Prophecy - Actualité manga

Prophecy : Critiques

Yokokuhan

Critique de la série manga

Publiée le Vendredi, 05 Février 2016

Tetsuya Tsutsui ! Ce nom suffit à faire naître un sourire chez tous les amateurs de seinen, voir de mangas en général, ou tout simplement les amateurs de bonnes histoires au sens large ! Trois titres courts auront suffit à faire de lui un auteur adulé et respecté par le public Français ! Manhole, Duds Hunt et Reset sont trois réussites qui bien que courts sont des titres indispensables ! Ils ont contribués à faire le succès de Ki-oon, à l’époque jeune éditeur qui s’est désormais imposé grâce notamment à des auteurs emblématiques comme Tsutsui !

C’est donc avec un plaisir sans limite que Ki-oon mais aussi et surtout les lecteurs accueillent le nouveau titre de l’auteur, après pas moins de cinq années d’absences !
Un grand retour avec un titre dans la même veine que les précédents, étrange et dérangeant mais tellement absorbant : Prophecy !

Un criminel connu sous le nom de Paperboy fait parler de lui depuis un moment au Japon : il annonce ses crimes sur internet via des sites tels que Youtube ou d’autres sites de partage du même genre… Tout est annoncé, la victime et ce que Paperboy compte lui faire subir… Contre toute attente, Paperboy devient un phénomène de société en recevant de nombreux commentaires positifs sur ces mêmes sites. Un jeu du chat et de la souris commence alors entre le criminel et la nouvelle unité de police consacrée à la lutte contre la cybercriminalité !

On reconnaît immédiatement la patte de l’auteur qui nous propose une histoire glauque où la frontière entre le bien et le mal est ténue, où il est difficile de savoir qui est à blâmer et qui est à plaindre. Et cela passe bien évidemment par des personnages forts et à la personnalité et au caractère travaillés. Dans un premier temps Paperboy, qui désigne en fait un groupe de quatre individus et non une seule personne, se trouve quelque peu en retrait face à l’inspecteur Yoshino, femme flic au fort caractère, déterminé et implacable, parfois un peu à la limite du cliché, mais suffisamment charismatique pour porter l’enquête à bout de bras.
L’auteur n’oublie pas de rajouter des notes d’humour qui pourraient paraître décalées avec le ton sombre de la série, et si il arrive que justement ces séquences se voulant comiques sont désamorcées par l’ambiance générale, elles apportent un peu de fraîcheur et viennent justement nuancé cette noirceur. Tsutsui reproduit ici un peu l’image des polars noirs où le héros a toujours des phrases chocs ou comiques à sortir au bon moment.
Cet attachement aux personnages vient quelque peu rompre avec le style de l’auteur qu’on lui connaît de ses précédents titres, où justement les personnages passaient au second plan derrière l’intrigue. Ici Tsutsui trouve un juste équilibre entre les personnages et l’intrigue qui les met en scène, il arrive à développer correctement les uns sans que cela soit au détriment de l’autre.

Ce qui porte le titre c’est cette justice perverse qu’applique Paperboy sur ses victimes. Au fil de la série on découvre les motivations des protagonistes (ici on ne parle pas de l’inspecteur Yoshino, qui elle fait son devoir, bien qu’elle en fasse une affaire personnelle). Et c’est là que le talent de Tsutsui s’exprime, il dose savamment ses révélations qui tombent comme des couperets. On finit alors par s’attacher, comprendre les quatre personnes endossant le rôle de Paperboy, qui quelque part deviennent la voix du peuple et rétablissent des injustices, car la société n’en est pas capable. Là repose l’ambiguïté des personnages, car même si on peut comprendre leurs motivations, les méthodes sont extrêmement discutables. Tsutsui pose alors des questions dérangeantes via ce manga (même s’il n’est pas le premier à le faire) : quelles lignes peut on franchir pour faire justice ? Est ce que punir un criminel avec des méthodes de criminel est excusable ?
Ainis l’auteur gomme tout manichéisme dans son titre, les héros sont à la fois victimes et bourreaux, à la fois à plaindre et à blâmer, ils sont à fois du coté du bien et du coté du mal. Tsutsui les présente tels qu’ils sont mais ne juge pas, ils n’apporte pas de réponses sur les valeurs biaisés des actes des protagonistes, il se contente d’exposer les faits et c’est au lecteur de juger.

A coté de cette réflexion sur le bien et le mal que l’auteur nous impose, il critique également violemment internet et les dérives qui en découlent via notamment les sites de partage où l’anonymat autorise tous les excès. Un peu à la manière de Hiroya Oku, l’auteur de Gantz, il dénonce les internautes qui se lâchent et profèrent insultes et commentaires atroces sur les blogs et forums, et autres twitos et boobook pour ne pas les citer. Ces nouvelles technologies ont libérés les gens de nombreuses contraintes mais les ont enfermés dans une solitude de plus en plus sournoise.
Certes la critique est facile, et au final peu original, mais il est toujours bon de voir les choses sous un autre angle que celui partagé par la masse, un peu de subversion ne fait jamais de mal.
Une des limites de cette critique est qu’elle ancre le titre dans une époque, et il est possible que de ce fait le titre vieillisse mal…les nouvelles technologies ne seront, dans quelques années, et en toute logique, plus du tout nouvelles…

L’auteur nous prouve qu’il conserve tout son talent en nous proposant une série intelligente, diablement prenante et palpitante, captivante, au rythme effréné malgré une intrigue parfois difficile à suivre et une inspectrice trop talentueuse et clairvoyante pour être totalement crédible, la série nous tient en haleine de bout en bout.
Avec seulement trois tomes, Tsutsui ne laisse pas le temps à son titre de s’essouffler et ne propose aucun temps mort.
Pour l’anecdote, il introduit un des personnages clés de ses précédentes œuvres…à vous de le découvrir (ce sera facile).

Le trait de l’auteur évolue peu avec les années, il est toujours aussi fin et précis et toujours aussi séduisant.
Comme à son habitude l’éditeur nous propose une édition soignée, rendant hommage au talent de l’auteur.

Prophecy est une œuvre riche et complexe, qui n’est certes pas exemptes de défauts mais qui marque les esprits et qui mérite sa place dans toutes les mangathèques Françaises !


Chroniqueur: Erkael

Note de la rédaction
Note des lecteurs
16/20

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

16.00,16.00,16.00

Les critiques des volumes de la série