WATANABE Shinichiro - Actualité manga

WATANABE Shinichiro 渡辺 信一郎

Interview de l'auteur

Voici une interview de Shinichiro Watanabe, célèbre réalisateur et scénariste japonais, considéré comme le père de Cowboy Bebop.


    


Manga-news: Comment êtes-vous devenu réalisateur ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
Shinichiro Watanabe: On m'a posé cette question plus d'une centaine de fois (rires). Du temps où j'étais lycéen, je voulais réaliser des films, mais je ne savais pas comment faire. Bien entendu, à l'époque il y avait déjà deux sortes de films: des films d'animation et des films live (avec de vrais acteurs et actrices), et à mon avis, les films d'animation étaient plus intéressants que les films live japonais. J'ai donc abandonné l'idée d'entrer dans un studio de cinéma pour me tourner vers l'animation. Je suis alors rentré chez le studio Sunrise.
  
  
Depuis sa diffusion il y a une dizaine d'années, Cowboy Bebop s'est taillé une réputation internationale. Comment vous est venue l'idée de la série ? Qu'est-ce qui vous a inspiré ?
On me le demande souvent et c'est assez difficile de répondre (rires). Un jour, je me suis levé en ayant fait le rêve de l'histoire, et je me suis mis à l'écrire. A l'époque où j'ai commencé à construire l'histoire de Cowboy Bebop, je ne pensais qu'à ça, je me levais et me couchais en imaginant le développement de l'histoire. Et pour vous dire la vérité, il m'est arrivé plusieurs fois, en écrivant l'histoire de Cowboy Bebop pendant des heures, de m'endormir sur mon bureau et de rêver de nouvelles scènes, que j'écrivais ensuite en me réveillant. Quant à l'inspiration, elle m'est sans doute venue de nombreux vieux films que j'avais vus jusque là. Vers mes 18 ans, je voyais environ 500 films par an, et beaucoup sont maintenant considérés comme des classiques. A force de voir tous ces films, de nombreuses choses me sont restées en tête et m'ont inspiré. Les influences sont multiples, qu'il s'agisse de films américains, européens ou japonais.
     

 
          
Avez-vous eu un contrôle total sur le scénario de Samourai Champloo et de Cowboy Bebop lors de leur développement ? Des détails ont-ils été modifiés par d'autres personnes ?
En ce qui concerne la manière d'écrire l'histoire, j'écris d'abord les grandes lignes. Après cela, je discute avec les scénaristes, et c'est en conversant que l'on continue d'écrire l'histoire de manière plus détaillée. A partir de là, il y a de nombreuses discussions, et c'est toujours moi qui dit ce qu'il faut inclure ou changer. Il y avait au moins cinq versions différentes pour chaque épisode avant d'arriver à la version finale, que je vérifiais; S'il n'y avait aucun problème, je mettais un « ok » final, et s'il y avait encore un petit problème, je réécrivais par dessus. Cependant, il y a tout de même, bien sûr, un planning assez strict dont il fallait toujours tenir compte et qu'il fallait toujours tenir à jour. Il y a des réalisateurs d'animes qui laissent la main libre aux scénaristes. En ce qui me concerne, j'ai le dernier mot avant de commencer la mise en images. Mais il y a quand même eu des petits différends avec les scénaristes par moments.
          
          
Vous apportez un soin tout particulier aux bandes-son de vos œuvres, notamment lorsqu'elles sont en décalage avec le thème de la série, à l'instar de Samourai Champloo, qui comporte une BO hip hop alors qu'il s'agit d'une série de samourais. Quelle importance tient la musique dans vos œuvres ?
Quand je suis devenu réalisateur d'animes, il y a une chose à laquelle j'ai pensé: il y a de très bons réalisateurs d'animes au Japon et je ne suis pas capable de les battre sur leur terrain. Donc je pense que mon point fort, que je me devais de développer par rapport aux autres pour me tailler une place, c'est le fait d'accorder une place très importante à la musique, car j'adore la musique. Je pense que j'ai réussi à faire en sorte que la musique apporte quelque chose de différent à mon œuvre.
   

          
              
On en parlait au sujet de la musique: que ce soit dans Cowboy Bebop ou Samourai Champloo, il y a toujours un mélange de genres, voire des anachronismes comme dans Samourai Champloo. Qu'attendez-vous de ce mélange ? Est-ce une tentative de toucher un plus large public ?
Par analogie, vous avez, par exemple, John Lennon et Paul McCartney. John Lennon a fait des chansons d'un certain type, Paul McCartney a fait des chansons d'un autre type, chacun a son propre univers musical, allons-nous dire. Par contre, quand ils ont fait des chansons ensemble, ça a donné un résultat complètement différent, mais il y avait une symbiose, un résultat détonnant. Et donc, de mon côté, en mélangeant plusieurs choses ensemble, j'essaie d'atteindre le même résultat, qui est quelque chose d'unique, différent mais accepté. On va dire que je cherche à faire cette fusion des genres. Bien que je sois directeur, je me prends plutôt pour un chimiste, en mélangeant plusieurs choses pour en sortir un nouvel élément.
          
               
Toujours dans Cowboy Bebop et Samourai Champloo, nous avons parfois des épisodes très décalés par rapport au reste, avec une fin ambiguë, très ouverte. Quel est le but de ce genre d'épisode ?
Dans ma définition de divertissement, je trouve qu'il y a beaucoup de variété. Il y a différentes façons d'apprécier un divertissement: on regarde et l'on rit, ou alors on trouve ça formidable, on est content ou on pleure... Et parfois, on regarde des épisodes en se sentant embarrassé tout en les appréciant. C'est ce que je recherche parfois. Par exemple, il y a des épisodes que l'on va regarder en se demandant « mais qu'est-ce que c'est que ça ? Quel rapport avec le reste ? »... Le spectateur est obligé de réfléchir, et pour moi, cela fait également partie du divertissement. Mais il m'est également arrivé, de temps en temps, de faire des épisodes pour blaguer (rires).
   

          
                     
La diffusion de Samourai Champloo au Japon n'a pas été effectuée dans son intégralité. Pourquoi ?
En effet, seulement 17 épisodes ont été diffusés sur les chaînes générales, et le reste a été diffusé sur une chaîne satellite. Donc beaucoup de fans ont pensé que la série était terminée au bout de 17 épisodes, mais les fanatiques ou les otaku savent qu'il y en a bien eu 26.
                     
           
C'était une question de censure ?
C'est une histoire entre la chaîne de télévision et le sponsor. Je ne pense pas que ce soit à propos du contenu de la série. Egalement, bien que je ne pense pas que ça ait eu une incidence, Samourai Champloo était diffusé assez tard, et il y avait parfois, à cette heure là, des matches de la coupe du monde qui faisaient que la diffusion était annulée.
     
     
Selon vous, qu'ont apporté de nouveau à l'animation japonaise Cowboy Bebop et Samourai Champloo?
C'est profond comme question (rires). Je pense que, sans trop réfléchir à l'histoire de l'anime japonais en général, j'ai simplement fait ce que je voulais faire, et sincèrement, je sais pas quelle a été l'influence de mes deux séries sur le monde de l'anime en général. Mais en effet, j'entends certaines connaissances ou des amis dire « J'ai vu dans telle série un épisode qui ressemblait pas mal à Cowboy Bebop », et c'est la même chose pour Samourai Champloo. Et quand je demande si c'était bien, on me répond souvent que ce n'était pas terrible du tout (rires).
    

       
             
Vous avez également réalisé Cowboy Bebop le film et travaillé sur Animatrix. Selon vous, quelles sont les principales différences entre la réalisation d'une série et celle d'un long métrage ?
Je pense que par rapport à une série télévisée, un long métrage ou un court métrage, au niveau de l'histoire en elle-même, est plus intéressant à faire. Pour une série, c'est complètement différent. Pour une série, je pense que le plus intéressant, ce sont les personnages. Si au départ le personnage n'est pas intéressant, la série ne tiendra pas pendant 26 épisodes. Et personnellement, je préfère me focaliser sur les personnages, pour le rendre plus profond, plus vivant. Dans la vraie vie également, quand on rencontre une personne, si celle-ci est telle qu'on la voit au départ, elle n'est pas très intéressante à suivre car on la connaît tout de suite. Mais quand on rencontre une personne et qu'on reste assez longtemps avec elle, on aperçoit d'autres de ses facettes, on comprend mieux son passé... C'est la même chose pour un personnage de série. Par rapport à d'autres animes, mes personnages sont un peu plus profonds que la normale, du moins c'est comme ça que je les vois.
  

     
  
Manga-news: Merci pour cette interview.
  
  
Interview réalisée par Blacksheep et Koiwai. Remerciements à
Shinichiro Watanabe Emmanuel Bochew et Fabrice Renault pour la
traduction.



Interview n°2 de l'auteur

Publiée le Vendredi, 15 Avril 2016

Il y a quelques mois, l'invité d'honneur de la deuxième édition du salon Rétro Made in Asia n'était autre que le grand Shinichiro Watanabe, à qui l'on doit entre autres Cowboy Bebop, Space Dandy ou Terror in Resonance. Pour l'occasion, Manga-news a fait le déplacement jusqu'à Namur afin d'y rencontrer pour la deuxième fois le maître, qui est revenu avec moult détails sur les oeuvres qu'il a conçues. Etant donné que nous avions déjà pu aborder Cowboy Bebop et Samurai Champloo lors de notre première rencontre avec lui il y a quelques années à Japan Expo, nous avons choisi de nous focaliser ici sur ses autres travaux.



Comment s'est faite votre entrée chez le studio Sunrise au début de votre carrière ?

Shinichiro Watanabe : Wow, vous remontez loin là (rires). Si je me souviens bien, c'était tout bêtement en passant le test d'entrée de l'entreprise, suivi d'un entretien oral. Etant donné qu'à l'époque Sunrise était un studio très connu pour faire des créations originales, c'est pour ça que j'ai postulé dans ce studio, car les projets originaux m'intéressent beaucoup plus que les adaptations.


Quel souvenir gardez-vous de vos premières années dans le studio, avant de passer pour la première fois réalisateur sur les OAV Macross ?

Mon principal souvenir, c'est qu'à peine engagé, ils m'ont donné tellement de travail que je n'ai pas pu rentrer chez moi pendant un mois (rires).

J'ai commencé en tant que manager de production pendant 2-3 ans, puis je suis passé réalisateur d'épisodes. Cette dernière expérience m'a beaucoup appris et m'a permis de mieux cerner ce que je voulais devenir par la suite, à savoir réalisateur. Ce poste est un cran en-dessous de celui du réalisateur, et il s'agit généralement d'épauler ce dernier. Du coup, ça m'a permis de travailler aux côtés de différents réalisateurs et d'observer différentes façons de concevoir la réalisation.


Vous avez ensuite co-réalisé les OAV de Macross+ avec le célèbre Shôji Kawamori. Quel souvenir gardez-vous de cette collaboration ?

Etant donné que Macross est une création de Mr Kawamori, personnellement j'ai simplement dû veiller à bien m'imprégner de l'atmosphère de Macross. C'est plutôt Mr Kawamori qui chapeautait l'essentiel, et je n'étais présent à ses côtés qu'en tant qu'aide.

Je me souviens surtout des longues réunions avec lui ! Généralement une réunion dure environ une heure, mais là ça pouvait facilement durer 5-6 heures car on déviait sur plein de choses. Par exemple, je me rappelle d'un moment où nous en sommes arrivés à nous demander comment les indiens faisaient pour marcher sans laisser de traces, c'était une discussion interminable (rires). On pourrait croire, au premier abord, que ça n'avait aucun rapport avec notre travail, mais finalement ça finissait toujours pas avoir un impact quelconque sur l'oeuvre à un instant donné. Bien sûr les indiens n'apparaissent pas dans l'anime, mais la manière dont on discutait de ce sujet et dont on argumentait nos points de vue a ensuite eu une influence sur la manière dont on voyait l'anime et voulait le concevoir. Car en discutant ainsi, on se retrouve avec énormément d'idées.



Pouvez-vous dire quelques mots sur votre participation en 2007 au film Genius Party, dont vous avez réalisé l'un des courts-métrages ?

Il s'agit du court-métrage « Baby Blue », qui fut pour moi un projet très personnel, car c'était la première fois que j'évoquais dans l'une de mes oeuvres des éléments de mon enfance.

Dans cette réalisation, il y a un jeune garçon qui apparaît. Sachez que ce garçon, en le regardant, c'est en grande partie moi quand j'étais enfant. J'étais ce genre de garçon.


Huit ans après Samurai Champloo, vous êtes revenu au poste de réalisateur de série avec Kids on the Slope en 2012, et contrairement à vos précédentes réalisations qui étaient des créations originales, cette fois il s'agissait de votre premier travail d'adaptation d'un manga. Qu'est-ce qui vous a attiré sur ce projet, vous qui préférez les créations originales ?

En réalité je ne l'ai pas choisi, c'est une offre qui est arrivée devant moi, on m'a présenté le projet d'adaptation. J'ai donc lu le manga original pour me faire un idée de l'oeuvre, et je dois bien vous avouer que j'ai rarement lu un manga se rapprochant autant de ce que je ressens moi-même. Je me suis dit que vu que le manga me ressemble assez, je devrais être capable de l'adapter, et c'est pour ça que j'ai accepté de réalisé l'anime.

Kids on the Slope parle beaucoup de jazz, or j'adore ce genre musical. Je notais quels morceaux étaient évoqués et joués dans le manga et constatais que je les aimais tous énormément, du coup je n'ai pas pu m'empêcher de penser que si un autre réalisateur s'y connaissant moins en jazz s'y collait, ça n'irait pas, donc je me suis dit « autant que je le fasse moi-même ».


On devine que vous avez dû vous appliquer sur l'impact de la musique dans la série, qui est vraiment saisissant, d'autant que l'essentiel est assuré par votre collaboratrice de souvent la grande Yoko Kanno. Avez-vous donné des consignes très strictes à Yoko Kanno, ou lui avez-vous laissé carte blanche ?

Nous avons travaillé tous les deux ensemble sur la musique et c'est toujours ma manière de procéder. Quand on travaille ensemble, on le fait toujours de façon très proche. Cela dit, Yoko Kanno est une artiste qui aime bien n'en faire parfois qu'à sa tête, et il est arrivé qu'elle décide d'inclure des musiques sans que je sois au courant (rires).

En tout cas, nous nous sommes énormément appliqués sur la manière de présenter les musiques de jazz les plus représentatives de l'oeuvre originale, pour les gens qui ne les connaîtraient pas, pour que ces néophytes puissent les apprécier.

Généralement en jazz, il y a d'abord un thème principal très court, autour duquel les musiciens peuvent ensuite s'emballer et enrichir le morceau un peu comme ils veulent selon leur feeling. Cet aspect d'improvisation, de jam, nous tenait à coeur, et nous avons cherché à bien le mettre en images.

Yoko Kanno.

Pour rester sur Yoko Kanno, la légende dit que plusieurs aspects de sa personnalité vous ont inspiré le personnage d'Ed de Cowboy Bebop. Vous confirmez ?

En effet. On a d'abord travaillé ensemble sur Macross+, et quand je suis allé au studio d'enregistrement j'ai été très marqué par son comportement très... disons, original ! Elle se promenait d'abord pieds nus dans le studio, puis allait sous le piano, ou partait se recroqueviller dans un coin comme un chat... j'ai tout de suite trouvé cette musicienne aussi surprenante qu'intéressante, et c'est à partir d'elle que j'ai construit le personnage un brin exubérant d'Ed.

J'en profite pour ajouter que récemment elle est devenue plus humaine (rires).


Y a-t-il d'autres personnalités qui ont influencé des personnages de vos oeuvres ?

Là je n'ai aucun exemple particulier en tête, mais il y a beaucoup de personnages qui sont un peu mon « moi » idéalisé, les personnes que j'aimerais devenir.

Même Space Dandy, c'est un peu moi de manière idéale (rires). En fait je suis très méticuleux, j'accorde beaucoup d'importance aux détails, mais en vrai j'aimerais être comme Dandy, plus cool, sans problème.


Pour revenir encore un peu sur Kids on the Slope, quelle a été l'implication de la mangaka originale Yuki Kodama sur l'anime ?

Au début elle nous a rencontrés et nous a donné beaucoup de petites directives, puis ensuite elle nous a très vite laissé le champ libre.



On vous a également remarqué au poste de directeur musical sur les oeuvres Mind Game, Michiko & Hatchin, et Lupin III – A woman called Fujiko Mine, qui bénéficient toutes les trois d'une forte identité musicale. Pouvez-vous revenir un peu sur votre rôle sur ces séries ?

Au départ, le rôle d'un producteur musical est de voir le projet et de faire une présentation des musiciens qui devraient correspondre le mieux à ce projet.

Normalement on demande à des musiciens qui ont déjà travaillé sur des animes, mais moi je fais en sorte de chercher des musiciens qui sont très bons mais n'ont encore jamais travaillé sur des oeuvres d'animation.

L'autre partie de ce rôle, c'est de faire une liste des morceaux les plus adaptés selon ce que le musicien présente, et déterminer où ils seront placés dans l'anime. C'est évidemment le travail le plus important, car par exemple dans une série, s'il y a une scène triste et qu'on met toujours la même musique ça devient barbant. L'enjeu le plus intéressant est de dégoter les musiques qui resteront identifiables tout de suite par rapport aux scènes les plus importantes et les plus fortes émotionnellement.

J'accorde énormément d'importance à cet aspect. C'est pour ça qu'il y a cette impression d'identité musicale que vous avez évoquée.


Parlons désormais de Space Dandy, nouvelle création originale à l'univers très travaillé et fouillé. Comment vous est venue l'idée de cette oeuvre ?

Jusque là j'avais toujours fait des oeuvres plutôt sérieuses, donc j'avais envie de changer et de m'essayer à quelque chose de plus fou et loufoque.

J'aime beaucoup les comédies comme celles que font les Monty Python, je pense qu'une partie de l'inspiration vient de là. Sinon, il y a aussi les films de science-fiction des années 1950 à 70 qui m'ont beaucoup inspiré, ainsi que Dark Star qui est le tout premier film de John Carpenter. Si vous ne l'avez pas vu, c'est un film qui reste encore assez amateur, mais qui comporte d'excellents éléments de science-fiction pure mélangés à des choses plus comiques. C'est le genre de film qu'on voit en rigolant (rires).



Par rapport à vos précédentes séries, Space Dandy possède un design plus coloré, limite un peu cartoon. Comment avez-vous travaillé cet aspect ?

J'ai voulu faire un rendu le plus voyant et chatoyant possible. Dans mon esprit, les anciens films de science-fiction avaient pour particularité d'être très colorés, alors que les plus récents sont devenus très sérieux et assez sombres et monotones dans les couleurs. C'est pour ça que je voulais revenir à cet aspect coloré qui disparaît de nos jours.

Il y a également les anciens magazines américains de science-fiction, les pulps, avec des couvertures colorées aux monstres fantastiques, des gros robots improbables... Je me suis inspiré de tout ça pour le design des créatures de Space Dandy.


Space Dandy démarre très fort puisque les premiers mots de Dandy dans la série sont « Boobs ! Boobs ! », avant qu'il enchaine notamment sur les postérieurs féminins... sans oublier le restaurant, ou « breastaurant », qu'il fréquente, qui s'appelle « Boobies », et sa sublime serveuse Honey... Pourquoi avoir choisi d'offrir à la série cet humour un peu potache ?

Tout d'abord, le Boobies tire son inspiration du Hooters américain ! C'est très inspirant (rires).

Je voulais surtout faire de Dandy un personnage peu sérieux, qui s'attache à ce genre de choses chez les femmes. Mais si on voit la série jusqu'à la fin, on constate que ça se termine de façon très sérieuse et philosophique, autour des « mystères de l'univers », on va dire. Malgré ce qu'on peut penser au premier abord, les épisodes sont reliés entre eux, il y a une évolution du héros. Sans spoiler, si vous avez compris le gag à la fin de l'épisode de la course spatiale avec le bouddha, vous avez compris beaucoup de choses. Mais bon, même beaucoup de spectateurs japonais n'ont pas compris cette scène (rires). Et en spoilant modérément, disons qu'il y a une légende nippone disant que quelque chose doit arriver sur Terre à la date expliquée.

C'est un peu un style que je voulais achever : commencer par des seins, pour finir sur des choses philosophiques.


Du coup, il doit être très intéressant de revoir toute la série en prenant ça en compte.

Bien sûr, j'ai conçu la série exactement dans cette intention.

Il y a beaucoup d'idées de science-fiction qui sont introduites dans chaque épisode de Space Dandy, et malgré l'aspect qui peut paraître foutraque au premier abord, il y a une explication à tout.



Parlons maintenant de Terror in Resonance. Comment vous est venue l'idée de cette série ?

Je n'avais jamais réalisé de série sur le Japon actuel, à part le court-métrage Baby Blue. Donc j'ai eu envie de faire un thriller dans le Japon d'aujourd'hui, qui plus est sur un thème qui pourrait avoir lieu demain. Un thriller de l'ordre du possible, en somme.

Je pense que c'est une oeuvre où l'on voit beaucoup le Japon quand il réfléchit sur lui-même.


Cette série reflèterait donc un peu votre propre vision du Japon actuel ?

Oui, c'est ma réflexion sur ce qu'est le pays actuellement.


L'identité musicale de la série est très différente de vos précédents travaux...

En collaborant avec Yoko Kanno, chaque série a une personnalité différente, on travaille énormément l'aspect musical, mais le point commun réside généralement dans l'aspect entraînant des mélodies. Pour Terror in Resonance qui est un thriller réaliste, on a voulu une ambiance musicale plus froide, qui donne des frissons.

On accorde beaucoup d'importance au feeling de la musique. Dans Terror in Resonance, vu le thème de l'histoire on a l'impression qu'elle est plus en retrait, mais en réalité elle est tout aussi importante que le reste.

Je pense qu'en mettant simplement la bande originale dans votre chambre, la température de la pièce va baisser de quelques degrés (rires).



Il y a visiblement une forte influence de la musique islandaise...

L'enregistrement a même été fait en Islande. Il faisait très très froid (rires).


Vous avez des préférences en musique islandaise ?

J'aime beaucoup Sigur Rós. Dès le premier épisode de la série, on voit apparaître le nom « Von » peint sur le sol. Même si on découvre à la fin qu'il y a un sens précis à ce mot dans la série, à la base c'est le titre du premier album de Sigur Rós.


Un grand merci à Shinichiro Watanabe, à son interprète Fabrice Renault, et à l'équipe de Rétro Made in Asia !

Mise en ligne le 15/04/2016.