Bataille de Sekiheki (la) - Actualité manga

Bataille de Sekiheki (la) : Critiques

Sekiheki Strive

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 08 Juin 2012

An 208 de notre ère. La Chine, encore divisée, est sous le joug des Trois Royaumes, qui se battent pour unifier le pays. D'un côté, la nation de Shu, réputée pour sa justesse et sa vertu, qui cherche à rétablir l'ancienne dynastie Han. De l'autre côté, la puissante nation Wei, menée par Sô Sô, qui cache ses grandes ambitions personnelles derrière sa fidélité à l'Empereur. La troisième nation, quant à elle, ne fait encore qu'éclore : les Wu, regroupement de divers clans unifiés par Sonken père et dont le territoire fut agrandi par son premier fils Sonsaku, sont, depuis la mort de ces deux derniers, dirigés par le jeune Sonken fils, deuxième fils de Sonken père.

La tâche est lourde pour le nouveau chef, qui doit rapidement s'imposer s'il ne veut pas décevoir son peuple mais également ses plus fidèles alliés comme Shûyu, stratège ayant officié pour Sonsaku, mais également Rikuson, dont le clan ne tarde pas à se soulever. Pire encore, le général de Wei, Sô Sô, souhaite continuer son expansion et son unification du pays, et menace alors d'envahir les terres des Wu.
Pourtant, le jeune Sonken, face à ces différentes menaces, ne sait comment réagir, car il souhaite emprunter une autre voie que celle de son père et de son grand frère, qui étendaient le territoire et assuraient leurs bases par la violence et la menace. Ainsi souhaite-t-il rester à l'écoute de tous ses conseillers, qui ne manquent évidemment pas de s'opposer, et préfère-t-il éviter le conflit, alors même que la menace de Sô Sô rôde...

Dans la Bataille de Sekiheki, le mangaka Michitsune Nakajima, jusque là inconnu en France, choisit de nous narrer, à une époque riche en rebondissements et faits de guerre mythiques, la naissance du légendaire souverain Sonken, de ses premiers pas où la confiance envers lui était quasiment inexistante, en passant par la façon dont il a su s'imposer, jusqu'à la bataille qui a concrétisé son rôle de premier plan, bataille qui donne son nom à l'ouvrage. La Bataille de Sekiheki, c'est l'histoire des premiers faits de celui qui deviendra en 229 le premier Empereur de la Dynastie des Wu.

Pour celles et ceux qui sont habitués aux histoires sur les Trois Royaumes, un premier constat s'impose : la japonisation des noms, un peu à la manière de ce qu'a fait un auteur comme Yuji Shiozaki sur Ikkitousen : ainsi, par exemple, notre héros, le légendaire fondateur de l'Empire de la Dynastie des Wu Sun Quan, devient ici Sonken, tout comme son père, originellement nommé Sun Jian. Quant au frère, Sun Ce, il est devenu Sonsaku. Les autres exemples ne manquent pas : le stratège des Wu Zhou Yu est devenu Shûyu, le guerrier vétéran Huang Gai est renommé Kogai, le combattant Taishi Ci est devenu Taishiji, le garde du corps Zhou Tai est appelé Shûtai, et Cao Cao, chef des Wei, est affublé du nom de Sô Sô. De même, la bataille maritime nommée ici de Sekiheki est plus connue sous le nom de bataille de Chi Bi, ou encore bataille de la falaise rouge.
Bien évidemment, toutes ces japonisations sont officielles, n'ont pas été inventées, mais lors des premières pages, les habitués des légendes sur les Trois Royaumes risquent tout de même de se sentir un peu perdus. Et pourtant, très vite, on s'y fait, car le mangaka ne rate jamais une occasion de nous rappeler qui est qui, et surtout, parvient avec une aisance impressionnante à expliciter clairement les différents tenants et aboutissants de son histoire, si bien que son récit devient rapidement très immersif.

Immersif, non pas grâce à l'impact visuel et encore moins à des batailles de folie. Le trait de Michitsune Nakajima n'est pas pour autant à exclure des qualités de l'oeuvre : on a là un coup de crayon très efficace, où les personnages, au design assez simple mais fin et expressif, sont affublés de costumes d'époque réussis et de décors omniprésents et bourrés de détails (notamment, les bâtiments et les bateaux sont très soignés et fidèles à ceux de l'époque). En ce qui concerne l'éventuelle action que l'on aurait pu s'attendre à trouver dans cette bataille de Sekiheki, dites vous simplement qu'elle est totalement absente, car tout, ici, passe avant tout par les dialogues, tant et si bien qu'il vous faudra facilement trois fois plus de temps que sur un manga lambda pour arriver au bout de ce one-shot de 220 pages (personnellement, il m'a fallu deux heures).

Beaucoup de temps, et beaucoup de concentration, car du fait de son format court et de la période courte mais très riche qu'il couvre, le récit nous abreuve d'un flot continu d'informations, et décrocher ne serait-ce qu'un peu risque de vous faire sortir de l'histoire. Cependant, il faudrait le faire exprès pour décrocher, car comme déjà dit, la narration de l'auteur est sans failles, celui-ci parvenant habilement à bien gérer les différents points importants, et à mettre en avant ses différents personnages quand il le faut. Ainsi, Sonken devient sans problème un personnage intéressant de par sa volonté de prendre une voie différente de celle de son frère défunt Sonsaku sans trahir sa mémoire et tout ce qu'il a apporté. Une volonté qui enclenche évidemment des oppositions internes, à commencer par celle du clan du dénommé Rikuson qui va tenter de l'assassiner, mais aussi du stratège Shûyu, qui a du mal à se reconnaître dans la façon de gouverner du nouveau chef et, de ce fait, peine à lui accorder sa confiance.

Dans ce chaos interne, mais aussi externe puisque la menace de Sô Sô est là, ce sera à Sonken lui-même, bien aidé par quelques conseillers, de se remettre en cause, de changer pour trouver la bonne façon de mener les siens. La légende des Trois Royaumes est ici joliment respectée, jusque dans les petits détails, à l'image de l'assez célèbre scène où Sonken pulvérise à l'épée une table afin de montrer à ses conseillers la nouvelle détermination qui l'anime. De manière générale, tout au long du one-shot, l'auteur s'en sort très bien, parvient à expliquer clairement les différentes stratégies politiques et guerrières, sait faire apparaître quand il le faut des personnages célèbres des Trois Royaumes, même brièvement (Shûtai et Taishiji, par exemple), pour faire avancer les choses et conditionner les personnages vers ce qu'ils vont devenir. Ainsi, Sonken n'est pas le seul personnage à être la vedette du récit, et quand arrive enfin à la fin la fameuse bataille de Sekiheki, en plus de bien saisir tout ce qu'elle représente pour Sonken et la consolidation de son pouvoir, on voit d'autres personnages, à commencer par Shûyu et le vétéran Kogai, s'emparer fort logiquement du premier rôle, car c'est à leur tour de montrer qu'ils ont évolué. On se retrouve donc avec une bataille d'excellente facture car on sait tout ce qu'elle représente, mais aussi parce qu'elle exploite habilement des personnages comme Shûyu et Kogai, et, surtout, parce que l'auteur n'y perd rien de son talent pour expliquer les différentes étapes des stratégies employées lors de cette bataille maritime, sans jamais trahir le récit original des Trois Royaumes.

Pour peu que l'on ne soit pas allergique aux pavés de texte et que l'on ait une bonne concentration, la Bataille de Sekiheki est donc une oeuvre étonnamment très maîtrisée, en tous points. L'avant-bataille permet de comprendre les nombreux enjeux pour Sonken, les autres personnages et l'ensemble des Wu, et la bataille elle-même se pare d'explications stratégiques expliquées très clairement et de manière immersive. Alors que raconter un moment historique aussi dense en seulement un volume était plus que risqué, Michitsune Nakajima réalise un véritable petit coup de maître.

Du côté de l'édition, Clair de Lune nous offre un travail satisfaisant, les quatre premières pages en couleur, l'impression et le papier étant de bonne qualité (on sent réellement que l'éditeur a changé d'imprimeur il y a quelque temps). Il convient cependant d'aborder plus en détail la traduction : dans les faits, celle-ci s'avère très bonne, car elle parvient à rendre avec beaucoup de clarté le flot continu d'informations. De ce côté-là, le travail a été fait avec sérieux. Pourtant, on peut trouver à plusieurs reprises des coquilles, dont certaines sont assez grosses : oublis de lettre, fautes de frappe ou de conjugaison, orthographe de lieux qui change (Kayôdô devenant Kayoudô, Chôkô devenant Chôkou une case plus loin), et même un personnage, Rikuson, nommé tantôt au masculin, tantôt au féminin. Rien qui ne nuise à la bonne compréhension de l'ensemble, mais c'est tout de même dommage. Enfin, remercions l'éditeur pour les quelques présentations de personnages entre chaque chapitre. A côté de ça, on peut également regretter la non traduction des deux cartes en début de tome.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs