, alors que Maître Long est considéré comme un homme sage, sa malhonnêteté fausse le combat...

La rage du tigre sort en 1971 à Hong Kong. A l'origine, il s'agit du troisième film d'un triptyque, entamé avec Un seul bras les tua tous (1967) puis Le Bras de la Vengeance (1968). Suite à un désaccord financier avec la société de production, Yu Wang, qui jouait dans ces deux films, a cédé sa place à David Chiang pour le rôle du sabreur manchot. Un film taïwanais, The One Armed Swordsmen, a organisé de façon incongrue et officieuse la réunion des deux interprètes. Un cross-over paraît en 1971 et met en scène le sabreur manchot et Zatoïchi, le célèbre personnage de masseur aveugle japonais, dans Zatoïchi contre le sabreur manchot. Le film Frères d'armes (dans lequel joue d'ailleurs David Chiang), et surtout The Blade de Tsui Hark peuvent être cités comme des films très proches du triptyque, The Blade ne cachant pas ses allures de remake du premier film de 1967. Il a fallu attendre 2005 pour que la Rage du tigre paraisse en France, et a été présenté en 2004 à Cannes dans la sélection des « Classiques ». Ce film est présenté sous différentes facettes : comme le film d'arts martiaux qui a le plus marqué Quentin Tarantino (ce n'est pas forcément faux mais c'est quelque chose que l'on voit de plus en plus sur les jaquettes à titre de promotion...) ou comme un immanquable de la société de production Shaw Brothers qui a fait les beaux jours du cinéma hong kongais des années 1960 à 1980. Au même titre que la 36ème chambre de Shaolin, une autre grosse réussite de la compagnie Shaw, il est vrai que la Rage du tigre ne laisse pas indifférent.

Le plus bel atout de ce tigre enragé, c'est évidemment ses combats. On aurait envie de dire qu'on a devant nous une chorégraphie faite à la main, tant les années qui ont suivi ont vu l'émergence des effets spéciaux, des cordages et du montage trompe l'oeil. Ici, pas de chipotages, la fluidité est de mise et si défauts il y a, ils apparaissent au grand jour. Pas d'inquiétudes car tout paraît très réaliste, et beaucoup seront pris par la nostalgie des vieux films d'arts martiaux. Ou presque... Car qui dit film d'arts martiaux de la Shaw Brothers dit aussi que vous savez à quoi vous attendre. Si vous avez déjà regardé des vidéos dites « parodiques » de vieux films d'arts martiaux sur le net, les fameux extraits avec des doublages affolants dans leur absence d'implication, un manque flagrant de moyens et la mauvaise volonté dans la traduction, vous avez sans doute déjà vus des images de la Rage du tigre. Le montage volontairement chaotique (les chutes sont cultes !), des jeux de caméras suintant l'amateurisme (zoom... dézoomage... zoom... dézoomage), une musique emphatique ridicule, un jeu d'acteurs dont ne sait quoi penser (est-ce le poids de ma culture occidentale, car je ne sais comment appréhender le pathos ici, si je dois rire ou être ému), des bruitages douteux et une violence premier degré radicale ne sauraient pour autant pas vous décourager, car ils font partie du genre. Les qualités sont en parallèle nombreuses. Outre les combats, que l'on a déjà évoqués, on citera les décors superbes, un rythme efficace et un sens de l'esthétique certain (une scène sous la pluie en charmante compagnie, sublime). Surtout, on se doit de souligner ce récit intéressant, cette quête de vengeance pas si classique, où les conflits intérieurs, la souffrance psychologique revêtent beaucoup d'importance. La relation entre le sabreur manchot et un bretteur du même âge est de même assez déstabilisante, l'évocation de l'homosexualité à travers un amour platonique étant à peine voilée malgré l'amour du sabreur manchot pour la fille de l'aubergiste. Enfin, la Rage du tigre est clairement réservé à un public averti, tant la violence y est extrême.

Le Kill Bill 1 de Tarantino est certainement inspiré de la Rage du tigre, parce que ce dernier est très justement la base du wu xia pan : mise en scène élaborée derrière des aspects faussement simplistes, environnements tantôt gigantesques tantôt clos, cadrages très spéciaux, quête vengeresse, combats volontairement exagérés opposant le héros à des dizaines de guerriers arrivant par meutes, mutilations et giclées de sang nombreuses, et donc grosse violence visuelle. Seul Tsui Hark saura transcender le genre wu xia pan en dynamisant et transformant tous ses éléments dans les années 1990. Sinon, en la matière, sachez que la Rage du tigre conserve sa valeur historique unique. On aime, on n'aime pas, impossible de rester de marbre en tous les cas.

Les quelques lignes sur l'édition DVD s'imposent ici car elle est excellente. Tout d'abord, la jaquette est très belle avec son teint bleuté, et surtout représentative du film ! Ce n'est pas se contenter de peu car la plupart des films asiatiques sortant en France n'ont pas droit à autant de faveurs, avec des jaquettes tantôt racoleuses, tantôt complètement à côté de la plaque. On a droit à un premier Dvd avec le film et des bandes-annonces et un second comprenant énormément de bonus. Tous ces bonus permettent à la fois d'appréhender la réalisation du film et l'ensemble du genre wu xia pan. Vous désirez une petite encyclopédie du wu xia à moindre frais ? Ce second Dvd est pour vous ! Interviews nombreuses, aperçu de la réception critique et historique du genre dans l'Hexagone des années 1970 à nos jours, et pas moins de 20 bandes-annonces de films d'arts martiaux histoire de vous donner quelques idées. Un documentaire américain très long (50 minutes environ) permet de voir de nombreux extraits de films du genre principalement issus des années 1970 complète la donne. Bref, cette édition nous gâte et permet vraiment d'entrevoir toute la richesse du film et du genre dont il est l'un des meilleurs ambassadeurs.

Donnons, avant de conclure, une précision importante... Une précision, ou plutôt un ordre : REGARDEZ LE FILM EN VERSION ORIGINALE SOUS-TITREE !!!

Avec son image sublime (encore une fois, quels décors !), son histoire riche et ses réflexions sur la souffrance, la Rage du tigre n'a pas vieilli. On peut y voir, et ce n'est pas rien, l'un des premiers films à explorer avec autant de minutie le thème de la vengeance. Les défauts sont ceux d'une manière de filmer et d'une époque. Le film de Chang Cheh n'a rien du cinéma Z. Il est porteur du charme désuet des vieux films d'arts martiaux et représentant très digne du genre wu xia pan.

commentaires

goldtime9

De goldtime9 [1426 Pts], le 09 Mars 2012 à 17h04

bonne chronique sympa .

Kimi

De Kimi [3392 Pts], le 30 Janvier 2012 à 11h01

Très bonne chronique de ta part Rogue, je garde toujours la trilogie du sabreur manchot sous le coude... ^^
Koiwai

De Koiwai [12685 Pts], le 27 Janvier 2012 à 15h17

Belle chronique. La trilogie du sabreur manchot reste une vraie référence dans le genre, j'en garde un très bon souvenir. Surtout de la Rage du tigre, qui est tout de même un cran au-dessus des deux autres, à mes yeux.

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