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Manga Conférence de Motorô Mase

Jeudi, 07 Avril 2011 à 09h15

Comme vous le savez, le Salon du livre de Paris accueillait cette année Motorô Mase, auteur du populaire Ikigami, pour une série d'apparitions en public, dont une conférence qui lui était entièrement dédiée, présentée sous forme de questions-réponses, et dont nous vous proposons aujourd'hui le compte-rendu.

Après une présentation de l'histoire d'Ikigami et de sa bande-annonce, puis du parcours de l'auteur qui le destinait d'abord au cinéma, le jeu des questions-réponses débuta, pour s'achever une quarantaine de minutes plus tard.


 
 
Pourquoi ne pas avoir suivi cette voie dans le cinéma qui s'offrait à vous ?
Motorô Mase: Depuis toujours, j'adorais le cinéma, et c'est pour cela que je suis allé dans une école spécialisée là-dedans. Mais faire un film est quelque chose de très différent du manga. Il faut savoir écrire un scénario, mais également savoir gérer une équipe très nombreuse. De plus, le budget d'un film n'a rien à voir avec celui d'un manga. C'est pour cela que j'ai finalement choisi de m'exprimer à travers le manga, puisque je savais déjà dessiner. Il me semblait que le manga me convenait mieux.


Devenir mangaka, est-ce que cela vous travaillait déjà avant de vous lancer dans les études sur le cinéma ?
Je n'imaginais pas que je deviendrais auteur de manga à cette époque, mais j'étais doué pour le dessin depuis tout petit, et mes copains me disaient que ce serait bien que je devienne mangaka un jour.


Quand vous étiez plus jeune, y a-t-il des mangas que vous lisiez ? Des auteurs que vous appréciiez particulièrement ?
Je ne lisais pas beaucoup de mangas lorsque j'étais petit, mais je me souviens avoir lu Akira de Katsuhiro Ototomo quand j'étais à l'école primaire, et j'ai été très surpris par la puissance des dessins de cet auteur.




Comment avez-vous eu l'idée de l'histoire d'Ikigami ?
Quand ont eu lieu les attentats du 11 septembre, je regardais les images chez moi sur la télévision en direct. J'ai éprouvé un certain malaise quand j'ai constaté que ces images n'étaient qu'un flot d'informations ne dégageant que peu d'émotion. C'est ce qui m'a donné envie de faire une œuvre traitant de la vie et de la mort avec émotion.


Pouvez-vous expliquer la signification du titre Ikigami ?
"Gami" signifie en japonais "papier" ou "carte", et "iki" est un mot voulant dire "mourir", mais aussi "vivre". Il s'agit donc d'un mot à double-sens. Également, il y avait pendant la deuxième Guerre Mondiale une carte que l'on nommait "akagami", ce qui veut dire "papier rouge", et qui était l'ordre d'appel militaire. C'est un élément historique qui m'a aussi inspiré.


Ikigami est prépublié au Japon dans le magazine Big Comic Spirits, où l'on a pu voir des mangas comme Rainbow, 20th Century Boys, Ushijima et Homunculus. Pouvez-vous expliquer ce que représente ce magazine pour vous ?
C'est un magazine qui existe depuis longtemps, l'une des revues-phares du seinen, et c'est pour ça que je suis très fier d'y voir mon œuvre publiée.




Dans votre manga, l'ikigami peut tomber sur n'importe quelle personne de la population japonaise. Comment, à chaque fois, choisissez-vous le profil de la victime ?
Les cas sont très différents, et en tant qu'auteur, je cherche toujours à créer des épisodes excitants. C'est pour cela que je choisis souvent des personnages qui n'ont par forcément réussi à faire ce qu'ils voulaient de leur vie et qui ont beaucoup de regrets.


Parlons du héros du manga, le fonctionnaire Fujimoto. Est-ce que les fonctionnaires japonais lui ressemblent ?
A mon avis, tout dépend des personnes elles-mêmes, et les différents profils sont sûrement les mêmes en France. L'avantage des fonctionnaires est d'avoir un revenu et un emploi stables, et c'est donc probablement l'un des métiers les plus stables quand on a une famille à nourrir. Mais dans Ikigami, Fujimoto est un fonctionnaire qui a beaucoup de doutes et qui réfléchit  beaucoup sur lui-même parce qu'il est célibataire.


Justement, allez-vous développer de plus en plus les doutes de Fujimoto vis-à-vis de l'ikigami, ou comptez-vous rester sur cette succession de portraits de victimes ?
Je vais évidemment continuer les portraits de jeunes recevant l'ikigami, mais je vais aussi poursuivre le travail sur l'évolution psychologique de Fujimoto. Peut-être que ses doutes vont continuer et s'amplifier au point de l'amener à se révolter... Qui sait ? Étant donné que je suis en train d'écrire la suite, je ne peux pas vous en révéler davantage.


Vous disiez avoir créé Ikigami pour faire prendre conscience aux gens de la valeur de la vie. Vous-même, avez-vous connu une expérience vous ayant enseigné cette valeur ?
Pas vraiment. Mais comme vous le savez, le Japon doit faire face en ce moment à une grande catastrophe (note: Motorô Mase parle ici évidemment du séisme et du tsunami du 11 mars 2011), et c'est ce genre d'expérience qui m'amène à réfléchir sur la vie et la mort. Par rapport aux attentats du 11 septembre que je regardais en ayant l'impression qu'ils ne me concernaient pas, ce drame-là me concerne directement et me trouble beaucoup.


Y-a-t-il des auteurs de science-fiction et de thrillers qui vous ont marqué ?
En ce qui concerne la science-fiction, j'aime beaucoup les films de Ridley Scott. Du côté des écrivains, il y a un romancier japonais surréaliste du nom de Koko Abe, dont la manière de raconter des histoires absurdes et étranges m'a influencé.


Vous parliez des attentats du 11 septembre comme une influence. Êtes-vous un accro à l'information ? Celle-ci vous influence-t-elle ?
Cela dépend des informations. Et quand il y en a trop, je me sens un peu noyé, cela me panique et j'essaie d'y dégager l'essentiel.


Ikigami connaît un grand succès public et critique, notamment en France. Comment vivez-vous ce phénomène ?
C'est un grand honneur. Je n'aurais jamais imaginé que mes œuvres connaîtraient le succès à l'étranger. Mais quand j'ai commencé dans le manga, j'étais encore dans une école de cinéma à Londres. Je voyais donc déjà que certaines œuvres japonaises avaient du succès à l'étranger, et ça me faisait plaisir.


Aujourd'hui, pensez-vous que le fait de savoir que vos œuvres peuvent avoir du succès à l'étranger vous influence dans votre façon de travailler ?
Jusqu'à présent, non, je pensais avant tout au public japonais, mais à présent, je pense prendre conscience du public étranger.


Ikigami a également été adapté en film. Vous qui êtes proche du milieu du cinéma, qu'avez-vous ressenti quand on vous a proposé d'adapter votre manga en film ? Du plaisir ? De la peur ?
Quand on m'en a parlé, ça m'a évidemment fait très plaisir, et j'ai participé à l'écriture du scénario donc je pouvais me faire une idée du résultat final. Je dois avouer qu'au début j'étais un peu inquiet, puis j'ai rencontré à plusieurs reprises le réalisateur, ce qui a largement atténué mes craintes.




Quel a été votre rôle dans l'écriture du scénario de ce film ?
J'ai donné beaucoup de conseils en ce qui concerne le choix des épisodes à adapter. Dans mon manga, il y a deux épisodes par volume, et le film dure 2 heures pour trois épisodes, et j'ai surtout donné mon avis sur ce qu'il fallait garder et enlever.


Concernant le choix des acteurs, avez-vous eu votre mot à dire ?
J'ai préféré ne pas me mêler de ça, car sinon la production aurait été très compliquée.


A présent, quand vous dessinez votre manga, avez-vous en tête le jeu des acteurs, notamment pour Fujimoto ?
Non. A vrai dire, le style de Fujimoto était bien défini avant de commencer le manga.


Il y a quelques mois, vous déclariez ne plus avoir d'assistants. Est-ce encore le cas aujourd'hui ?
Oui, c'est toujours le cas.


Pourquoi ce choix ? Le magazine de prépublication d'Ikigami étant hebdomadaire, n'est-ce pas trop difficile d'assumer seul toutes les fonctions ?
Le magazine est hebdomadaire, mais je ne publie pas dans chaque numéro. Je publie un épisode tous les quatre mois ce qui donne donc trois épisodes par an. J'ai donc suffisamment de temps pour tout travailler seul. Personnellement, j'ai beaucoup de mal à garder des assistants, ce qui me prend beaucoup de temps, et comme je préfère me concentrer sur la création proprement dite, je préfère travailler seul.




Pouvez-vous nous décrire une journée-type de travail ?
Je ne travaille pas le dimanche. Le reste de la semaine, je me lève vers 14h et je travaille jusqu'à 5h du matin, le tout étant ponctué des pauses-repas. Et quand j'ia fini mon travail quotidien avant l'heure, je passe mon temps à boire dans un bar (rires).


Êtes-vous le seul à cibler les scénario de votre manga, ou en discutez-vous avec d'autres personnes ?
Au tout début du manga, comme le concept n'était pas encore totalement défini, j'ai beaucoup discuté avec mon éditeur, puis j'ai créé le reste seul.


Est-il arrivé que vous modifiiez certains aspects du scénario au moment de dessiner vos planches ?
Les grandes lignes ne changent jamais, mais il m'est déjà arrivé de modifier certaines pages en y constatant des petites contradictions.


Sur demande de l'animateur de la conférence, Motorô Mase a ensuite émis un petit commentaire de deux minutes sur l'une des planches de son manga, commentaire dont nous vous proposons ci-dessous la vidéo.


Avez-vous déjà en tête la fin d'Ikigami ?
Oui, la fin est déjà décidée depuis quelques mois. Le nombre d'albums pour y arriver n'est pas défini, mais au niveau de l'histoire, Ikigami commence à s'approcher de la fin.
   
 


commentaires

jojo81

De jojo81 [7209 Pts], le 07 Avril 2011 à 14h09

La conférence est intéressente, notamment concernant les techniques de travail de Mase et la fin d'Ikigami.

Kimi

De Kimi [3394 Pts], le 07 Avril 2011 à 13h48

Une série en 10 volumes peut-être? ^^

Sheejhaumn

De Sheejhaumn [2046 Pts], le 07 Avril 2011 à 11h13

Merci pour cette interview. Et l'auteur confirme bien que le manga se rapproche de la conclusion, comme je l'espérais^^.

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